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Ouvrage Les bois de Boulogne et de Vincennes :
1840 hectares de nature à revisiter

Le bois de Boulogne : Accessibilité et mobilités
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La place de la voiture dans le bois


Les bois de Boulogne et de Vincennes sont deux espaces de respiration uniques, situés au cœur du Grand Paris. Représentant à eux deux près du quart de la surface du Paris urbanisé, les deux bois occupent un espace équivalent aux huit premiers arrondissements. Ils sont fréquentés
par des habitués mais sont encore méconnus par beaucoup d’habitants. Une grande diversité d’usages existe : pour certains, ils représentent des axes de circulation rapide, pour d’autres le plaisir du footing dans les allées, de la promenade et pique-nique sous les arbres, du canotage sur les plans d’eau… Les Charte du bois de Vincennes et de Boulogne, signées en 2003, ont constitué un cadre précieux, en définissant quatre axes majeurs pour structurer un projet ambitieux d’aménagement durable des bois : réhabiliter les paysages et restaurer les milieux naturels ; réduire fortement la circulation automobile pour une promenade tranquille ; reconquérir l’espace public des bois, et gérer
les activités dans la cohérence et la transparence ; et enfin innover dans les modes de gestion et de gouvernance.

La place de la voiture dans le bois

Cartographie du bruit routier dans le bois de Boulogne en journée - 6h - 18h
Modélisations à hauteur de 1,5 m par rapport au sol Sources : AEU Ville de Paris – données trafic DVD 2019

Une réduction de la place de la voiture

Le réseau des voies circulées du bois avec des capacités importantes, du fait de leur maillage et de leur largeur, encourage le trafic de transit et la vitesse malgré les restrictions réglementaires. Les promeneurs et les cyclistes sont pénalisés à la fois par le bruit routier et l’importance du trafic. Ce trafic routier élevé qui traverse le bois résulte à la fois des densités résidentielles et d’emplois de l’ouest parisien, du débouché du pont de Suresnes au cœur du bois, mais aussi d’une motorisation des ménages et d’un usage plus important de la voiture individuelle dans les arrondissements de l’ouest de Paris et les communes des Hauts-de-Seine. Malgré la présence d’infrastructures en transports en commun - RER A et C, lignes n° 1 et 9 du métro, tram T2, transilien -, l’utilisation de la voiture est souvent préférée. Les voies du bois supportent une circulation intense, en particulier aux heures de pointe du soir, mais aussi les week-ends. Actualisant les données de 2014 sur les moyennes de trafic en journée, des comptages de la Direction de la Voirie et des Déplacements réalisés en juin 2019 confirment des trafics élevés sur les pénétrantes vers Paris, ainsi que sur les deux grands axes nord-sud. Les voies les plus circulées en semaine restent l’allée du Bord de l’Eau - 37 000 à 41 000 véhicules/jour -, l’allée de Longchamp - de 29 000 à 41 000 véhicules/ jour - et l’avenue de la porte d’Auteuil au sud du bois : 43 000 véhicules/jour. L’allée de la Reine Marguerite est empruntée par environ 25 000 véhicules/jour, et l’avenue de l’Hippodrome par un peu moins de 20 000 véhicules/jour. Pour dissuader le trafic de transit et privilégier la vie locale, certaines communes autour du bois aménagent des zones 30 ou apaisées, et mettent en place des plans de circulation, comme à Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine ou Puteaux. La pression exercée dans le bois par l’automobile, qui constituait déjà une difficulté importante dans les années soixante-dix, demeure aujourd’hui :

  • En semaine : la circulation dense et rapide entraîne des problèmes de sécurité - franchissement des piétons et des cyclistes - et d’ambiance : bruit, pollution et effet de coupure. Le bois apporte une offre importante d’itinéraires de transit à l’échelle de l’agglomération, et est utilisé comme tel avec des remontées de file sur l’avenue de Longchamp ou le pont de Suresnes.
  • En fin de semaine : les encombrements de circulation et de stationnement sont liés aux pointes de fréquentation le dimanche après-midi, autour de la Fondation Louis Vuitton et du Jardin d’Acclimatation, du lac Inférieur ou des concessions voisines comme le Racing. La tenue des grands évènements induit un trafic supplémentaire vers les parkings évènementiels, comme Roland-Garros ou lors des festivals à l’hippodrome de Longchamp.
Les axes circulés aujourd'hui
Sources : Apur, DEVE, DVD, Ville de Paris

Concernant les modes de transport pour se rendre au bois, l’usage de la voiture par les visiteurs a baissé de près de 42 % depuis 2002. La voiture reste cependant le mode privilégié par 39 % des répondants en 2019 - contre 67 % en 2002 -, y compris par les riverains situés à proximité du bois : 37 % viennent en voiture. L’appartenance à un ménage équipé en voiture ou la présence d’enfant(s) lors de la visite s’accompagne par ailleurs d’une plus forte utilisation de la voiture, utilisée dans 60 % des visites. Ces comportements s’expliquent notamment par la facilité de circuler et l’importance de l’offre en stationnement dans le bois.

L’apaisement et la réduction de la circulation automobile

Ces dernières années, la reconquête de voies circulées et de zones stationnées s’est poursuivie avec la fermeture d’une partie des chemins de Ceinture des Lacs, la fermeture de la route de Suresnes, et le réaménagement de la route des Lacs à Passy, livrée en 2013. La circulation a également été apaisée grâce au passage à 30 km/h des voies du bois non circulées par le bus : sud de l’allée de la Reine Marguerite et de la route de Sèvres à Neuilly, routes d’Auteuil aux lacs et de la Porte Dauphine à la porte des Sablons, voies desservant le Pré Catelan et le Racing, route du Champ d’Entraînement…

L’extension de Paris Respire

En 2017, le secteur de Paris Respire initial de 2007 autour de l’allée de la Reine Marguerite a été étendu à l’est, jusqu’au chemin de Ceinture du Lac Supérieur. Ce grand secteur est préservé de la circulation les dimanches et jours fériés. Le dispositif actuel s’effectue par l’installation de barrières fixes, sans agent de contrôle, ce qui déporte la circulation de la ligne de bus 70 dans le bois le dimanche.

Le réaménagement des carrefours

L’apaisement de la circulation a aussi été encouragé par la requalification du carrefour des Cascades. Depuis 2014, la création de passages piétons surélevés ou protégés a également permis d’apaiser la circulation : allée du Bord de l’Eau, allée de Longchamp et route de Sèvres à Neuilly…


L’avenue de l’Hippodrome dans sa séquence fermée le dimanche à la circulation © Apur

L’allée de Longchamp, une avenue large avec des niveaux de trafic élevés © Apur
Ce grand secteur est préservé de la circulation les dimanches et jours fériés.

Les pistes de réflexion pour l’évolution de la circulation

Apaiser les grands axes circulés

L’importante circulation automobile est citée comme un point faible problématique par 15 % des répondants dans le bois de Boulogne. Parmi les pistes d’évolution proposées, améliorer les transports en commun et améliorer les traversées piétonnes sont plébiscitées par plus de 75 % des visiteurs. La proposition de limiter le nombre de voies circulées, la circulation, le stationnement recueille 54 % d’opinions favorables dans le bois de Boulogne (61 % à Vincennes).
Apaiser la circulation des grands tracés demeure un enjeu important dans le bois de Boulogne. Pour autant, une limitation à 30 km/h de ces voies reste difficile à respecter du fait de leur largeur. D’autres solutions d’aménagement ponctuel pourraient être étudiées, par une sécurisation des carrefours et des traversées piétonnes, ainsi que des rétrécissements appropriés de chaussée.
Les projets à l’étude de voies bus et de pistes cyclables devraient impacter le stationnement ou les largeurs de voies, en réduisant leur capacité à 2 x 1 file de circulation, comme sur la séquence centrale de l’allée de la Reine Marguerite ou la route de la Muette à Neuilly. Des arbitrages restent ainsi à réaliser entre les besoins en stationnement liés aux concessions et aux visiteurs du bois d’une part, et les projets de couloirs bus, de pistes cyclables, de continuités piétonnes et de paysage d’autre part.

à gauche :
Porte en place, perspective sur la porte Maillot réaménagée © Céline Orsingher - Apur
à droite :
La route des Tribunes à hauteur du moulin, en partie dédiée à l’anneau cyclable © Apur


Le tracé historique de la Reine Marguerite, fermée pour Paris Respire © Apur – Vincent Nouailhat

L’allée de Longchamp, un axe routier et une coupure au coeur du bois © Apur

Un scénario de fermeture de voies dans des secteurs stratégiques

L’apaisement de la circulation et la reconquête de voies circulées au profit des espaces naturels, de la qualité des paysages et des usages restent particulièrement stratégiques pour la cohérence globale du vaste massif du bois de Boulogne, fragilisée par les grands axes routiers qui le traversent.
La requalification de nombreuses voies apparaît comme d’autant plus déterminante que celles-ci peuvent participer d’un réseau de promenades et d’une mise en valeur de sites et de paysages remarquables, conformément à la Charte d’aménagement durable des bois. Les fermetures proposées dans un premier temps concernent des voies secondaires qui ne supportent par un trafic de transit important, et qui restent avant tout utilisées pour le stationnement. Un scénario alternatif à court terme consisterait en une progressivité des restrictions de circulation, en attendant le développement de nouveaux services - navettes, voituriers, vélos-taxis… -, qui offriraient des alternatives efficaces à la desserte des concessions : Racing, chalet des Îles. Dans un premier temps, les voies suivantes seraient laissées ouvertes à la circulation et recalibrées :

  • le passage à 1 voie de l’allée des Fortifications et mise à sens unique (séquence sud),
  • le maintien d’une file de circulation des voies autour du lac Inférieur, suppression du stationnement à hauteur du Racing,
  • le maintien de la circulation sur la route des Moulins.

Un second scénario à terme de restriction généralisée de la circulation, hors bus/riverains

Ce scénario à moyen ou long terme propose de travailler à un apaisement de l’ensemble des voies du bois, en privilégiant la circulation des bus, des piétons et des vélos, et en maintenant un accès aux riverains et à la desserte logistique des concessions et des équipements.
Cette fermeture des voies pourrait s’organiser progressivement dans le temps, par des fermetures temporaires intégrées au dispositif de Paris Respire ou l’été, puis par des fermetures définitives si l’expérimentation est concluante.
D’autres dispositifs existent dans la métropole. À titre d’exemple, au parc de Saint-Cloud, un accès payant a été mis en place pour les voitures, les motos et les cars, y compris pour traverser le parc, avec des limitations de vitesse à 45 km/h en semaine, et à 30 km/h les week-ends.

Poursuivre les restrictions, voire les fermetures à la circulation, selon différents scénarios

Les réflexions sur l’apaisement de la circulation et la fermeture de voies doivent être poursuivies en lien avec les collectivités riveraines, périodiques dans le cadre de Paris Respire ou définitives.

Une progressivité dans les aménagements pourrait également s’étudier.

Dans tous les cas, la circulation des bus ainsi que la desserte fonctionnelle des concessions et des équipements du bois resteraient assurées.

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Liste des fermetures de voies proposées (scénario 1) :

  • L’allée des Fortifications (séquence sud)
  • Les deux barreaux au niveau de la porte de la Muette
  • Les chemins de Ceinture du lac Inférieur
  • La route des Moulins, entre le chemin de Suresnes à Bagatelle et la route de Sèvres à Neuilly
  • Les bretelles d’entrée et de sortie du Boulevard périphérique sur la route des Lacs à Passy.
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Zoom sur… L’aménagement du carrefour des Cascades

Le carrefour des Cascades constitue un site historique du bois, entre le lac Inférieur et le lac Supérieur, sur la route des Lacs à Passy. Réalisé en 2011, l’aménagement paysager a permis de reconquérir près de 7 400 m² d’espaces végétalisés en pleine-terre sur la voirie, par la suppression de stationnement, et de favoriser les continuités piétonnes et cyclables autour des lacs. L’aménagement a permis par ailleurs de restaurer les vues sur les plans d’eau, et plus particulièrement sur le kiosque de l’Empereur, tandis que le revêtement en pavés de la route des Lacs à Passy s’est accompagné d’un apaisement de la circulation.
En 2019, des pistes cyclables ont ensuite été aménagées de part et d’autre de la route des Lacs à Passy, depuis la porte de Passy jusqu’au carrefour des Cascades, afin de créer des continuités avec la voie verte de l’avenue de l’Hippodrome.


Le carrefour des Cascades réaménagé avec la restauration des vues sur le lac Supérieur
© Apur

Revêtement pavé et apaisement de la circulation route des Lacs à Passy, requalifiée
© Apur – Vincent Nouailhat

Zoom sur… L’aménagement d’une allée piétonne route de Suresnes


La route de Suresnes fermée à la circulation
en juillet 2019
© Christophe Belin – Ville de Paris 

Principe d’engazonnement et de
désimperméabilisation
© DEVE

La route de Suresnes, qui constitue l’entrée impériale du bois, formait jusqu’à sa fermeture à la circulation automobile en juillet 2019 une voie de 15 mètres de large, bordée de part et d’autre de stationnement.
Le projet paysager s’inscrit dans un vaste projet d’ensemble de requalification du secteur des deux lacs, et de renaturation des chemins de Ceinture, afin de rétablir une grande promenade depuis le lac Supérieur jusqu’à la porte Dauphine (métro ligne 2), dont le réaménagement est prévu avec l’arrivée du tramway des Maréchaux.
Sur la route de Suresnes, le projet qui reste à concevoir prévoit une désimperméabilisation et un engazonnement d’une partie de la chaussée, dans le respect du paysage et de l’axialité de la voie.

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Ouvrage Les bois de Boulogne et de Vincennes : 1840 hectares de nature à revisiter

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Atelier parisien d’urbanisme

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Les deux bois restent encore des espaces fragmentés, à la fois par les infrastructures routières et par les concessions qui les morcellent. L’enjeu est d’atteindre un juste équilibre entre les différents usages, les activités économiques, la préservation et la valorisation du patrimoine paysager et bâti et le développement de la biodiversité.
L'ouvrage présente, 17 ans après les Chartes des bois, un diagnostic mettant en avant, dans une vision holistique, les actions réalisées, et esquisse des pistes d’évolutions. Aujourd’hui, à la fois l’urgence climatique, les nouvelles attentes des citadins, et l’exigence patrimoniale nous invitent à engager une nouvelle étape de développement des deux bois. Ce diagnostic prospectif peut constituer un socle commun pour nourrir les échanges et choix à venir par la Ville de Paris et les collectivités riveraines.

 
 
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Bois de Vincennes © Apur

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© Atelier parisien d’urbanisme, Paris 2020

Directrice de la publication : Dominique ALBA, directrice générale de l’Apur
Directrice de la rédaction
: Patricia PELLOUX, directrice adjointe - Rédacteurs en chef : Patricia PELLOUX et Frédéric BERTRAND
Étude réalisée par : Frédéric BERTRAND, Florence HANAPPE, Vincent NOUAILHAT, Yann-Fanch VAULÉON
Avec le concours de : Anne-Marie VILLOT
Cartographie et traitement statistique : Marie-Thérèse BESSE, Christine DELAHAYE, Tristan LAITHIER, Nathan PAULOT
Photographies et illustrations : Apur sauf mention contraire

Dépôt légal : mai 2020 - ISBN : 978-2-36089-017-0 - ISSN : 1773-7974

apur.org