L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés
comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à
la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée
par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités
à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements
supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage
à une gestion écologique et différenciée est
la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps
d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé
par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure
conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière
un espace de nature à part entière.
Mieux
communiquer, élément clé de la gestion écologique
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Plus
qu’ailleurs, la communication est un outil indispensable
pour accompagner les changements de pratiques dans les cimetières.
L’application d’une gestion écologique nécessite
une très bonne communication, non seulement auprès
des élus, des agents, des professionnels du funéraire,
mais aussi des habitants et des familles. Pour être compris
et désiré par ces usagers, l’arrêt de
l’usage des pesticides passe obligatoirement par une meilleure
perception et acceptation de la flore spontanée.
La
communication doit utiliser l’ensemble des outils et des
supports à disposition de la collectivité. Ainsi
selon le public visé, les actions suivantes peuvent être
mises en place :
-
Les élus : journée d’information
et de présentation des pratiques en insistant sur la
santé des agents, le coût, l’amélioration
du cadre pour les usagers…
-
Les agents techniques : journées d’information
et de formation aux pratiques de gestion écologique
et à l’arrêt de l’usage des pesticides.
Visites de collectivités appliquant déjà
la démarche dans leurs cimetières, et démonstration
du matériel. Implication dans la mise en œuvre
et le choix des techniques à utiliser.
-
Les professionnels du funéraire
: sensibilisation sur la démarche et les techniques
de gestion mises en place, via une journée d’information
et de présentation. Définir avec eux les conditions
d’inhumation des défunts : matériaux utilisés,
signature d’une charte… (cf. :
règlement intérieur et charte d’engagement,
p. 87 du guide)
-
Les usagers
: communication via les journaux locaux, le site Internet
de la collectivité, affiches et panneaux dans le cimetière,
et journées d’information afin de présenter
les pratiques de gestion écologique mises en place,
réponse systématique aux courriers, courriels,
appels téléphoniques…
Les
agents d’entretien peuvent être également des
vecteurs d’information pour les visiteurs sur les techniques
employées, l’évolution du cimetière,
et le zéro pesticide.
Des
panneaux installés à des emplacements stratégiques
expliquant les techniques de gestion adoptées ainsi que
les objectifs visés permettront de sensibiliser les familles
sur les changements dans le paysage que la gestion écologique
peut apporter. Un affichage de la réglementation à
l’entrée du cimetière permettra de rappeler
ce qui est autorisé ou non dans l’entretien des concessions
et de faire des préconisations sur le fleurissement par
exemple. |
Cimetière
de Mons en Belgique Jonathan Flandin
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Les
supports de communication |
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Panneau - cimetière communal de Fontainebleau (77) Arp-Astrance
/ EcoJardin
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Panneau : les espaces sans pesticides - cimetière de l’Est
à Rennes (35) Jonathan Flandin
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Pour
communiquer, de nombreux vecteurs et supports peuvent être
utilisés pour toucher un maximum de personnes :
-
les articles dans les journaux et bulletins communaux ainsi
que les prospectus
: ils ont l'avantage d'être lus par la population et
diffusés dans toutes les boîtes aux lettres ;
-
les panneaux en ville
: ils doivent être installés sur les lieux où
les actions sont les plus marquantes, en les expliquant afin
de permettre aux citoyens de se les approprier ;
-
les évènements de sensibilisation
: il peut s’agir d’animations autour des pratiques,
de stands lors d’évènements - fête
de la nature par exemple -, de conférences, d’expositions…
;
-
les agents
: leurs vêtements ou les véhicules permettent
de passer des messages. Les agents peuvent également
échanger directement avec les usagers sur les nouvelles
pratiques ;
-
l'entretien
: les pratiques de gestion peuvent être mises en scène
pour faciliter l’acceptation ;
-
la labellisation des pratiques : les labels permettent
de valider une démarche, et permettent une reconnaissance
de la qualité des modes de gestion appliqués
: Eco-Jardin, Terre Saine…
à
gauche : Panneau
: un chantier d'enherbement - cimetière de Pessac (33)
Oréade-Brèche / EcoJardin
à droite : Affiche
sur la démarche de gestion écologique - cimetière
à Niort (79) Ville de Niort |
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Règlement
intérieur et charte d’engagement |
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Panneau sur l’arrêt de l’utilisation des pesticides
dans les cimetières de Caen (14) Ville de
Caen
Visite du cimetière des Gonards à Versailles (78)
dans le cadre d’une journée technique sur le zéro
pesticide dans les cimetières Jonathan Flandin |
Le
règlement intérieur est un document écrit
qui précise les conditions et les règles d’usage
dans le cimetière. Il va permettre notamment de fixer
les conditions d’inhumation des défunts ou de gestion
des concessions. Dans le cadre d’une démarche de
conception d’un cimetière naturel ou d’un
réaménagement, le règlement pourra fixer
les éléments suivants :
-
les conditions d’inhumation des cercueils : en pleine
terre uniquement, proscription des caveaux ;
-
les limites des soins du corps au strict minimum ;
-
l’usage de vêtements en fibres naturelles pour
habiller le défunt ;
-
le choix de cercueils en bois non traité issu d'une
forêt française - avec des vernis certifiés
sans solvant - ou en matériaux recyclés et biodégradables
ainsi que des accessoires - cuvette, housse, garniture et
poignées - en matériaux biodégradables
;
-
le choix des matériaux locaux - pierre locale par exemple
- pour le pupitre d’identification de la sépulture
;
-
seulement des fleurs naturelles coupées, pas de fleurs
artificielles ;
-
une végétalisation de la sépulture parmi
la liste de plantations indiquées par la municipalité
;
-
l’interdiction de l’usage de produits phytosanitaires
ou biocides - eau de javel par exemple - pour entretenir les
sépultures.
La
sensibilisation à l'entretien des sépultures est
un point important dans la gestion d’un cimetière.
Cette partie étant à la charge des particuliers,
un mauvais entretien peut entraîner une présence
d’herbe importante.
Le
règlement du cimetière peut permettre d’étendre
les bonnes pratiques aux particuliers en les obligeant, ainsi
qu’aux entreprises intervenant en leur nom, à entretenir
les concessions sans produits phytosanitaires, à procéder
à la maintenance générale du monument,
au nettoyage et au balayage, ainsi qu'à veiller au bon
état des joints cimentés des entre-tombes pour
limiter la présence d’herbe. Le concessionnaire
est réputé responsable du joint bordant la concession
sur la gauche, ainsi que sur les parties haute et basse. L’utilisation
de produits phytosanitaires étant interdite, le désherbage
manuel constitue de fait la règle.
Afin
de faciliter l’application de ce règlement, la
collectivité peut faire signer une charte d’engagement
aux familles des défunts, ainsi qu’une attestation
de suivi de ces règles aux entreprises des pompes funèbres.
Certaines
communes se sont déjà engagées dans cette
démarche de sensibilisation des familles aux enjeux environnementaux
dans les cimetières. C’est le cas de la ville de
Niort, qui dans le cadre de la création du cimetière
naturel du Souché a mis en place un règlement
intérieur intégrant l’ensemble de ces éléments.
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Valoriser
ses pratiques : le label Ecojardin |
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Le
label EcoJardin, référence de gestion écologique
des espacs verts, est un outil de communication et de reconnaissance
à destination du public, des équipes d'entretien
et des élus.
à
gauche : Cimetière
des Gonards à Versailles (78), 1er cimetière labellisé
EcoJardin en 2012 Jonathan Flandin
à droite : Cimetière
de la Chartreuse à Bordeaux (33), labellisé EcoJardin
en 2017
Oréade-Brèche / EcoJardin
Les
principes de base du label sont les suivants :
-
un
label par site, qui s’assure toutefois que le gestionnaire
est bien engagé dans une démarche globale de
gestion écologique ;
-
des audits réalisés par des organismes externes
compétents et indépendants, et basés
sur des grilles d’évaluation communes ;
-
l’engagement dans une démarche d’amélioration
continue.
Un
site peut être présenté à la labellisation
à partir du moment où il accueille un public :
grand public, salariés d’une entreprise, élèves,
résidents… Ainsi, un parc, un jardin, un espace
naturel aménagé, mais aussi un cimetière,
peuvent être labellisés dans le but de voir validée
leur gestion respectueuse de l’environnement. En 2012,
la ville de Versailles a été la première
à obtenir la labellisation de deux de ses cimetières
: le cimetière des Gonards et celui de Notre-Dame. Depuis,
ce sont 21 cimetières répartis dans toute la France
métropolitaine qui se sont vu décerner le label.
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Cimetière Saint-Roch à Grenoble (38) labellisé
EcoJardin en 2015 Agrostis / EcoJardin |
Cimetière
de l’Est à Rennes (35) labellisé EcoJardin en
2013 Ville de Rennes |
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Retour
d'expérience : La démarche de labellisation
Ecojardin du cimetière de l'Est, à Rennes (35)
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Si
la ville de Rennes a mis en place dès 1981 une gestion
différenciée de ses espaces verts communaux, l’abandon
progressif des traitements chimiques a lui débuté
au début des années 1990. Puis, en 2001, une expérience
a été menée sur un quartier, consistant à
supprimer le désherbage chimique, et à expérimenter
des techniques alternatives au désherbage sur l’ensemble
du domaine public. Il s’agissait aussi de faire prendre
conscience aux habitants de leur rôle dans la protection
de l’eau et de l’environnement. Ainsi, depuis 2005,
la ville de Rennes a supprimé l’utilisation des désherbants
sur son territoire, aussi bien par ses jardiniers que ses agents
de la voirie, à l’exception des cimetières.
En
2011, les cimetières rennais ont été sélectionnés
comme zones tests. Cela a conduit en 2012 à un arrêt
total de l’usage des pesticides. Au-delà de l’entretien
des sites, le travail de la direction des jardins et de la biodiversité
a également consisté, en lien avec le service funéraire,
à assurer une présence et une écoute en continu
auprès des visiteurs des cimetières pour expliquer
les objectifs de cette gestion écologique.
La communication a été un élément
essentiel dans la démarche pour atteindre l’objectif
zéro pesticide dans les cimetières rennais d’une
part, au moyen d’une communication externe vers les usagers
- in situ, accueil comités d’habitants, commissions
cadre de vie, presse… - ainsi que les autres collectivités,
les professionnels… et, d’autre part, grâce
à une communication interne à destination des agents
de la direction des jardins et de la biodiversité - formation,
participation à des colloques, visites d’autres collectivités,
partage d’expériences, présentation de leurs
actions… - et des agents des autres directions : service
funéraire, direction de quartier…
Fin 2013, le label EcoJardin (voir Le label EcoJardin,
p. 88 du guide) a été attribué à
la ville de Rennes pour le site du cimetière de l’Est,
à la suite d’un audit portant sur huit domaines d’action
: les sols, l’eau, la faune et la flore, les équipements
et les matériaux, les engins et les matériels, la
formation des agents, l’accueil et la sensibilisation du
public, et l’intégration du site dans son environnement.
La ville de Rennes a souhaité labelliser le cimetière
de l’Est pour :
-
réaffirmer son engagement sur la politique du zéro
pesticide ;
-
bénéficier d’un audit externe sur un cimetière
comme derniers sites passés
au zéro pesticide ;
-
avoir une reconnaissance du travail des jardiniers et agents
d’accueil ;
-
affirmer sa volonté de communication vis-à-vis
des habitants ;
-
avoir une traçabilité écrite du travail
effectué ;
Cette
labellisation s’est faite sous la forme d’une démarche
projet sur quasiment une année, et a nécessité
un travail d’équipe important avec une mobilisation
et une implication de chacun des participants pour :
-
des recherches sur le terrain, des recherches documentaires
;
-
des sollicitations d’autres acteurs de la collectivité
;
-
la création de documents nécessitant de traduire
par écrit des actions jusque-là non formalisées
;
-
une bonne coordination générale ;
-
le respect des délais et des échéances
annoncés.
Ce
site a reçu le label EcoJardin en 2013, renouvelé
en 2017, après un nouvel audit qui a permis de mettre en
avant les évolutions du site depuis l'obtention initiale
(voir
Le label EcoJardin, p. 88 du guide) :
-
développement de nouvelles offres funéraires
en intégrant dès la conception le végétal
et le non-désherbage : archipels cinéraires,
rivière de dispersion… ;
-
renforcement des zones de fauche et prairies fleuries ;
-
poursuite de la végétalisation à l'intérieur
des sections ;
-
mise en place de composteurs ;
-
gestion de développement de la strate herbacée
au moyen de débroussailleuses et coupe-bordures, en
abandonnant progressivement les actions de désherbage
;
-
renforcement de la communication : usagers, scolaires, autres
collectivités… ;
-
installation de ruches et hôtels à insectes ;
-
éco-pâturage
dans le cimetière, avec l'installation de moutons d’Ouessant
sur des parcelles identifiées.
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Cimetière
de l’Est Rennes
Métropole
Désherbage alternatif des inter-tombes
Rennes Métropole
Éco-pâturage
par des moutons de Ouessant Rennes Métropole
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.....
.......Guide
de conception et de gestion écologique des cimetières
..............
................L'Agence
régionale de la biodiversité en Île-de-France
(ARB îdF) a voulu, dès sa création,
sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................
................accompagner
les collectivités dans la mise en œuvre
d’une gestion écologique et différenciée
de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................
................action,
car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent
parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité
en Île-de-France,
................la
seconde étant la disparition et la fragmentation
des habitats naturels dues à l’urbanisation
et aux infrastructures..
................
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......
.......
...
|
.....
....
Les
cimetières sont souvent la dernière difficulté
dans la mise en place de pratiques sans intrants chimiques
et plus respectueuses de l’environnement. Une
conception très minérale et une perception
des herbes folles liées au sentiment
d’abandon en sont la cause. La diversité
des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité,
entreprises de pompes funèbres, familles des
défunts - complexifie encore plus la démarche
de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités
et aux professionnels les clés essentielles pour
concevoir et gérer différemment leurs
cimetières, tout en respectant la règlementation
actuelle, encore trop souvent méconnue. De la
conception à la gestion, en passant par la communication,
tous les éléments présentés
ici sont le fruit de la synthèse de nombreux
ouvrages, fiches techniques, expériences, et
rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr
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