L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés
comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à
la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée
par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités
à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements
supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage
à une gestion écologique et différenciée est
la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps
d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé
par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure
conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière
un espace de nature à part entière.
Du
cimetière traditionnel au cimetière naturel
|
|
Les
cimetières français, dans leur grande majorité,
comportent peu de végétation, et sont fortement
minéralisés. Les tombes conçues sur une forme
géométrique sont organisées, de manière
générale en rangs serrés, et desservies par
des allées très imperméabilisées compliquant
l’entretien. Cela conduit à une perception dans laquelle
le moindre brin d’herbe doit disparaître. L’objectif
de la gestion écologique des cimetières consiste
à les transformer en un espace de nature à part
entière. Il faut donc revoir leur conception et faire en
sorte que la flore ne soit plus une contrainte mais, au contraire,
un atout pour ces lieux publics.
Cimetière
de Chevreuse (78)
Lionel Allorge/Wikimédia Commons
L’apparition
d’adventices est souvent perçue par le gestionnaire
et les familles comme un abandon du lieu. Mais les cultures changent,
et l’introduction du végétal de manière
plus ou moins structurée en évitant les plantations
monospécifiques - comme les haies de Thuya par exemple
- permet de changer ce regard. Remettre de la nature dans les
cimetières est aussi un moyen pour accroître le sentiment
de quiétude des familles, de calme, et leur donner la possibilité
de s’isoler du monde extérieur pour mieux se recueillir.
Les modes de gestion doivent être réfléchis
dès la phase de conception, pour lever les obstacles liés
au passage à des pratiques plus écologiques.
Le
gestionnaire peut choisir de laisser la flore spontanée
s’exprimer
dans les allées - Cimetière de Montreuil (93) Jonathan
Flandin
Pour
concevoir au mieux un cimetière, il est important de définir
en amont les différents espaces qui vont le composer, tout
en connaissant et en s’appuyant sur l’existant (focus
le diagnostic écologique, en bas de page) :
-
Allées principales : permettre la circulation des véhicules
- entretien, cortèges… - et des personnes à
l’intérieur du site.
-
Allées secondaires : permettre l’accès des
personnes depuis les allées principales jusqu’aux
sépultures.
-
Entre-tombes (ou inter-tombes) : espaces séparant deux
sépultures ; le Code général des collectivités
territoriales prévoit que les tombes dans un cimetière
doivent être séparées les unes des autres
par un espace de 30 à 50 cm.
-
Espace cinéraire : il se compose de trois équipements
principaux, l’espace de dispersion également appelé
jardin du souvenir - dédié à
la dispersion des cendres -, le jardin cinéraire - permet
de déposer les urnes dans des cuves enterrées
parfois appelées cavurnes - et le columbarium,
construction hors sol permettant de déposer les urnes.
-
Enceinte : le cimetière peut être entouré
d’une haie, d’une clôture végétalisée
ou grillagée, ou d’un mur.
-
Extension(s) : une ou plusieurs zones, souvent végétalisées,
peuvent être en attente de concessions dans l’enceinte
ou en dehors du cimetière, afin d’augmenter si
besoin la capacité d’accueil du site.
Viennent
s’ajouter l’ensemble des espaces de concessions -
terrain commun, concession pleine terre ou dans un caveau, espace
enfants, carré confessionnel, carré militaire…
- et l’ossuaire.
La première étape est de chercher à minimiser
les surfaces minéralisées et l’imperméabilisation
du sol pour faciliter l’entretien. Les matériaux
et équipements doivent également permettre une meilleure
intégration du cimetière dans son environnement.
Afin de réduire la consommation de ressources, seront préférés
des matériaux d’origine locale pour les tombes, des
équipements - poubelles, bancs… - en bois d’essences
locales, non traité chimiquement, voire labellisé
: Forest Stewardship Council, FSC ou Program of the Endorsement
of Forest Certification, PEFC. Ces préconisations peuvent
aussi être intégrées dans le cadre d’un
réaménagement ou d’une réfection de
certaines parties du cimetière. |
Schéma
simplifié de l’agencement d’un cimetière
Rudy Bueno |
|
.
Les
modes de gestion doivent être réfléchis
dès la phase de conception, pour lever les obstacles
liés au passage à des pratiques plus écologiques.
..
|
|
...
Création
de nouveaux cimetières |
|
|
Lors
de la création d’un nouveau cimetière, il
est préférable de l’aménager dès
le départ en diversifiant les strates végétales
- zones enherbées, arbustes, haies, arbres… - et
en utilisant le minéral là où la gestion
peut être plus compliquée : entre-tombes, allées
principales de circulation… L’enherbement des chemins
ou la mise en place de prairies sont autant d’occasions
de rendre acceptable par les usagers la présence de la
végétation, tout en montrant que les services techniques
soignent l’espace.
Des analyses quantitatives et qualitatives ont révélé
que la présence de végétation, l'entretien
et l’atmosphère de recueillement lié à
l'intimité du site, ou au sentiment d'être à
l'écart de la ville, sont les principaux critères
de perception positifs dans un cimetière et de préférence
des usagers.
Cimetière
de Fontainebleau (77)
Arp-Astrance/EcoJardin
Voici
quelques éléments à prendre en compte, à
l’étape de la conception, pour faciliter les interventions
de gestion :
-
créer des espaces réguliers et de tailles adaptées
à la technique d’entretien envisagée ; par
exemple, prévoir des allées assez larges pour
permettre le passage de la tondeuse ;
-
veiller à établir des continuités entre
surfaces enherbées et minérales pour faciliter
le passage des machines ;
-
uniformiser les contre-allées, les voies de circulation,
la taille des tombes au sol et des entre-tombes permet de faciliter
l’entretien et la gestion des différents espaces
du site ;
-
placer des semelles jointives dans les espaces inter-tombes
pour éviter l’apparition d’herbes ou placer
les tombes au ras du sol ;
-
créer des aménagements favorisant la mise en place
de techniques préventives : paillages, plantes couvre-sol…
;
-
enherber les allées ou utiliser des dalles engazonnées
plutôt que d’opter pour des allées sablées
ou gravillonnées qui nécessiteront davantage d’entretien
;
-
utiliser pour les plantations des espèces locales - marque
Végétal local - peu consommatrices en eau et nécessitant
un entretien réduit ;
-
concevoir des massifs arbustifs ou des prairies fleuries en
lieu et place du minéral ;
-
planter le long des palissades pour éviter de devoir
désherber ces espaces.
Parvis
paysager du cimetière naturel de Souché à
Niort (79)
Peter Mauduit/Ville de Niort
L’une
des parties les plus visibles et caractéristiques des cimetières
- notamment en milieu urbain dense - correspond aux murs qui les
entourent. Les murs isolent et créent des coupures dans
les continuités du maillage vert urbain auxquelles participent
les cimetières. Cependant, ils peuvent être un atout
si dès le départ leur conception a bien été
pensée. Ces murs sont bien trop souvent réduits
à de simples palissades en béton infranchissables
pour une majorité d’espèces.
A contrario, les murs en pierre, en meulière, voire les
haies vives, permettent de masquer le cimetière tout en
apportant un intérêt écologique plus fort.
Ils sont perméables à de nombreuses espèces.
Leur hauteur souvent importante - plus de 2 mètres - peut
également être réduite en respectant la réglementation
: 1,50 mètre minimum. Le principe consiste à les
rendre perméables au plus grand nombre d'espèces,
tout en facilitant leur entretien.
Dans
le cas de l’installation d’une clôture, il convient
de prendre en compte les recommandations suivantes :
-
laisser un passage de 10 à 20 cm sous clôture ;
-
choisir des mailles larges ;
-
aménager un passage pour la petite faune sur chaque façade
de 20 cm sur 20 cm, si cela n'est pas possible.
Dans
l’idéal, l’installation d’une clôture
vivante est le meilleur aménagement possible.
Ainsi seront préférées les haies champêtres
d’essences locales (marque Végétal local)
et diversifiées, ou les haies plessées. |
|
...
Dans
l'idéal, l'installation d'une clôture vivante
est le meilleur aménagement possible.
... |
|
...
L’enherbement
des chemins ou la mise en place de prairies sont autant d'occasions
de rendre acceptable par les usagers
la présence de la végétation, tout en montrant
que les services techniques soignent l'espace.
.... |
|
..
Focus
: le diagnostic écologique
En
amont de la conception d’un nouveau cimetière, il
est important de réaliser un diagnostic écologique
du site, qui vise à appréhender l’écologie
de la parcelle, à améliorer la connaissance des
différentes composantes - dont la biodiversité -
et à disposer d’un outil d’aide à la
décision. Plus complet qu’une étude d’impact,
le diagnostic écologique comprend des inventaires naturalistes,
des analyses et des observations du sol, du climat et de l’eau,
effectuées par des écologues et des experts de l’environnement.
Véritable état des lieux, il intègre une
synthèse et des préconisations destinées
à la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre
afin d’améliorer le potentiel écologique du
projet. Pour ce faire, il recommande des prestations réalisables
en totalité ou en partie, selon le budget prévu
et les caractéristiques du site.
Dans
le cas spécifique d’un nouveau cimetière ou
d’une extension, les éléments suivants doivent
être pris en compte :
-
l’état initial de l’emprise du projet : cet
état découle directement du diagnostic écologique
et permet notamment d’identifier les éléments
du paysage à conserver - arbres, bosquets, haies…
- ainsi que de définir l’emplacement le plus judicieux
des différents espaces du cimetière ;
-
l’état des moyens humains, techniques et financiers
: évaluer le temps dédié à la gestion
du cimetière, les matériels et outils à
disposition, le nombre d’agents, le budget prévisionnel…
Exemples de
prestations préconisées dans le cadre d’un
diagnostic écologique de site ARB îdF
|
|
|
.....
.......Guide
de conception et de gestion écologique des cimetières
..............
................L'Agence
régionale de la biodiversité en Île-de-France
(ARB îdF) a voulu, dès sa création,
sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................
................accompagner
les collectivités dans la mise en œuvre
d’une gestion écologique et différenciée
de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................
................action,
car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent
parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité
en Île-de-France,
................la
seconde étant la disparition et la fragmentation
des habitats naturels dues à l’urbanisation
et aux infrastructures..
................
|
|
|
|
|
|
|
|
......
.......
...
|
.....
....
Les cimetières
sont souvent la dernière difficulté dans
la mise en place de pratiques sans intrants chimiques
et plus respectueuses de l’environnement. Une
conception très minérale et une perception
des herbes folles liées au sentiment
d’abandon en sont la cause. La diversité
des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité,
entreprises de pompes funèbres, familles des
défunts - complexifie encore plus la démarche
de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités
et aux professionnels les clés essentielles pour
concevoir et gérer différemment leurs
cimetières, tout en respectant la règlementation
actuelle, encore trop souvent méconnue. De la
conception à la gestion, en passant par la communication,
tous les éléments présentés
ici sont le fruit de la synthèse de nombreux
ouvrages, fiches techniques, expériences, et
rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|