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Pour des forêts vivantes en Île-de-France

(1) Chiffres clés de la forêt et du bois en Île-de-France
Fontainebleau : Forêt ou massif forestier ? Une forêt sous pression
Le massif face aux changements climatiques

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Ce projet de manifeste est un point d’étape, la base à partir de laquelle nous réfléchissons à des solutions pertinentes pour sauvegarder nos
forêts. Ce n’est pas simple, toutes les forêts d’Île-de-France ne se ressemblent pas. Elles ont des statuts et des fonctions différentes.
67 % de nos forêts sont des forêts privées, celles qui sont en zone urbaine dense ne peuvent pas être traitées comme les autres…
Cette complexité demande que l’on prête attention au contexte, que l’on identifie les menaces, que l’on analyse les conflits
d’usages. Au plus près du terrain, nos associations sont particulièrement bien placées pour le faire
et pour coélaborer les politiques publiques nécessaires. Constats et propositions.

Chiffres clés de la forêt et du bois en Île-de-France  

Couvrant environ 287 000 ha, les bois et forêts franciliens représentent 24 % de la surface régionale soit autant que la surface urbanisée, contre une moyenne nationale de 31 %. La répartition spatiale de la forêt est très hétérogène : quelques très gros massifs forestiers émergent au milieu d’une forêt dispersée dans le territoire rural de la grande couronne. Il s’agit dans l’ensemble de forêts de plaines composées de feuillus, telles les chênaies - dominées par les chênes pédonculé et sessile - qui représentent près de 60 % de la forêt régionale.
Ces essences sont associées à l’aulne glutineux, au frêne et aux saules, sur des sols frais à humides. Les alisiers, le hêtre, le châtaigner et le pin sylvestre se révèlent sur des sols plus secs.

On distingue les forêts privées, représentant 70 % de la surface forestière francilienne, et appartenant à 148 000 propriétaires différents, et les forêts publiques, représentant les 30 % restants.
Celles-ci comprennent :

  • Les forêts domaniales, domaine de l’État, géré par l’Office national des forêts (ONF)
    • À l’ouest, plus de 33 000 hectares avec notamment les forêts domaniales de Rambouillet, Saint-Germain, Montmorency…
    • À l’est, plus de 50 000 hectares avec notamment le massif de Fontainebleau, les forêts de Sénart, Villefermoy ou Armainvilliers.
  • Les autres forêts publiques appartenant à des collectivités, dont 11 000 ha répartis sur 40 forêts régionales, principalement situées dans la ceinture verte.

Le chêne Bodmer, forêt de Fontainebleau - Claude Monet

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Fontainebleau : Forêt ou massif forestier ?
 

Pourquoi massif forestier de Fontainebleau et pas simplement forêt de Fontainebleau ? La forêt de Fontainebleau est un raccourci pratique, souvent utilisé dans la vie courante, mais qui ne correspond pas à la réalité, quand il s’agit de désigner, d’un point de vue géographique ou naturaliste, l’ensemble de l’espace boisé - mais pas que ! - formé par la réunion de trois forêts domaniales mitoyennes, et entourées d’un ourlet de boisements privés :

La forêt domaniale de Fontainebleau : 16 960 ha

Sur les communes - toutes en Seine-et-Marne- d’Avon, Bois-le-Roi, Bourron- Marlotte, Chailly-en-Bière, Dammarie-les-Lys, Fontainebleau, La Rochette, Montigny-sur-Loing, Samois-sur-Seine, Thomery, Veneux-les Sablons, Villiers-en-Bière. C’est par excellence la forêt des grandes et vieilles futaies feuillues.

En forêt domaniale de Fontainebleau © L.Albesa

La forêt domaniale des Trois Pignons : 3 299 ha

Sur les communes, en Seine-et-Marne, d’Achères-la-Forêt, Arbonne-la-Forêt, Le Vaudoué, Noisy-sur-École, et, en Essonne, sur une partie de Milly-la-Forêt. C’est le domaine du pin sylvestre planté… puis envahissant même les chaos rocheux.

La forêt domaniale de la Commanderie : 2 500 ha

Sur les communes, en Seine-et-Marne, de Larchant, Grez-sur-Loing, Recloses, Saint-Pierre-lès-Nemours et Villiers-sous-Grez. D’une surface de 1 400 ha seulement en 2009, cette forêt domaniale a fait l’objet, en 2004, d’une déclaration d’utilité publique (DUP), qui a permis l’acquisition par l’État d’un grand nombre de parcelles privées, permettant de quasiment doubler sa surface à l’issue de la DUP en 2019. Ici encore, point de vieille futaie, sauf dans sa frange nord, au voisinage de Recloses, où elle côtoie la forêt de Fontainebleau.

La forêt domaniale des Trois Pignons © L.Albesa

L’addition des trois forêts domaniales représente donc 22 759 ha, et la mention souvent citée de 25 000 ha pour le massif forestier de Fontainebleau résulte probablement d’une approximation englobant quelques petits boisements privés sur sa périphérie.

Autres périmètres, autres confusions :

  • les deux zones Natura 2000 massif de Fontainebleau, désignées depuis 2004 au titre de la Directive européenne Habitats/Faune/Flore pour les 28 063 ha de la zone spéciale de conservation, et de la Directive Oiseaux pour les 28 092 ha de la zone de protection spéciale. Ces zonages plus larges incluent de nouvelles communes qui s’ajoutent aux précédentes. C’est le cas en Seine-et-Marne pour Barbizon, Boissy-aux-Cailles, La Chapelle-la-Reine, Tousson, Ury et de Courances qui s’ajoute à Milly-la-Forêt, en Essonne.
  • la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais français, sur près de 150 000 ha, territoire reconnu en 1998 par l’UNESCO, qui reçoit ainsi une reconnaissance internationale pour sa formidable mixité de richesses humaines et naturelles Man And Biosphere, dans un périmètre bien plus étendu. Ses actions sont coordonnées par l’Association de la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais, dont le siège est situé à Fontainebleau, au centre d’écotourisme de Franchard.

La forêt domaniale de la Commanderie © L.Albesa

Louis Albesa, Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau (ANVL)

Une forêt sous pression

La richesse floristique et faunistique de la forêt de Fontainebleau est étroitement liée à la diversité des sols, des milieux et des reliefs. Mais le regain d’intérêt pour la fréquentation des espaces naturels et l’émergence de nouvelles formes d’activités récréatives augmentent la vulnérabilité de cet écosystème.

On parle de surfréquentation lorsque la pression des visiteurs, touristes ou usagers d'un milieu naturel est telle qu'elle dépasse la capacité du milieu à se régénérer.
Certaines activités, qui paraissent anodines à première vue, ne sont pas sans conséquences pour l’environnement. En effet, les passages répétés de milliers de promeneurs, cyclistes, cavaliers, quads, peuvent occasionner de nombreuses dégradations sur le terrain : tassement des sols, phénomènes d’érosion ; le sable qui compose les sols est transporté dans les vallons, entraînant la mise à nu des racines des arbres, ou la chute de rochers. D’où l’importance de respecter les sentiers créés, aménagés et entretenus par les forestiers. Le massif est sillonné par plus de 300 km de sentiers balisés et environ 1 600 km de routes forestières.

Impacts anthropiques

La surfréquentation peut aussi, dans certain cas et à certaines périodes, compromettre la reproduction de certaines espèces sensibles au dérangement, ou entraver la libre circulation de certaines espèces animales, ou susceptibles d’être écrasées, comme les amphibiens lors des migrations pré et post-nuptiales, notamment sur les routes forestières ouvertes aux voitures.
Outre la dégradation du couvert végétal, d’autres impacts peuvent porter atteinte à certains milieux déjà fragiles ou menacés des espèces ou l'équilibre écologique du site :

  • l'odeur humaine ou des chiens peut faire fuir certains animaux craignant l'homme
  • le bruit et d'autres formes de dérangement de la faune comme les chiens non tenus en laisse
  • l'abandon de déchets
  • les feux générés par les cigarettes, actes involontaires ou de vandalisme
  • la pression excessive de la cueillette, des prélèvements de bois, de fleurs, de mousses, de fruits…

Comment concilier préservation du milieu et fréquentation du public ?

À l’échelle de l’Île-de-France, se mettent progressivement en place des comités de gestion dans lesquels les gestionnaires de forêts - ONF, CRPF, Fransylva… - , les élus et les associations travaillent main dans la main pour élaborer des schémas d’accueil du public. Le but est d’éveiller chez les visiteurs une prise de conscience de leur impact, et de mieux canaliser les usagers afin de préserver ces milieux fragiles.


Les passages répétés hors sentiers balisés accélèrent l’érosion des sols © Catherine Giobellina

Catherine Giobellina, Administratrice de FNE Île-de-France

Le massif face aux changements climatiques

Les réponses aux changements climatiques ne peuvent être uniformes en tout point du territoire français, et a fortiori au sein même du massif de Fontainebleau, des forêts des Trois Pignons et de la Commanderie.

Apporter des méthodes de gestion et de régénération homogènes à l’échelle de ce massif forestier équivaudrait à faire peser des risques supplémentaires sur des habitats et la biodiversité qui y est associée. Bien au contraire, c’est la diversité des approches qui est à promouvoir pour protéger ces milieux forestiers face aux changements annoncés.
Ainsi, il convient de permettre à la forêt de se régénérer par elle-même lorsque c’est possible, de se prémunir contre les préjugés selon lesquels, par exemple, la hêtraie n’aurait bientôt plus sa place à Fontainebleau. Il convient aussi de mener une action prudente de sélection des essences forestières nouvelles appelées en renfort. Cette action doit se fonder autant sur le corpus de connaissances accumulées sur la biologie et l’écologie de ces essences, que sur les observations des comportements desdites essences sur le terrain face aux changements globaux. Il n’est pas exclu, une fois de plus, que la nature nous surprenne par sa capacité d’adaptation.

© L.Albesa

La question qui se pose pour l’avenir des forêts face aux changements climatiques n’est pas tant celle de la pérennité des forêts elles-mêmes, et de la biodiversité qu’elles hébergent, mais plutôt celle du risque face à la tentation d’une économie de production forestière, et son penchant associé pour la monoculture. Les réponses apportées devront reposer sur des bases écosystémiques, et prendre en compte les capacités de stockage de carbone. La préservation de la diversité des boisements, le renforcement de la résilience de la forêt face à des périodes de sécheresse à la fois plus intenses et plus longues, devraient être la meilleure assurance pour le maintien en bonne santé de ces forêts.
Ce massif forestier doit également rester un pôle majeur de préservation de la biodiversité, de loisirs, de détente, d’apprentissage et de reconnexion à la nature pour une population urbaine, d’autant plus du fait de sa proximité avec la capitale.
Les changements climatiques auront indéniablement des incidences sur l’industrie du bois et sur l’état sanitaire des boisements dans les décennies à venir, mais n’oublions pas que le remède peut être parfois pire que le mal, et que l’usage de chaque remède doit reposer sur une connaissance éclairée de la situation. Ayons la modestie de penser que nos savoirs face aux changements climatiques sont encore en cours de consolidation et que nous devons poursuivre les travaux de recherche, de mise en place d’observatoires de la forêt et partager les retours d’expériences sur les tentatives de régénération et sur les sélections d’espèces, avant de prendre de grandes orientations pour nos forêts de demain.
Enfin, n’oublions pas d’y accorder les moyens financiers et humains en adéquation avec l’ampleur du défi.
© L.Albesa

Philippe Gourdain, Ingénieur écologue & vice-président de l’ANVL
 
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Pour des forêts vivantes en Île-de-France

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................Édité par FNE Ile-de-France - Association régionale agréée Environnement - Publié avec le concours du Conseil Régional d’Île-de-France
................Directeur de publication : L. Blanchard - Dépôt légal : Décembre 2023 - Janvier 2024 -.N° Commission Paritaire : 0124 G 81563 - ISSN 2555-2546

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Le devenir des forêts franciliennes nous préoccupe tous.
Nos forêts souffrent du réchauffement climatique. Les sécheresses à répétition les fragilisent, les maladies et la surexploitation les mettent à genoux. En 2022, les forêts du Grand Est ont émis plus de carbone qu’elles n’en ont capté ! L’alerte est très sérieuse. Il fallait faire le point avec l’ensemble des acteurs et élaborer des propositions. C’est ce que nous avons fait le 8 juin 2023 lors d’un colloque à l’Académie du climat. Nous en avons publié les actes, et rédigé un projet de manifeste qui occupe le cahier central de ce numéro de Liaison.

Nous devons un grand merci à toute l’équipe, salariés et bénévoles, qui anime notre fédération FNE Ile-de-France. C’est grâce à l’investissement de chacune et de chacun que notre mouvement peut contribuer à la transition. Nous dédions à tous les touches de poésie qui émaillent ce numéro.

fne-idf.fr

 

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Le magazine des associations
de protection de l'environnement
de l'Île-de-France

Comité de rédaction :

J. Buisson, M. Colin, C. Giobellina,
M. Holvoet, P. Latka, I. Lledo,
M. Martin-Dupray, J-P. Moulin,
C. Nedelec, I. Nenner, F. Redon,
M. Riottot, H. Smit, D. Védy.