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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

(1) Conception : Du cimetière traditionnel au cimetière naturel
Création de nouveaux cimetières - Réaménager les cimetières existants

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L’usage des pesticides dans les cimetières, identifiés comme espaces à contraintes par les gestionnaires, participe à la pollution urbaine. L’interdiction de ces produits, imposée par l’extension de la loi Labbé, conduit les collectivités à trouver des alternatives qui demandent souvent des investissements supplémentaires, et sont pour la plupart chronophages. Le passage à une gestion écologique et différenciée est la seule voie possible pour ne pas augmenter le coût et le temps d’entretien, tout en respectant la loi. Ce guide, réalisé par l’ARB îdF,
a pour objectif d’accompagner les gestionnaires dans une meilleure conception et gestion de leurs cimetières.
Il apporte des solutions concrètes pour faire du cimetière un espace de nature à part entière.

Du cimetière traditionnel au cimetière naturel

 

Les cimetières français, dans leur grande majorité, comportent peu de végétation, et sont fortement minéralisés. Les tombes conçues sur une forme géométrique sont organisées, de manière générale en rangs serrés, et desservies par des allées très imperméabilisées compliquant l’entretien. Cela conduit à une perception dans laquelle le moindre brin d’herbe doit disparaître. L’objectif de la gestion écologique des cimetières consiste à les transformer en un espace de nature à part entière. Il faut donc revoir leur conception et faire en sorte que la flore ne soit plus une contrainte mais, au contraire, un atout pour ces lieux publics.

Cimetière de Chevreuse (78)
Lionel Allorge/Wikimédia Commons

L’apparition d’adventices est souvent perçue par le gestionnaire et les familles comme un abandon du lieu. Mais les cultures changent, et l’introduction du végétal de manière plus ou moins structurée en évitant les plantations monospécifiques - comme les haies de Thuya par exemple - permet de changer ce regard. Remettre de la nature dans les cimetières est aussi un moyen pour accroître le sentiment de quiétude des familles, de calme, et leur donner la possibilité de s’isoler du monde extérieur pour mieux se recueillir.
Les modes de gestion doivent être réfléchis dès la phase de conception, pour lever les obstacles liés au passage à des pratiques plus écologiques.

Le gestionnaire peut choisir de laisser la flore spontanée s’exprimer
dans les allées - Cimetière de Montreuil (93) Jonathan Flandin

Pour concevoir au mieux un cimetière, il est important de définir en amont les différents espaces qui vont le composer, tout en connaissant et en s’appuyant sur l’existant (focus le diagnostic écologique, en bas de page) :

  • Allées principales : permettre la circulation des véhicules - entretien, cortèges… - et des personnes à l’intérieur du site.
  • Allées secondaires : permettre l’accès des personnes depuis les allées principales jusqu’aux sépultures.
  • Entre-tombes (ou inter-tombes) : espaces séparant deux sépultures ; le Code général des collectivités territoriales prévoit que les tombes dans un cimetière doivent être séparées les unes des autres par un espace de 30 à 50 cm.
  • Espace cinéraire : il se compose de trois équipements principaux, l’espace de dispersion également appelé jardin du souvenir - dédié à la dispersion des cendres -, le jardin cinéraire - permet de déposer les urnes dans des cuves enterrées parfois appelées cavurnes - et le columbarium, construction hors sol permettant de déposer les urnes.
  • Enceinte : le cimetière peut être entouré d’une haie, d’une clôture végétalisée ou grillagée, ou d’un mur.
  • Extension(s) : une ou plusieurs zones, souvent végétalisées, peuvent être en attente de concessions dans l’enceinte ou en dehors du cimetière, afin d’augmenter si besoin la capacité d’accueil du site.

Viennent s’ajouter l’ensemble des espaces de concessions - terrain commun, concession pleine terre ou dans un caveau, espace enfants, carré confessionnel, carré militaire… - et l’ossuaire.
La première étape est de chercher à minimiser les surfaces minéralisées et l’imperméabilisation du sol pour faciliter l’entretien. Les matériaux et équipements doivent également permettre une meilleure intégration du cimetière dans son environnement.
Afin de réduire la consommation de ressources, seront préférés des matériaux d’origine locale pour les tombes, des équipements - poubelles, bancs… - en bois d’essences locales, non traité chimiquement, voire labellisé : Forest Stewardship Council, FSC ou Program of the Endorsement of Forest Certification, PEFC. Ces préconisations peuvent aussi être intégrées dans le cadre d’un réaménagement ou d’une réfection de certaines parties du cimetière.


Schéma simplifié de l’agencement d’un cimetière Rudy Bueno

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Les modes de gestion doivent être réfléchis dès la phase de conception, pour lever les obstacles
liés au passage à des pratiques plus écologiques.

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Création de nouveaux cimetières
 

Lors de la création d’un nouveau cimetière, il est préférable de l’aménager dès le départ en diversifiant les strates végétales - zones enherbées, arbustes, haies, arbres… - et en utilisant le minéral là où la gestion peut être plus compliquée : entre-tombes, allées principales de circulation… L’enherbement des chemins ou la mise en place de prairies sont autant d’occasions de rendre acceptable par les usagers la présence de la végétation, tout en montrant que les services techniques soignent l’espace.
Des analyses quantitatives et qualitatives ont révélé que la présence de végétation, l'entretien et l’atmosphère de recueillement lié à l'intimité du site, ou au sentiment d'être à l'écart de la ville, sont les principaux critères de perception positifs dans un cimetière et de préférence des usagers.

Cimetière de Fontainebleau (77)
Arp-Astrance/EcoJardin

Voici quelques éléments à prendre en compte, à l’étape de la conception, pour faciliter les interventions de gestion :

  • créer des espaces réguliers et de tailles adaptées à la technique d’entretien envisagée ; par exemple, prévoir des allées assez larges pour permettre le passage de la tondeuse ;
  • veiller à établir des continuités entre surfaces enherbées et minérales pour faciliter le passage des machines ;
  • uniformiser les contre-allées, les voies de circulation, la taille des tombes au sol et des entre-tombes permet de faciliter l’entretien et la gestion des différents espaces du site ;
  • placer des semelles jointives dans les espaces inter-tombes pour éviter l’apparition d’herbes ou placer les tombes au ras du sol ;
  • créer des aménagements favorisant la mise en place de techniques préventives : paillages, plantes couvre-sol… ;
  • enherber les allées ou utiliser des dalles engazonnées plutôt que d’opter pour des allées sablées ou gravillonnées qui nécessiteront davantage d’entretien ;
  • utiliser pour les plantations des espèces locales - marque Végétal local - peu consommatrices en eau et nécessitant un entretien réduit ;
  • concevoir des massifs arbustifs ou des prairies fleuries en lieu et place du minéral ;
  • planter le long des palissades pour éviter de devoir désherber ces espaces.

Parvis paysager du cimetière naturel de Souché à Niort (79)
Peter Mauduit/Ville de Niort

L’une des parties les plus visibles et caractéristiques des cimetières - notamment en milieu urbain dense - correspond aux murs qui les entourent. Les murs isolent et créent des coupures dans les continuités du maillage vert urbain auxquelles participent les cimetières. Cependant, ils peuvent être un atout si dès le départ leur conception a bien été pensée. Ces murs sont bien trop souvent réduits à de simples palissades en béton infranchissables pour une majorité d’espèces.
A contrario, les murs en pierre, en meulière, voire les haies vives, permettent de masquer le cimetière tout en apportant un intérêt écologique plus fort. Ils sont perméables à de nombreuses espèces. Leur hauteur souvent importante - plus de 2 mètres - peut également être réduite en respectant la réglementation : 1,50 mètre minimum. Le principe consiste à les rendre perméables au plus grand nombre d'espèces, tout en facilitant leur entretien.

Dans le cas de l’installation d’une clôture, il convient de prendre en compte les recommandations suivantes :

  • laisser un passage de 10 à 20 cm sous clôture ;
  • choisir des mailles larges ;
  • aménager un passage pour la petite faune sur chaque façade de 20 cm sur 20 cm, si cela n'est pas possible.

Dans l’idéal, l’installation d’une clôture vivante est le meilleur aménagement possible. Ainsi seront préférées les haies champêtres d’essences locales (marque Végétal local) et diversifiées, ou les haies plessées.

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Dans l'idéal, l'installation d'une clôture vivante est le meilleur aménagement possible.
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L’enherbement des chemins ou la mise en place de prairies sont autant d'occasions de rendre acceptable par les usagers
la présence de la végétation, tout en montrant que les services techniques soignent l'espace.

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Focus : le diagnostic écologique

En amont de la conception d’un nouveau cimetière, il est important de réaliser un diagnostic écologique du site, qui vise à appréhender l’écologie de la parcelle, à améliorer la connaissance des différentes composantes - dont la biodiversité - et à disposer d’un outil d’aide à la décision. Plus complet qu’une étude d’impact, le diagnostic écologique comprend des inventaires naturalistes, des analyses et des observations du sol, du climat et de l’eau, effectuées par des écologues et des experts de l’environnement. Véritable état des lieux, il intègre une synthèse et des préconisations destinées à la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre afin d’améliorer le potentiel écologique du projet. Pour ce faire, il recommande des prestations réalisables en totalité ou en partie, selon le budget prévu et les caractéristiques du site.

Dans le cas spécifique d’un nouveau cimetière ou d’une extension, les éléments suivants doivent être pris en compte :

  • l’état initial de l’emprise du projet : cet état découle directement du diagnostic écologique et permet notamment d’identifier les éléments du paysage à conserver - arbres, bosquets, haies… - ainsi que de définir l’emplacement le plus judicieux des différents espaces du cimetière ;
  • l’état des moyens humains, techniques et financiers : évaluer le temps dédié à la gestion du cimetière, les matériels et outils à disposition, le nombre d’agents, le budget prévisionnel…


Exemples de prestations préconisées dans le cadre d’un diagnostic écologique de site ARB îdF

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Guide de conception et de gestion écologique des cimetières

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................L'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France (ARB îdF) a voulu, dès sa création, sensibiliser sur les dangers des pesticides, et................ ................accompagner les collectivités dans la mise en œuvre d’une gestion écologique et différenciée de leurs espaces. C’est un axe essentiel de son................ ................action, car les pollutions aux nitrates et aux pesticides comptent parmi les deux principales causes de perte de la biodiversité en Île-de-France,
................la seconde étant la disparition et la fragmentation des habitats naturels dues à l’urbanisation et aux infrastructures.
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Les cimetières sont souvent la dernière difficulté dans la mise en place de pratiques sans intrants chimiques et plus respectueuses de l’environnement. Une conception très minérale et une perception des herbes folles liées au sentiment d’abandon en sont la cause. La diversité des personnes qui interviennent dans la gestion - collectivité, entreprises de pompes funèbres, familles des défunts - complexifie encore plus la démarche de transition écologique.
L’objectif de ce guide est de donner aux collectivités et aux professionnels les clés essentielles pour concevoir et gérer différemment leurs cimetières, tout en respectant la règlementation actuelle, encore trop souvent méconnue. De la conception à la gestion, en passant par la communication, tous les éléments présentés ici sont le fruit de la synthèse de nombreux ouvrages, fiches techniques, expériences, et rencontres en France et en Europe.
arb-idf.fr