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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

(3) Gestion : Faire du cimetière un espace de nature
Élaborer un plan de gestion écologique - Gestion des surfaces imperméables
Gestion des surfaces perméables - La place de l’arbre dans les cimetières

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L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage à une gestion écologique et différenciée est la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière un espace de nature à part entière.

Faire du cimetière un espace de nature

 

Souvent réalisée par les services des espaces verts ou de l’état civil, la gestion écologique des cimetières permet de concilier les enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
Comme les espaces verts, les cimetières peuvent, par une gestion adaptée, être des lieux accueillants pour la biodiversité.
La diversité des milieux que l’on y trouve constitue autant d’atouts et d’opportunités pour faire du cimetière un espace de recueillement pour les proches et d’accueil pour la biodiversité.
Les cimetières ont la particularité de faire intervenir plusieurs types de gestionnaires :

  • la collectivité : entretien des allées, des inter-tombes, des espaces d’inhumation spécifiques : jardin du souvenir, terrain commun, espaces d’inhumation dont l’entretien est prévu dans le règlement intérieur. Cette gestion peut se faire en régie ou via des prestataires extérieurs. Elle ne doit pas intervenir sur les espaces concédés, sauf exception ;
  • les familles : entretien de la concession et des constructions qui s’y trouvent ;
  • les opérateurs privés : procèdent aux inhumations et opérations mortuaires - pompes funèbres - ou sont chargés par les familles - marbriers, fleuristes, sociétés d’entretien de tombes… - des tâches d’entretien de leur concession.

Il est important de prendre en compte les espaces non gérés par la collectivité, dans le cadre de la mise en place d’une gestion écologique.
Il est possible d’intervenir auprès de ces autres acteurs en les sensibilisant via une communication adaptée, des réunions ou une adaptation spécifique des règlements des cimetières sur ces questions.
Si la collectivité gère le cimetière via des prestataires extérieurs, elle peut les inciter à appliquer des pratiques de gestion écologique, et notamment à ne pas utiliser de pesticides, en intégrant des critères allant dans ce sens au sein du cahier des charges des appels d’offres.
La gestion de la strate herbacée est la principale préoccupation en termes de gestion écologique pour les collectivités. Trois types d’intervention permettent d’y faire face : le réaménagement des espaces existants, les actions préventives permettant d’éviter le désherbage, et les interventions curatives via les pratiques alternatives au désherbage chimique. Cependant, en gestion écologique, et dans une démarche d’amélioration continue des pratiques, le désherbage doit être la dernière solution à mettre en œuvre si aucune autre alternative ne peut être mise en place.


Cimetière des Gonards à Versailles (78) Jonathan Flandin

Élaborer un plan de gestion écologique

Pour qu’une gestion écologique réussisse, elle doit s’accompagner d’un plan de gestion permettant de définir le type d’intervention à appliquer dans les diverses zones du cimetière. C’est un outil de management et de suivi qui est aussi la mémoire des pratiques sur le site.

Avant de commencer la rédaction de ce plan, il est important de suivre les étapes suivantes :

  • faire un inventaire des espaces gérés : surfaces et caractéristiques ;
  • diagnostiquer les pratiques actuelles pour chacun de ces espaces ;
  • recenser le personnel et le matériel à disposition ;
  • faire un bilan des coûts avant la mise en place des nouvelles pratiques ;
  • mettre en place une cartographie adaptée.

Cet état des lieux est la base de travail pour établir le plan de gestion indispensable à la mise en place des techniques alternatives d’entretien du cimetière. Ce plan doit être accompagné d’une cartographie précise des espaces indiquant le niveau de gestion qui s’y applique : gestion différenciée. Les différents niveaux de gestion seront repris dans un tableau détaillant les techniques à employer, ainsi que le nombre d’interventions selon les objectifs fixés.

Schéma synthétique de l’élaboration d’un plan de gestion
ARB ÎdF

Gestion des surfaces imperméables

 

Les surfaces imperméables dans les cimetières forment en général les grands axes de circulation pour les véhicules et les piétons.

Ces espaces étaient traditionnellement désherbés chimiquement depuis la seconde moitié du XXe siècle. Pour éviter l’usage des pesticides, des techniques alternatives spécifiques peuvent être mises en œuvre :

  • Désherbage manuel : pour un entretien des zones de petite surface, la binette ou tout autre système manuel sont coûteux en temps mais très écologiques. Cette technique permet de supprimer la plante et son système racinaire, limitant ainsi le nombre de passages : 3 à 4 passages par an. Un balai métallique ou en plastique peut également permettre d’arracher les herbes non désirées et enlever une partie de la matière organique - 7 à 12 passages par an -, le long des caniveaux par exemple.
  • Désherbage mécanique : pour un entretien des zones de grande surface, les brosses rotatives métalliques ou plastiques - adaptées à une débroussailleuse, tractées ou fixées sur un micro-tracteur - permettent d’arracher les plantes au niveau des jointures, et suppriment une partie du substrat. Il faut cependant ramasser les plantes arrachées derrière chaque passage : 5 passages par an. La débroussailleuse peut être utilisée pour entretenir les espaces difficilement accessibles, comme les pieds de panneaux ou de bancs, ainsi que certains talus non végétalisés ; préférer les espèces couvresol pour ce type d’espace.
  • Désherbage thermique : les techniques de désherbage thermique - déconseillées pour les surfaces goudronnées - nécessitent une intervention au stade plantule. Il existe des techniques à flammes indirectes - 6 à 8 passages par an -, à flammes directes - 4 passages par an -, à vapeur ou à eau chaude - 3 à 4 passages par an - et à mousse : 2 passages par an. Attention, ces techniques ont de nombreux inconvénients : risque d’incendie en saison sèche, utilisation de gaz ou forte consommation d’eau…

En dehors des espaces nécessaires à la gestion et à la circulation, certaines surfaces imperméabilisées pourraient être retirées pour augmenter les espaces végétalisés au sein du cimetière : places de stationnement inutilisées, espaces de voirie résiduels, trottoirs… L’opération peut consister à démolir les revêtements recouvrant le sol, tels que le béton, l’enrobé ou l'asphalte, et à renaturer les sols : décompaction, ensemencement et végétalisation.

Trottoirs ayant fait l’objet d’une désimperméabilisation dans le cimetière des Gonards
à Versailles (78) Jonathan Flandin (gauche), ville de Versailles (droite)
Gestion des surfaces perméables

Les surfaces perméables correspondent en général aux allées piétonnes, contre-allées et entre-tombes, qui peuvent être en stabilisé, sablées, gravillonnées ou enherbées. Si certaines techniques utilisées pour l’entretien des surfaces imperméables peuvent être appliquées sur ces espaces - arrachage manuel, binette, débroussailleuse ou désherbage thermique pour les espaces non enherbés -, d’autres leur sont plus spécifiques :

  • Désherbage mécanique : les herses rotatives, utilisées uniquement sur des surfaces planes pouvant être déstructurées en surface - sablées ou gravillonnées -, permettent de déraciner les herbes en grattant le premier centimètre de sol : 3 à 5 passages par an.
  • Tonte : pour l’entretien des surfaces enherbées - trottoirs, entre-tombes ou des allées -, des tontes régulières suffisent ; hauteur de tonte à 8 cm minimum. Les allées doivent être tondues précocement - fin mars/début avril - puis régulièrement en période de pousse, pour retarder le jaunissement estival et réduire l’arrosage.
  • Le paillage : cette technique consiste à recouvrir les zones de sol à nu - sur une épaisseur de 5 à 20 cm - avec de la matière organique ou minérale, dans un objectif de protection des terrains et des plantations. Le paillage organique, tel que les paillis, le bois ou les déchets verts, sera préféré. Il peut être utilisé au pied des massifs d’annuels, de vivaces, d’arbustes, voire même sur les concessions en attente. Les avantages sont nombreux : économie d’eau, limitation du développement de la flore spontanée, et amélioration de la qualité des sols et de leur biodiversité.
  • Les plantes couvre-sol et sedums : elles sont également une bonne alternative au désherbage chimique. Leur mise en place permet de limiter la pousse des herbes non désirées. Un désherbage manuel de la zone avant plantation sera nécessaire, ainsi qu’une taille tous les trois ans pour les plantes couvre-sol.

La place de l’arbre dans les cimetières


Paillage sur espace cinéraire dans le cimetière naturel du Souché Gilles Lecuir

Sedums plantés en inter-tombes - cimetière de la Motte-Servolex (73) Jonathan Flandin

Tonte d’une allée dans un cimetière de Strasbourg Patrick Bogner/Eurométropole de Strasbourg

L’arbre a une place toute particulière dans les cimetières. Qu’ils soient en alignement le long des allées principales, isolés, en bosquet ou dans une haie, les arbres participent de la qualité paysagère. Certaines essences, comme les ifs dans le nord ou les cyprès dans le sud, symbolisent l’immortalité, notamment grâce à leur feuillage persistant. Ils sont essentiels pour faire de ces espaces des îlots de fraîcheur, des lieux d’accueil de la biodiversité, et plus généralement des espaces plus résilients face aux enjeux liés au changement climatique.
Le diagnostic de l’existant est une première étape indispensable pour les cimetières qui disposent déjà d’un patrimoine arboré. Il peut être réalisé en interne ou par un prestataire externe. Il a pour objectif de recenser le nombre, les essences, l’emplacement, la hauteur, l’âge… Il peut être complété par un diagnostic sanitaire ainsi qu’un inventaire des arbres les plus remarquables. Un bilan des pratiques de gestion est également utile pour les évaluer et les améliorer : type de taille, rythme, réutilisation des produits de taille… Ce diagnostic permettra notamment d’identifier les problématiques liées à la cohabitation entre les arbres - développement racinaire et aérien - et les sépultures, ou aux revêtements des sols.
Le diagnostic permet d’identifier les sujets les plus remarquables, et donc ceux qui mériteraient un statut de protection.
Les dispositifs permettant de les protéger sont les suivants :

  • Site classé ou site inscrit : le site classé ou inscrit permet une protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. Le classement est une protection plus forte que l’inscription.
  • Monument historique ou de ses abords : la protection au titre des monuments historiques peut concerner le cimetière dans son ensemble ou un de ses éléments, calvaire, croix, tombe, chapelle…
  • Les sites patrimoniaux remarquables : ce sont les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public. Des cimetières peuvent en faire partie.
  • Autre protection dans le PLU : « Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage ou secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu’il s’agit d’espaces boisés, il est fait application du régime d’exception prévu à l’article L. 421-4 pour les coupes et abattages d’arbres.

Plus généralement, le suivi sanitaire régulier et la mise en place de méthodes de protection biologique intégrée pour lutter notamment contre la présence de certains ravageurs - piégeage, installation de nichoirs ciblés… - sont indispensables pour préserver au mieux le patrimoine arboré existant.

Diversifier les espèces plantées est également un moyen de prévenir des maladies et des ravageurs.
Comme pour toutes actions de végétalisation, le choix d’essences adaptées aux contraintes locales - climat, sols… - et diversifiées - varier les espèces, éviter les alignements monospécifiques - est indispensable pour favoriser la biodiversité et prévenir l’apparition de maladies. Pour éviter d’éventuels problèmes liés au développement du système racinaire, des barrières antiracinaires peuvent être installées là où c’est nécessaire ; à proximité des sépultures par exemple.
Toujours dans l’objectif de favoriser la faune et la flore locale, les pieds d’arbres peuvent être végétalisés et peuvent former une continuité dans le cadre d’un alignement. La taille des arbres doit être raisonnée voire inexistante pour les sujets ne présentant pas de contraintes de développement ou de sécurité. Le port libre doit être privilégié au maximum et les tailles radicales supprimées.
Plusieurs situations vont être des opportunités pour planter de nouveaux arbres :

  • à l’occasion du remplacement d’un sujet existant - abattage pour des raisons de sécurité ou sanitaires) par une essence mieux adaptée au contexte et à l’environnement local ;
  • à l’occasion de travaux de requalification du cimetière - allées, entrée… -
  • permettant éventuellement de dégager des surfaces pour planter de nouveaux sujets en réduisant les largeurs des allées par exemple ;
  • à l’occasion de la reprise de concessions au sein même des espaces d’inhumation. Ces espaces souvent dépourvus d’arbres peuvent faire l’objet d’une plantation d’arbres si plusieurs concessions, voisines de préférence, sont récupérées par la collectivité ;
  • à l’occasion de la création d’une extension d’un cimetière existant ou d’un nouveau cimetière, les arbres doivent être intégrés dans le nouvel espace dès la conception.


Éco-pâturage par des moutons de Ouessant Rennes Métropole

Arbre isolé dans le cimetière de l’Est à Lille (59) Florian Fournier/Cerema Nord Picardie
Alignement d’arbres dans le cimetière d’Arcueil (94) Marie Blondel

 

Arbre isolé dans le cimetière de l'Est
à Lille (59) Thomas Lo Presti/DICOM/Ville de Lille

Semis d’espaces inter-tombes, fauche tardive à Hazebrouck (59) Gilles Lecuir

Verger des enfants Aurélie Silio-Hazard/ville de Saint-Ouen-l’Aumône

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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

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................L'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF) a voulu, dès sa création, sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................ ................accompagner les collectivités dans la mise en œuvre d’une gestion écologique et différenciée de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................ ................action, car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité en Île-de-France,
................la seconde étant la disparition et la fragmentation des habitats naturels dues à l’urbanisation et aux infrastructures.
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Les cimetières sont souvent la dernière difficulté dans la mise en place de pratiques sans intrants chimiques et plus respectueuses de l’environnement. Une conception très minérale et une perception des herbes folles liées au sentiment d’abandon en sont la cause. La diversité des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité, entreprises de pompes funèbres, familles des défunts - complexifie encore plus la démarche de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités et aux professionnels les clés essentielles pour concevoir et gérer différemment leurs cimetières, tout en respectant la règlementation actuelle, encore trop souvent méconnue. De la conception à la gestion, en passant par la communication, tous les éléments présentés ici sont le fruit de la synthèse de nombreux ouvrages, fiches techniques, expériences, et rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr