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Plan régional d’actions pour sauvegarder les chauves-souris
Île-de-France 2018 - 2027

(1) Biologie des chauves-souris
Des activités humaines particulièrement menaçantes



60 % des espèces de métropole vivent parmi les Franciliens
: la région Île-de-France accueille 20 espèces de chauves-souris, sur les 34 espèces recensées à ce jour en France métropolitaine. En plus de ces 20 espèces de chauves-souris franciliennes, deux espèces ont été observées
de manière occasionnelle en période de migration. Il s’agit de la Sérotine bicolore -
Vespetilio murinus - ) et de la Grande noctule : Nyctalus lasiopterus. Ces deux espèces ont été observées respectivement en 2014 et 2016. Au niveau régional, un premier plan d’actions a été rédigé
en 2011, qui a défini un certain nombre d’objectifs se déclinant en trois grands axes :
protéger, améliorer les connaissances et sensibiliser
et informer. Sur la période de mise en œuvre de ce plan - 2012-2016 -, les différents acteurs régionaux ont participé activement
à la mise en place de nombreuses actions tant à l’échelle régionale qu’à un niveau bien plus local.
L’ensemble de ces actions est présenté dans le bilan des 5 années de ce plan.

Biologie des chauves-souris

 

Une vie rythmée par les insectes

Les chauves-souris françaises se nourrissent exclusivement d’insectes, ce qui les oblige à vivre au même rythme que leurs proies. Faute d’insectes en hiver, elles hibernent.
Dès l’automne, elles cherchent un gîte d’hibernation - arbre creux, cave… -, et quand les conditions deviennent défavorables, elles entrent en léthargie. La sortie d’hibernation a lieu au printemps, entre mars et fin avril, selon les conditions climatiques, coïncidant ainsi avec le retour des insectes. Progressivement, les chauves-souris vont gagner leurs gîtes estivaux : combles, granges, arbres… Les mâles se dispersent ou forment de petites colonies. Les femelles se regroupent en essaim pour mettre bas leur unique petit.
Chaque espèce a des besoins spécifiques en termes de gîtes et de territoires de chasse. Le régime alimentaire, mais également les techniques de prédation varient d’une espèce à l’autre. Certaines chauves-souris ont un régime alimentaire spécialisé sur un type d’insectes - araignées, mouches, moustiques, papillons -, alors que d’autres sont plus opportunistes. Elles chassent le long des cours d’eau, autour des arbres, dans le feuillage, au-dessus des prairies, ou encore à des altitudes élevées.
Pour se repérer la nuit et voler, parfois dans des milieux encombrés comme le feuillage des arbres, ainsi que pour trouver et capturer leurs proies, les chauves-souris utilisent l’écholocation.

Elles exploitent au mieux leurs capacités auditives, pour obtenir une image mentale de leur environnement, en exploitant l’écho des sons qu’elles émettent.

Cycle biologique des chauves-souris
 
hiver

Hibernation
© Thomas Luzzato, Biotope
printemps

Transit printanier vers le gîte d’été - Gestation
© Julien Tranchard, Biotope
automne

Transit automnal
Accouplement
© Vincent Rufray, Biotope

été

Formation des colonies de mise bas
Élevage et sevrage des jeunes
© Vincent Rufray, Biotope

 

Une diversité de milieux indispensable

Les corridors écologiques sont des éléments indispensables au déplacement des chauves-souris. Les haies, lisières forestières, ou encore ripisylves, forment des routes de vol leur permettant de relier leurs gîtes à leurs terrains de chasse. Les Chiroptères sont donc particulièrement sensibles au maintien d’une diversité de milieux, et participent eux-mêmes à l’équilibre de ces habitats, notamment en régulant la population d’insectes nocturnes.

 

Des activités humaines particulièrement menaçantes

 


Plaine agricole céréalière © Julien Tranchard, Biotope

Le contexte urbain particulier de l’Île-de-France rend les populations de différentes espèces de chauves-souris particulièrement fragiles. La pression importante de l’urbanisation et des activités humaines a des effets aussi bien sur les disponibilités en gîtes - reproduction, transit et hibernation -, que sur le maintien des corridors et la richesse des territoires de chasse. La perte de territoire de chasse, la rupture des corridors de déplacement, et la diminution des ressources alimentaires liées à l’usage de pesticides, sont les principales menaces. Les études comportementales sur les chauves-souris ont montré que les espèces utilisaient de nombreux éléments structurants du paysage pour se déplacer et chasser. Il s’agit notamment des haies, linéaires boisés, lisières forestières, ripisylves*, et zones humides. Or, ces éléments sont bien souvent impactés par des projets d’aménagement ou des pratiques agricoles défavorables. Le retournement des prairies, l’homogénéisation - plantations - et la gestion intensive des boisements, sont également des facteurs négatifs pour ces espèces. * voir glossaire en bas de page

 

La liste rouge des chauves-souris francilienne, parue en 2017 et issue du travail collaboratif des différents experts régionaux - coordonné par Grégoire Loïs -, met en évidence à la fois la diversité et la fragilité des populations régionales.

Cette liste, qui est amenée à être réévaluée régulièrement, constitue un document incontournable en Île-de--France pour l’évaluation et le suivi des chauves-souris.

Forêt de Fontainebleau
© Julien Tranchard, Biotope


Prairie © Renaud Garbé, Biotope

Tous les milieux sont concernés

Le territoire francilien est composé à 53 % de milieux ouverts, en grande majorité cultivés : 47 % ; (source : Agreste, 2014). Ces milieux sont pour la plupart dépourvus de haies, de prairies ou de bandes enherbées, l’ensemble constituant un territoire de chasse privilégié des chauves-souris. Les prairies et pâtures sont extrêmement minoritaires dans les espaces ruraux ouverts de l’Île-de-France. Les grandes cultures de céréales constituent des milieux pauvres en insectes du fait de l’utilisation de produits phytosanitaires. Les populations de chauves-souris fréquentent peu les plaines agricoles intensément cultivées. C’est particulièrement le cas en Île-de-France, en comparaison avec les milieux agricoles des régions voisines.

Les milieux humides sont des habitats de chasse privilégiés par certaines espèces. Ces milieux représentent 2,83 % du territoire francilien (Natureparif, 2013) avec quelques grandes zones telles que la Bassée, au sud de la Seine-et-Marne. Or, depuis plus d’un demi-siècle, la moitié de ces zones a disparu ou a été dégradée. Les enjeux de préservation et de restauration des prairies inondables sont prioritaires en Île-de-France, ce type de milieu étant devenu extrêmement rare. Certaines espèces, particulièrement menacées au niveau régional, sont dépendantes de ces milieux humides. C’est notamment le cas du Murin de Daubenton : espèce En Danger sur la liste rouge régionale. La raréfaction des mares en milieux agricoles et des friches est également un élément qui pèse sur les chauves-souris.

Étang © Renaud Garbé, Biotope

Les milieux boisés jouent un rôle important pour de nombreuses espèces de chauves-souris, que ce soit en termes de gîtes, d’habitats de chasse, ou encore de corridors de déplacement. Les lisières forestières, réseaux de haies et ripisylves, sont autant d’éléments qui permettent le transit et la chasse des Chiroptères. La région Île-de-France présente d’importantes surfaces de boisement. Néanmoins, l’urbanisation et la fragmentation des milieux liées aux nombreuses infrastructures de transport - routes et voies ferrées -, ne favorisent pas le maintien des populations de certaines espèces typiquement forestières.
Presque toutes les forêts situées dans un rayon de 20 km autour de Paris sont enclavées, ne permettant pas le déplacement des espèces de l’une à l’autre. Les chauves-souris forestières sont également dépendantes des modes de gestion sylvicole mis en place, que ce soit en termes de disponibilité de gîtes sylvicoles ou bien de richesse en insectes.

 
 
 

La disparition ou modification des gîtes : néfaste pour les espèces

De nombreux facteurs agissent directement sur les disponibilités en gîtes favorables pour les chauves-souris. Quelle que soit l’espèce, le maintien d’un réseau de gîtes répondant aux exigences écologiques des différentes espèces est indispensable au maintien des populations. En Île-de-France, la préservation de ces gîtes est souvent confrontée à différents aménagements ou activités humaines. Le comblement des carrières souterraines, la rénovation et l’isolation des bâtiments, la rénovation de certaines infrastructures - ponts, ouvrages d’art… -, ou encore l’abattage des arbres creux, entraînent la disparition de nombreux gîtes utilisés par les chauves-souris.

 

La lumière et les routes perturbent les déplacements des chauves-souris

Très nombreuses en Île-de-France, les routes sont source de différentes perturbations sur les populations de chauves-souris. Les impacts de ces infrastructures vont de la collision directe avec les véhicules, à la fragmentation des territoires occupés, ou encore à la perte d’habitats de chasse.

L’éclairage nocturne joue sur la présence des différentes espèces (source : AZAM et al., 2015)

L’évaluation de l'impact de l'éclairage artificiel sur les chauves-souris, réalisée au sein du territoire du Parc naturel régional du Gâtinais français, montre l’influence des éclairages sur les comportements de chasse des chauves-souris. (Azam, C. et al. 2015)

Certaines espèces telles que les Rhinolophes et les Murins présentent des comportements de vol les amenant à traverser à hauteur des véhicules. Les risques de collision sont accrus lorsque les infrastructures coupent une lisière ou une haie utilisée par les chauves-souris. Différentes études ont montré que l’augmentation de la fréquentation routière entraîne une fragmentation plus importante des territoires utilisés par les chauves-souris du fait de la rupture de leurs voies de déplacement entre les différents types de gîtes - reproduction, swarming*, hibernation -, et les sites de chasse (Loïs, G. et al. 2017). Certains territoires de chasse ne sont plus accessibles, ce qui fragilise les populations de chauves-souris franciliennes. L’éclairage des voies de circulation contribue également à augmenter cette perte de territoire de chasse, notamment pour les espèces qui fuient la lumière. * voir glossaire en bas de page
L’urbanisation intense de la région implique un réseau d’éclairage public et privé important, engendrant une pollution lumineuse accrue. Le maillage créé par l’éclairage artificiel entraîne une fragmentation des milieux perturbant le déplacement des espèces lucifuges. C’est particulièrement le cas pour les Rhinolophes ou encore les différentes espèces de Murins. Les capacités de déplacement des espèces vers les territoires de chasse se trouvent réduites, ce qui entraîne un isolement des populations.
La lumière artificielle influence également l’activité de chasse des chauves-souris, entraînant une réduction des habitats de chasse pour les espèces les plus sensibles, Rhinolophes et Murins. L’éclairage nocturne a un effet attractif pour certaines espèces qui viennent profiter des concentrations d’insectes autour de lampadaires. Toutefois, des modifications de comportement sont observées selon les espèces. En Île-de-France, à titre d’exemple, les Murins semblent éviter les zones éclairées, même partiellement. Les Oreillards quant à eux chassent plus significativement là où l’éclairage est arrêté, la nuit : éclairage partiel.

Colonie de Grand murin (Myotis myotis) installée dans l’église de Montfort-l’Amaury (78)
(Arnaud Bak, PNR de la Haute Vallée de Chevreuse)

 

Contamination chimique

Même s’il existe peu d’études concernant les espèces européennes par rapport à celles d’Amérique du Nord, certains effets ont pu être démontrés (d’après Carravieri A. et Scheifler R., Effets des substances chimiques sur les Chiroptères : état des connaissances, juin 2012) :

Les métaux et les métalloïdes* - le plomb, le cadmium et le mercure -, s’accumulent dans la chaîne alimentaire, et se transfèrent des femelles vers les jeunes. Cela peut entraîner une mortalité significative chez des Pipistrelles communes et des Murins. * voir glossaire en bas de page

Capture de chauves-souris dans le cadre de programme d’étude scientifique
(AZIMUT 230)

Les contaminants organiques dérivés d’activités industrielles, comme les PCB - PolyChloroBiphényle -, et HAP - Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques - sont néfastes, voire létaux, pour les Chiroptères, à condition que des concentrations très importantes, difficilement retrouvées en conditions naturelles, atteignent le cerveau. Les PCB sont transférés des femelles à la progéniture tant pendant la gestation que l’allaitement. Des pertes significatives de poids ont également été notées.

Les pesticides organochlorés provoquent également la mort chez la Pipistrelle commune, et on observe une transmission des pesticides des femelles allaitantes vers les jeunes, et des pertes de poids importantes.

Les vermifuges utilisés dans l’élevage, ou encore dans les centres équestres, ont des effets importants sur les insectes des prairies, que ce soit en termes de densité ou de diversité des populations. Les pâtures constituent des territoires de chasse privilégiés par plusieurs espèces dont les Rhinolophes, espèces menacées en Île-de-France.

En Île-de-France, entre 2008 et 2015, de 1,8 à 2,7 millions de NOmbre de Doses Unités (NODU) de substance active de produits phytosanitaires ont été appliquées sur les espaces agricoles chaque année (Bilan du plan Ecophyto I en Île-de-France). Les chauves-souris, insectivores, sont particulièrement sensibles à la pollution chimique directe. La régression des populations de chauves-souris entraîne également une diminution de leur rôle d’auxiliaires des cultures.

à gauche : Inventaire nocturne des chauves-souris à l’aide de détecteurs d’ultrasons
(AZIMUT 230)

à droite : Formation des bénévoles à l’identification des chauves-souris
(AZIMUT 230)

 

Glossaire

 

Métalloïde : élément chimique dont les propriétés sont intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux, ou sont une combinaison de ces propriétés.
Ripisylve
: formation boisée ou buissonnante qui se développe sur les rives d’un cours d’eau, d’une rivière ou d’un fleuve. Elle est constituée de peuplements particuliers en raison de la présence d’eau sur des périodes plus ou moins longues : saules, aulnes, frênes en bordure, érables et ormes en hauteur, chênes pédonculés et charmes sur le haut des berges.
Swarming : les accouplements ont lieu en automne. Mâles et femelles de certaines espèces se regroupent dans des sites dits de swarming.

Un site de swarming ou de regroupement automnal est un site qui accueille la nuit, de la mi-août au mois de novembre, des rassemblements importants de chauves-souris devant ses entrées et à l’intérieur. Cette activité, liée aux accouplements, peut se traduire par des vols incessants, des poursuites, des cris sociaux. Des individus de différents secteurs peuvent ainsi se rencontrer, ce qui permet un brassage génétique. Ces sites peuvent tout autant correspondre à des sites d’accueil en période d’hibernation qu’à des sites qui n’ont pas d’intérêt pour les chauves-souris en été et en hiver. Il est à noter que les sites de swarming peuvent ne pas accueillir de chiroptères en journée.  
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Animé par

   
   
 

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Coordination : Azimut 230 / Alcathoé / DRIEAT Île-de-France
Comité de relecture : Jérôme HANOL (ANVL), Charlotte GIORDANO (Azimut 230), Stéphane LUCET (DRIEAT), Manuelle RICHEUX (DRIEAT), Sébastien SIBLET (Ecosphère),
Jean-François JULIEN (MNHN), Julie MARMET (MNHN), Maxime ZUCCA (Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France), Sandrine MILANO (ONF),
Julie MARATRAT (PNR du Gâtinais français), Alexandre MARI (PNR de la Haute-Vallée-de-Chevreuse), Arnaud BAK (PNR de la Haute-Vallée-de-Chevreuse),
Nicolas GALAND (PNR du Vexin français), Christophe PARISOT (Seine-et-Marne Environnement), Gaël MONVOISIN (COSIF), Sylvestre PLANCKE (CD 77),
Richard COUSIN (CD 78), Valérie STRUBEL (FCEN), Pierre BANCEL (Comité Départemental de Spéléologie du Val d’Oise - Commission de protection du patrimoine souterrain).

   
 

Rédaction : biotope.fr
Mise à jour 2023 par la DRIEAT Île-de-France
Dépôt légal : Février 2023 - ISBN : 978-2-11-167993-1

plan-actions-chiropteres.fr

Un programme du
Direction régionale et interdépartementale de l’environnement,
de l’aménagement et des transports d’Île-de-France
(DRIEAT)
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