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Ouvrage Les bois de Boulogne et de Vincennes :
1840 hectares de nature à revisiter

(3-2) Les usages du bois de Vincennes
La diversité et la cohabitation des usages
4 orientations pour l’évolution des usages



Les bois de Boulogne et de Vincennes sont deux espaces de respiration uniques, situés au cœur du Grand Paris. Représentant à eux deux près du quart de la surface du Paris urbanisé, les deux bois occupent un espace équivalent aux huit premiers arrondissements. Ils sont fréquentés par des habitués mais sont encore méconnus par beaucoup d’habitants. Une grande diversité d’usages existe : pour certains, ils représentent des axes de circulation rapide, pour d’autres le plaisir du footing dans les allées, de la promenade et pique-nique sous les arbres, du canotage sur les plans d’eau… Les Charte du bois de Vincennes et de Boulogne, signées en 2003, ont constitué un cadre précieux, en définissant quatre axes majeurs pour structurer un projet ambitieux d’aménagement durable des bois : réhabiliter les paysages et restaurer les milieux naturels ;
réduire fortement la circulation automobile pour une promenade tranquille ; reconquérir l’espace public des bois et gérer les activités
dans la cohérence et la transparence ; et enfin innover dans les modes de gestion et de gouvernance.

La diversité et la cohabitation des usages

Les activités événementielles et saisonnières

Les bois parisiens accueillent tout au long de l’année de nombreuses activités évènementielles : cirques, fêtes foraines, festivals musicaux, sports : marathon, Solirun…. En 2018, le bois de Vincennes a accueilli 1 524 journées de manifestations et 20 événements de plus de 1 000 participants. Ce sont les grandes pelouses, terrains de grands jeux, esplanades et hippodromes qui permettent de recevoir les plus grands rassemblements. Selon la nature des évènements, les impacts sur les bois peuvent être plus ou moins importants. Ils sont liés aux conditions d’accessibilités, mais aussi à la dégradation des sols et à différentes formes de pollution : déchets, bruit, éclairage.

Le Marathon de Paris, porte Dorée
© CC by : PRA SA - 3.0

Depuis 2016, la Charte des évènements éco-responsables à Paris a permis un meilleur encadrement de toutes les étapes des événements, de leur conception à leur démontage. Elle vise à limiter l’impact environnemental et comportemental de l’événement et à améliorer son insertion dans l’environnement local. La limitation des impacts sur le milieu naturel et les communes riveraines - information des collectivités - a aussi été recherchée dans le respect de cette Charte. Elle a porté sur le nombre d’évènements nocturnes, les horaires, les émissions sonores, le stationnement, la mise en place de navettes, le tri des déchets… Un bilan annuel pour faire le point sur la façon dont se sont passés les évènements a également été établi. Ces différents points - nombre d’évènements nocturnes, modalités d’organisation et information des collectivités, retour annuel - pourraient faire l’objet d’un protocole partagé d’accueil des évènements dans les bois. La réduction de l’impact des évènements est aussi passée par des aménagements spécifiques. Pour l’esplanade du château de Vincennes, c’est un sol capable de ne recevoir qu’un nombre limité d’évènements par an qui a été privilégié : pelouse renforcée.

Festival We Love Green
© Henri Garat – Ville de Paris

Plus largement, les bois jouent une place essentielle dans l’axe II du Plan Biodiversité de la Ville de Paris - La biodiversité par et pour tous : tous actrices et acteurs de la biodiversité -, particulièrement dans le cadre de l’Action 10 qui vise à sensibiliser à la biodiversité à travers des évènements. Chaque année, de nombreux rendez-vous associant les collectivités riveraines sont organisés : fête des jardins, agriculture urbaine. L’Axe III vise à renforcer la biodiversité partout en faisant de la biodiversité une valeur ajoutée pour les Parisiennes, les Parisiens, les touristes (Action 25). En développant les services récréatifs - sportifs, culturels - en lien avec la biodiversité, particulièrement pour les sites libres de toute motorisation, cette action associe le renforcement de la continuité écologique de la Ceinture verte, à la création d’un parcours marathonien de la biodiversité entre les boulevards des Maréchaux et le Boulevard périphérique. Les 42 km de sentier paysager sportif et de randonnée inclus dans les bois doivent être aménagés pour les Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024. Cet Axe vise aussi à réduire les impacts de la pollution lumineuse sur la biodiversité.

Le Parc Floral abrite depuis 1994 des festivals de jazz, de musique classique, de musique enfantine et, depuis 2013, le festival des cultures électroniques, le Peacook Society, dans la Grande Halle. Le bois a également accueilli le festival électronique Weather Festival en 2015. Le festival We Love Green s’y déroule sur 2 jours, Plaine de la Belle Étoile, depuis 2017 : 58 000 spectateurs, 45 concerts. Plusieurs mesures ont permis de limiter son impact environnemental : offre de stationnement pour les 2 roues mais pas de parking automobile public, 70 % de déchets triés, utilisation d’énergie renouvelable, restauration privilégiant les produits locaux et l’agriculture biologique, don des invendus. Le choix du site et la position des scènes, les horaires des concerts et le dispositif technique sonore ont permis de limiter l’impact sonore sur les communes avoisinantes : concerts de 13h à 1h du matin le samedi, et de 13h à minuit le dimanche, mesures de bruit au niveau des immeubles riverains du bois durant la période diurne et nocturne, médiation avec les communes riveraines et les occupants du bois.

Jour de course à l’hippodrome
© Apur

Avec la pelouse de Reuilly, le bois dispose d’un espace susceptible de recevoir les cirques et la Foire du Trône. Afin de limiter les impacts de celle-ci, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années : limitation des horaires à 23h en semaine - minuit en 2017 - et à 1h les vendredis, samedis, jours fériés et veilles de jours fériés ; limitation des émissions sonores à 75 dB - 80 dB en 2017 - et mise en place de contrôles sonores ; suppression du stationnement dans le bois de Vincennes et aux abords, avec renforcement de la verbalisation et des enlèvements ; mise en place d’un périmètre Paris Respire, avec fonctionnement sur les horaires d’accueil du public de la Foire du Trône.

Concert au Parc Floral
© Maëlle Henaff - Ville de Paris

Depuis 2017, l’ouverture d’un espace d’accueil de la pratique naturiste a été expérimentée : du 31 août au 15 octobre en 2017 et de mi-avril à mi-octobre en 2018 et 2019 selon les horaires des grands parcs et jardins. Une clairière de 7 300 est encadrée par un arrêté municipal et une Charte d’usage disposés 100 m en amont et aux 4 entrées de la clairière, pour signaler l’approche de l’espace naturiste. Le nettoyage du site est assuré chaque jour avant son ouverture, et des tournées de surveillance sont effectuées par des agents de la Ville de Paris et de la Garde républicaine. La fréquentation varie d’une dizaine de personnes en semaine, à quelques centaines les week-ends de très beau temps. Les retours des usagers, riverains, associations, services municipaux et de la préfecture de Police attestent que cette ouverture n’a pas posé de difficultés de gestion, de sécurité ou de conflits d’usages. Aucun impact de l’activité sur le site et sa végétation n’a été relevé.



 

L’offre de restauration

Restaurants, chalets et kiosques ont été intégrés aux bois dès le Second Empire, et participent de son patrimoine. Les restaurants offrent une autre pratique du paysage le temps d’un repas, d’un banquet, d’une réception ou de quelques danses…
Cette restauration classique est complétée par celle de grandes concessions - hippodromes par exemple - et par celles des kiosques.
La restauration des chalets des Îles Daumesnil et de la Porte Jaune a été proposée récemment. Suite à l’appel à idées de 2015 et à la consultation pour la rénovation et l’exploitation du restaurant de Gravelle, la concession a été attribuée pour 15 ans à compter de 2019.

Les externalités négatives à maîtriser : stationnement, bruit, enclave…

Si la fréquentation des restaurants n’est pas comparable aux autres équipements, leur dépendance à l’automobile a des répercussions sur l’environnement du bois et dans bien des cas dégrade les qualités paysagères et architecturales recherchées.
La fréquentation des équipements dépend des rythmes des manifestations - jours de courses, foires et fêtes, cirques, théâtres, concerts… - et des week-ends : jardins et parcs, terrains de sport, zoo, musées. Si les plus grands équipements disposent d’une offre de stationnement en surface ou enterrée, celle-ci n’est pas toujours suffisante. Pour les autres, l’impact de l’attraction se manifeste directement sur la voirie. La mise en place de navettes rattachées aux stations de transport en commun a pu répondre à une partie de la demande.

Afin de réduire l’impact du stationnement sur les bois, l’offre globale mériterait d’être mutualisée et partagée en fonction des périodes et des rythmes de fréquentation.


Le chalet de la Porte Jaune
© Apur - Benoît Grimbert
Déjeuner sur l’herbe, lac Daumesnil © Apur

Le chalet des Îles Daumesnil, île de Reuilly
© Apur - Benoît Grimbert
Kiosque Porte Jaune © Apur - JC Bonijol
 
4 orientations pour l’évolution des usages

1 - Renforcer les polarités pour les visiteurs, améliorer l’offre de service sur les espaces de forte fréquentation et optimiser l’usage des bâtiments existants pour le public

  • Requalifier la pelouse de Reuilly et faire évoluer les animations.
  • Faire de la Cipale un pôle vélo pour tous les publics : location de vélos, entretien, compétitions sportives et ludiques - type festival des machines à roues et à pédales -, point de départ de promenades dans le bois…
  • Réaménager le site de l’hippodrome - réintégrer les installations techniques pour libérer le site de la Ferme de Paris, faire évoluer l’emprise nord liée à la butte de Mâchefer - et l’ouvrir à de nouveaux usages : agriculture urbaine, activités ludiques - bain et jeux d’eau, observatoire butte de Mâchefer.
  • Relancer un appel à idées multi-sites pour l’affectation des édifices non occupés et à sauvegarder.
  • Restaurer le pavillon du Togo - susceptible de devenir une bibliothèque sur les diverses traditions bouddhiques -, en lien avec l’Institut international bouddhique, et favoriser son ouverture au public hors évènements liés au culte pour favoriser une nouvelle polarité en marge du lac Daumesnil.
  • Élaborer un schéma directeur des installations sportives, réorganiser les terrains de sport : Pershing, La Faluère…
  • Développer l’attractivité et la mise en valeur du patrimoine militaire : promenades thématiques dans le bois et à l’échelle de l’est métropolitain : routes stratégiques et ceinture des forts.
  • Faire évoluer l’offre de restauration en qualité et en localisation pour une plus grande ouverture au grand public.
  • Ouvrir plus largement au public les jeux de boules de Saint-Mandé, Vincennes, Saint-Maurice et Nogent-sur-Marne.

2 - Préserver le caractère naturel des espaces forestiers

  • Limiter les services dans les espaces forestiers et ne pas en créer de nouveaux.
  • Étudier la possibilité de créer des zones d’intérêt écologique dans les emprises boisées du Fort Neuf de Vincennes.
  • Limiter le développement et l’installation de programme sans lien avec le bois, et poursuivre l’intégration des concessions et des grands terrains : pelouse de Reuilly, plaines de sport.
  • Reconquérir les emprises d’occupation temporaire : le foyer provisoire de travailleurs migrants, route des Fortifications, le collège de Vincennes, cours des Maréchaux, et le centre de rétention de la redoute de Gravelle.
  • Ne maintenir l’éclairage que sur les voies circulées, et le supprimer en dehors des heures de desserte en TC, entre 1h et 5h du matin.

3 - Enrichir les liens au vivant au cœur du bois - devenir de la Ferme de Paris, du JAT, de l’hippodrome - en synergie avec les communes riveraines

Poursuivre la valorisation du jardin botanique et du patrimoine naturel :

  • Créer des visites et animations avec les structures de développement touristique des communes et du département du Val-de-Marne et s’appuyer sur l’expertise du Parc zoologique.
  • Poursuivre la diversification des expositions du jardin botanique : plantes comestibles, plantes régionales, plantes menacées...
  • Restructurer et valoriser le site de la Ferme de Paris, en diversifiant sa programmation - espaces de repos, de restauration, de jeux… -, en enrichissant les parcours de visite - thèmes de la permaculture, de l’agriculture urbaine et de l’alimentation -, en renforçant les synergies avec le Jardin Botanique et l’École Du Breuil, en mobilisant les acteurs du territoire autour des enjeux de la production et de l’alimentation durables.

Développer l’agriculture urbaine en s’appuyant sur :

  • Les sites existants : Ferme de Paris, JAT, École Du Breuil, jardin insolite du Parc Floral, culture de champignons dans le tunnel à l’entrée du château du Parc Floral.
  • Les projets à l’étude : Parisculteurs et le vignoble de Paris, Urbagri sur 3,2 ha de l’hippodrome de Vincennes.
  • De nouveaux projets à développer sur les sites de la Ferme de Paris, du Parc Floral et de la Cartoucherie, de la pelouse de Reuilly - en mode évènementiel - et de la pépinière de l’est : route de Mortemart près du stade Pershing.

4 - Favoriser la création d’ouvertures et de traversées piétonnes

  • Créer des traversées est-ouest et nord-sud du Parc Floral et de la Cartoucherie pour les ouvrir davantage.
  • Restaurer le site du Jardin d’Agronomie Tropicale et permettre sa traversée.
  • Poursuivre l’ouverture au public de l’École Du Breuil (3 ha) en permettant une traversée en lien avec l’Arboretum.
  • Permettre la traversée du château de Vincennes en réouvrant l’accès depuis le bois.
  • Restaurer et ouvrir au public une des halles de la caserne Carnot sur l’avenue du Polygone.
  • Explorer, à plus long terme, une programmation innovante de la Redoute de Gravelle pour fédérer les activités sur l’ensemble du secteur : Ferme de Paris, École Du Breuil, JAT….
  • Améliorer l’accès aux lieux très fréquentés autrement qu’en automobile : navettes, vélo taxi, services de voituriers, voire à long terme téléphérique.
Des usages multiples et diversifiés


La Ferme de Paris
© Jacques Leroy -Ville de Paris
Le Jardin d’Agronomie Tropicale, entre …
© Apur La Cartoucherie
© Apur
La Cipale, inauguration de la piste restaurée
© Jean-Baptiste Gurliat – Ville de Paris


Serres et bandes plantées de l’École Du Breuil
© Christophe Jacquet – Ville de Paris
mémoire et agriculture urbaine (ville fertile)

© Jean-Pierre Viguié — Ville de Paris
Le Parc Floral
© Apur - JC Bonijol
L’hippodrome de Vincennes
© Apur- Vincent Nouilhat

 
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Ouvrage Les bois de Boulogne et de Vincennes : 1840 hectares de nature à revisiter

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Atelier parisien d’urbanisme

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Les deux bois restent encore des espaces fragmentés, à la fois par les infrastructures routières et par les concessions qui les morcellent. L’enjeu est d’atteindre un juste équilibre entre les différents usages, les activités économiques, la préservation et la valorisation du patrimoine paysager et bâti et le développement de la biodiversité.
L'ouvrage présente, 17 ans après les Chartes des bois, un diagnostic mettant en avant, dans une vision holistique, les actions réalisées, et esquisse des pistes d’évolutions. Aujourd’hui, à la fois l’urgence climatique, les nouvelles attentes des citadins, et l’exigence patrimoniale nous invitent à engager une nouvelle étape de développement des deux bois. Ce diagnostic prospectif peut constituer un socle commun pour nourrir les échanges et choix à venir par la Ville de Paris et les collectivités riveraines..
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© Apur - Bois de Vincennes

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© Atelier parisien d’urbanisme, Paris 2020

Directrice de la publication : Dominique ALBA, directrice générale de l’Apur
Directrice de la rédaction
: Patricia PELLOUX, directrice adjointe - Rédacteurs en chef : Patricia PELLOUX et Frédéric BERTRAND
Étude réalisée par : Frédéric BERTRAND, Florence HANAPPE, Vincent NOUAILHAT, Yann-Fanch VAULÉON - Avec le concours de : Anne-Marie VILLOT
Cartographie et traitement statistique : Marie-Thérèse BESSE, Christine DELAHAYE, Tristan LAITHIER, Nathan PAULOT
Photographies et illustrations : Apur sauf mention contraire

Dépôt légal : mai 2020 - ISBN : 978-2-36089-017-0 - ISSN : 1773-7974

apur.org