Loups,
chevaux, vaches, moutons, mésanges, fouines, faucons, girafes,
brochets, cerfs… cette manifestation croise le bestiaire grand-parisien
aux lieux qui lui sont dédiés tels que zoo, ménagerie,
jardin d’acclimatation, volière, aquarium, abattoir,
mais aussi aux dessins des édifices,
de l’espace public et aux tracés du grand territoire : ornementation
des édifices religieux et domestiques, pavillon de chasse, tracés
forestiers, cirques, hippodromes, écuries… jusqu’à
l’émergence d’une architecture animaliste
et d’une ville qui accueillent
la faune domestique et sauvage : façade à insectes, nouvelle
gestion des fleuves, des parcs... Suivant un déroulé
chronologique, l’exposition guide le visiteur au travers de 44 récits,
sondages dans le temps long de l’histoire
de la ville illustrant des basculements et des continuités qui
structurent l’histoire animale de la capitale…
Domestiquer la vie |
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Tandis
qu’au Moyen Âge, l’animal et son animalité
cohabitent dans une certaine proximité avec l’humain,
la Renaissance entre dans des logiques de contrôle et
de mise à distance des bêtes, logiques qui s’amplifieront
par la suite avec l’industrialisation progressive de Paris.
Ce mouvement redéfinit les rapports que la ville tisse
avec la faune et opère un basculement que le XIXe siècle
incarne pleinement.
L’idée de progrès, cette flèche
du temps dirigée vers un avenir qui serait plus
radieux, participe à disqualifier tout ce qui peut être
assimilé à une forme d’archaïsme, tout
débordement ou vagabondage, tout comportement hors
normes. Si quelques exceptions l’infléchissent
ici et là, une domestication globale de la ville est
bel et bien à l’œuvre, conduisant à
réduire, voire à annihiler la part sauvage de
Paris.
Quels sont les effets de l’industrialisation et, plus
largement, de l’idéologie d’une modernité
à l’œuvre sur un Paris encore empreint d’une
certaine animalité ? Que provoque la tension entre nature
et culture, séparation constitutive du projet moderne,
dans la conception de la ville haussmannienne ? À quelle
place se trouvent alors assignées les bêtes, et
quel rôle jouent-elles dans la ville ?
Planche
extraite d’Architecture singulière : l’éléphant
triomphal ; grand kiosque à la
gloire du roi, Jean-Étienne Ribart de Chamoust,
ingénieur, Paris, Pierre Patte, 1758.
© Columbia University Librairies
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Le
Grand Carrousel donné par Louis XIV à l’occasion
de la naissance du dauphin dans la cour des Tuileries, 5 juin
1662, d’après Henri de Gissey, 1662-1671.
© Châteaux de Versailles et de Trianon,
dist. RMN-GP
Parades et carrousels
Les
parades et carrousels royaux illustrent la capacité humaine
à dompter l’animal sauvage, à en maîtriser
les mouvements et le corps par le biais d’une mise en
scène qui le soumet à une chorégraphie
précise et rigoureuse. Dès le début du
XVIIe siècle, ils remplacent les tournois, interdits
depuis la mort tragique d’Henri II en 1559. C’est
à ce moment-là que Marie de Médicis importe
le spectacle équestre, déjà réputé
en Italie.
En 1615, en l’honneur du mariage de son fils Louis XIII
et d’Anne d’Autriche, elle conçoit sur la
Place royale - actuelle place des Vosges - un événement
qui rassemble 70 000 spectateurs. Plus de deux cents chars transformés
en machines théâtrales sont tirés par des
chevaux métamorphosés en animaux exotiques. Antoine
de Pluvinel (1552-1620), précurseur de l’école
d’équitation française, y orchestre un grand
ballet. Plus tard, Louis XIV développera ce type de divertissement
en multipliant les représentations, expression de son
pouvoir. Ainsi, pour célébrer la naissance de
son fils, le dauphin Louis, il organise en 1662 un spectacle
équestre sur la place qui sépare le palais du
Louvre du jardin des Tuileries et nomme celle-ci carrousel
du Louvre.
Vue
et perspective du salon de la Ménagerie, Louis Le
Vau, architecte, 1663 ; Pierre Aveline l’Ancien, graveur,
Esnauts & Rapilly et Jean-François Daumont, éditeurs,
1676-1722 (édition 1770-1775). ©
Château de Versailles, dist. RMN-GP
La
ménagerie royale de Versailles
En
1662, Louis XIV ordonne à l’architecte Louis Le
Vau de concevoir une ménagerie royale à Versailles.
Peuplée d’animaux exotiques et rares, parfois féroces,
la ménagerie se structure en sept cours fermées,
disposées autour d’un pavillon d’observation.
Dès 1665, elle accueille près de quarante animaux
: autruches, flamants, pélicans, grues demoiselles -
dites aussi demoiselles de Numidie -, casoars d’Indonésie,
gazelles, mangoustes, cerfs, félins… L’expansion
des possessions coloniales françaises permet d’introduire
en métropole des espèces inconnues, comme le castor
du Canada ou des oiseaux exotiques. Plusieurs souverains étrangers
envoient des animaux au roi, en guise de cadeau diplomatique.
C’est le cas, par exemple, de l’éléphant
offert par Pierre de Portugal en 1668, ou de la tigresse donnée
par le sultan du Maroc en 1682. La ménagerie est ouverte
aux Parisiens une fois par an, le dimanche de Pentecôte.
En 1698, Louis XIV demande à l’architecte Jules
Hardouin-Mansart d’agrandir et de transformer la ménagerie
afin de l’offrir à sa future belle-fille, Marie-Adélaïde
de Savoie. C’est à la mort prématurée
de celle-ci, en 1712, que débute le long déclin
de la ménagerie, démolie en 1902.

Hippodrome
du pont de l’Alma, Émile Lévy, imprimeur,
entre 1873 et 1883.
© Paris Musées/Musée Carnavalet
– histoire de Paris
L’animal
spectacle : de l’hippodrome au cirque
À
partir de 1833, les combats entre animaux sont proscrits en
France et, en 1850, la loi Grammont condamne les traitements
abusifs infligés aux animaux. On assiste au même
moment au développement d’architectures dédiées
à l’animal en spectacle. Apparues dès 1669
aux abords de Paris, les courses hippiques bénéficient
après la Révolution d’un véritable
engouement. Au XIXe siècle sont ainsi inaugurés
les hippodromes de Longchamp (1857), Vincennes (1863), Auteuil
(1873), Maisons-Laffitte (1878) ou Enghien (1879). Construit
en 1877, l’hippodrome de l’Alma peut accueillir
6 500 spectateurs. Reprenant la forme ovale du modèle
antique, il abrite sous une architecture de fer surmontée
d’une verrière de 2 000 m²
une piste de 80 mètres de long et 45 mètres de
large. C’est en 1782 que Philip Astley crée le
premier cirque parisien à piste circulaire. L’animal
dicte la forme et les dimensions de la piste, qui doit permettre
à un cheval de tourner autour de son dresseur selon un
rayon de 6,5 mètres environ, déterminé
par la longueur de la chambrière. Bâti en 1843
au carré Marigny par Jacques Ignace Hittorff, le Cirque
d’été - ou Cirque de l’Impératrice
-, premier cirque de Paris sans mitoyenneté, est conçu
telle une architecture idéale. Détruit en 1900,
il aura servi de modèle à de nombreux édifices
de même type, dont le Cirque d’hiver, rue Amelot.
Également construit par Hittorff, en 3 mois seulement,
ce bâtiment peut accueillir 4 000 spectateurs.

Marchands
de lait au pont du Point-du-Jour, Paris XVIe, Léon &
Lévy, photographes, vers 1894-1895. ©
Roger-Viollet
Vacheries
et laiteries dans la ville industrielle
Au
XIXe siècle, dans un Paris de plus en plus consommateur
de lait, les vacheries se multiplient. L’industrialisation
et les progrès en matière de techniques de conservation,
en particulier la mise au point de la pasteurisation en 1865,
favorisent l’implantation de laiteries hors du centre
de Paris. Une ceinture laitière se déploie ainsi
en périphérie, jusqu’à Sens, Dreux
ou Beauvais, sans concurrencer pour autant les laiteries parisiennes,
qui continuent à se développer. En 1900, on compte
près de 5 000 vaches laitières à Paris.
La taille des laiteries varie, abritant d’une dizaine
à une cinquantaine de bêtes. La plus vaste, située
dans le jardin d’Acclimatation, compte près de
quatre-vingts vaches. En 1884, le fabricant d’éventails
Charles-Victor Hugot, associé au médecin Bernard
Château, achète le domaine de la Loge, sur l’île
éponyme de la Seine, et y installe ce qu’il nomme
la Jersey Farm. Pour la première fois en Europe,
la traite des vaches y est effectuée grâce à
des appareils électriques.

Grand
dîner parisien, Jean Gauchard, dessinateur-lithographe,
1870-1871.
© Paris Musées/Musée Carnavalet
– Histoire de Paris
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Feuille
1 [partie centrale de l’Île-de-france], carte
générale de la France établie sous la direction
de César-François Cassini de Thury, 1756.
© BnF
Grands
territoires de la chasse
À
partir du XVIe siècle, nobles et souverains partagent
leur passion pour la chasse à courre. Sont alors dressés
les plans des forêts domaniales – Louis XVI lui-même
substituera aux plaisirs de la chasse celui de l’étude
cartographique de son territoire. Autour de Paris, la première
feuille de la carte de France de Cassini, imprimée en
1756, fait apparaître une multitude de massifs boisés,
de routes et d’édifices satisfaisant aux besoins
de la chasse. Les forêts sont aménagées
: des allées se croisent en étoile et dégagent
de profondes perspectives permettant de voir et d’entendre
au loin.
L’étendue de ces domaines et, sans doute, la durée
des chasses nécessitent d’installer des points
de relais et de rendez-vous, qui donnent naissance à
la typologie du pavillon de chasse. Surélevé et
ouvert sur un axe principal, celui-ci offre une vue quasiment
panoramique sur la forêt.

Rotonde de la girafe et des éléphants,
Jacques Reyne Isidore Acarie-Baron,
dessinateur-graveur, Adrien et Richer, graveurs, in Album
du Jardin des plantes de Paris […], Paris, J. Angé,
1838.
© Muséum national d’Histoire naturelle, 4o
RES 89
La
ménagerie du Jardin des plantes
En
1791, l’intendant du Jardin national des plantes Bernardin
de Saint-Pierre estime nécessaire d’y créer
une ménagerie, qui pourra accueillir les animaux errants
- un arrêté municipal de 1793 mettant fin à
la monstration des bêtes sauvages dans les rues de Paris
-, ainsi que les derniers pensionnaires de la ménagerie
royale de Versailles et de celle du duc d’Orléans,
au Raincy. Le Muséum national d’Histoire naturelle
est fondé en 1793, puis la ménagerie ouvre officiellement
en 1794, avec cinquante-huit animaux. Bernardin de Saint-Pierre
défend alors l’idée d’un lieu qui
permettrait à la fois de prendre soin des bêtes,
de les étudier et d’entreprendre à l’intention
du public un travail pédagogique sur le monde animal.
Il s’agit également de rendre visible, par différentes
mises en scène, la capacité humaine à dompter
l’animalité. Lions, chameaux, autruches, ours,
éléphants, buffles peuplent la ménagerie
dès 1798 ; les premières constructions, la fabrique
et la fosse aux lions sont inaugurées en 1805, suivies
en 1819 ou 1920 par la rotonde. Grilles, murets, podiums, vitres
et circulations sont dessinés pour exacerber le caractère
sauvage de l’animal, pour exalter son exotisme tout en
le conditionnant à nos milieux et en dissimulant les
nombreux dispositifs qui permettent sa captivité.

Les
boulevards et portes Saint-Martin et Saint-Denis, Paris, Léon
et Lévy, photographes, vers 1895. ©
Roger-Viollet
La
ville aux 80 000 chevaux
Tandis
que les transports urbains s’intensifient, l’usage
du cheval se développe au XIXe siècle, plus particulièrement
entre 1840 et 1900. Stanislas Baudry, colonel du Premier Empire
et homme d’affaires, obtient en 1828 une concession de
la Ville de Paris pour exploiter une entreprise d’une
centaine de véhicules hippomobiles. C’est ainsi
que se développe le transport en commun de voyageurs
sur des lignes à itinéraire fixe. Face au vif
succès que remportent ces voitures, une vingtaine de
compagnies de transport voient le jour, offrant une diversité
de parcours dans la capitale. Elles fusionnent en 1855 pour
former la Compagnie générale des omnibus (CGO),
composée d’une cavalerie de 3 285 chevaux et 569
voitures ; elle atteindra 6 580 chevaux en 1860. Son fonctionnement
nécessite d’aménager de nombreux lieux de
dépôt à travers la ville, qui réunissent
les activités liées à la cavalerie : écuries,
greniers de stockage du foin, remises des voitures, ateliers.
Paris comptera jusqu’à 80 000 chevaux au début
du XXe siècle.

Une
chasse aux rats dans les égouts Alexandre Ferdinandus
graveur 1888.
© Paris tvlusées/tvlusée Carnavalet
- Histoire de Paris
La
chasse au rat
Dans
le VIIIe livre de son Histoire naturelle, Buffon rapporte que
le rat brun, ou surmulot (Rattus norvegicus), serait
arrivé à Paris depuis l’Asie vers 1750.
Plus gros et plus fort que le rat noir qui occupait la ville
depuis 2 000 ans, il supplante ce dernier, qui se réfugie
dans les campagnes. Au XIXe siècle, sa prolifération
se renforce à la faveur de l’aménagement
des égouts, milieu sombre et humide à l’abri
des prédateurs qu’il affectionne particulièrement.
Apparaît alors le métier de chasseur de rats
: nombre d’entre eux sont formés lors du siège
de la ville par les Prussiens en 1870, afin de nourrir les Parisiens.
La pratique se développe d’autant plus que la Préfecture
de police verse une prime pour chaque queue rapportée.
Dans la presse, qui leur consacre de plus en plus d’articles,
les rats sont présentés comme des animaux malfaisants,
se déplaçant en hordes grouillantes et dangereuses.
La municipalité se saisit officiellement du problème
à partir des années 1870, et l’essor de
l’hygiénisme conduit à la Loi du 15 février
1902 relative à la protection de la santé publique
- appliquée en 1904 à Paris -, qui oblige les
communes à se doter d’un règlement sanitaire.

Cheval
de renfort, rue des Martyrs, Paris IXe, photographie agence
Rol, 1921. © BnF
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Dernier
projet de la fontaine de l’éléphant pour la
place de la Bastille, Jean Antoine Alavoine, architecte, 1812-1814.
© Musée du Louvre, dist. RMN-GP/Michèle
Bellot
L’éléphant
de la Bastille
En
1806, alors que l’eau des fontaines publiques est payante
- elle ne sera gratuite qu’en 1812 - et que les Parisiens
ne disposent que de 15 litres d’eau par jour, Napoléon
Ier fait creuser le canal de l’Ourcq et le bassin de La
Villette, et entreprend la construction de quinze nouvelles fontaines.
L’architecte Jacques Cellerier se voit ainsi confier en
1807 la conception - reprise en 1812 par Jean Antoine Alavoine
- d’une fontaine sur les ruines de la prison de la Bastille
sous la forme d’un éléphant en bronze,
[…] chargé d’une tour, et […]
l’eau jaillira de sa trompe. L’eau du canal
de l’Ourcq, acheminée par le canal Saint-Martin,
doit alimenter cet éléphant de 15 mètres
de long et 24 mètres de haut. Mais le projet est abandonné
en 1814, à la chute de l’Empire, et un modèle
en plâtre à échelle 1, élevé
alors près du chantier, puis détruit en 1846, constitue
longtemps un objet de curiosité : Il y a vingt ans,
on voyait encore dans l’angle sud-est de la place de la
Bastille, près de la gare du canal creusée dans
l’ancien fossé de la prison-citadelle, un monument
bizarre qui s’est effacé déjà de la
mémoire des Parisiens, et qui méritait d’y
laisser quelque trace, écrivait Victor Hugo en 1862
dans Les Misérables. Le socle et le bassin, seuls éléments
réalisés de la fontaine, serviront de base à
l’édification de la colonne de Juillet entre 1835
et 1840.

Le
Marché de la Vallée, vers 1815 - dans l’actuel
VIe arrondissement -, Jacques- Albert Senave, vers 1810-1820,
huile sur toile.
© Paris Musées/Musée Carnavalet
– Histoire de Paris
Des
oiseleurs de Notre-Dame au marché à la volaille
L’histoire
du marché aux oiseaux de Paris commence à la fin
du XIIIe siècle, lorsque quelques oiseleurs vendent sur
l’actuel parvis de Notre-Dame oies, paons, cygnes, étourneaux.
En 1402, le roi Charles VI autorise
l’installation au Pont-au-Change de ce marché, alors
en expansion et qui se développera dans la vallée
de Misère - en mémoire de la crue de la Seine
de 1493 -, à l’ouest de l’actuelle place du
Châtelet. À la fin du XVIIIe siècle, ce marché
en plein air, ou marché de la vallée de Misère,
congestionne une partie de la ville et perturbe le voisinage,
un chaos quotidien devenu incompatible avec l’image d’une
ville industrielle, hygiéniste et ordonnée. En 1807,
Napoléon décide de faire construire un marché
couvert pour la vente en gros et au détail du gibier et
de la volaille, à l’emplacement de l’église
et d’une partie du cloître du couvent des Grands-Augustins,
actuel VIe arrondissement. Conçu par Célestin-Joseph
Happe, livré en 1812, puis agrandi entre 1814 et 1837 par
l’architecte Lahure, le bâtiment se compose de trois
nefs parallèles : celle donnant sur le quai est destinée
à la vente au détail, les deux autres à la
vente en gros. Enfin, en 1866, le pavillon n°4 des nouvelles
Halles centrales est affecté à la vente en gros
de la volaille et du gibier, préfigurant la démolition
du marché couvert.

Le
Vendeur de rats, pendant le siège de Paris, en 1870,
Narcisse Chaillou, 1871, huile sur toile. ©
Paris Musées/Musée Carnavalet – Histoire de
Paris
Au
menu du siège de Paris
Du
19 septembre 1870 au 28 janvier 1871, Paris est assiégée
par les troupes prussiennes. Début septembre 1870, en prévision
du siège, on tente d’évacuer les animaux les
plus précieux du Jardin d’acclimatation vers d’autres
zoos en province ou à l’étranger. C’est
également en septembre que l’on fait venir des troupeaux
de bêtes des environs de Paris pour les regrouper dans les
différents jardins ayant des espaces disponibles : 30 000
bœufs et 180 000 moutons sont ainsi réunis
au bois de Boulogne, 3 000 bœufs au Jardin
des plantes et, au Luxembourg, des milliers de moutons, serrés
et remuants, ont, dans leur étroit grillage, quelque chose
du grouillement des asticots dans une boîte (Edmond
de Goncourt). Si, en octobre 1870, les Parisiens peuvent encore
consommer de la viande de bœuf et de mouton,
en novembre, ils doivent se résoudre à manger les
chevaux : 65 000 seront abattus. Les boucheries vendent ensuite
des rats (3 francs), des chats (10 francs) et des chiens (12 francs)
; le 30 décembre, Victor Hugo écrit Hier j’ai
mangé du rat. Au même moment, les plus aisés
goûtent du civet de kangourou et autre consommé d’éléphant.
Quand le siège de Paris s’achève, il ne reste
plus une seule bête au Jardin des plantes.

Gargouilles
de la tour sud de la cathédrale, Henri Le Secq, photographe,
vers 1853.
© Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie
- RMN-GP
L’animal
ornement
Petit,
grand, familier, fantastique, mythologique, personnifié,
précis, grossier, beau, laid, assis, couché, en
mouvement, seul, accompagné, extravagant, assujetti, narratif
ou encore symbolique, l’animal se glisse dans l’ornementation
des édifices, s’adaptant aux styles et aux époques,
et survient parfois là où on ne l’attend pas.
Au Second Empire, à la faveur d’une transformation
massive de Paris et de son architecture, le motif animalier habille
à foison les façades, seul espace de liberté
de l’architecte, par ailleurs tenu au respect de règlements
contraignants : le lion trône sur les frontons, l’éléphant
encadre les fenêtres, la biche porte les pilastres…
Il en est de même dans l’espace public, où
le décor des fontaines déploie fréquemment
dauphins, tortues et chimères. Utilisé pour raconter
l’histoire, pour symboliser une religion ou un pouvoir,
pour évoquer un mythe ou une personnalité, l’ornement
animal est partout dans la capitale. |

Plan
routier de la ville de Paris, divisé en XII arrondissements
ou mairies, en 48 quartiers, sur lequel sont indiqués tous
les changements & projets ordonnés par le Gouvernement
[…], Charles Picquet, cartographe, Paris, 1814.
© BnF
Les
abattoirs napoléoniens, la mise à mort en périphérie
Au
début du XIXe siècle, on compte encore 128 tueries
- abattoirs artisanaux - aménagées dans les arrière-cours
des boucheries et dans l’espace public parisien, causant
des problèmes d’environnement et de santé
publique. Afin d’éloigner la mise à mort des
bêtes et sa brutalité, Napoléon Ier interdit
en 1808 les tueries et annonce en 1810 la création de cinq
abattoirs municipaux en périphérie de Paris : Grenelle
- près de l’actuelle place de Breteuil -, Villejuif
- près de la barrière d’octroi d’Italie
-, Roule - près de la barrière de Monceau -, Ménilmontant
et Montmartre, dit aussi Popincourt. Livrés en 1818, ils
sont tous pourvus d’eau courante, de conduits d’évacuation
des eaux souillées et d’enclos à bestiaux.
Cette démarche de rationalisation séparant les différentes
étapes du processus de mise à mort de l’animal
s’avère d’abord efficace, mais rapidement insuffisante
et inefficiente face au développement de la capitale et
à l’accroissement de sa population, qui triple entre
1800 et 1860.

Abattoirs
généraux et marché aux bestiaux. Marché
– vue intérieure, Louis-Adolphe Janvier, architecte,
in Félix Narjoux, Paris. Monuments élevés
par la ville, 1850-1880, vol. 2 : Édifices d’utilité
générale, Paris, Morel, 1883. ©
Ville de Paris/BHVP
Les
Abattoirs généraux de La Villette
Après
une vingtaine d’années d’activité, les
cinq abattoirs de Napoléon Ier se trouvent rattrapés
par la croissance urbaine. Le déplacement des animaux à
pied depuis les marchés de Sceaux et de Poissy à
travers la ville n’est plus adapté. Parallèlement,
conséquence de la révolution de 1848, le développement
de la consommation de viande par les classes populaires prend
de l’importance et devient même une question sociale.
Le baron Haussmann lance alors à La Villette la construction
des Abattoirs généraux, chargés de l’entière
production de viande pour la capitale. Au sud des abattoirs, séparé
par le canal de l’Ourcq, un grand marché aux bestiaux
complète les édifices. Les travaux, réalisés
par Victor Baltard avec Louis-Adolphe Janvier, s’achèvent
en 1867. La majorité des bêtes rejoint le site en
train, arrivant à la gare de Paris-Bestiaux, bâtie
sur une dérivation de la Petite Ceinture. Couvrant à
l’origine environ 39 hectares, les abattoirs, le marché
et la gare s’étendent par la suite jusqu’à
54 hectares. À la fin du XIXe siècle, près
de 280 000 bœufs,
15 000 taureaux, 180 000 veaux, 1 000 000 moutons, 400 000 porcs
y terminent leur course. Dans l’entre-deux-guerres, avec
3 à 4 millions de têtes vendues par an, le marché
aux bestiaux de La Villette est devenu le plus grand d’Europe.

Régiment
de Sapeurs-Pompiers de Paris - 11e compagnie -, caserne de la
rue de Sévigné, photographie anonyme, 1896.
© Musée Carnavalet/Roger-Viollet
Le
cheval au travail
Si,
depuis les débuts de leur domestication, les animaux n’ont
cessé d’être au service des humains, les formes
et l’ampleur de ce travail ont beaucoup varié selon
les époques, atteignant leur paroxysme au XIXe siècle.
L’énergie animale - celle des chevaux, des ânes
et des bœufs notamment - est alors mobilisée dans
les secteurs de la production industrielle - transports et livraisons,
fourniture d’énergie aux machines… - et agricole
- labour, semis, buttage, sarclage -, mais aussi pour acheminer
les produits de l’agriculture vers les lieux de commerce
de la capitale. L’industrialisation de l’animal, du
cheval en particulier, fera partie du quotidien des Parisiens
jusqu’à la Première Guerre mondiale. Cette
exploitation permanente des animaux suscite néanmoins des
mouvements en faveur de leur protection. Les médecins Pierre
Dumont de Monteux et Étienne Pariset fondent en 1845 la
Société protectrice des animaux (SPA), première
association créée en France dans ce but, dont la
préoccupation essentielle à l’origine - et
son facteur déclenchant - est de lutter contre la maltraitance
du cheval.

Cimetière
des chiens d’Asnières-sur-Seine : Marquise et Tony,
chiens de la princesse Lobanoff de Rostoff, Agence Rol, 1926.
© BnF
Le
cimetière animalier d’Asnières-sur-Seine
Durant
le XIXe siècle, le chien et le chat font partie intégrante
de la famille, et reçoivent beaucoup d’attention,
y compris parfois après leur mort. La Société
française anonyme du Cimetière pour chiens et autres
animaux domestiques est créée le 2 mai 1899 par
la journaliste et comédienne féministe Marguerite
Durand, et l’avocat Georges Harmois, à la faveur
de la loi autorisant l’enfouissement des animaux. La société
achète le 15 juin de la même année la moitiéde
l’île des Ravageurs à Asnières-sur-Seine
- celle-ci sera rattachée à la rive gauche de la
Seine en 1976 -, et y ouvre un cimetière animalier à
la fin de l’été. Alors que plusieurs constructions
sont envisagées, dont un musée dédié
aux animaux domestiques et un columbarium, seuls les jardins,
le bâtiment d’entrée et les nécropoles
sont finalement réalisés. Quatre quartiers composent
la nécropole : celui des chiens, celui des chats, celui
des oiseaux et celui des autres animaux. Depuis l’ouverture
du cimetière, plus de 90 000 animaux y ont été
inhumés : chiens, chats, oiseaux, moutons, poissons, hamsters,
cochons et même un singe et un lion. |
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.....
. .Exposition
Paris Animal
..........Histoire
et récits d’une ville vivante.
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Exposition créée par le
Pavillon de l’Arsenal, Centre d’Urbanisme
et d’architecture de Paris et de la Métropole
parisienne
Association Loi de 1901 - Patrick Bloche - Président
- sous la direction de Henri Bony et Léa Mosconi
Présentée
du 29 mars au 3 septembre 2023
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Commissariat scientifique
Atelier
Bony Mosconi
Henri Bony, architecte, maître de conférences
associé à l’Ensa Versailles
Léa Mosconi, architecte, docteure, maîtresse
de conférences à l’Ensa Nantes, présidente
de la Maison de l’architecture Île-de-France
avec Fanny Benguigui, Marie Ducroc, Hugo Forté,
Soukaïna Jamaï,
Grégoire Leroy Noiton, Léa Mesnil, Louise
Tanant
pavillon-arsenal.com |
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Pavillon
de l’Arsenal
21,
boulevard Morland - Paris (IVe)
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
Entrée
libre
L'accès est gratuit pour l'ensemble
des expositions et manifestations |
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