Rencontres de l'hospitalité paysanne

Le projet pilote Ici2main
Retour sur les 3 tables rondes et les intervenant-e-s
Et aussi : Présentation du prototype du guide Hospitali-Terre
Projection du film D’égal à égal et débat avec l’association A4
La suite ?



Abiosol et la ferme Sauvages et Cultivées organisaient le 27 octobre 2023 la 1ère édition des
Rencontres de l'hospitalité paysanne
à Chelles (77). Cette journée de réflexion et de co-construction a eu pour objectif de revisiter, repenser l'accueil à la ferme des publics primo-arrivants, exilés, allophones et plus globalement en insertion. L’idée des rencontres de l’hospitalité paysanne est avant tout de faire dialoguer
les différentes initiatives et structures qui gravitent autour de l’insertion et l’accueil par l’agriculture, et ainsi de faire émerger une réflexion globale sur l’hospitalité paysanne. Quelles sont les attentes des un-e-s et des autres ? Quels sont les freins identifiés ?
Quels sont les retours d’expériences, qu’ils soient positifs ou négatifs ? Quelle coopération entre les structures ?

Le projet pilote Ici2main  

Ici2Mains est un projet pilote porté par Abiosol en 2021-2022, en collaboration avec diverses structures d'accompagnement. Son objectif : explorer de manière créative, collective et bienveillante l'intégration professionnelle de personnes primo-arrivantes, réfugiées, et éloignées de l'emploi, grâce à l'agriculture paysanne en Île-de-France. Le projet pilote avait relevé l’importance du cas par cas, d’où notre envie de réunir des initiatives et associations adaptées chacune à des réalités, et n’ayant pas les même publics. En juillet 2022, l’atelier de co-constriction à la maison de l’emploi avait relevé certains besoins dont : des ateliers de français, la facilitation de l’accès aux fermes, la création d’un programme commun, un primo accueil spécifique, un canal d’info dédié, un kit com et la formation des prescripteurs. Face à ce constat, nous avions également pour objectif de présenter le prototype du guide d’accueil Hospitali-terre, qui répond à plusieurs de ces besoins.

L’idée du projet est née progressivement, à mesure que l’association Abiosol recevait des sollicitations de structures d’insertion ne sachant pas comment orienter des personnes en parcours migratoire, et/ou très éloignées de l’emploi, mais intéressé.es/expérimenté.es dans l’agriculture. Le constat était que l’accompagnement classique proposé par l’association n’était pas adapté, et qu’il devenait urgent de pouvoir réorienter ces personnes.

En effet, parler d’installation directement au stade de l’arrivée sur le territoire français n’est pas réaliste, d’autres freins restant d’abord à appréhender, dont trois principaux :

  • Les personnes peuvent éprouver des difficultés administratives et avoir besoin d’un accompagnant spécifique concernant leur droit à travailler, mais également trouver un logement et se déplacer.
  • Certaines parlent très peu le français, voire sont totalement allophones. Pour les personnes ayant un niveau de français inférieur au niveau A1*, des cours de français sont imposés par l’État dans le cadre du Contrat d’Intégration Républicaine - étape obligatoire pour obtenir des papiers -, mais ces cours-là se révèlent peu ou pas adaptés au travail agricole, d’ailleurs encore assez méconnu des prescripteurs de l’emploi en Île-de-France.
  • La plupart ne connaissent pas le contexte agricole francilien, le calendrier des saisons, des cultures et les méthodes locales, et viennent de régions du monde où le climat et les sols sont radicalement différents. Certaines connaissances de base du monde agricole francilien sont à acquérir avant de se lancer dans un parcours à l’installation, ou tout simplement pour postuler comme saisonnier.e à la ferme.
    Les personnes primo-arrivantes forment ainsi un public destiné aux canaux de l’insertion sociale et professionnelle, processus permettant l'intégration d'une personne au sein du système socio-économique par l'appropriation des normes et règles de ce système. **
    L’insertion concerne en effet les personnes démarrant une activité dans uncontexte particulier, qu’il s’agisse de difficultés liées à des problèmes familiaux, un handicap, un parcours carcéral… Ici, la spécificité est essentiellement le parcours migratoire, et notamment l’arrivée récente sur le territoire français, expliquant un fort éloignement avec les secteurs de l’emploi.

Au-delà de notre souhait de contribuer à accueillir au mieux ces personnes sur le territoire, fidèles aux valeurs citoyennes et paysannes, ce choix a également été orienté par l’intuition que parmi elles, certaines auraient une expérience agricole acquise dans leur pays d’origine et pourraient, si on leur en donnait la possibilité, reprendre pied en valorisant ce bagage.

Abiosol étant strictement spécialisée dans l’agriculture paysanne, il s’agissait donc de créer un outil, un espace pour répondre à ces demandes dans le secteur de l'insertion, et notamment que nous soyons identifiés par les SIAE*** pour qu'elles puissent nous adresser des profils demandeurs, ou à l’inverse que nous soyons nous-mêmes capables d'orienter vers elles les personnes se présentant à nous.

En mars 2021, Abiosol répond à l’appel à projet Réparer la Nature et l’Homme proposé par la Fondation Lemarchand, et obtient une subvention pour un projet pilote intitulé Ici2mains.

La même année, la Direction de l’Attractivité et de l’Emploi - Ville de Paris -, qui soutient Abiosol depuis ses débuts, accorde un cofinancement sur l’expérimentation.

Enfin, le Fonds de Relance ESS d’Est Ensemble viendra compléter le budget, tout en permettant à Abiosol de s’ancrer davantage sur le territoire, notamment auprès des Maisons de l’Emploi.

La finalité du projet est d’expérimenter les différentes façons dont les paysan.nes et les structures de l’insertion par l’activité économique pourraient être mises en relation. Un groupe de réflexion se crée à l’occasion de l’appel à projet de la Fondation Lemarchand, et permet d’esquisser les premières intentions du projet, qui seront éprouvées par la suite.

Abiosol n’avait à l’origine pas de connaissance particulière des mécanismes de l’insertion. Il a donc fallu trouver des partenaires qualifiés, partageant le même intérêt que nous pour l’emploi dans le secteur agricole, afin d’assurer cet aspect-là du projet. Ce rapport raconte 6 mois d’exploration, qui nous ont permis de poser les bases d’une démarche inclusive autour de l’agriculture paysanne, et que nous pourrons, espérons-le, poursuivre avec les différents partenaires et forces vives rencontré-e-s en chemin.


© Alexandra Serrano


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*A1 correspond à un niveau d'utilisateur élémentaire d’après le cadre européen de référence pour les langues (CECRL) - ** Wikipédia - *** Structures d’Insertion par l’Activité Economique
 
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Retour sur les 3 tables rondes

 
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Table ronde 1 : L’hospitalité, un projet de société

Comment contribuer à une meilleure hospitalité des personnes réfugiées en milieu rural et à la ferme ? Comment les citoyens peuvent-ils contribuer à cette hospitalité ?

  • L’accueil de personnes réfugiées en milieu rural représente une double opportunité : d’une part, les communes rurales sont des espaces propices à l’installation et à l’intégration, et, d’autre part, l’installation de nouveaux arrivants permet de revitaliser et redynamiser ces territoires ruraux.
La ruralité revêt de nombreuses opportunités pour l’accueil et l’intégration de personnes réfugiées. Bien que cumulant de nombreux freins - mobilité, accès aux formations, aux services publics, aux centres administratifs, lien social -, les espaces ruraux sont un formidable vivier d’initiatives solidaires, qu’il s’agit notamment de coordonner pour renforcer ces dynamiques de territoires ruraux accueillants.
 
Avec : Aurore Mayard, de la Délégation Interministérielle à l’Accueil et à l’Intégration des Réfugiés, qui a présenté le * guide Accueillir et intégrer les réfugiés en milieu rural. Jean-Francis Rimbert, administrateur du Jardin de Cocagne de Limon (58). Justine Esnault, maraichère au GAEC du Champ Libre, qui a présenté l’Interco Champêtre. Emmanuelle Bourge, qui travaille pour le programme J’accueille de Singa, Singa ayant pour mission de créer du lien entre les personnes nouvellement arrivées et les personnes locales. * Guide Accueillir et intégrer les réfugiés en milieu rural : accueil-integration-refugies.fr  
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Avec :
Anais, du réseau Civam, Nina, du Civam Occitanie, et Julia du Civam du Gard ont pu nous faire un bilan de leur expérience.
Autrefois travailleuse sociale auprès de personnes à la rue, Pauline Vialaret décide de fonder Terre2cultures face au constatque nombreuses de ces personnes - souvent afghanes - ont un passé dans le secteur de l’agriculture.
Florent, Elisa et Yagoot, de la Ferme Sapousse, qui a rejoint le programme de compagnonnage Ferme d’Avenir (91).

Table ronde 2 : Retours d’expériences

À travers cette table ronde, l’objectif était de donner la parole d’une part à des structures avec une expérience d’accompagnement d’accueil des personnes refugiées en milieu rural et à la ferme, et d‘autre part à des personnes l’ayant expérimenté.

  • Les différents témoignages illustrent la nécessité d’offrir une multitude de propositions d’accueil, d’insertion et d’accompagnement aux personnes réfugiées, afin notamment de s’adapter tant aux besoins et parcours diversifiés des personnes, qu’aux contextes des territoires et acteurs économiques locaux.
  • Cette diversité d’initiatives apporte des réponses variées pour lever les multiples freins propres aux espaces ruraux : mobilité, création de lien social, accès aux services, formation, stages, emplois, hébergement... Elles interviennent à différentes étapes du parcours d’intégration et répondent à différents besoins.
À travers ces différents témoignages, différents constats sont dressés. Il ne s’agit pas d’opposer les démarches sur leur finalité, mais bien de rendre compte qu’il n’existe pas un modèle unique d’accompagnement et d’accueil à la ferme. Pour répondre au mieux aux besoins, aux réalités des territoires et aux profils des personnes, différentes formes de structures d’accompagnement peuvent coexister, sur le territoire francilien et partout en France.
 

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Table ronde 3 : Synergie

Comment créer des dispositifs qui permettent aux personnes d’être rémunérées pendant les périodes de stages ? Concernant les emplois saisonniers, comment mutualiser ces contrats avec d’autres contrats, pour assurer une certaine continuité dans l’emploi en milieu rural ?

  • Pour permettre un accompagnement global, clé de réussite à l’accueil et l’intégration de personnes réfugiées, les acteurs ont besoin d’être coordonnés, mis en réseau, et soutenus dans leur diversité.
  • Les rencontres entre acteurs - associatifs, citoyens, agricoles, collectivités, personnes réfugiés - doivent être multipliées sur de nombreux territoires, afin de favoriser les échanges, et des parcours d’accompagnement global et complémentaire.
Comment créer des dispositifs qui permettent aux personnes d’être rémunérées pendant les périodes de stages ? Concernant les emplois saisonniers, comment mutualiser ces contrats avec d’autres contrats, pour assurer une certaine continuité dans l’emploi en milieu rural ?
 
Avec : Thomas Bequaert, coordinateur du collectif Cultivons La Ville, porté par le réseau Chantier École Île-de-France.
Tristan Robert, travaillant à la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), identifie différents freins à l’emploi agricole en sortie de formation.
Ibrahima Diabakhate, chef de projet au GRDR, qui répond depuis 2 ans à un projet d’insertion de la ville de Paris, par l’entreprenariat dans l’agriculture.
 

Présentation du prototype du guide Hospitali-Terre

Projection du film D’égal à égal et débat avec l’association A4  

Ce guide en 5 langues, avec enregistrements audio, est à destination de toute personne qui se pose des questions sur le travail dans le milieu agricole. Il se veut également être un outil de communication. Il comprend :

  • des informations sur la santé, les transports, le logement, la nourriture, les aides administratives en Île-de-France
  • une carte des fermes avec des échelles différentes pour les repérer et comprendre leur situation locale et régionale, leur accessibilité
  • des astuces et rappels sur le travail à la ferme et les métiers paysans
  • des idées pour se rencontrer de mille manières imaginables

La suite ?

D’égal à égal est un film réalisé par A4, retraçant leur premier voyage enquête dans le limousin en février 2022. Depuis le film, 4 autres voyages ont été effectué, en PACA, Bretagne, sud Aveyron, et Isère. La démarche des voyages enquête vise à mieux comprendre la réalité des agriculteurs et artisans en France, et à élaborer conjointement le projet.
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Suite à la projection du film, le public a pu échanger avec des membres de A4 et approfondir la réflexion autour de leur projet inspirant !

L'Association A4 vise à instaurer une dynamique d'accueil, de formation, d'accès à l'emploi et de soutien administratif pour des individus, qu'ils soient munis de papiers ou non, résidant en milieu urbain ou rural, et évoluant dans les secteurs de l'agriculture et de l'artisanat. L’initiative a pour objectif de
créer un réseau de soutien à l'installation et de solidarité paysanne,
en connectant les territoires et les initiatives déjà en place.

La journée des Rencontres de l’hospitalité paysanne a permis que des structures rattachées au monde agricole-paysan, ainsi que des structures rattachées au monde de l’insertion et du social, puissent dialoguer sur un sujet qui les rassemble : l’hospitalité paysanne. Le mélange de ces structures lors des tables rondes et des échanges informels a fait émerger une réflexion décloisonnée, en faisant appel aux diverses expériences de chacun-e-s.
Permettre ce dialogue lors des journées de l’hospitalité paysanne, c’est également inciter les différentes structures à coopérer entre elles. Comme nous l’avons vu, chaque projet a ses spécificités, et répond à des besoins et parcours diversifiés. Cette coopération peut en effet permettre de rediriger les personnes vers les structures qui pourront au mieux répondre à leurs attentes ! Par exemple, là ou certain.e.s recherchent un emploi rapide et rémunérateur, d’autres sont plus motivés par un projet entrepreneurial sur un temps plus long.
La synergie des structures aux spécificités variées - structures de formation linguistique, structures d’aide au logement, structures d’accompagnement et d’insertion, structures de formations, paysan-ne-s, structures du monde agricole, citoyen-ne-s… - permettrait aussi de dépasser bon nombre de freins identifiés en fonction des territoires et acteurs locaux : logement, mobilité, formation, réseau, intégration… Cette coopération entre les acteurs a besoin d’être soutenue et coordonnée, à travers des journées d’échanges comme les Rencontres de l’hospitalité paysanne, mais également à travers un réseau ou des outils qu’il reste à imaginer.
© Alexandra Serrano

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Rencontres de l'hospitalité paysanne

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Cette journée de réflexion a réuni une quinzaine de structures gravitant autour de ce sujet, et une centaine de personnes. Elle était consacrée à revisiter et repenser l'accueil à la ferme des publics primo-arrivants, exilés, allophones et plus globalement en insertion.
L'accueil de personnes réfugiées en milieu rural représente une double opportunité : voir les communes rurales comme des espaces propices à l'installation et l'intégration, et profiter de cette occasion pour revitaliser et redynamiser ces territoires. Bien que cumulant de nombreux freins - mobilité, accès aux formations, aux services publics, aux centres administratifs, lien social -, les espaces ruraux sont un formidable vivier d'initiatives solidaires, comme celles présentées lors de la journée.

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Les organisateurs - partenaires de ces Rencontres

Avec le soutien de :


 
 
Sauvages et Cultivées :
Ferme agroécologique,
légumes bio et local,
à Chelles (77)
 

L’association Abiosol :
Agriculture BIOlogique SOLidaire
Sont regroupées au sein de l’association :
l a coopérative Les Champs Des Possibles,
le Réseau des AMAP en Île-de-France,
et Terre de Liens Île-de-France.

devenirpaysan-idf.org