La présence de zones d’anciennes carrières souterraines
est liée à la richesse en matériaux de construction
du sous-sol francilien. C’est l’une des raisons historiques
de son développement. Dès l’époque gallo-romaine,
le calcaire grossier, employé comme pierre à bâtir,
le gypse, utilisé dans la fabrication du plâtre, et la craie,
utilisée dans la fabrication de la chaux et du ciment, furent exploités
à ciel ouvert, puis surtout en souterrain. Cette intense exploitation,
qui dura plusieurs siècles, nous a légué des vides
très importants. Plus de la moitié des communes de Paris
et de la petite couronne est concernée par des zones sous-minées
- 2 613 hectares -, sur des surfaces très variables, de quelques
centaines de mètres carrés à plusieurs dizaines d’hectares,
comme dans le Sud parisien : anciennes exploitations de
calcaire. Plus de 1 400 hectares sont également recensés
dans les départements de la grande couronne.
Introduction |
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Dès
la fin de leur exploitation, ces anciennes carrières sont
le siège d’une évolution lente, mais inéluctable,
entraînant des mouvements de terrain qui peuvent donner
lieu à des affaissements et à des effondrements
localisés - fontis - ou généralisés.
Ces désordres en surface présentent des risques,
assimilés à des risques naturels, pour les constructions
et parfois les populations.
Ancienne
exploitation souterraine de gypse par pilier tourné,
utilisée en champignonnière. Massif de l’Hautil
(78-95) ©
Nicolas Dudot
La
politique de gestion et de prévention des risques naturels
vise à mieux les prendre en compte afin de garantir la
sécurité des populations et les dommages localisés.
La prise en compte du risque dans l’aménagement constitue
l’un des principaux axes de la politique française
de prévention. Les Plans de Prévention des Risques
naturels prévisibles (PPR), institué par la loi
Barnier du 2 février 1995, ont vocation à
maitriser l’urbanisation sur ces zones à risques
par des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde,
afin d'éviter une aggravation de l'exposition des personnes
et les biens, et réduire leurs conséquences négatives,
en limitant notamment la constructibilité. Cependant, peu
de communes sont à ce jour couvertes par un PPR mouvement
de terrain établi au sens de la loi Barnier sur le territoire
francilien. La très grande majorité des zones sous-minées
sont cependant couvertes par des zonages de risques pris au titre
de l’article R111-3 du Code de l’urbanisme qui valent
PPR.
La
prise en compte de ces risques dans les réflexions d’aménagement
suppose la connaissance préalable des aléas. Si
les anciennes carrières sont bien localisées à
Paris et en première couronne, elles ne le sont encore
que partiellement en grande couronne où certaines ont disparu
de la mémoire collective ; en Seine-et-Marne, en l’absence
d’un service d’études spécialisé,
la connaissance de l’aléa est beaucoup moins précise,
alors que ce département concentre près d’un
tiers des communes potentiellement concernées, et qu’il
connaît parallèlement l’un des plus forts taux
d’urbanisation d’Île-de-France.
L’aménagement
des zones sous-minées porte principalement deux types d’enjeux
en Île-de-France, parfois contradictoires :
-
La question de l’urbanisation de ces espaces, au regard
notamment des nombreuses contraintes qui pèsent sur
ces zones, mais aussi des opportunités que peuvent
offrir ces terrains pour la création d’espaces
verts et de loisirs, dans le contexte de densification et
de carence de certains territoires, en particulier de l’Est
parisien. Plus généralement, la place de ces
espaces peut être interrogée dans les politiques
et stratégies de renaturation, de trames vertes, …
des zones densément urbanisées de l’agglomération
parisienne.
-
La préservation et la valorisation de ces espaces souterrains
qui peuvent revêtir de nombreux intérêts
: patrimonial industriel ou architectural, scientifique, géologique,
de biodiversité…, mais ces espaces souffrent
aujourd’hui d’une faible reconnaissance par les
institutions publiques ou scientifiques, ce qui favorise leur
disparition progressive dans le cadre des travaux de sécurisation.
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Exploitation
souterraine de calcaires grossiers par piliers à bras,
hagues et bourrages.
Carrière souterraine dite cave-carrière Delacroix,
Ivry-sur-Seine (94)
©
Stéphane Asseline, Région Île-de-France
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L’Écoparc
des carrières René Dumont. Fontenay-sous-Bois (94) |
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Écoparc
René Dumont ©
Corinne Legenne / L’Institut Paris Region
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Le
site de l’Écoparc René Dumont s’inscrit
sur une ancienne exploitation de gypse datant du XVIIIème
siècle, située dans un environnement très
urbanisé. A l’origine à ciel ouvert, les procédés
d’exploitation évoluent à partir du XIXème
siècle. Le gypse est alors extrait en souterrain, selon
la technique des galeries et piliers tournés, avant d’être
acheminé dans l’usine adjacente pour être transformé
en plâtre. L’exploitation prend fin au début
du XXème siècle, en raison de l’impossibilité
d’étendre la carrière sans mettre en péril
les habitations alentours. Le site est alors plus ou moins laissé
à l’abandon, servant tour à tour d’entreposage
pour les terres excavées de la prolongation de la ligne
1 du métro parisien en direction de Château de Vincennes
(1934), puis de décharge publique. Le site reste ainsi
inexploité pendant presque cinquante ans en raison des
risques importants de fontis. Malgré quelques projets,
comme la construction d’un terrain de sport en 1943, le
site devient une friche où la nature reprend ses droits.
L’ambition
d’une coulée verte reliant les différents
parcs de la ville à l’ancienne carrière nait
en 1975. En 1984, la commune acquiert une partie du site, qui
sera classé en espace vert au POS en 1986. Les techniques
de sécurisation pour une ouverture au public, trop onéreuses,
ont pendant longtemps ralenti le projet. Plusieurs projets se
succèdent menant à celui de l’écoparc
actuel, qui ouvre en 2013, après 18 mois de travaux.
Après
arasement complet du terrain sur une épaisseur de 1,50
m, qui a nécessité la destruction du couvert végétal,
le sous-sol a été partiellement comblé par
injection - 20 000 m³ de coulis - pour sécuriser la
zone ouverte au public, et servir de point d’ancrage aux
géogrilles. Le comblement total n’a pas été
réalisé, en raison notamment du coût. La technique
de géogrilles utilisée est la même que celle
du parc des Lilas à Vitry-sur-Seine. Ce dispositif n’empêche
pas la formation de fontis, mais assure la sécurité
en cas d’effondrement. Le coût de la sécurisation
représente les deux tiers du montant total de l’aménagement.
La
mise en sécurité du site est à l’origine
du choix des aménagements. Dans le parc, certains espaces
pentus et boisés, non totalement sécurisés,
ont été clôturés afin de limiter l’accès
au public. La biodiversité peut ainsi s’y développer.
Le patrimoine historique et le passé d’exploitation
du gypse sont rappelés par la présence de plusieurs
éléments disséminés dans le parc :
porte d’entrée en pierre de taille représentant
le gabarit d’une galerie de carrière, mobiliers rappelant
les outils utilisés par les carriers… Le parc offre
également un point de vue sur le bois de Vincennes, et
le sud-est de l’agglomération centrale.
Le
projet s’inscrit comme l’un des maillons de la coulée
verte sur la commune, qui va du Parc des Beaumonts à Montreuil
- également aménagé sur d’anciennes
carrières - vers le parc de l’Hôtel-de-Ville
et le talus des Grands-Chemins. Il s’inscrit également
dans le projet de Parc des Hauteurs.
Un
projet d’extension du parc, porté par la ville, est
en réflexion au sud du site. Il s’agit d’un
projet de renaturation sur 2,5 hectares. Les acquisitions foncières
sont portées par la SPL Marne au Bois. La commune ambitionne
une ouverture pour fin 2025.
Sources
:
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L’Île
de Loisirs de la Corniche des Forts. Romainville, Pantin, Les Lilas,
Noisy-le-Sec (93) |
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Le
bois de la Corniche des Forts s’étend sur une vingtaine
d’hectares, sur le plateau de Romainville, en Seine-Saint-Denis.
Le gypse y a été exploité dans des carrières
à ciel ouvert et en souterrain jusque dans les années
1960, principalement par la méthode des piliers tournés.
En fin d’exploitation, les carrières ont souvent
été abandonnées sans remblayage, ou ont subi
un foudroyage afin de provoquer l’effondrement et la disparition
des vides. Cependant, foudroyées ou non, ces anciennes
carrières constituent un risque pour la stabilité
des sols. Les vides présents sur le secteur peuvent aussi
être d’origine naturel : dissolution du gypse. La
fragilité des sols et la fermeture au public du site ont
favorisé la reconquête par la végétation
et une grande biodiversité.
Île
de Loisirs de la Corniche des Forts
sur les anciennes carrières de Romainville ©
Eric Garault/ L'Institut Paris Region
Dans
les années 1990, émerge l’ambition d’un
projet pour ce site, situé dans un contexte très
urbanisé et de pression foncière. En 1993, le projet
régional de base de loisirs de la Corniche des forts est
adopté autour de cette réserve foncière inconstructible.
La friche, appartenant à un exploitant, a été
rachetée en partie par la commune, et le reste par une
société privée. Un projet immobilier portée
par la société fut avorté en raison du coût
de financement de travaux de mise en sécurité exigés
par l’IGC Paris. Classé à l’époque
en zone non constructible dans le POS, ce secteur constituait
déjà une réserve foncière que la ville
souhaitait acquérir en totalité.
En
2000, le Conseil Régional crée l’Île
de Loisirs de la Corniche des Forts, ex-projet de base de loisirs.
Ce projet de liaison verte, qui s’inscrit dans le projet
de Parc des Hauteurs, s’étend sur 64 hectares entre
les communes de Romainville, Les Lilas, Pantin et Noisy-le-Sec,
avec la particularité de nécessiter de lourds travaux
de sécurisation et comblement, puisque situé sur
d’anciennes zones de carrières de gypse. Sur ces
64 hectares, la moitié est fermée au public en raison
de la présence de zones sous-minées. De premiers
travaux de sécurisation débutent entre 2007 et 2016
- injections de coulis, comblement, pose de géogrilles
- avec l’ambition d’ouvrir 12 hectares. En 2017, la
Région décide de réduire l’ambition
de ces travaux d’aménagement à 8 hectares,
dont 4,5 hectares seront accessibles au public. En 2021, la Corniche
des Forts ouvre sa promenade écologique. Il s’agit
d’un aménagement de promenade avec des zones d’observation
de la faune et de la flore - passerelle immersive -, des espaces
inaccessibles au public, afin de préserver la biodiversité
et limiter l’expansion d’espèces dites invasives,
une aire de jeux pour les enfants, des prairies et des équipements
sportifs.
Estimé
à près de 15 millions d’euros, les travaux
se sont divisés en trois phases : défrichement,
comblement et aménagement. Une forte opposition locale
au projet s’est manifestée, avec des arguments de
non-préservation de la biodiversité et de destruction
des sols. Le projet de la Corniche des Forts s’inscrit dans
le projet de Parc des Hauteurs.
Sources
:
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.....
.Étude
Les anciennes carrières souterraines en
Île-de-France
Entre risques et opportunités
d’aménagement -
Septembre 2024
..............
Cette
étude a été réalisée
à la demande du Conseil régional d’Île-de-France
dans le cadre de la délibération CP
2022-198 du 20 mai 2022 :
dispositifs reconquérir les friches franciliennes,
réhabiliter plutôt que construire, 100
quartiers innovants et écologiques, soutien
à l'urbanisme transitoire.
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L’Institut Paris
Region
15, rue Falguière Paris (XVe)
Directeur général : Nicolas Bauquet
Directeur général adjoint, coordination
des études : Sébastien Alavoine
Département environnement urbain et rural
– DEUR : Christian Thibault, directeur de
département
Département urbanisme, aménagement
et territoire – DUAT : Cécile Diguet,
directrice de département
Étude réalisée par Ludovic
Faytre, DEUR et Lisa Gaucher, DUAT, avec le concours
de Marine Dore et Simon Carrage, DEUR
Cartographie réalisée par Gianluca
Marzilli (DUAT) et Laetitia Pigato (DEUR)
Recherche iconographique : Julie Sarris, Perrine
Drapier
N° d’ordonnancement : 08.22.021
institutparisregion.fr
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