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Étude Les anciennes carrières souterraines en Île-de-France
Entre risques et opportunités d’aménagement

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(4) La Butte Pinson. Montmagny (95) - La Butte des Châtaigniers (95)
Les carrières de Meudon (92)

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La présence de zones d’anciennes carrières souterraines est liée à la richesse en matériaux de construction du sous-sol francilien. C’est l’une des raisons historiques de son développement. Dès l’époque gallo-romaine, le calcaire grossier, employé comme pierre à bâtir, le gypse, utilisé dans la fabrication du plâtre, et la craie, utilisée dans la fabrication de la chaux et du ciment, furent exploités à ciel ouvert, puis surtout en souterrain. Cette intense exploitation, qui dura plusieurs siècles, nous a légué des vides très importants. Plus de la moitié des communes de Paris et de la petite couronne est concernée par des zones sous-minées - 2 613 hectares -, sur des surfaces très variables, de quelques
centaines de mètres carrés à plusieurs dizaines d’hectares, comme dans le Sud parisien : anciennes exploitations de
calcaire. Plus de 1 400 hectares sont également recensés dans les départements de la grande couronne.

La Butte Pinson. Montmagny (95)  

La butte Pinson est une butte témoin du Bassin parisien. Le site a été exploité pendant plus de 200 ans. Dès le XVIIIe siècle, le sable du sommet est extrait. L’extraction se poursuit ensuite avec le gypse. Ce sont les exploitations à ciel ouvert qui ont éventré la Butte à plusieurs endroits, faisant progressivement disparaître le relief naturel.

L’exploitation s’est ensuite étendue au sous-sol, dans la deuxième masse de gypse, créant des galeries souterraines. Au milieu du XXe siècle, les carrières à ciel ouvert ont partiellement été remblayées avec des ordures ménagères et des matériaux inertes. La végétation, installée après abandon des carrières, témoigne des époques d’exploitation : chênes dans le bois de Richebourg - ancienne carrière de sable -, mélange d’érables et de robiniers sur les pentes, et robiniers sur les sols pauvres constitués de remblais mélangés.

La Butte Pinson © Île-de-France Nature / Altivolus

Après des années d’abandon, le site accumule plusieurs freins à sa reconversion totale : occupation illégale - processus d’expulsion de gens du voyage -, décharge - ordures ménagères, amiante… -, sans parler du risque de fontis liés aux carrières.

En 1980, le parc départemental est créé, au niveau de l’ancienne carrière Vieujot, après avoir été remblayée. Mais plusieurs secteurs ont été fermés au public, et la réhabilitation progresse doucement.

Le site présente des fronts de taille remarquables et des espaces naturels à préserver. Il est identifié en espaces verts d’intérêt régional à créer au SDRIF-E.

122 ha sont gérés par IDFN. IDFN engage actuellement un travail d’études - 10 000 euros - avec le Cerema afin de mener des investigations complémentaires - avec par exemple des photographies et cartes anciennes - pour comprendre le territoire et les enjeux à risque.

Le sujet de valorisation du patrimoine historique et de la mémoire des lieux est certain sur ces deux sites, tout comme l’intérêt biodiversité. Cependant, IDFN n’est pas outillé sur le risque - études, travaux à réaliser pour mise en sécurité - pour pouvoir mettre en valeur ce patrimoine historique ou scientifique, ce qui conduit souvent à la fermeture des sites.

Les carrières de gypse de Montmagny au début du XXe siècle

Sources : iledefrance-nature.fr - villedemontmagny.fr

 
La Butte des Châtaigniers (95)  

Le site s’inscrit sur une ancienne carrière de gypse, qui a fait l’objet d’une décharge à ciel ouvert pendant plusieurs années. Le parc de la Butte des Châtaigniers est ouvert en 2012 après de lourds travaux : 6 millions d’euros de travaux de terrassement. C’est un espace de promenade et de détente qui offre un belvédère sur Paris, très prisé et fréquenté par la population d’Argenteuil.

Vue depuis la Butte des Châtaigniers
© Pierre-Yves Brunaud / L'Institut Paris Region

Après des effondrements observés sur le cimetière de Sannois proche du site, IDFN requestionne les enjeux d’ouverture au public de ce site face au risque pour la population. De grosses lacunes sont remontées sur l’identification et la localisation précise de certaines zones sous-minées et leur niveau de comblement. Une étude - historique du site, investigations complémentaires des zones de cavités - menée par le Cerema, est en cours, afin d’accompagner IDFN dans un protocole de sécurisation du site.

Les interventions d’Île-de-France Nature

Île-de-France Nature - IDFN, ex-AEV Agence des espaces verts - intervient sur plusieurs sites d’anciennes carrières souterraines par le prisme des Périmètres d’intervention foncière régionale (PRIF) créés en 1985. IDFN a pour rôle de mettre en œuvre des actions de préservation et de mise en valeur des paysages et des espaces ouverts sur ces périmètres. Parmi les sites d’anciennes carrières souterraines situées sur des PRIF sont recensés : le site de la carrière du Mont Guichet, le massif de l’Hautil, la butte Pinson, ou encore la butte des Châtaigniers, sur les buttes du Parisis.

La plupart de ces sites ont souvent subi une longue période d’abandon - friche - après l’exploitation, menant à un réinvestissement de la nature, avec de gros enjeux de biodiversité, conduisant parfois à devenir des réserves régionales, parfois aboutissant à des mésusages, comme des décharges ou des occupations illégales.

IDFN travaille en lien avec les Inspections générales des Carrières (IGC) pour la surveillance, la reconnaissance, le suivi de ces zones sous minées. L’IGC a notamment fourni des prescriptions pour pousser l’investigation de plusieurs sites. Elle a également entrepris une collaboration avec le Cerema sur deux sites : la butte des Châtaigniers sur les Buttes du Parisis à Argenteuil et la Butte Pinson.

Source : Interview Valentine Arreguy (IDFN)

Les carrières de Meudon (92)


Carrières de craie de Meudon
© Nicolas Dudot

Sources : Revue de presse de la ville de Meudon • BAP
Revue Ar’site - Sécuriser et valoriser : quels projets pour les carrières et la colline ? Juillet 2021

Pendant 80 millions d’années, une mer chaude et peu profonde a recouvert le Bassin parisien, déposant une épaisse couche de craie - 300 à 700 m - sur 400 km d’étendue. Recouverte par les couches tertiaires en Île-de-France, la craie affleure tout autour, de la Champagne à la Normandie, du Nord à la Touraine. Mais la région-capitale, déjà favorisée par la géologie qui lui a offert la pierre à bâtir et le plâtre, l’est aussi grâce à l’anticlinal - plissement convexe - de Meudon, faisant affleurer la craie le long des coteaux de la Seine au sud-ouest de Paris. Ce matériau, trop tendre pour fournir de la pierre de construction, a été abondamment employé pour faire de la chaux et, réduit en poudre fine, du blanc de Meudon.
A Meudon, plusieurs vastes carrières sont présentes comme la carrière des Montalets ou encore la carrière Arnaudet.

L’une des plus grandes carrières de craie d’Île-de-France se situe rue Arnaudet à Meudon, au pied du musée Rodin. Site classé depuis 1986 pour son intérêt artistique et scientifique - géologique -, c’est un véritable livre d’histoire naturelle et humaine : elle montre un aperçu de l’énorme masse de craie sous-jacente, mais aussi des lits de silex qui y sont déposés, des failles qui la fracturent, des cavités karstiques, du niveau de la nappe souterraine, de nombreux fossiles et du contact Crétacé-tertiaire, époque de la fin des dinosaures. La carrière Arnaudet témoigne aussi d’une exploitation sur plus d’un siècle, d’abord comme site d’extraction (1870-1923), creusé avec soin sur les conseils de l’Inspection générale des carrières pour produire le blanc de Meudon, puis comme champignonnière (1923-1974), et enfin avec un début d’aménagement en usine souterraine pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette carrière constitue une grande architecture en creux, avec 8 km de galeries voûtées en plein cintre, des voûtes d’arêtes à leurs croisements, des voûtes élégamment peignées, et des espaces à double niveau plus complexes et plus théâtraux.
En 2017, l’INERIS relève un risque d’effondrement généralisé des carrières lié à la fragilité des piliers. Ayant en tête la catastrophe de Clamart en 1961, la mairie de Meudon engage des procédures et obtient en 2019 une autorisation spéciale de travaux en site classé par le Ministère de la transition écologique, pour raisons de sécurité publique et de préservation de la carrière souterraine. Un mouvement d’opposition se met en place porté par des habitant.es et associations locales par crainte que le site devienne une opportunité pour un projet immobilier, et ainsi venir imperméabiliser la surface. La mairie obtient finalement en 2022 la validation par le conseil d’État de son projet de sécurisation, et entame en 2022 - 2023 des travaux de comblement. 45 % de la carrière sont comblés avec des terres inertes - provenant de chantiers situés à environ 25 km, dont des Sables de Fontainebleau - et 55 % sont préservés.
L’objectif pour la ville a été de préserver plusieurs points d’intérêts pour leur valeur historique - usages successifs de la carrière : exploitation de la craie, champignonnière -, géologique et architecturale : voûtes. Le budget des travaux est estimé à 6 millions d’euros dont 50 % issus du Fond Barnier - au titre de la sécurisation d’un secteur de logements exposés dans la zone d’influence d’un risque d’effondrement -, 30 % issus du Fond Friche de la région Île-de-France, et 20 % issus de la ville de Meudon et des propriétaires.
Le projet reste critiqué par l’opposition locale, qui dénonce l’aspect invasif du procédé de comblement avec des terres inertes. Pour cette opposition, ce type de travaux va à l’encontre de la préservation des carrières, qui auraient pu bénéficier d’un renforcement structurel des piliers existants - de type cerclage - et ainsi préserver la totalité des galeries souterraines. Du côté de la ville de Meudon - maîtrise d’ouvrage -, des réflexions sont engagées pour rendre la carrière jusqu’ici interdite au public accessible, et imaginer un aménagement scénographique de manière à en faire un ERP. À noter que pour les publics experts, l’accessibilité souterraine est déjà possible. En surface, un projet d’aménagement d’un parc végétalisé de 2 hectares en prolongement du musée Rodin est en réflexion. Les intentions du projet sont les suivantes : valoriser les entrées de la carrière et l’accès au musée Rodin, mettre en valeur la situation de belvédère, et inscrire cet espace dans un réseau de parcs à l’échelle régionale, et de la Vallée de la Seine.

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Étude Les anciennes carrières souterraines en Île-de-France
Entre risques et opportunités d’aménagement
- Septembre 2024

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Cette étude a été réalisée à la demande du Conseil régional d’Île-de-France dans le cadre de la délibération CP 2022-198 du 20 mai 2022 :
dispositifs reconquérir les friches franciliennes, réhabiliter plutôt que construire, 100 quartiers innovants et écologiques, soutien à l'urbanisme transitoire
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L’Institut Paris Region
15, rue Falguière Paris (XVe)

Directeur général : Nicolas Bauquet
Directeur général adjoint, coordination des études : Sébastien Alavoine
Département environnement urbain et rural – DEUR : Christian Thibault, directeur de département
Département urbanisme, aménagement et territoire – DUAT : Cécile Diguet, directrice de département
Étude réalisée par Ludovic Faytre, DEUR et Lisa Gaucher, DUAT, avec le concours de Marine Dore et Simon Carrage, DEUR
Cartographie réalisée par Gianluca Marzilli (DUAT) et Laetitia Pigato (DEUR)
Recherche iconographique : Julie Sarris, Perrine Drapier
N° d’ordonnancement : 08.22.021

institutparisregion.fr