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Étude La climatisation à Paris
....Volet 1 : Formes, insertions, nuances

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(1) Contexte : Changement climatique et îlot de chaleur urbain
Confort thermique - La climatisation en France

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Face à l’envolée de la vente d’appareils de climatisation en France, l’Apur propose un premier diagnostic de la présence de la climatisation à Paris. Étant donné sa densité bâtie, Paris connaît un îlot de chaleur qui amplifie localement les effets du changement climatique. La climatisation est vue pour beaucoup comme une solution technique face à l’inhabilité croissante des bâtiments à Paris. Ce premier volet de l’étude de l’Apur dresse un panorama de la présence de la climatisation à Paris, il rappelle les différentes technologies employées et recense les modes d’intégration aux bâtiments. Les nuisances associées à la climatisation sont également analysées, en particulier les rejets de chaleur.

Contexte  

À Paris, comme partout en France, la climatisation se développe. Le changement climatique et ses canicules à répétition sont les principaux moteurs de cet attrait récent. Mais Paris reste encore une ville peu climatisée si on la compare à d’autres comme New York, Rio de Janeiro, Séville où chaque rebord de fenêtre accueille une unité de climatisation, et où tout lieu de vie se doit d’être rafraîchi pour être considéré comme habitable.

Alors si la présence des unités extérieures de climatisation n’a pas encore saturé le paysage de la rue parisienne, la climatisation ne cesse de se développer. Pas encore généralisée, pas encore banalisée mais déjà très présente. Le piéton devine sa présence en particulier à proximité des devantures, des rez-de-chaussée commerciaux. Elle est alors souvent intégrée aux enseignes ou, parfois même, greffées aux façades. On constate également la présence de la climatisation grâce aux photos aériennes qui la révèlent sur les grandes toitures-terrasses des bâtiments de bureaux ou d’équipements.

Ce premier volet réalisé par l’Apur propose de documenter les différentes formes prises par la climatisation à Paris. Au-delà des définitions usuelles portant sur les grandes familles technologiques de climatisation, l’étude recense de façon non exhaustive les différents modes d’intégration des climatiseurs aux bâtiments parisiens, et tente d’expliciter les différentes nuisances qui découlent de leurs usages, comme les rejets de chaleur dont certains ont pu être illustrés par des clichés pris en caméra thermique.

© E. Pernoud

Changement climatique et îlot de chaleur urbain

Le changement climatique, que l’on constate à l’échelle mondiale, affecte particulièrement les villes en raison du phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU). En effet les villes, en tant que lieux totalement artificialisés, sont marquées par un micro-climat plus chaud que les zones avoisinantes. Ce micro-climat est notamment dû à la minéralité des espaces urbains, mais aussi à la présence de nombreux rejets de chaleur liés à l’activité humaine parmi lesquels la climatisation.

La manifestation de l’ICU se fait particulièrement sentir la nuit à Paris avec l’augmentation des nuits tropicales constatée (1) depuis la fin du XXe siècle. D’après Météo-France, ces nuits seront au nombre de 40 à la fin du siècle, alors qu’elles étaient 6 à la fin du XXe siècle. Le nombre de nuits tropicales est un bon indicateur pour suivre la dangerosité du changement climatique sur les populations : des nuits trop chaudes compromettent les phases de récupération des habitants durant les vagues de chaleur, ce qui induit des problèmes sanitaires, et peut produire de la surmortalité. Dans de nombreux cas la climatisation apparaît comme une solution permettant d’éviter une trop longue exposition à des températures élevées durant les épisodes caniculaires. (1) Les nuits tropicales sont les nuits durant lesquelles la température ne descend pas en dessous de 20 °C.

Modélisation des températures de l’air au niveau du piéton
Nuit du 25 au 26 juillet 2019 © Météo-France, CNRM, IGN, Apur

 


Diagramme de confort thermique prenant en compte l'hygrométrie - humidité relative - et la température de l'air
Source : R. Fauconnier L’action de l’humidité de l’air sur la santé dans les bâtiments tertiaires
 parut dans le numéro 10/1992 de la revue Chauffage Ventilation Conditionnement / © Apur


Le taux de climatisation selon les zones climatiques

Confort thermique

L’exposition prolongée à la chaleur met en danger la santé des individus. Mais pour être un peu plus précis dans la compréhension des risques posés par les vagues de chaleur, il convient de rappeler quelques notions concernant le confort thermique.
La notion de confort thermique est très discutée du point de vue scientifique car elle fait référence à notion de bienêtre, qui possède une composante subjective généralement complexe à aborder par de seuls paramètres physiques. Si l’on se borne à lister les paramètres mesurables intervenant dans le confort thermique, on peut lister notamment : la température de l’air, la température du sol ou des murs environnants, l’humidité de l’air, la vitesse du vent, l’habillement de la personne, son activité physique, l’activité de son métabolisme (2). Le mécanisme de régulation de la température du corps humain est la sudation. L’évaporation de l’eau, c’est-à-dire la transformation d’eau liquide en vapeur d’eau, consomme de l’énergie, elle permet donc de rafraîchir la peau lorsqu’il y a transpiration. Ce mécanisme est particulièrement efficace mais fonctionne moins bien, voire plus du tout, quand l’humidité de l’air est trop forte. C’est pour cela que pour une température de l’air donnée, le confort thermique est généralement bien meilleur en zone désertique qu’en zone tropicale. À titre d’exemple : une température de 35°C est généralement supportable dans une ville comme Paris qui est considérée comme un milieu relativement sec, alors que dans une zone humide qui atteindrait une hygrométrie de 75 %, un individu se retrouve en conditions létales après quelques heures d’expositions.

La climatisation en France

Résidentiel : État actuel

D’après l’ADEME (3), en 2020, le taux d’équipement de climatisation dans les ménages français est de 25 %. Derrière cette moyenne nationale se cachent de fortes disparités régionales. Le long de la Méditerranée, 47 % des logements sont climatisés alors que dans le nord de la France le chiffre est de 17 %. Avec le changement climatique et ses vagues de chaleur à répétition, la climatisation se développe aujourd’hui dans toutes les régions de France. On rencontre désormais des logements climatisés dans toutes les régions de France métropolitaine.
Le taux de pénétration de la climatisation est différent selon les types d’habitat : 31 % des maisons individuelles sont équipées contre 20 % pour les appartements. En appartement, une autorisation d’urbanisme et un aval de la copropriété sont généralement indispensables. C’est d’ailleurs pour cette raison que les climatiseurs mobiles achetés en magasin de bricolage sont plus utilisés en appartements. Ils sont utilisés pendant la saison chaude et rangés le reste du temps. La date de construction des logements est aussi un facteur explicatif de la présence de climatiseurs. Une enquête (4) EDF R&D de 2019 a constaté un taux de pénétration de la climatisation 2 fois plus élevé dans les logements récents construits entre 2001 et 2005 que dans les logements anciens. Ces climatiseurs sont installés après la livraison des logements ce qui indique une insuffisance dans la conception estivale des logements récents obligeant les occupants à investir dans ces équipements.

(2)
La digestion par exemple dégage de la chaleur, elle peut être éprouvante pour
l’organisme lorsqu’il fait très chaud.
(3) ADEME, La climatisation dans le bâtiment - État des lieux et prospectives 2050. Nov. 2021
(4) Cette enquête, qui n’a pu être consultée, est rapportée par la revue EdeNmag n° 11 de 2020.

 

Le type d'équipement utilisé en fonction du type de logement
Source : Enquête CODA Stratégies auprès de 1 200 ménages
/ © Apur
La climatisation selon le type de logement
Source : Enquête CODA Stratégies auprès de 1 200 ménages
/ © Apur

 

Tendances du marché de la climatisation

Les ventes de climatiseurs ne font pas l’objet d’un suivi par les services de l’État, mais elles peuvent être suivies de façon indirecte grâce aux statistiques fournies par les installateurs. Ces statistiques sont notamment collectées par le syndicat Uniclima. Les installations de climatiseurs ont plus que doublé en une dizaine d’années, passant d’environ 400 000 unités en 2010 à plus de 800 000 en 2020. Ces statistiques ne prennent pas en compte les climatiseurs mobiles qui ne nécessitent pas l’intervention d’un installateur, n’importe qui peut en faire l’acquisition lors des vagues de chaleur. L’ADEME estime à 460 000 le nombre d’unités vendues en 2020 (5). Il s’agit d’un marché fortement thermosensible, c’est-à-dire très fortement dépendant de la météo, les gens s’équipent en dernier recours à l’occasion de vagues de chaleur. Ce marché est vraisemblablement en forte croissance, en particulier dans les immeubles collectifs des centres-villes, puisque leur usage ne nécessite pas l’aval du propriétaire ni autorisation d’urbanisme.
(5) ADEME, La climatisation dans le bâtiment - État des lieux et prospectives 2050. Nov. 2021

Prospectives 2050 selon l’évolution tendancielle

Les surfaces climatisées risquent d’augmenter à très court terme pour plusieurs raisons :

  • les vagues de chaleur s’intensifient avec le réchauffement climatique ;
  • le prix des climatiseurs est relativement faible ;
  • les besoins de chaud s’effacent progressivement devant les besoins de froid, à cause des hivers de plus en plus doux. Ainsi les systèmes de chauffage classiques sont de plus en plus remis en question, les usagers préférant investir dans des systèmes réversibles permettant d’assurer à la fois la climatisation et le chauffage, comme les PAC air/air.

Dans son scénario tendanciel, l’ADEME prévoit une croissance très importante des consommations énergétiques de la climatisation, avec une multiplication par 4 des logements climatisés - de 9M à 35M - qui aboutirait à un taux de climatisation de 95 % du parc de logements dès 2050.

Bureaux

En construction neuve, la climatisation des bureaux est devenue la norme ; un bâtiment de bureaux neuf qui serait mis sur le marché sans climatisation est jugé aujourd’hui inconcevable. Cette exigence vis-à-vis du confort a des répercussions sur les bureaux existants, qui, lorsqu’ils sont rénovés, sont systématiquement climatisés. Aujourd’hui, dans les programmes neufs de bureaux, les besoins de froid dépassent les besoins de chauds notamment avec la réduction des surfaces par salarié (6), les bonnes performances des bâtiments - qui emmagasinent bien la chaleur -, la multiplication des équipements sources de chaleur - PC, écran, serveurs… -, et la multiplication des périodes de canicules : changement climatique. D’après l’ADEME, les bureaux doivent désormais être rafraîchis dès que la température extérieure dépasse 10°C à 12°C.
Les consommations d’énergie attribuable à la climatisation en France métropolitaine ne sont pas réellement connues, les différentes sources bibliographiques donnent des estimations allant de 39 à 65 kWh/m²/an. Ces chiffres sont à interpréter avec précautions puisque, dans ces chiffres, la prise en compte de la ventilation n’est pas connue. Or, dans de nombreux systèmes de climatisation, en tertiaire, climatisation et ventilation sont généralement indissociables.
(6) Ces surfaces atteignaient 20 m² par salariés il y a 15 ans, elles sont aujourd’hui de 11 m².


Statistiques de ventes de climatiseurs - en milliers d'unités - en France des adhérents Uniclima pour la période 2004-2020, avec extrapolation concernant les climatiseurs mobiles
Sources : Ademe, Apur, Coda Stratégies, Uniclima / © Apur

© Christophe Jacquet – Ville de Paris
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Consommations unitaires de la climatisation des bureaux issus de la bibliographie

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Étude La climatisation à Paris Formes, insertions, nuances

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Avec le changement climatique, la hausse des températures observée à la période estivale et les pics durant les canicules, la demande de froid se déploie en France à grande échelle. Dans les métropoles, cette diffusion massive et rapide pose plusieurs questions dont l’enjeu des systèmes de production, leurs différentes formes, leurs insertions et les nuisances qui découlent de leurs usages.

 

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Directeur et directrice de la publication : Alexandre LABASSE - Patricia PELLOUX
Étude réalisée par : Julien BIGORGNE - Sous la direction de : Olivier RICHARD
Avec le concours de : Pauline ALFARO, Maud CHARASSON, Gabriel SENEGAS
Cartographie et traitement statistique : Apur

L’Apur, Atelier parisien d’urbanisme, est une association loi 1901 qui réunit autour de ses membres fondateurs,
la Ville de Paris et l’État, les acteurs de la Métropole du Grand Paris. Ses partenaires sont :