La Bièvre, affluent de la Seine, a été fortement
canalisée et rectifiée au fil des siècles, puis entièrement
recouverte et transformée en
canalisations pour les eaux usées et pluviales dans sa partie aval
au cours du XXème siècle. Plusieurs opérations de
réouverture sont menées depuis le début des années
2000, dans le secteur du Val-de-Marne principalement. Les fortes contraintes
liées à l'urbanisation, les coûts associés,
et une gouvernance locale complexe et évolutive empêchent
d'envisager à court terme le rétablissement d'une continuité,
et l'atteinte d'une bonne qualité écologique du cours d'eau…
Les
enjeux |
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…
Cependant la succession de projets de ce type, dont le dernier
en date réalisé autour du parc des Coteaux, mené
par le Conseil départemental du Val-de-Marne, et récompensé
par le prix de la fédération des travaux public
au salon des maires, se donnent des ambitions croissantes en termes
de qualité écologique, de restauration d'habitats
pour la biodiversité, et permettent de redonner une place
à la rivière et à la nature en ville. En
effet, les résultats des premiers suivis témoignent
d’une augmentation de la biodiversité faunistique
et floristique terrestre, de la présence d’un herbier
aquatique, d’odonates, de nouvelles espèces d’oiseaux
et de différentes espèces de poissons. Si la qualité
de l’eau de la Bièvre reste encore moyenne, avec
la présence de dépôts vaseux et d’algues
filamenteuses, le peuplement en bonne santé donne de l’espoir
quant au rétablissement des capacités biogènes
de la Bièvre. Les opérations de réouverture
et de renaturation vont se poursuivre sous l’égide
de la métropole du Grand Paris sur 5 prochains secteurs
identifiés. À l'issue de ces nouveaux projets, 4000
ml pourraient être découverts, soit une dizaine de
km concernés.
Le
milieu et les pressions
La
Bièvre est une rivière de 36 kilomètres de
long, qui prend sa source près de Guyancourt dans les Yvelines,
et se jette dans la Seine au niveau du XIIIème arrondissement
de Paris. Son bassin versant de 200 km²
connaît depuis le XIe siècle de très fortes
modifications. De nombreux moulins sont construits sur son cours,
conduisant à la rectification et à la mise en bief
du cours d’eau. L’urbanisation croissante et l’installation
d’activités industrielles et artisanales - boucheries,
tanneries, mégisseries - le long de la Bièvre le
transforment en égout à ciel ouvert. À
partir du XIIIe siècle, la rivière est progressivement
couverte. Dans Paris, les travaux de couverture s’échelonnent,
bief par bief, de 1877 à 1935. La couverture se poursuit
ensuite en amont de Paris. Au début des années 2000,
11 km sont ainsi canalisés sous des dalles, et 5 km ont
disparu sous les remblais et l’urbanisation.
La Bièvre constitue alors un réseau d’eaux
pluviales, et est devenue une alternative au transport des eaux
usées en cas de chômage des égouts, induisant
une dégradation de l’état biologique et physico-chimique
du cours d’eau. La forte densité bâtie autour
de l’emprise historique de la Bièvre, et la présence
d’infrastructures très contraignantes - routes, autoroutes,
réseaux - limitent par ailleurs progressivement la faisabilité
d’une réouverture.
La
Bièvre réouverte dans le Parc de Fresnes, secteur
aval, en 2010
© Communauté d’agglomération
du Val de Bièvre
Les
opportunités d’intervention
Pour
autant, les communes traversées revendiquent la Bièvre
comme un élément identitaire fort, et les habitants
de la métropole dense sont de plus en plus demandeurs de
préserver ou restaurer les espaces naturels. Face à
une mobilisation de riverains à Fresnes pour préserver
le parc des prés - espace de trois hectares encore non
urbanisé - d’un projet de promotion, c’est
d’abord la communauté d’agglomération
du Val de Bièvre qui s’engage dans un chantier pilote
de réouverture du cours d’eau dès 2002.
S’inspirant de cette première expérience,
plusieurs maîtres d’ouvrage explorent les possibilités
de réouverture au gré des opportunités. Le
Conseil départemental du Val de Marne (CD94) explore les
possibilités d’ouverture du cours d’eau, notamment
dans ses parcs, et en bordure de ses routes départementales.
Dans cette perspective, il mène en 2012 une étude
pour hiérarchiser les opportunités en fonction des
contraintes locales. C’est dans ce cadre qu’il conduira
deux opérations de réouverture. En 2017, le Schéma
d’aménagement et de Gestion des eaux, animé,
par le Syndicat mixte du bassin versant de la Bièvre (SMBVB),
portant sur l’ensemble du bassin versant de la Bièvre,
est approuvé, et inscrit cette politique de réouverture
à l’échelle de l’ensemble du segment
aval de la Bièvre, parcourant le territoire d’Antony
à Paris, dans une stratégie d’ensemble coordonnée.
Les travaux et aménagements
Parc
des Prés à Fresnes (2002-2003)
L’ancien
collecteur/dallot, c’est-à-dire le réseau
d’eau pluviale, a été conservé pour
être utilisé en cas de chômage. Un lit à
ciel ouvert de 130 ml a été créé en
partie sur les traces de l’ancien lit pour favoriser le
développement de la vie aquatique. Quelques plantations
d’espèces aquatiques et semi-aquatiques ont été
effectuées.
Parallèlement,
le CD94 a réalisé des travaux sur le réseau
d’assainissement. Plus d’une vingtaine de branchements
directs d’eaux usées sur la Bièvre ont été
supprimés.
L’Haÿ
les Roses (2016)
La
réouverture d'un tronçon de 630 mètres sur
la commune de l’Haÿ-les-Roses a été menée
au niveau de l’avenue Flouquet par le CD94. |
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20
ans après…
Les
riverains se plaignant de l’envasement du site et des
odeurs occasionnées, la Métropole du Grand Paris,
qui exerce la compétence GEMAPI depuis 2018, a lancé
une étude qui porte sur la restauration hydromorphologique
de la Bièvre sur ce secteur, pour retravailler ce projet.
La surlargeur du lit dans le projet initial, réalisé
en dérivation du cours d’eau encore canalisé,
a en effet induit un fonctionnement de plan d’eau plutôt
que de cours d’eau, accentué par l’ombrage
apporté par la végétation du parc. On constate
aujourd’hui un envasement excessif du lit, et une homogénéisation
des milieux. Pour corriger ces dysfonctionnements, un projet
de reprise du gabarit de la Bièvre sur 300 m, et de création
d’annexes hydrauliques, est à l’étude.
Il devra encore convaincre les riverains des nombreux avantages
de cette réouverture pour le parc, qui nécessitera
l'abattage d'un certain nombre d'arbres.
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Zoom
sur… La réouverture de la Bièvre autour
du parc du Coteau à Arcueil-Gentilly (2019-2022) |
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La
Bièvre, recouverte à Arcueil avant travaux ©
CD94

Pendant
les travaux, phase 3 : Enrochements, reconstitution d’un
matelas alluvial, toile coco
en vue des plantations sont nécessaires pour reconstituer
un lit ex nihilo, qui reste fortement
canalisé dans un milieu contraint. ©
CD 94

Tronçon
1 après travaux, juillet 2024 © OFB

Tronçon 2 après travaux, juillet 2024 ©
OFB

Tronçon 3 après travaux, juillet 2024 ©
OFB
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Situation
initiale et genèse du projet
Le
secteur autour du parc du Coteau se caractérise par une
urbanisation dense, la présence d’équipements
importants - parc, gymnase, station d’épuration -,
et la traversée par de grosses infrastructures : route
départementale et pont-autoroute.
La Bièvre, dans son tracé historique, y était
totalement recouverte, encore réduite à un rôle
d’exutoire de certaines canalisations d’assainissement
non conformes, et de débordement des eaux de pluie, alors
que le flux issu de la Bièvre amont transitait par la station
d’épuration, pour contrôler le débit
renvoyé via la Bièvre vers la Seine. L’objectif
pour le Département était d’enrichir le parc
et ses abords d’une diversité d’habitats et
d’espèces, d’améliorer le cadre de vie
des riverains, tout en redonnant une place à la Bièvre
comme marqueur d’identité du territoire.
Gouvernance
À
l’issue des études d’opportunité menées,
le CD94 a identifié ce secteur pour une réouverture
de la Bièvre, en lien avec le parc sur lequel il était
pleinement compétent.
Dès le début des années 2000, en lien avec
ses partenaires, le CD94 a procédé aux acquisitions
foncières nécessaires pour rendre possible le projet,
et organisé la gouvernance complexe de celui-ci, associant
les communes directement concernées et la ville de Paris,
les services de l’État - pour l’autoroute notamment
-, le Syndicat en charge de l’assainissement…
Suite à la prise de la compétence GEMAPI par la
Métropole du Grand Paris, le pilotage de ce projet a été
questionné. Pour gagner du temps sur ce projet déjà
bien avancé, la poursuite du projet a été
laissée au Département par la Métropole,
qui a co-financé le projet et permis de le mener à
bien.
La
période de concertation
Malgré
le précédent plutôt bien perçu du parc
des Prés à Fresnes, certaines réticences
étaient encore fortes face à ce projet de réouverture.
La crainte des moustiques dans un espace si proche des habitations,
la nécessité d’abattre des peupliers, la conciliation
avec la circulation sur la route départementale…
ont notamment été des éléments nécessitant
des échanges soutenus avec les élus, riverains,
associations locales, telles que les Amis de la Bièvre,
et plus spécifiquement avec le commissaire enquêteur,
lors de l’enquête publique menée dans le cadre
de la demande d’autorisation de travaux au préfet.
Outre de nombreux ateliers et réunions publiques, des actions
participatives ont été menées telles que
des cafés citoyens, ou l’opération Mirages
en 2019 par le collectif Ricochets sous les pavés,
qui a permis à 200 participants de contribuer à
des ateliers de création artistiques sur le dalot, à
l’occasion de la prochaine ouverture de la Bièvre
à Arcueil-Gentilly.
Les
travaux
Au-delà
des contraintes liées à l’emprise limitée
dans un environnement urbain habité, le projet, qui prend
place en amont de Paris, est soumis à de fortes contraintes
hydrauliques.
Il s’agissait de conserver les mêmes capacités
hydrauliques dans l’aménagement du lit majeur de
la rivière que dans le tuyau d’assainissement préexistant,
soit un débit courant maximum de 500 l/s, et une capacité
de débordement maximum de 6000 l/s en cas de fortes pluies.
Le maintien d’entonnements et de portions restant canalisées
en amont, en aval, et sur un segment au cœur du secteur réouvert,
rendait cette contrainte d’autant plus impérative.
L’atteinte
d’une qualité écologique de l’eau suffisante
pour accueillir une biodiversité nécessitait par
ailleurs de régler en parallèle un certain nombre
de rejets polluants d’hydrocarbures issus de l’autoroute,
et de rejets d’assainissement privatifs non conformes. Enfin,
le sous-sol est parcouru de nombreux réseaux, dont certains
difficiles ou très couteux à déplacer.
Compte tenu de ces contraintes, le projet a consisté à
:
-
Supprimer le dalot de la canalisation initiale sur deux segments
discontinus d’une longueur totale de 600 ml.
-
Installer une vanne hydraulique à Méricourt
en amont pour réguler les débits et prévenir
les pollutions et inondations vers l’aval (la Seine).
-
Recréer un profil optimal du lit en long et en travers
en l’insérant dans l’espace disponible,
et en maximisant les sinuosités là où
c’était possible.
-
Renaturer les berges par la plantation d’hélophytes.

Plan
de l’ensemble du projet sur 660 ml en 3 secteurs
© CD 94
1 : réouverture en contrebas de la rue Division Leclerc,
renaturation et création d’une promenade
2 : promenade le long de l’av. F-V Raspail
3 : création de sinuosités dans l’emprise
du parc du Coteau

Localisation de l’ensemble des projets de réouverture
réalisés ou à l’étude :
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre
dans le parc de la Bièvre à l’Haÿ-les-Roses
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre
dans le jardin Le Vallon à Cachan
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre
dans le parc Pablo Picasso à Gentilly
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre
dans le parc Kellermann à Paris
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Partie
restaurée du cours d’eau |
La
localisation |
Les
objectifs du maître d’ouvrage |
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Références
au titre des directives européennes


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•
Restaurer des milieux aquatiques en contexte urbain dense ;
• Contribuer à l’atteinte du bon potentiel d’état
écologique à échéance 2027 ;
• Contribuer à la constitution de la trame verte et
bleue sur le territoire ;
• Améliorer le cadre de vie des riverains et créer
des îlots de fraicheur. |
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L’opération |
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ci-dessus
: Étude en cours de la renaturation du ru des Godets dans
sa partie aval, du rétablissement de la confluence avec
la Bièvre, et de la réouverture et renaturation
de la Bièvre au parc Heller,
sur la commune d’Antony |
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Coûts
et financements (En euros HT)
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La
valorisation de l’opération |
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Partenaires
financiers :
•
Travaux
: Agence de l’eau (35%), Métropole du Grand Paris
(30%)
Conseil Départemental (25%), Conseil régional (10%),
Études
et acquisitions prises en charge par le CD 94 |
Les
projets de réouverture de la Bièvre ont fait l’objet
de nombreuses actions de valorisation ou d’accompagnement
du public :
•
Film
Bièvre découverte, production UGOA ;
•
Podcast Un été sur la Bièvre
• France
TV ;
•
Plusieurs
sentiers pédagogiques ou panneaux explicatifs présentent
les travaux réalisés et leurs enjeux au public.
•
De
nombreuses visites ont été réalisées
pour présenter le projet.
•
Le
projet du CD 94 sur le parc du Coteau a obtenu le prix de la fédération
des travaux publics au salon des Maires, et a permis de classer
cette portion de la Bièvre en Espace Naturel Sensible.
•
Les
opérations de sensibilisation du public telles que Les
eaux limpides sur la Bièvre et Classes d’eau
ont été conduites par le SMBVB. |
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Partenaires
techniques du projet :
•
OFB,
Direction régionale de l’environnement et Direction
de Routes de l’État, SMBVB… |
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.Réouverture
de la Bièvre aval en milieu urbain
-.Remise
à ciel ouvert d’un cours d’eau
............
Une augmentation de la biodiversité
faunistique et floristique est constatée dans
le parc des Coteaux suite à la réouverture,
avec notamment une bonne implantation de la végétation
hélophyte, la présence d'herbiers aquatiques,
d'odonates et de nouvelles espèces d'oiseaux.
La pêche électrique réalisée
en 2023 par la fédération de la pêche
a permis de capturer 15 épinoches, 6 goujons
et 2 pseudorasbora - espèce invasive -, tous
exclusivement juvéniles, témoignant
d'une colonisation récente du linéaire
réouvert. Ont également été
recensés par le Département des bouvières
et des chevaines. Les observations mettent cepndant
en évidence des dépôts vaseux
et la présence d'algues filamenteuses, témoignant
d'une qualité encore fragile de l'eau, mais
le peuplement en bonne santé donne des signes
encourageants de la capacité biogène
du cours d'eau découvert. Sur la base des 4
indices biologiques réalisés en 2023,
la station présente un état biologique
médiocre pour tous les compartiments étudiés.
Concernant la physico-chimie, les bilans sur les paramètres
oxygène et nutriments - nitrates, nitrites,
phosphore… - présentent une qualité
dégradée, liée notamment aux
mauvais branchements restants sur la partie canalisée
en amont. Les paramètres d'acidification (pH)
et de température montrent en revanche des
résultats bons à très bons sur
la station.
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