L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés
comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à
la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée
par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités
à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements
supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage
à une gestion écologique et différenciée est
la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps
d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé
par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure
conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière
un espace de nature à part entière.
Faire
du cimetière un espace de nature
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Souvent
réalisée par les services des espaces verts ou de
l’état civil, la gestion écologique des cimetières
permet de concilier les enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
Comme les espaces verts, les cimetières peuvent, par une
gestion adaptée, être des lieux accueillants pour
la biodiversité.
La diversité des milieux que l’on y trouve constitue
autant d’atouts et d’opportunités pour faire
du cimetière un espace de recueillement pour les proches
et d’accueil pour la biodiversité.
Les cimetières ont la particularité de faire intervenir
plusieurs types de gestionnaires :
-
la collectivité
: entretien des allées, des inter-tombes, des espaces
d’inhumation spécifiques : jardin du souvenir,
terrain commun, espaces d’inhumation dont l’entretien
est prévu dans le règlement intérieur.
Cette gestion peut se faire en régie ou via des prestataires
extérieurs. Elle ne doit pas intervenir sur les espaces
concédés, sauf exception ;
-
les familles
: entretien de la concession et des constructions qui s’y
trouvent ;
-
les opérateurs privés : procèdent
aux inhumations et opérations mortuaires - pompes funèbres
- ou sont chargés par les familles - marbriers, fleuristes,
sociétés d’entretien de tombes… -
des tâches d’entretien de leur concession.
Il
est important de prendre en compte les espaces non gérés
par la collectivité, dans le cadre de la mise en place
d’une gestion écologique.
Il est possible d’intervenir auprès de ces autres
acteurs en les sensibilisant via une communication adaptée,
des réunions ou une adaptation spécifique des règlements
des cimetières sur ces questions.
Si la collectivité gère le cimetière via
des prestataires extérieurs, elle peut les inciter à
appliquer des pratiques de gestion écologique, et notamment
à ne pas utiliser de pesticides, en intégrant des
critères allant dans ce sens au sein du cahier des charges
des appels d’offres.
La gestion de la strate herbacée est la principale préoccupation
en termes de gestion écologique pour les collectivités.
Trois types d’intervention permettent d’y faire face
: le réaménagement des espaces existants, les actions
préventives permettant d’éviter le désherbage,
et les interventions curatives via les pratiques alternatives
au désherbage chimique. Cependant, en gestion écologique,
et dans une démarche d’amélioration continue
des pratiques, le désherbage doit être la dernière
solution à mettre en œuvre si aucune autre alternative
ne peut être mise en place. |
Cimetière
des Gonards à Versailles (78) Jonathan Flandin
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Élaborer
un plan de gestion écologique |
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Pour
qu’une gestion écologique réussisse, elle
doit s’accompagner d’un plan de gestion permettant
de définir le type d’intervention à appliquer
dans les diverses zones du cimetière. C’est un outil
de management et de suivi qui est aussi la mémoire des
pratiques sur le site.
Avant
de commencer la rédaction de ce plan, il est important
de suivre les étapes suivantes :
- faire
un inventaire des espaces gérés : surfaces et
caractéristiques ;
-
diagnostiquer les pratiques actuelles pour chacun de ces espaces
;
-
recenser le personnel et le matériel à disposition
;
-
faire un bilan des coûts avant la mise en place des nouvelles
pratiques ;
-
mettre en place une cartographie adaptée.
Cet
état des lieux est la base de travail pour établir
le plan de gestion indispensable à la mise en place des
techniques alternatives d’entretien du cimetière.
Ce plan doit être accompagné d’une cartographie
précise des espaces indiquant le niveau de gestion qui
s’y applique : gestion différenciée. Les différents
niveaux de gestion seront repris dans un tableau détaillant
les techniques à employer, ainsi que le nombre d’interventions
selon les objectifs fixés.
Schéma
synthétique de l’élaboration d’un plan
de gestion
ARB ÎdF |
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Gestion
des surfaces imperméables |
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Les
surfaces imperméables dans les cimetières forment
en général les grands axes de circulation pour
les véhicules et les piétons.
Ces
espaces étaient traditionnellement désherbés
chimiquement depuis la seconde moitié du XXe siècle.
Pour éviter l’usage des pesticides, des techniques
alternatives spécifiques peuvent être mises en
œuvre
:
-
Désherbage manuel
: pour un entretien des zones de petite surface, la binette
ou tout autre système manuel sont coûteux en
temps mais très écologiques. Cette technique
permet de supprimer la plante et son système racinaire,
limitant ainsi le nombre de passages : 3 à 4 passages
par an. Un balai métallique ou en plastique peut également
permettre d’arracher les herbes non désirées
et enlever une partie de la matière organique - 7 à
12 passages par an -, le long des caniveaux par exemple.
-
Désherbage mécanique
: pour un entretien des zones de grande surface, les brosses
rotatives métalliques ou plastiques - adaptées
à une débroussailleuse, tractées ou fixées
sur un micro-tracteur - permettent d’arracher les plantes
au niveau des jointures, et suppriment une partie du substrat.
Il faut cependant ramasser les plantes arrachées derrière
chaque passage : 5 passages par an. La débroussailleuse
peut être utilisée pour entretenir les espaces
difficilement accessibles, comme les pieds de panneaux ou
de bancs, ainsi que certains talus non végétalisés
; préférer les espèces couvresol pour
ce type d’espace.
-
Désherbage
thermique : les techniques de désherbage thermique
- déconseillées pour les surfaces goudronnées
- nécessitent une intervention au stade plantule. Il
existe des techniques à flammes indirectes - 6 à
8 passages par an -, à flammes directes - 4 passages
par an -, à vapeur ou à eau chaude - 3 à
4 passages par an - et à mousse : 2 passages par an.
Attention, ces techniques ont de nombreux inconvénients
: risque d’incendie en saison sèche, utilisation
de gaz ou forte consommation d’eau…
En
dehors des espaces nécessaires à la gestion et
à la circulation, certaines surfaces imperméabilisées
pourraient être retirées pour augmenter les espaces
végétalisés au sein du cimetière
: places de stationnement inutilisées, espaces de voirie
résiduels, trottoirs… L’opération
peut consister à démolir les revêtements
recouvrant le sol, tels que le béton, l’enrobé
ou l'asphalte, et à renaturer les sols : décompaction,
ensemencement et végétalisation.
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Trottoirs
ayant fait l’objet d’une désimperméabilisation
dans le cimetière des Gonards
à Versailles (78) Jonathan Flandin (gauche),
ville de Versailles (droite) |
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Gestion
des surfaces perméables |
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Les
surfaces perméables correspondent en général
aux allées piétonnes, contre-allées et
entre-tombes, qui peuvent être en stabilisé, sablées,
gravillonnées ou enherbées. Si certaines techniques
utilisées pour l’entretien des surfaces imperméables
peuvent être appliquées sur ces espaces - arrachage
manuel, binette, débroussailleuse ou désherbage
thermique pour les espaces non enherbés -, d’autres
leur sont plus spécifiques :
-
Désherbage mécanique
: les herses rotatives, utilisées uniquement sur des
surfaces planes pouvant être déstructurées
en surface - sablées ou gravillonnées -, permettent
de déraciner les herbes en grattant le premier centimètre
de sol : 3 à 5 passages par an.
-
Tonte : pour l’entretien des surfaces enherbées
- trottoirs, entre-tombes ou des allées -, des tontes
régulières suffisent ; hauteur de tonte à
8 cm minimum. Les allées doivent être tondues
précocement - fin mars/début avril - puis régulièrement
en période de pousse, pour retarder le jaunissement
estival et réduire l’arrosage.
-
Le paillage : cette technique consiste à recouvrir
les zones de sol à nu - sur une épaisseur de
5 à 20 cm - avec de la matière organique ou
minérale, dans un objectif de protection des terrains
et des plantations. Le paillage organique, tel que les paillis,
le bois ou les déchets verts, sera préféré.
Il peut être utilisé au pied des massifs d’annuels,
de vivaces, d’arbustes, voire même sur les concessions
en attente. Les avantages sont nombreux : économie
d’eau, limitation du développement de la flore
spontanée, et amélioration de la qualité
des sols et de leur biodiversité.
-
Les
plantes couvre-sol et sedums
: elles sont également une bonne alternative au désherbage
chimique. Leur mise en place permet de limiter la pousse des
herbes non désirées. Un désherbage manuel
de la zone avant plantation sera nécessaire, ainsi
qu’une taille tous les trois ans pour les plantes couvre-sol.
La
place de l’arbre dans les cimetières |
Paillage
sur espace cinéraire dans le cimetière naturel du
Souché Gilles Lecuir |
Sedums
plantés en inter-tombes - cimetière de la Motte-Servolex
(73) Jonathan Flandin |
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Tonte
d’une allée dans un cimetière de Strasbourg
Patrick Bogner/Eurométropole de Strasbourg |
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L’arbre
a une place toute particulière dans les cimetières.
Qu’ils soient en alignement le long des allées principales,
isolés, en bosquet ou dans une haie, les arbres participent
de la qualité paysagère. Certaines essences, comme
les ifs dans le nord ou les cyprès dans le sud, symbolisent
l’immortalité, notamment grâce à leur
feuillage persistant. Ils sont essentiels pour faire de ces espaces
des îlots de fraîcheur, des lieux d’accueil
de la biodiversité, et plus généralement
des espaces plus résilients face aux enjeux liés
au changement climatique.
Le diagnostic de l’existant est une première étape
indispensable pour les cimetières qui disposent déjà
d’un patrimoine arboré. Il peut être réalisé
en interne ou par un prestataire externe. Il a pour objectif de
recenser le nombre, les essences, l’emplacement, la hauteur,
l’âge… Il peut être complété
par un diagnostic sanitaire ainsi qu’un inventaire des arbres
les plus remarquables. Un bilan des pratiques de gestion est également
utile pour les évaluer et les améliorer : type de
taille, rythme, réutilisation des produits de taille…
Ce diagnostic permettra notamment d’identifier les problématiques
liées à la cohabitation entre les arbres - développement
racinaire et aérien - et les sépultures, ou aux
revêtements des sols.
Le diagnostic permet d’identifier les sujets les plus remarquables,
et donc ceux qui mériteraient un statut de protection.
Les dispositifs permettant de les protéger sont les suivants
:
-
Site classé ou site inscrit : le site classé
ou inscrit permet une protection des monuments naturels et
des sites de caractère artistique, historique, scientifique,
légendaire ou pittoresque. Le classement est une protection
plus forte que l’inscription.
-
Monument historique ou de ses abords : la protection
au titre des monuments historiques peut concerner le cimetière
dans son ensemble ou un de ses éléments, calvaire,
croix, tombe, chapelle…
-
Les sites patrimoniaux remarquables : ce sont les
villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration,
la réhabilitation ou la mise en valeur présente,
au point de vue historique, architectural, archéologique,
artistique ou paysager, un intérêt public.
Des cimetières peuvent en faire partie.
-
Autre protection dans le PLU : « Le règlement
peut identifier et localiser les éléments de
paysage ou secteurs à protéger, à conserver,
à mettre en valeur ou à requalifier pour des
motifs d’ordre culturel, historique ou architectural
et définir, le cas échéant, les prescriptions
de nature à assurer leur préservation leur conservation
ou leur restauration. Lorsqu’il s’agit d’espaces
boisés, il est fait application du régime d’exception
prévu à l’article L. 421-4 pour les coupes
et abattages d’arbres.
Plus
généralement, le suivi sanitaire régulier
et la mise en place de méthodes de protection biologique
intégrée pour lutter notamment contre la présence
de certains ravageurs - piégeage, installation de nichoirs
ciblés… - sont indispensables pour préserver
au mieux le patrimoine arboré existant.
Diversifier
les espèces plantées est également un moyen
de prévenir des maladies et des ravageurs.
Comme pour toutes actions de végétalisation, le
choix d’essences adaptées aux contraintes locales
- climat, sols… - et diversifiées - varier les espèces,
éviter les alignements monospécifiques - est indispensable
pour favoriser la biodiversité et prévenir l’apparition
de maladies. Pour éviter d’éventuels problèmes
liés au développement du système racinaire,
des barrières antiracinaires peuvent être installées
là où c’est nécessaire ; à proximité
des sépultures par exemple.
Toujours dans l’objectif de favoriser la faune et la flore
locale, les pieds d’arbres peuvent être végétalisés
et peuvent former une continuité dans le cadre d’un
alignement. La taille des arbres doit être raisonnée
voire inexistante pour les sujets ne présentant pas de
contraintes de développement ou de sécurité.
Le port libre doit être privilégié au maximum
et les tailles radicales supprimées.
Plusieurs situations vont être des opportunités pour
planter de nouveaux arbres :
- à
l’occasion du remplacement d’un sujet existant
- abattage pour des raisons de sécurité ou sanitaires)
par une essence mieux adaptée au contexte et à
l’environnement local ;
- à
l’occasion de travaux de requalification du cimetière
-
allées, entrée… -
- permettant
éventuellement de dégager des surfaces pour planter
de nouveaux sujets en réduisant les largeurs des allées
par exemple ;
- à
l’occasion de la reprise de concessions au sein même
des espaces d’inhumation. Ces espaces souvent dépourvus
d’arbres peuvent faire l’objet d’une plantation
d’arbres si plusieurs concessions, voisines de préférence,
sont récupérées par la collectivité
;
- à
l’occasion de la création d’une extension
d’un cimetière existant ou d’un nouveau cimetière,
les arbres doivent être intégrés dans le
nouvel espace dès la conception.
Éco-pâturage par des moutons de Ouessant Rennes
Métropole
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Arbre
isolé dans le cimetière de l’Est à
Lille (59) Florian Fournier/Cerema Nord Picardie
Alignement
d’arbres dans le cimetière d’Arcueil (94)
Marie
Blondel
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Arbre isolé dans le cimetière de l'Est
à Lille (59) Thomas Lo Presti/DICOM/Ville
de Lille |
Semis d’espaces inter-tombes, fauche tardive à Hazebrouck
(59) Gilles Lecuir |
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Verger
des enfants Aurélie Silio-Hazard/ville
de Saint-Ouen-l’Aumône |
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.....
.......Guide
de conception et de gestion écologique des cimetières
..............
................L'Agence
régionale de la biodiversité en Île-de-France
(ARB îdF) a voulu, dès sa création,
sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................
................accompagner
les collectivités dans la mise en œuvre
d’une gestion écologique et différenciée
de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................
................action,
car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent
parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité
en Île-de-France,
................la
seconde étant la disparition et la fragmentation
des habitats naturels dues à l’urbanisation
et aux infrastructures..
................
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......
.......
...
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.....
....
Les
cimetières sont souvent la dernière difficulté
dans la mise en place de pratiques sans intrants chimiques
et plus respectueuses de l’environnement. Une
conception très minérale et une perception
des herbes folles liées au sentiment
d’abandon en sont la cause. La diversité
des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité,
entreprises de pompes funèbres, familles des
défunts - complexifie encore plus la démarche
de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités
et aux professionnels les clés essentielles pour
concevoir et gérer différemment leurs
cimetières, tout en respectant la règlementation
actuelle, encore trop souvent méconnue. De la
conception à la gestion, en passant par la communication,
tous les éléments présentés
ici sont le fruit de la synthèse de nombreux
ouvrages, fiches techniques, expériences, et
rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr
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