Ce projet de manifeste est un point d’étape, la base à
partir de laquelle nous réfléchissons à des solutions
pertinentes pour sauvegarder nos
forêts. Ce n’est pas simple, toutes les forêts d’Île-de-France
ne se ressemblent pas. Elles ont des statuts et des fonctions différentes.
67 % de nos forêts sont des forêts privées, celles
qui sont en zone urbaine dense ne peuvent pas être traitées
comme les autres…
Cette complexité demande que l’on prête attention au
contexte, que l’on identifie les menaces, que l’on analyse
les conflits
d’usages. Au plus près du terrain, nos associations sont
particulièrement bien placées pour le faire
et pour coélaborer les politiques publiques nécessaires.
Constats et propositions.
Forêt
de protection : l'arbre qui cache la forêt |
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Le
statut de forêt de protection interdit tout changement
d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de
nature à compromettre la conservation ou la protection
des boisements. Introduit en 1922, il demeure aujourd’hui
l’outil juridique le plus efficace pour protéger
les forêts publiques comme privées, et fait figure
d’arbre qui cache la forêt en matière de protection
foncière des massifs forestiers. À l’aube
de son centenaire, ce statut est pourtant confronté à
une dynamique d’expansion contrariée, et au vent
de simplification qui tend à geler, de cime en cime, les
instruments de protection de la nature.
De
la lenteur de classement au dynamisme du déclassement
Les
forêts de protection couvrent aujourd’hui 154 000
ha de massifs boisés métropolitains, dont 64 428
hectares en Île-de-France, ce qui en fait la région
la mieux dotée de France. Derrière ce chiffre, la
situation des massifs concernés paraît moins reluisante,
au regard de la pression foncière comme des activités
extractives qui y sont exploitées. La procédure
de classement est, en effet, longue et sinueuse, le préfet
recueillant au préalable l’avis des maires et propriétaires
sous une forme qui tend vers la négociation. Entre la reconnaissance
de bois et forêts à classer et le classement
stricto sensu, peuvent se dérouler durant des décennies,
au cours desquelles les périmètres sont contestés
et généralement réduits, principalement au
profit de l’extension urbaine. C’est le cas de la
forêt de Bondy qui a été classée en
2022, alors que sa superficie a diminué significativement
ces dix dernières années. Protéger dans le
temps long donc, certes, mais sans se hâter.
Parmi
les sept forêts franciliennes à classer,
on peut citer l’exemple de la forêt de Meudon, dont
le classement est dit prioritaire depuis 2006, mais a
été coupée depuis par la nationale 118, et
les trams T6 puis T10. Plus avancé, le classement de la
forêt de Montmorency a fait l’objet d’une enquête
publique en 2022, à l’issue d’un processus
long et périlleux. Heureuses de voir ce projet sur le point
d’aboutir, les associations ont cependant regretté
un périmètre de classement fortement morcelé
et discontinu, dont ont été exclus de nombreux espaces
boisés classés et corridors de biodiversité.
Cela donne le sentiment que les forêts de protection ne
naissent que de victoires à la Pyrrhus, et qu’un
projet de classement fait peser sur une forêt le risque
d’une anticipation moins-disante de la part des élus
du territoire.
Gypse
et dérogations opportunistes
Si
la procédure n’est pas une sinécure, le classement
n’aboutit pas davantage à une sanctuarisation des
forêts classées. En premier lieu, le classement n’emporte
pas de conséquence sur le type de gestion sylvicole employé,
ce qui limite la portée du statut en matière de
biodiversité. Par ailleurs, une forêt de protection
n’est jamais à l’abri d’un déclassement
partiel, au gré des enjeux économiques du territoire.
C’est le cas de la forêt de Fontainebleau, qui a vécu
en 2017 sa cinquième enquête publique complémentaire,
aboutissant à un déclassement partiel.
Enfin,
les exceptions au principe de protection contenues dans le Code
forestier se multiplient et fragilisent le statut. Un décret
de 2018 a introduit la possibilité d’y mener des
travaux de recherche et d’exploitation souterraine de gisements
de gypse. Le Bassin parisien concentrant 70 % des ressources françaises
de gypse, ce dernier y est extrait dans trois forêts classées.
Au printemps 2023, le gouvernement a soumis à consultation
un projet de décret prévoyant de nouvelles exceptions
au principe de protection, tout en simplifiant la procédure
de déclassement, qui ne passera plus par un décret
en Conseil d’État. C’est donc à l’heure
où la forêt de protection nécessite un renforcement
structurel que l’urgence profite à son allégement. |
La forêt de protection en Île-de-France
- Situation au 31/10/2022 |
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Maxime
Colin, Juriste à FNE Île-de-France |
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Bois
de Vincennes : moratoire sur les coupes |
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Etienne Piechaud
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Etienne Piechaud |
Pour
cesser d'être inaudibles quant aux abattages et à
l'ampleur des coupes rases dans le bois de Vincennes, les associations
GNSA, ARBRES, FNE Île-de-France, FNE Paris, FNE Val-de-Marne,
SOS PARIS, Pour un monde fertile, PAZ, Aux arbres citoyens !,
et le Collectif Sauvons le bois de Vincennes ont engagé
un recours gracieux auprès de la Mairie de Paris.
En
effet, des opérations de coupes portant sur l’intégralité
des arbres de plusieurs secteurs du bois de Vincennes, constatées
depuis 2021, se sont accélérées en 2022 et
2023.
Ces coupes rases s’inscrivent dans un contexte d’augmentation
sans précédent des abattages d’arbres au sein
de ce bois, que les coupes aient pour prétexte des éclaircies
- 45 ha pour ce seul hiver 2023-, des dégagements,
des enclos de régénération ou des
mares, en principe positives pour la biodiversité,
mais en pratique souvent créées sur bâches
plastiques, et alimentées en eau par camion.
Or les coupes d’arbres sains ont des effets délétères
sur de nombreuses espèces, dont des espèces protégées,
surtout lorsqu’elles portent sur l’intégralité
des arbres d’un terrain, et perturbent fortement les écosystèmes,
provoquant un déclin de la faune et de la flore du bois,
tant qualitatif - nombre d'espèces - que quantitatif :
nombre d’individus. En effet, ces coupes ne font pas seulement
disparaître des arbres, mais aussi des habitats, des sources
de nourriture, des abris pour de nombreuses espèces, et
entraînent leur mise en danger.
Dans ce contexte et malgré un effort de dialogue de la
part de la ville, notre collectif de défenseurs de l’environnement
demande en urgence à la Maire de Paris un moratoire sur
les coupes d’arbres dans le bois de Vincennes et la suspension
de toute coupe en dehors de motifs sanitaires ou de sécurité.
La reprise des coupes devrait être subordonnée à
l’abandon définitif de la pratique des coupes rases
et à une révision en profondeur de la gestion du
bois, en particulier pour inscrire la préservation des
espèces protégées en son cœur.
Ces demandes, formalisées dans un recours gracieux du 22
novembre 2023 par l’intermédiaire de leur conseil,
Me Marc Pitti-Ferrandi, associé du cabinet TerraNostra
Avocats, portent en outre sur la réalisation d’une
étude d’impact du plan de gestion arboricole 2021-2030
du bois de Vincennes, et sa soumission à l’Autorité
environnementale pour s’assurer de la mise en œuvre
d’une démarche ERC - Eviter – Réduire
– Compenser -, sur le fondement de la Directive Projets
de l’Union européenne (Directive n°85/337/CEE
du 27 juin 1985 codifiée par la Directive n°2011/92/UE
du 13 décembre 2011). |
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Végétaliser
n’est pas créer une forêt urbaine
La
maire de Paris avait annoncé plusieurs forêts urbaines.
Seules deux voient le jour. Une mini réalisation place
de Catalogne, dans le XIVe arrondissement, au pied des immeubles
de Ricardo Bofill, en 2024, une autre sur une friche ferroviaire
dans le XXe arrondissement, entre les portes de Montreuil et Vincennes,
le long de la petite ceinture. Cette dernière aurait davantage
vocation à être une réserve de biodiversité.
Intentions louables, affichage politique ? Pour faire passer la
pilule des espaces de verdure sacrifiés à l’appétit
des promoteurs immobiliers ? Et quelles espèces indigènes
pourront s’adapter aux conditions critiques de l’écosystème
parisien ? |
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Christine
Nedelec, Présidente de FNE Paris |
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Menaces
sur les forêts : 3 dangers |
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L’élévation
de la température de l’atmosphère, qui
entraîne une sécheresse des sols et une forte évapotranspiration
des végétaux, les attaques des arbres par les insectes
xylophages - scolytes, phylloxera du chêne, cochenille du
hêtre, guêpes à galles - et les champignons
- encre du châtaignier, chalarose du frêne, armillaire,
polypore marginé, charançon du hêtre -, mais
aussi des prélèvements de bois importants, surtout
dans les forêts domaniales où ils approchent la croissance
annuelle pour certaines forêts urbaines.
Les forêts privées trop morcelées et mal gérées
sont épargnées des forts prélèvements.
À côté de ces menaces principales, la
très grande fréquentation des forêts
par nos concitoyens tend à compacter les sols et à
réduire la pénétration de l’eau, quand
ce n’est pas l’extension d’aires de jeux pour
des cyclistes qui prennent les allées forestières
pour des pistes de trial.
Enfin, quelques grands animaux comme les cervidés
et les sangliers se nourrissent des jeunes plants pour les premiers,
ou défoncent les sols avec leurs groins pour y trouver
vers et insectes à consommer pour les seconds. |
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Rosa
Bonheur - La mare aux fées à Fontainebleau |
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.......Pour
des forêts vivantes en Île-de-France
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................Édité
par FNE Ile-de-France - Association régionale
agréée Environnement - Publié avec
le concours du Conseil Régional d’Île-de-France
................Directeur
de publication : L. Blanchard - Dépôt
légal : Décembre 2023 - Janvier 2024 -.N°
Commission Paritaire : 0124 G 81563 - ISSN 2555-2546
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Le
devenir des forêts franciliennes nous préoccupe
tous.
Nos forêts souffrent du réchauffement climatique.
Les sécheresses à répétition
les fragilisent, les maladies et la surexploitation
les mettent à genoux. En 2022, les forêts
du Grand Est ont émis plus de carbone qu’elles
n’en ont capté ! L’alerte est très
sérieuse. Il fallait faire le point avec l’ensemble
des acteurs et élaborer des propositions. C’est
ce que nous avons fait le 8 juin 2023 lors d’un
colloque à l’Académie du climat.
Nous en avons publié les actes, et rédigé
un projet de manifeste qui occupe le cahier central
de ce numéro de Liaison.
Nous
devons un grand merci à toute l’équipe,
salariés et bénévoles, qui anime
notre fédération FNE Ile-de-France. C’est
grâce à l’investissement de chacune
et de chacun que notre mouvement peut contribuer à
la transition. Nous dédions à tous les
touches de poésie qui émaillent ce numéro.
fne-idf.fr
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Le
magazine des associations
de protection de l'environnement
de l'Île-de-France
Comité
de rédaction :
J. Buisson, M. Colin, C. Giobellina,
M. Holvoet, P. Latka, I. Lledo,
M. Martin-Dupray, J-P. Moulin,
C. Nedelec, I. Nenner, F. Redon,
M. Riottot, H. Smit, D. Védy. |
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