Les inondations qui ont frappé les Hauts-de-France à la fin de l’année 2023 sont cette année suivi d'épisodes historiques comme dans la vallée d'Aspe (7 septembre 2024) ou dans les départements de l'Ardèche, du Rhône et de la Haute-Loire (18 octobre 2024).
Les épisodes exceptionnels des mois de septembre et octobre interviennent alors que sur de nombreux territoires, les sols sont déjà gorgés d'eau. À l'échelle nationale et selon Météo France, l'excédent pluviométrique atteint 40 % par rapport aux normales 1991-2020.
L'expertise du Cerema a largement été mobilisée à la suite de ces évènements afin d'expertiser des mouvements de terrain menaçant des populations ou encore des routes et ponts endommagés : RD134, A47 notamment.
D’autre part, ces variations importantes observées entre 2022, 2023 et 2024, risquent de s'intensifier en intensité et en fréquence, compte tenu du changement climatique. Dans ce contexte, le Cerema se mobilise pour tirer les enseignements de ces crises, renforcer les stratégies de gestion des eaux pluviales et des milieux aquatiques et anticiper pour rendre nos infrastructures plus résilientes.
Ce dossier revient sur les fondamentaux de la politique française du risque inondation, les inondations répétées dans les Hauts-de-France fin 2023, et présente solutions et exemples inspirants pour vivre avec l'eau.
Stratégie concertée et sur-mesure de gestion des eaux de surface, suivi d'innovations dans une dynamique d'amélioration continue, culture du risque, articulation avec l'aménagement et l'urbanisation, enseignements post-crise, constituent un large panel de solutions pour permettre aux territoires de relever le défi climatique.

Accroître la résilience des territoires aux inondations, diminuer le coût des dommages et massifier les actions nécessaires sont désormais indispensables. Coupler la prise en compte des conséquences du changement climatiques et les options d'aménagement pour tous les territoires urbains, ruraux, de montagne ou du littoral, faire évoluer nos pratiques d'aménagement sont désormais des axes vitaux.
Pascal Berteaud, Directeur général du Cerema

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Mieux intégrer les aléas climatiques récents dans la gestion de inondations

Inondations : mieux les connaître pour mieux agir

L’enjeu de protection contre les inondations

Le changement climatique accroît l’intensité de certains phénomènes météorologiques et augmente leur fréquence. Ces évolutions, couplées à l’imperméabilisation des sols, aux changements de pratiques agricoles favorisant le ruissellement et à la densification des enjeux dans les zones aménagées, aggravent les risques liés aux inondations.
En France, le risque d’inondation est le premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes concernées, l’étendue des zones inondables et les populations résidant dans ces zones.
La France dispose d'une politique de prévention et de gestion d'inondations largement structurée, avec une réglementation et une gouvernance à toutes les échelles - bassin versant, collectivités compétentes… -, et des aménagements historiques.
Les collectivités ont un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre d’actions de prévention des inondations, en lien avec leurs compétences spécifiques relatives à la GEMAPI : gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations.

La politique nationle de prévention des risques : Les 7 piliers de la prévention

Des facteurs aggravants :

• Une augmentation des surfaces imperméabilisées ;
• Une urbanisation développée parfois dans le lit majeur des cours d’eau ;
• Une urbanisation importante au niveau des zones basses du littoral ;
• Une évolution des pratiques agricoles et forestières favorisant le ruissellement.

Le rôle du Cerema dans la prévention et la gestion du risque inondation auprès des territoires

• Apporter un appui à la définition d’une politique territoriale de prévention des inondations, s’appuyant sur un diagnostic des aléas - nature et caractéristiques - et des enjeux : nature et vulnérabilités ;
• Accompagner la mise en œuvre d’actions concrètes prenant en compte les capacités d’action d’un territoire : organisation, moyens :
• Accompagner la structuration de la compétence GEMAPI à l’échelle d’un bassin ;
• Améliorer la connaissance par la compilation de données de crues historiques, cartographier les risques Identifier des populations et enjeux critiques exposés ;
• Réaliser des modèles numériques pour améliorer les prévisions ;
• Étudier le comportement des bassins-versants ;
• Aider à améliorer des plans de gestion de crise
• Évaluer les dommages.

Expertise dans les Alpes Maritimes après le passage de la tempête Alex - 2020 © Cerema

Des experts sur le terrain en réaction aux intempéries de l'automne 2024

Dans l'urgence, juste après le travail des secours, le Cerema est mobilisé sur le terrain pour réaliser des expertises et identifier les infrastructures impactées : ponts, routes…
À titre d'exemple, les épisodes cévenols de fin octobre 2024 en Auvergne-Rhône-Alpes ont amené les experts géotechniciens du Cerema à expertiser routes et ouvrages d'art sur des routes départementales et sur l'autoroute A47 suite à des mouvements de terrain, ainsi que des falaises effondrées : communes de Saint-Cirgues-en-montagne et Roux.
Dans les Hauts-de-France, le Cerema élabore des cartographies d'aléas d'inondation centennaux sur les bassins versants de la Canche amont et de la Ternoise. Pour financer ces études, les collectivités bénéficient du fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus communément appelé Fonds Barnier. Le Cerema participe, aux côtés des préfectures, à la reconstruction et à la mise en place d’un plan de résilience sur le territoire.
Dans le Grand Est, le Cerema travaille sur plusieurs sites impactés par des inondations situés dans les Nieds, la Haute Marne et les Vosges suite aux épisodes exceptionnels inondations de juillet 2024.

Sensibiliser les populations à la culture du risque

La culture du risque constitue l’ensemble des actions pour améliorer la connaissance et la perception du risque par les populations, et ainsi favoriser l'adoption des bons comportements en cas d'événement majeur et de crise.
Les collectivités ont un rôle important à jouer pour impliquer les populations dans la prévention des risques.
Depuis plusieurs années, le Cerema accompagne les acteurs locaux sur le sujet de la culture du risque, en leur proposant des éléments clefs, au travers de retours d’expériences, de publications méthodologiques et pédagogiques, de programmes de recherche… Il a élaboré plusieurs ressources pour aider les porteurs à construire leur stratégie de culture du risque en actionnant les bons leviers, et en évitant les pièges.

Les clés de la réussite

S’appuyant sur des entretiens menés avec des porteurs d’actions de culture du risque en France, ces 12 clés de réussite aident les élus et acteurs du territoire à adopter de bonnes pratiques, à organiser leur travail, et planifier le déploiement de leurs propres actions pour développer la culture du risque sur leur territoire. Chaque clé peut être utilisée indépendamment, ou combinée à d'autres, en fonction des caractéristiques et besoins locaux.

Mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels

Le Cerema était partenaire du concours d’idées national Mieux aménager les territoires en mutation exposés aux risques naturels, organisé par le Plan Urbanisme Construction Architecture), en collaboration avec la Direction Générale de la Prévention des Risques du ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques.
Ces travaux ont mis en lumière le besoin de construire des espaces de discussion réunissant collectivités, services de l’État, équipes de maîtrise d'ouvrage et maîtrise d’oeuvre de projet d’aménagement, afin de dépasser les blocages par une approche concertée, itérative et intégrée du projet. Ils ont mis en exergue la nécessité d’intégrer les risques très en amont des projets, afin d’aménager avec l’eau, plutôt que contre l’eau, et à redonner de la valeur d’usage aux secteurs inconstructibles en les intégrant dans la démarche de projet.

Animation sur les risques en montagne auprès de collégiens
© Cerema

Afin d’adapter les villes aux inondations, 5 éléments apparaissent ainsi nécessaires à la conciliation de la réduction de vulnérabilité et de la qualité d’usage urbain :

• Mettre l’eau et la nature au cœur des projets pour limiter le recours à des ouvrages de protection contre les inondations ;
• Penser le territoire en temps de crue pour faciliter la gestion de crise et un retour à la normal plus rapide ;
• Changer de modèle de ville pour dégager des marges de manœuvre techniques et financières : solutions à bénéfices multiples, multifonctionnalité des espaces et intensification des usages, densification hors zone inondables ou dans les secteurs les moins exposés ;
• Adopter une approche de projet agile pour saisir les opportunités opérationnelles : composer avec le déjà là et s’inscrire dans le temps long de la transformation de la ville, s’appuyer sur des opportunités d’action concrètes dans une logique d’intervention immédiate ;
• Agir dans une logique de co-responsabilité de toute la chaîne de l’aménagement pour faire aboutir des projets soutenables et pérennes : État, collectivités, porteurs de projets, propriétaires fonciers…

Gestion des inondations aux Andelys (Eure)
© Manuel Bouquet - Terra

Les essentiels

Culture du risque :
Les clefs pour mieux impliquer les populations

10 pages pour informer les élus locaux sur l'essentiel :
Qu'est-ce que la culture du risque ?
Que faire en tant qu'élu ?
Quelles actions pour une implication civile
et citoyenne ?
Par quelles actions renforcer la culture du risque
sur mon territoire ?
doc.cerema.fr

• La gestion intégrée à l’échelle des bassins ;
• La synergie entre la GEMAPI et les autres compétences et problématiques du territoire ;
• Le développement de solutions fondées sur la nature.

Nemours innondée par les eaux du Loing © Arnaud Bouissou - Terra

Renforcer la résilience du territoire face aux inondations

L’exemple de Verdun

Le Cerema a réalisé dans le département de la Meuse - Grand Est - une étude de recensement des enjeux et de leur vulnérabilité aux inondations sur le territoire à risques importants d’inondation (TRI) de Verdun, en cartographiant les zones les plus sensibles en matière de sécurité des populations, et en proposant des mesures adaptées pour réduire les risques, diminuer le coût des dommages, et faciliter un retour rapide à une situation normale.

Cette étude s’inscrit dans le cadre de la révision à venir de la stratégie locale de gestion du risque inondation.

Canal des Augustins - Verdun © Cerema

Projet REAUZOH

Localiser et suivre les zones potentiellement humides

Dans le cadre de sa compétence Gemapi, la Communauté d’Agglomération Béthune-Bruay, Artois Lys Romane (CABBALR) s’est associée au Cerema pour mener un programme de recherche et développement sur le Recensement, la cArtographie et le sUivi de l’évolution des Zones pOtentiellement Humides : REAUZOH.

Ce projet vise à réaliser, pour la première fois, une étude sur le territoire de la CABBALR, grâce à une méthodologie innovante développée par le Cerema, basée sur des images satellitaires traitées par intelligence artificielle (IA).
En cours de développement jusqu’en fin 2025, il se déroule en trois phases :

• Synthèse des données existantes sur les zones humides ;
• Recensement de terrain, cartographie des zones potentiellement humides et utilisation de données satellitaires combinées à de l'intelligence artificielle ;
• Analyse de l'évolution de ces zones par traitement de données satellitaires.
  
  Cette méthode fait également appel à une IA pour identifier des espaces présentant une humidité à la surface du sol, à l’aide des images satellite à haute résolution : visible, infrarouge et radar.

L’objectif du projet est de pouvoir suivre la dynamique des espaces potentiellement humides et de la couverture végétale, à partir de cartographies annuelles de 2018 à 2023, pour connaître l’impact de la régression de la végétation sur les espaces humides.