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Réouverture de la Bièvre aval en milieu urbain
........................Remise à ciel ouvert d’un cours d’eau

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Les enjeux
Zoom sur… La réouverture de la Bièvre autour du parc du Coteau à Arcueil-Gentilly (2019-2022)
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La Bièvre, affluent de la Seine, a été fortement canalisée et rectifiée au fil des siècles, puis entièrement recouverte et transformée en
canalisations pour les eaux usées et pluviales dans sa partie aval au cours du XXème siècle. Plusieurs opérations de réouverture sont menées depuis le début des années 2000, dans le secteur du Val-de-Marne principalement. Les fortes contraintes liées à l'urbanisation, les coûts associés, et une gouvernance locale complexe et évolutive empêchent d'envisager à court terme le rétablissement d'une continuité, et l'atteinte d'une bonne qualité écologique du cours d'eau…

Les enjeux  

… Cependant la succession de projets de ce type, dont le dernier en date réalisé autour du parc des Coteaux, mené par le Conseil départemental du Val-de-Marne, et récompensé par le prix de la fédération des travaux public au salon des maires, se donnent des ambitions croissantes en termes de qualité écologique, de restauration d'habitats pour la biodiversité, et permettent de redonner une place à la rivière et à la nature en ville. En effet, les résultats des premiers suivis témoignent d’une augmentation de la biodiversité faunistique et floristique terrestre, de la présence d’un herbier aquatique, d’odonates, de nouvelles espèces d’oiseaux et de différentes espèces de poissons. Si la qualité de l’eau de la Bièvre reste encore moyenne, avec la présence de dépôts vaseux et d’algues filamenteuses, le peuplement en bonne santé donne de l’espoir quant au rétablissement des capacités biogènes de la Bièvre. Les opérations de réouverture et de renaturation vont se poursuivre sous l’égide de la métropole du Grand Paris sur 5 prochains secteurs identifiés. À l'issue de ces nouveaux projets, 4000 ml pourraient être découverts, soit une dizaine de km concernés.

Le milieu et les pressions

La Bièvre est une rivière de 36 kilomètres de long, qui prend sa source près de Guyancourt dans les Yvelines, et se jette dans la Seine au niveau du XIIIème arrondissement de Paris. Son bassin versant de 200 k connaît depuis le XIe siècle de très fortes modifications. De nombreux moulins sont construits sur son cours, conduisant à la rectification et à la mise en bief du cours d’eau. L’urbanisation croissante et l’installation d’activités industrielles et artisanales - boucheries, tanneries, mégisseries - le long de la Bièvre le transforment en égout à ciel ouvert. À partir du XIIIe siècle, la rivière est progressivement couverte. Dans Paris, les travaux de couverture s’échelonnent, bief par bief, de 1877 à 1935. La couverture se poursuit ensuite en amont de Paris. Au début des années 2000, 11 km sont ainsi canalisés sous des dalles, et 5 km ont disparu sous les remblais et l’urbanisation.
La Bièvre constitue alors un réseau d’eaux pluviales, et est devenue une alternative au transport des eaux usées en cas de chômage des égouts, induisant une dégradation de l’état biologique et physico-chimique du cours d’eau. La forte densité bâtie autour de l’emprise historique de la Bièvre, et la présence d’infrastructures très contraignantes - routes, autoroutes, réseaux - limitent par ailleurs progressivement la faisabilité d’une réouverture.

La Bièvre réouverte dans le Parc de Fresnes, secteur aval, en 2010
© Communauté d’agglomération du Val de Bièvre

Les opportunités d’intervention

Pour autant, les communes traversées revendiquent la Bièvre comme un élément identitaire fort, et les habitants de la métropole dense sont de plus en plus demandeurs de préserver ou restaurer les espaces naturels. Face à une mobilisation de riverains à Fresnes pour préserver le parc des prés - espace de trois hectares encore non urbanisé - d’un projet de promotion, c’est d’abord la communauté d’agglomération du Val de Bièvre qui s’engage dans un chantier pilote de réouverture du cours d’eau dès 2002.
S’inspirant de cette première expérience, plusieurs maîtres d’ouvrage explorent les possibilités de réouverture au gré des opportunités. Le Conseil départemental du Val de Marne (CD94) explore les possibilités d’ouverture du cours d’eau, notamment dans ses parcs, et en bordure de ses routes départementales. Dans cette perspective, il mène en 2012 une étude pour hiérarchiser les opportunités en fonction des contraintes locales. C’est dans ce cadre qu’il conduira deux opérations de réouverture. En 2017, le Schéma d’aménagement et de Gestion des eaux, animé, par le Syndicat mixte du bassin versant de la Bièvre (SMBVB), portant sur l’ensemble du bassin versant de la Bièvre, est approuvé, et inscrit cette politique de réouverture à l’échelle de l’ensemble du segment aval de la Bièvre, parcourant le territoire d’Antony à Paris, dans une stratégie d’ensemble coordonnée.

Les travaux et aménagements

Parc des Prés à Fresnes (2002-2003)

L’ancien collecteur/dallot, c’est-à-dire le réseau d’eau pluviale, a été conservé pour être utilisé en cas de chômage. Un lit à ciel ouvert de 130 ml a été créé en partie sur les traces de l’ancien lit pour favoriser le développement de la vie aquatique. Quelques plantations d’espèces aquatiques et semi-aquatiques ont été effectuées.
Parallèlement, le CD94 a réalisé des travaux sur le réseau d’assainissement. Plus d’une vingtaine de branchements directs d’eaux usées sur la Bièvre ont été supprimés.

L’Haÿ les Roses (2016)

La réouverture d'un tronçon de 630 mètres sur la commune de l’Haÿ-les-Roses a été menée au niveau de l’avenue Flouquet par le CD94.


La Bièvre dans le secteur du vieil Arcueil-Tannerie de Gentilly, vers 1885

La Bièvre en juin 2017 à l’Haÿ-les-Roses, un an et demi après les travaux © OFB 2017

 

20 ans après…

Les riverains se plaignant de l’envasement du site et des odeurs occasionnées, la Métropole du Grand Paris, qui exerce la compétence GEMAPI depuis 2018, a lancé une étude qui porte sur la restauration hydromorphologique de la Bièvre sur ce secteur, pour retravailler ce projet. La surlargeur du lit dans le projet initial, réalisé en dérivation du cours d’eau encore canalisé, a en effet induit un fonctionnement de plan d’eau plutôt que de cours d’eau, accentué par l’ombrage apporté par la végétation du parc. On constate aujourd’hui un envasement excessif du lit, et une homogénéisation des milieux. Pour corriger ces dysfonctionnements, un projet de reprise du gabarit de la Bièvre sur 300 m, et de création d’annexes hydrauliques, est à l’étude. Il devra encore convaincre les riverains des nombreux avantages de cette réouverture pour le parc, qui nécessitera l'abattage d'un certain nombre d'arbres.

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Zoom sur… La réouverture de la Bièvre autour du parc du Coteau à Arcueil-Gentilly (2019-2022)

 


La Bièvre, recouverte à Arcueil avant travaux © CD94

Pendant les travaux, phase 3 : Enrochements, reconstitution d’un matelas alluvial, toile coco
en vue des plantations sont nécessaires pour reconstituer un lit ex nihilo, qui reste fortement
canalisé dans un milieu contraint. © CD 94


Tronçon 1 après travaux, juillet 2024 © OFB

Tronçon 2 après travaux, juillet 2024
© OFB

Tronçon 3 après travaux, juillet 2024 © OFB

Situation initiale et genèse du projet

Le secteur autour du parc du Coteau se caractérise par une urbanisation dense, la présence d’équipements importants - parc, gymnase, station d’épuration -, et la traversée par de grosses infrastructures : route départementale et pont-autoroute.
La Bièvre, dans son tracé historique, y était totalement recouverte, encore réduite à un rôle d’exutoire de certaines canalisations d’assainissement non conformes, et de débordement des eaux de pluie, alors que le flux issu de la Bièvre amont transitait par la station d’épuration, pour contrôler le débit renvoyé via la Bièvre vers la Seine. L’objectif pour le Département était d’enrichir le parc et ses abords d’une diversité d’habitats et d’espèces, d’améliorer le cadre de vie des riverains, tout en redonnant une place à la Bièvre comme marqueur d’identité du territoire.

Gouvernance

À l’issue des études d’opportunité menées, le CD94 a identifié ce secteur pour une réouverture de la Bièvre, en lien avec le parc sur lequel il était pleinement compétent.
Dès le début des années 2000, en lien avec ses partenaires, le CD94 a procédé aux acquisitions foncières nécessaires pour rendre possible le projet, et organisé la gouvernance complexe de celui-ci, associant les communes directement concernées et la ville de Paris, les services de l’État - pour l’autoroute notamment -, le Syndicat en charge de l’assainissement…
Suite à la prise de la compétence GEMAPI par la Métropole du Grand Paris, le pilotage de ce projet a été questionné. Pour gagner du temps sur ce projet déjà bien avancé, la poursuite du projet a été laissée au Département par la Métropole, qui a co-financé le projet et permis de le mener à bien.

La période de concertation

Malgré le précédent plutôt bien perçu du parc des Prés à Fresnes, certaines réticences étaient encore fortes face à ce projet de réouverture. La crainte des moustiques dans un espace si proche des habitations, la nécessité d’abattre des peupliers, la conciliation avec la circulation sur la route départementale… ont notamment été des éléments nécessitant des échanges soutenus avec les élus, riverains, associations locales, telles que les Amis de la Bièvre, et plus spécifiquement avec le commissaire enquêteur, lors de l’enquête publique menée dans le cadre de la demande d’autorisation de travaux au préfet.
Outre de nombreux ateliers et réunions publiques, des actions participatives ont été menées telles que des cafés citoyens, ou l’opération Mirages en 2019 par le collectif Ricochets sous les pavés, qui a permis à 200 participants de contribuer à des ateliers de création artistiques sur le dalot, à l’occasion de la prochaine ouverture de la Bièvre à Arcueil-Gentilly.

Les travaux

Au-delà des contraintes liées à l’emprise limitée dans un environnement urbain habité, le projet, qui prend place en amont de Paris, est soumis à de fortes contraintes hydrauliques.
Il s’agissait de conserver les mêmes capacités hydrauliques dans l’aménagement du lit majeur de la rivière que dans le tuyau d’assainissement préexistant, soit un débit courant maximum de 500 l/s, et une capacité de débordement maximum de 6000 l/s en cas de fortes pluies.
Le maintien d’entonnements et de portions restant canalisées en amont, en aval, et sur un segment au cœur du secteur réouvert, rendait cette contrainte d’autant plus impérative.

L’atteinte d’une qualité écologique de l’eau suffisante pour accueillir une biodiversité nécessitait par ailleurs de régler en parallèle un certain nombre de rejets polluants d’hydrocarbures issus de l’autoroute, et de rejets d’assainissement privatifs non conformes. Enfin, le sous-sol est parcouru de nombreux réseaux, dont certains difficiles ou très couteux à déplacer.
Compte tenu de ces contraintes, le projet a consisté à :

  • Supprimer le dalot de la canalisation initiale sur deux segments discontinus d’une longueur totale de 600 ml.
  • Installer une vanne hydraulique à Méricourt en amont pour réguler les débits et prévenir les pollutions et inondations vers l’aval (la Seine).
  • Recréer un profil optimal du lit en long et en travers en l’insérant dans l’espace disponible, et en maximisant les sinuosités là où c’était possible.
  • Renaturer les berges par la plantation d’hélophytes.


Plan de l’ensemble du projet sur 660 ml en 3 secteurs © CD 94
1 : réouverture en contrebas de la rue Division Leclerc, renaturation et création d’une promenade
2 : promenade le long de l’av. F-V Raspail
3 : création de sinuosités dans l’emprise du parc du Coteau


Localisation de l’ensemble des projets de réouverture réalisés ou à l’étude :
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre dans le parc de la Bièvre à l’Haÿ-les-Roses
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre dans le jardin Le Vallon à Cachan
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre dans le parc Pablo Picasso à Gentilly
- Étude de réouverture et renaturation de la Bièvre dans le parc Kellermann à Paris

Partie restaurée du cours d’eau La localisation

Les objectifs du maître d’ouvrage

 

Références au titre des directives européennes


• Restaurer des milieux aquatiques en contexte urbain dense ;
• Contribuer à l’atteinte du bon potentiel d’état écologique à échéance 2027 ;
• Contribuer à la constitution de la trame verte et bleue sur le territoire ;
• Améliorer le cadre de vie des riverains et créer des îlots de fraicheur.
 

L’opération

 

 
ci-dessus : Étude en cours de la renaturation du ru des Godets dans sa partie aval, du rétablissement de la confluence avec la Bièvre, et de la réouverture et renaturation de la Bièvre au parc Heller,
sur la commune d’Antony
 

Coûts et financements (En euros HT)

La valorisation de l’opération  

Partenaires financiers :

Travaux : Agence de l’eau (35%), Métropole du Grand Paris (30%)
Conseil Départemental (25%), Conseil régional (10%),
É
tudes et acquisitions prises en charge par le CD 94

Les projets de réouverture de la Bièvre ont fait l’objet de nombreuses actions de valorisation ou d’accompagnement du public :

Film Bièvre découverte, production UGOA ;
• Podcast Un été sur la BièvreFrance TV ;
Plusieurs sentiers pédagogiques ou panneaux explicatifs présentent les travaux réalisés et leurs enjeux au public.
De nombreuses visites ont été réalisées pour présenter le projet.
Le projet du CD 94 sur le parc du Coteau a obtenu le prix de la fédération des travaux publics au salon des Maires, et a permis de classer cette portion de la Bièvre en Espace Naturel Sensible.
Les opérations de sensibilisation du public telles que Les eaux limpides sur la Bièvre et Classes d’eau ont été conduites par le SMBVB.
 

Partenaires techniques du projet :

OFB, Direction régionale de l’environnement et Direction de Routes de l’État, SMBVB…

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Réouverture de la Bièvre aval en milieu urbain -.Remise à ciel ouvert d’un cours d’eau
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Une augmentation de la biodiversité faunistique et floristique est constatée dans le parc des Coteaux suite à la réouverture, avec notamment une bonne implantation de la végétation hélophyte, la présence d'herbiers aquatiques, d'odonates et de nouvelles espèces d'oiseaux. La pêche électrique réalisée en 2023 par la fédération de la pêche a permis de capturer 15 épinoches, 6 goujons et 2 pseudorasbora - espèce invasive -, tous exclusivement juvéniles, témoignant d'une colonisation récente du linéaire réouvert. Ont également été recensés par le Département des bouvières et des chevaines. Les observations mettent cepndant en évidence des dépôts vaseux et la présence d'algues filamenteuses, témoignant d'une qualité encore fragile de l'eau, mais le peuplement en bonne santé donne des signes encourageants de la capacité biogène du cours d'eau découvert. Sur la base des 4 indices biologiques réalisés en 2023, la station présente un état biologique médiocre pour tous les compartiments étudiés. Concernant la physico-chimie, les bilans sur les paramètres oxygène et nutriments - nitrates, nitrites, phosphore… - présentent une qualité dégradée, liée notamment aux mauvais branchements restants sur la partie canalisée en amont. Les paramètres d'acidification (pH) et de température montrent en revanche des résultats bons à très bons sur la station.

 

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Liens utiles

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Podcast Un été sur la Bièvre (audio, 1 min)
Documentaire FranceTV La Bièvre : la rivière parisienne oubliée (vidéo, 5:09)

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