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Étude Retour d'expérience du quartier Montorgueil
Un quartier de Paris Centre, piétonnisé dans les années 1990

(2) L’amélioration de la qualité de l’air et du bruit
L’évolution de la démographie du quartier de 1982 à 2021
L’évolution du contexte économique et des commerces entre 2000 et 2020
Conclusion



Le quartier Montorgueil est situé dans Paris Centre, au sein du IIe arrondissement de Paris. La piétonnisation a été réalisée au début
des années 1990, comprenant un secteur délimité par les rues d’Aboukir, Réaumur, Saint-Denis et Étienne Marcel. L’objectif de la création
de ce quartier piétonnier visait, avant la réduction quasi totale de la circulation automobile, à retrouver une fonction résidentielle et un cadre
de vie de meilleure qualité. Il est apparu intéressant de dresser un bilan des effets observés depuis 30 ans dans ce quartier, d'identifier,
analyser et évaluer les évolutions, et d'esquisser un panel d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant d’évaluer et
de suivre les impacts liés à la limitation de la place de la voiture dans l’espace public.

L’amélioration de la qualité de l’air et du bruit

Les données permettant une analyse historique avant/après de la qualité de l’air et de l’environnement sonore du quartier n’existent pas car les entités d’observation de ces éléments ont été créées après la piétonnisation du quartier Montorgueil. Toutefois, les experts sollicités pour cette étude auprès d’Airparif et Bruitparif et les mesures actuelles permettent de dire que :

  • La qualité de l’air du quartier étant directement liée au trafic routier des voies le traversant, la piétonnisation a nécessairement eu un impact positif sur la qualité de l’air respiré par les habitants. Mais il n’est pas possible de quantifier cet impact. En outre, le quartier subit, comme l’ensemble du centre de la capitale, la pollution dite de fond liée aux autres sources de pollution.
  • La piétonnisation d’un secteur permet de supprimer les nuisances sonores liées au trafic routier. Toutefois, elle n’exclut pas d’autres sources de nuisances qui peuvent être liées aux activités présentes et à la vie du quartier lui-même.

Pollution de l’air – Boulevard périphérique
© Ph. Guignard@air-images.net

L’amélioration de la qualité de l’air

Le trafic routier constitue une source particulièrement importante d’émissions de polluants atmosphériques, notamment d’oxydes d’azote. À Paris, il est responsable de plus de la moitié (56 %) des émissions d’oxydes d’azote de la capitale. Les niveaux de pollution respirée décroissent rapidement en s’éloignant des sources de polluants, comme les axes routiers au droit desquels les niveaux sont les plus élevés, et ce d’autant plus que le trafic est important. Il existe une corrélation directe entre le trafic routier - au regard du volume et des conditions de circulation - et la qualité de l’air respiré par les riverains situés à proximité des axes routiers. La piétonnisation d’un secteur peut donc engendrer une amélioration importante en termes de qualité de l’air, à la fois au plus près de l’axe routier exempt de trafic, et plus globalement dans le quartier, en fonction de l’importance des axes piétonnisés et de l’étendue du domaine piétonnier. Il est également important, dans le cadre d’une mise en œuvre d’une zone piétonne, de considérer le report potentiel de trafic routier, pouvant entraîner des niveaux de pollution plus élevés au-delà de la zone piétonne.

Sources : Mairie de Paris / Bruitparif

Il est difficile d’évaluer l’impact sur l’air de la piétonnisation du quartier Montorgueil, la qualité de l’air dans le secteur avant la piétonnisation n’étant pas connue précisément. Aucune mesure spécifique n’a été réalisée avant et après la mise en œuvre de la piétonnisation afin d’en étudier l’influence au moment de sa mise en œuvre. La situation antérieure n’est pas recalculable précisément par manque notamment d’information concernant le trafic routier au sein du quartier à l’époque. Néanmoins, Airparif, l’association chargée de la surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, considère que les niveaux de pollution - au dioxyde d’azote et aux particules PM10 et PM2,5 - d’un quartier non circulé comme Montorgueil, atteignent en son cœur des valeurs de pollution dites de fond, soit des teneurs non influencées directement par les émissions du trafic routier.

La diminution du bruit routier

En milieu urbain dense, le trafic routier constitue une source de nuisance sonore particulièrement importante. Ainsi, la piétonnisation d’un secteur engendre un gain très important en termes de réduction des nuisances sonores liées au trafic.

S’il est difficile de connaître précisément les gains en termes de nuisance sonore, les données ne remontant pas jusqu’au début des années 1990, on peut tout de même observer la carte des niveaux sonores de 2017, représentant l’indicateur du bruit routier Lden sur une journée complète : jour, soirée, nuit.

On observe alors que le cœur du secteur de Montorgueil est préservé des nuisances sonores liées au trafic routier, bénéficiant d’un niveau sonore globalement faible, inférieur à 55 dB(A).

Les niveaux sonores des axes circulés proches, comme la rue Réaumur, le boulevard de Sébastopol, la rue Étienne Marcel ou la rue du Louvre par exemple, atteignant des valeurs limites, dépassant parfois les 75 dB(A). De même, il convient de noter que les rues adjacentes aux rues circulées ont des niveaux sonores variant entre 55 et 65 dB(A).

La piétonnisation d’un quartier entraîne une diminution très significative des nuisances sonores liées au trafic routier. Afin de mener une étude complète sur les nuisances sonores du secteur Montorgueil, il conviendrait également de s’intéresser aux nuisances sonores liées à la vie de quartier, souvent liées à la présence de bars et de restaurants, qui peut jouer également sur le calme du territoire, avec la nécessité de considérer que la situation préexistait, et n’est pas toujours directement liée à la piétonnisation.



 
 
 

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L’évolution de la démographie du quartier de 1982 à 2021

 



En 1989, le quartier est populaire, à dominante résidentielle, composé de petits logements, habités majoritairement par des familles modestes.

Les immeubles sont souvent dégradés. 75 % des logements - contre 15 % en moyenne à Paris - sont soumis à la loi de 1948, et 65 % d’entre eux sont dans un état médiocre ou très médiocre.

Quartier de Montorgueil : évolution de la population et de la structure du parc de logements
Source : Insee, recensements

Entre 1975 et 1982, le IIe arrondissement a perdu 23 % de sa population, contre une perte de 5 % en moyenne à Paris.

Entre 1982 et 1999, le quartier de Montorgueil a perdu près de 1 000 habitants, soit (-1 %/an). Cette diminution n’est pas propre au quartier, la population a également diminué au cours de cette période dans le secteur Paris Centre et à Paris. Cette tendance est liée aux changements de modes de vie qui s’opèrent durant la deuxième moitié du XXe siècle : recherche de confort, décohabitations, séparations plus fréquentes et plus nombreuses.

Au début des années 2000, cette baisse prend fin, et s’accompagne alors d’une augmentation du nombre d’habitants. Le quartier gagne 2 160 habitants (+0,8 % /an) entre 1999 et 2007. La croissance démographique est alors 4 fois plus rapide que sur l’ensemble des 4 arrondissements centraux (+0,2 %/an).

De 2012 à 2017, la population se stabilise autour de 5 700 habitants, puis baisse de nouveau pour atteindre 5 138 personnes en 2017.

La hausse de population dont a bénéficié le quartier entre 1999 et 2007 s’explique par une hausse du nombre de logements - +124 sur la période -, mais aussi par une baisse du nombre et du taux de logements inoccupés, regroupant les résidences secondaires, les logements occasionnels et les logements vacants. En effet, la part des logements inoccupés est passée de 25 % en 1999 à 21 % en 2007.

En revanche, entre 2012 et 2017, le nombre total de logements est resté stable alors que le nombre de logements inoccupés a fortement progressé, notamment en lien avec la hausse des logements consacrés à plein temps à la location meublée touristique. En 2017, plus d’un tiers (34 %) des logements du quartier est inoccupé, cette part a bondi de 10 points en cinq ans. En comparaison, la part de logements inoccupés a augmenté de 5 points à Paris Centre et de 2 points sur l’ensemble de la capitale.

Évolution de la population entre 1982 et 2017 Source : Insee, recensements

 
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L’évolution du contexte économique et des commerces entre 2000 et 2020
 

© Apur - Vincent Nouailhat

Source : Apur, BDCom 2020

En 1989, le quartier à dominante résidentielle a progressivement été grignoté par les activités de confection qui débordent du quartier du Sentier.

En 2020, les activités de restauration et cafés sont particulièrement représentées dans le quartier et le taux de vacance plus faible que la moyenne du cœur parisien.

Ces 20 dernières années, le nombre de commerces a connu une forte croissance, et leur typologie a évolué : 50 bars et restaurant ont vu le jour tandis que les activités de commerces de gros de textile ou d’habillement ont fortement reculé.

 
Sources : Bdcom - 2020

locaux en pied d’immeubles
dans le périmètre
du quartier Montorgueil

établissements
commerciaux
en 20 ans
 

Pour l’analyse des commerces et de ses évolutions, le périmètre Montorgueil comprend les locaux en rez-de-chaussée des rues Léopold Bellan/Saint-Sauveur, Bachaumont, Greneta, Mandar, Tiquetonne, Saint-Denis - entre la rue de Turbigo et la rue Réaumur -, Montorgueil - entre la rue Étienne Marcel et la rue Léopold Bellan -, des Petits Carreaux - entre la rue Léopold Bellan et la rue Réaumur - et Montmartre : entre la rue Étienne Marcel et la rue d’Aboukir. Ce périmètre ne comprend pas les commerces donnant sur les rues Réaumur/allée Pierre-Lazareff, de Turbigo, Étienne Marcel et du Louvre.

Une structure commerciale proche de celle de Paris Centre et de Paris, exceptée pour les cafés et restaurants, plus nombreux en proportion

En octobre 2020, on dénombrait 549 locaux en pied d’immeuble dans le périmètre du quartier Montorgueil, dont 422 étaient des commerces et services commerciaux (77 %), 61 locaux vacants et 66 autres locaux : commerces de gros, bureaux en boutique…

La structure commerciale du quartier Montorgueil se démarque de celle de Paris Centre et de Paris sur un point particulier : on y observe un plus grand nombre, en proportion, de cafés et de restaurants. Ils représentent presque 30 % des locaux contre 19 % à Paris-Centre et 18 % à Paris. On note, en particulier, un nombre plus important de restaurants de cuisine traditionnelle française et de spécialités européennes - 42 restaurants -, de restauration rapide assise - 24 établissements - et de bars et cafés : 29 établissements. La proportion des autres types de locaux et de commerces du quartier Montorgueil est, en revanche, assez proche du celle du centre de Paris et de l’ensemble de la capitale.

Le taux de vacance du quartier Montorgueil est de 11,1 %, plus bas que celui de Paris Centre (13,5 %), mais un peu plus élevé que celui de Paris (10,5 %). Lors de l’enquête, en octobre 2020, on dénombrait 61 locaux vacants, dont 9 étaient en travaux.

Évolutions commerciales 2000-2020 dans le quartier Montorgueuil, Paris Centre et Paris

La proportion de magasins appartenant à un réseau d’enseigne est de 19 % : 79 établissements. Cette part est plus faible qu’à Paris Centre (26 %) et qu’à Paris (23 %).

Structure commerciale du quartier Montorgueil, Paris Centre et Paris

Depuis 20 ans, une forte augmentation du nombre de commerces

Depuis 20 ans, on constate une forte augmentation du nombre de commerces dans le quartier Montorgueil : +70 établissements, soit +20 %.
Cette hausse est due principalement à l’installation de 50 bars et restaurants supplémentaires, et à la création de services liés aux soins du corps, avec 14 instituts de beauté, ongleries, et 9 coiffeurs, depuis l’an 2000. Cette hausse contraste surtout avec l’augmentation plus modérée du nombre de commerces constatée à Paris Centre (+6 %) et la diminution globale des commerces à Paris : -3 % depuis 2000.

Avant / Après: La piétonnisation de la rue Montorgueil a profondément transformé l’ambiance du quartier, notamment de la rue Montorgueil, particulièrement commerçante.

Le commerce alimentaire reste stable, avec un solde de 2 magasins en moins depuis 2000, soit la disparition de 6 boucheries, 3 petites épiceries, 2 primeurs et 1 boulangerie, mais l’apparition de 4 magasins de vente de produits étrangers ou régionaux, 3 cavistes, 2 pâtissiers, 1 torréfacteur et 1 glacier. Malgré l’arrivée de ces commerces alimentaires de niche, la diversité reste importante en 2020 avec toujours 7 boulangeries, 3 petites épiceries, 2 primeurs, 2 boucheries, 1 poissonnerie…

À rebours, on constate, depuis 20 ans, une diminution importante des commerces liés aux loisirs et à la culture, principalement due à la disparition de 17 sex-shops rue Saint-Denis et à la perte de 2 disquaires, 2 magasins de jeux/jouets et 2 magasins de vente de téléphones. En revanche 2 magasins/réparateurs de vélos se sont installés dans le quartier depuis 2017.

Il ne reste plus que 19 commerces de gros de textile ou d’habillement des 76 qui étaient présents il y a 20 ans. Certains se sont transformés en commerce de détail (12) ou en services ou agences - 18 dont 2 coiffeurs, 2 instituts de beauté, 2 agences immobilières… -, d’autres en cafés ou restaurants (14). 8 restent vacants et 4 ont disparus.

Des activités médicales, autrefois absentes des rez-de-chaussée commerciaux, se sont établies dans le quartier depuis quelques années, comme 3 cabinets médicaux ou dentaires, 2 centres de radiologie, 1 podologue et 1 kinésithérapeute.

Malgré cette évolution positive sur l’accroissement du nombre et de la diversité des commerces, la vacance des locaux a augmenté de 14 unités depuis 20 ans et l’on compte à présent 61 locaux vacants. Il faut noter cependant que 9 d’entre eux étaient en travaux en octobre 2020, laissant présager une reprise d’activité proche.

 

© Apur
© Millot Bernard - Ville de Paris

© Apur - Vincent Nouailhat
© Apur - Vincent Nouailhat
 
Conclusion

L’objectif poursuivi lors de la piétonnisation du quartier de Montorgueil dans les années 1990 était la reconquête résidentielle du quartier via l’amélioration qualitative du secteur tout en maintenant des activités liées à la vie du quartier. Si les indicateurs quantitatifs ne permettent pas d’avoir une évaluation précise sur toutes les thématiques, on peut toutefois appréhender certaines évolutions cohérentes avec les objectifs poursuivis :

  • L’espace public a évolué de façon qualitative, tant sur le plan paysager, que sur son apaisement, désencombrement et sur la place de la végétation en ville. Les travaux menés ont également permis un gain d’accessibilité aux
    personnes à mobilité réduite.
  • La réduction du trafic routier a eu un impact positif sur la qualité de l’air et la baisse des nuisances sonores subies par les résidents - 5 132 - et les personnes travaillant dans ce quartier : 6 570.
  • Le nombre de commerces dans le quartier a augmenté depuis 20 ans,
    notamment en lien avec l’installation de bars et de restaurants. Les commerces liés à la vie du quartier se sont maintenus - stabilité du commerce alimentaire - et se sont diversifiés avec l’arrivée de services tels que les cabinets médicaux.
  • L’évolution démographique du quartier est plus favorable que celle de Paris et des arrondissements centraux dans les années suivant la refonte du quartier.

Toutefois, l’attractivité touristique entre en concurrence avec le résidentiel depuis une quinzaine d’années, le nombre de logements vacants ayant repris sa croissance depuis 2007, et de façon plus marquée que pour l’ensemble de la capitale. Ainsi, la piétonnisation a eu des effets favorables pour la qualité de vie de ses résidents et salariés du quartier.

© Apur

 
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Étude Retour d'expérience du quartier Montorgueil
- Août 2021
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L'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), association régie par la loi 1901, a été créé le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris. Depuis le 1er février 2012, Dominique Alba, architecte, en est la Directrice générale. L’Apur a pour missions de documenter, analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions urbaines et sociétales à Paris et dans la Métropole du Grand Paris.
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L’Atelier a souhaité faire un retour d’expérience sur le quartier Montorgueil, piétonnisé dans les années 90. Ce quartier piéton unique à Paris, habité par 5 132 habitants, accueille aussi des activités économiques importantes avec ses 6 570 emplois. La création de la zone piétonne a permis d’améliorer le cadre de vie du quartier, grâce à la requalification des espaces publics, plus généreux et végétalisés. Les travaux de piétonnisation ont également eu un impact bénéfique sur la qualité de l’air et l’ambiance sonore du cœur de quartier. L’analyse de la structure commerciale du quartier atteste d’un dynamisme certain des établissements, et d’une évolution de la typologie de commerces, avec l’arrivée de cafés et restaurants un peu plus nombreux, et l’installation de services aux habitants. Ce retour d’expérience d’une réalisation unique à Paris permet de réfléchir aux indicateurs à mobiliser pour évaluer et vivre les grandes transformations à venir de l’espace public.

Directrices de la publication : Dominique Alba, Patricia Pelloux - Étude réalisée par : Pauline Chazal, Vincent Nouailhat - Sous la direction de : Patricia Pelloux
Avec le concours de : Yann-Fanch Vauléon, Sandra Roger, François Mohrt - Cartographie et traitement statistique : Christine Delahaye

apur.org