Un plan régional d’actions pour sauvegarder les chauves-souris

60 % des espèces de métropole vivent parmi les Franciliens
Biologie des chauves-souris
En Île-de-France les activités humaines sont particulièrement menaçantes


La région Île-de-France accueille 20 espèces de chauves-souris, sur les 34 espèces recensées à ce jour en France métropolitaine.
En plus de ces 20 espèces de chauves-souris franciliennes, deux espèces ont été observées de manière occasionnelle en période de migration.
Il s’agit de la Sérotine bicolore (Vespetilio murinus) et de la Grande noctule (Nyctalus lasiopterus).
Ces deux espèces ont été observées respectivement en 2014 et 2016.

60 % des espèces de métropole vivent parmi les Franciliens

Convention ou règlementation internationales et européennes

La Convention de Bonn (23/06/1979) sur la conservation des espèces migratrices.
La Convention de Berne (19/09/1979) sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe.
L’accord EUROBATS (04/12/1991) concernant la conservation des populations de chauves-souris européennes.
La Directive européenne Habitats-Faune-Flore (CEE n° 92/43) mentionne en annexe IV que les chauves-souris nécessitent une protection stricte sur le territoire des États membres de l’Union européenne. L’annexe II dresse la liste des espèces d’intérêt communautaire.

Droit français

Pour les espèces de chauves-souris dont la liste est fixée à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 23 avril 2007 (modifié le 15/09/2012) :
Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel.
Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente, ainsi que dans l’aire de déplacement naturelle des noyaux de populations existants, la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques. Ce choix artistique d’une exploration guidée par les seuls sens nécessite un travail extrêmement minutieux. Un important travail de développement a été mis en œuvre depuis 2017 pour allier rigueur scientifique et impératifs narratifs avec les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle.

Le marais est un milieu qu’affectionnent les chauves-souris (Renaud Garbé, Biotope)



Six espèces
sont inscrites à l’annexe II de la
directive 92/43/ CEE dite Habitats, Faune, Flore.



L’ensemble de ces espèces est protégé en France
par l’article 2 de l’Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

© Crédit photo : De haut en bas et de gauche à droite : V. Prié, F. Pouzet, X. Rufray, V. Rufray, T. Luzzato, J. Tranchard, V. Rufray, J. Tranchard, J. Tranchard, P. Hobson, T. Disca, J. Tranchard, T. Luzzato, V. Rufray, J. Tranchard, J.-F. Noblet, V. Prié, J. Tranchard, J. Tranchard, H. Clark.

Biologie des chauves-souris

Les chauves-souris sont de discrets mammifères nocturnes qui restent le plus souvent invisibles.

 

Une vie rythmée par les insectes

Les chauves-souris françaises se nourrissent exclusivement d’insectes, ce qui les oblige à vivre au même rythme que leurs proies. Faute d’insectes en hiver, elles hibernent.

Dès l’automne, elles cherchent un gîte d’hibernation - arbre creux, cave… - et quand les conditions deviennent défavorables, entrent en léthargie. La sortie d’hibernation a lieu au printemps, entre mars et fin avril, selon les conditions climatiques, coïncidant ainsi avec le retour des insectes. Progressivement, les chauves-souris vont gagner leurs gîtes estivaux : combles, granges, arbres… Les mâles se dispersent ou forment de petites colonies. Les femelles se regroupent en essaim pour mettre bas leur unique petit.

Cycle biologique des chauves-souris

Chaque espèce a des besoins spécifiques en termes de gîtes et de territoires de chasse. Le régime alimentaire mais également les techniques de prédation varient d’une espèce à l’autre. Certaines chauves-souris ont un régime alimentaire spécialisé sur un type d’insectes - araignées, mouches, moustiques, papillons - alors que d’autres sont plus opportunistes. Elles chassent le long des cours d’eau, autour des arbres, dans le feuillage, au-dessus des prairies ou encore à des altitudes élevées.

Pour se repérer la nuit et voler, parfois dans des milieux encombrés comme le feuillage des arbres, ainsi que pour trouver et capturer leurs proies, les chauves-souris utilisent l’écholocation. Elles exploitent au mieux leurs capacités auditives pour obtenir une image mentale de leur environnement en exploitant l’écho des sons qu’elles émettent.

Une diversité de milieux indispensable

Les corridors écologiques sont des éléments indispensables au déplacement des chauves-souris. Les haies, lisières forestières, ou encore ripisylves, forment des routes de vol leur permettant de relier leurs gîtes à leurs terrains de chasse. Les Chiroptères sont donc particulièrement sensibles au maintien d’une diversité de milieux et participent eux-mêmes à l’équilibre de ces habitats, notamment en régulant la population d’insectes nocturnes.

Afin de se localiser et visualiser leur environnement, les chauves-souris
émettent des cris à haute fréquence et analysent l’écho des obstacles alentour.

 
Dans les milieux ruraux, les chauves-souris se montrent bien moins abondantes dans la campagne francilienne que dans un milieu rural comparable en termes d’usage ou de densité humaine à l’extérieur de la région. (Loïs, G. et al., 2017) Les boisements avec vieux arbres sont plus favorables aux Noctules de Leisler. Les vieilles forêts sont essentielles à cette espèce pour gîter, mais également comme habitats de chasse. Les jeunes forêts sont trois fois moins fréquentées en activité de chasse. (Loïs, G. et al., 2017)  

Nbre moyen noctules de Leisler / relevé (+/-E.S.)

Effectifs : nbre moyen d'individus compté

 


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En Île-de-France les activités humaines sont particulièrement menaçantes

Le contexte urbain particulier de l’Île-de-France rend les populations de différentes espèces de chauves-souris particulièrement fragiles. La pression importante de l’urbanisation et des activités humaines a des effets aussi bien sur les disponibilités en gîtes - reproduction, transit et hibernation - que sur le maintien des corridors et la richesse des territoires de chasse. La perte de territoire de chasse, la rupture des corridors de déplacement et la diminution des ressources alimentaires liées à l’usage de pesticides sont les principales menaces en Île-de-France. Les études comportementales sur les chauves-souris ont montré que les espèces utilisaient de nombreux éléments structurants du paysage pour se déplacer et chasser. Il s’agit notamment des haies, linéaires boisés, lisières forestières, ripisylves, et zones humides. Or, ces éléments sont bien souvent impactés par des projets d’aménagement ou des pratiques agricoles défavorables. Le retournement des prairies, l’homogénéisation - plantations - et la gestion intensive des boisements sont également des facteurs négatifs pour ces espèces.

Plaine agricole céréalière (Julien Tranchard, Biotope)

Tous les milieux sont concernés

Le territoire francilien est composé à 53 % de milieux ouverts, en grande majorité cultivés : 47 % (source : AGRESTE, 2014). Ces milieux sont pour la plupart dépourvus de haies, de prairies ou de bandes enherbées, l’ensemble constituant un territoire de chasse privilégié des chauves-souris. Les prairies et pâtures sont extrêmement minoritaires dans les espaces ruraux ouverts de l’Île-de-France. Les grandes cultures de céréales constituent des milieux pauvres en insectes du fait de l’utilisation de produits phytosanitaires. Les populations de chauves-souris fréquentent peu les plaines agricoles intensément cultivées. C’est particulièrement le cas en Île-de-France, en comparaison avec les milieux agricoles des régions voisines.

Environ 1 700 ha d’espaces agricoles et naturels
disparaissent chaque année en Île-de-France
(Évaluation environnementale du SDRIF, 2013)

Les milieux humides sont des habitats de chasse privilégiés par certaines espèces. Ces milieux représentent 2,83 % du territoire francilien (Natureparif, 2013) avec quelques grandes zones telles que la Bassée au sud de la Seine-et-Marne. Or, depuis plus d’un demi-siècle, la moitié de ces zones a disparu ou a été dégradée. Les enjeux de préservation et de restauration des prairies inondables sont prioritaires en Île-de-France, ce type de milieu étant devenu extrêmement rare. Certaines espèces particulièrement menacées au niveau régional sont dépendantes de ces milieux humides. C’est notamment le cas du Murin de Daubenton : espèce En Danger sur la liste rouge régionale. La raréfaction des mares en milieux agricoles et des friches est également un élément qui pèse sur les chauves-souris.

Nichoir à chauves-souris (Renaud Garbé, Biotope)
Forêt de Fontainebleau (Julien Tranchard, Biotope)
Étang (Renaud Garbé, Biotope)

Prairie (Renaud Garbé, Biotope)
Aménagement d’une chiroptière au niveau de la toiture de l’église de Montfort-l’Amaury (Arnaud Bak, PNR de la Haute Vallée de Chevreuse)
La liste rouge des chauves-souris francilienne, parue en 2017 et issue du travail collaboratif des différents experts régionaux, coordonné par Grégoire Loïs, met en évidence à la fois la diversité et la fragilité des populations régionales. Cette liste, qui est amenée à être réévaluée régulièrement, constitue un document incontournable en Île-de-France pour l’évaluation et le suivi des chauves-souris.

Les milieux boisés jouent un rôle important pour de nombreuses espèces de chauves-souris, que ce soit en termes de gîtes, d’habitats de chasse ou encore de corridors de déplacement. Les lisières forestières, réseaux de haies et ripisylves sont autant d’éléments qui permettent le transit et la chasse des Chiroptères. La région Île-de-France présente d’importantes surfaces de boisement. Néanmoins, l’urbanisation et la fragmentation des milieux liées aux nombreuses infrastructures de transport - routes et voies ferrées - ne favorisent pas le maintien des populations de certaines espèces typiquement forestières. Presque toutes les forêts situées dans un rayon de 20 km autour de Paris sont enclavées, ne permettant pas le déplacement des espèces de l’une à l’autre. Les chauves-souris forestières sont également dépendantes des modes de gestion sylvicole mis en place, que ce soit en termes de disponibilité de gîtes sylvicoles ou bien de richesse en insectes.

La disparition ou modification des gîtes : néfaste pour les espèces

De nombreux facteurs agissent directement sur les disponibilités en gîtes favorables pour les chauves-souris. Quelle que soit l’espèce, le maintien d’un réseau de gîtes répondant aux exigences écologiques des différentes espèces est indispensable au maintien des populations. En Île-de-France, la préservation de ces gîtes est souvent confrontée à différents aménagements ou activités humaines. Le comblement des carrières souterraines, la rénovation et l’isolation des bâtiments, la rénovation de certaines infrastructures - ponts, ouvrages d’art… - ou encore l’abattage des arbres creux, entraînent la disparition de nombreux gîtes utilisés par les chauves-souris.

La lumière et les routes perturbent les déplacements des chauves-souris

Très nombreuses en Île-de-France, les routes sont source de différentes perturbations sur les populations de chauves-souris. Les impacts de ces infrastructures vont de la collision directe avec les véhicules, à la fragmentation des territoires occupés, ou encore à la perte d’habitats de chasse.
Certaines espèces, telles que les Rhinolophes et les Murins, présentent des comportements de vol les amenant à traverser à hauteur des véhicules. Les risques de collision sont accrus lorsque les infrastructures coupent une lisière ou une haie utilisée par les chauves-souris. Différentes études ont montré que l’augmentation de la fréquentation routière entraîne une fragmentation plus importante des territoires utilisés par les chauves-souris du fait de la rupture de leurs voies de déplacement entre les différents types de gîtes - reproduction, swarming, hibernation - et les sites de chasse (Loïs, G. et al. 2017).
Ainsi, certains territoires de chasse ne sont plus accessibles, ce qui fragilise les populations de chauves-souris franciliennes. L’éclairage des voies de circulation contribue également à augmenter cette perte de territoire de chasse, notamment pour les espèces qui fuient la lumière. L’urbanisation intense de la région implique un réseau d’éclairage public et privé important, engendrant une pollution lumineuse accrue. Le maillage créé par l’éclairage artificiel entraîne une fragmentation des milieux perturbant le déplacement des espèces lucifuges. C’est particulièrement le cas pour les Rhinolophes, ou encore les différentes espèces de Murins. Les capacités de déplacement des espèces vers les territoires de chasse se trouvent réduites, ce qui entraîne un isolement des populations. La lumière artificielle influence également l’activité de chasse des chauves-souris, entraînant une réduction des habitats de chasse pour les espèces les plus sensibles : Rhinolophes et Murins. L’éclairage nocturne a un effet attractif pour certaines espèces qui viennent profiter des concentrations d’insectes autour de lampadaires. Toutefois, des modifications de comportement sont observées selon les espèces. En Île-de-France, à titre d’exemple, les Murins semblent éviter les zones éclairées, même partiellement.
Les Oreillards, quant à eux, chassent plus significativement là où l’éclairage est arrêté durant la nuit : éclairage partiel.

L’évaluation de l'impact de l'éclairage artificiel sur les chauves-souris, réalisée au sein du territoire du Parc naturel régional du Gâtinais français, montre l’influence des éclairages sur les comportements de chasse des chauves-souris. (Azam, C. et al. 2015)

Contamination chimique

Même s’il existe peu d’études concernant les espèces européennes par rapport à celles d’Amérique du Nord, certains effets ont pu être démontrés (d’après Carravieri A. et Scheifler R., Effets des substances chimiques sur les Chiroptères : état des connaissances, juin 2012) : Les métaux et les métalloïdes - le plomb, le cadmium et le mercure -, s’accumulent dans la chaîne alimentaire et se transfèrent des femelles vers les jeunes. Cela peut entraîner une mortalité significative chez des Pipistrelles communes et des Murins.
Les contaminants organiques dérivés d’activités industrielles, comme les PCB (PolyChloroBiphényle) et HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) sont néfastes, voire létaux, pour les Chiroptères, à condition que des concentrations très importantes, difficilement retrouvées en conditions naturelles, atteignent le cerveau. Les PCB sont transférés des femelles à la progéniture, tant pendant la gestation que l’allaitement. Des pertes significatives de poids ont également été notées.
Les pesticides organochlorés provoquent également la mort chez la Pipistrelle commune et on observe une transmission des pesticides des femelles allaitantes vers les jeunes et des pertes de poids importantes.
Les vermifuges utilisés dans l’élevage ou encore dans les centres équestres ont des effets importants sur les insectes des prairies, que ce soit en termes de densité ou de diversité des populations. Les pâtures constituent des territoires de chasse privilégiés par plusieurs espèces dont les Rhinolophes, espèces menacées en Île-de-France.
En Île-de-France, entre 2008 et 2015, de 1,8 à 2,7 millions de NOmbre de Doses Unités (NODU) de substance active de produits phytosanitaires ont été appliquées sur les espaces agricoles chaque année (Bilan du plan Ecophyto I en Île-de-France). Les chauves-souris, insectivores, sont particulièrement sensibles à la pollution chimique directe. La régression des populations de chauves-souris entraîne également une diminution de leur rôle d’auxiliaires des cultures.


Capture de chauves-souris dans le cadre de programme d’étude scientifique (Azimut 230)

 
L’éclairage nocturne joue sur la présence des différentes espèces. (source : Azam et al., 2015)

Colonie de Murin à oreilles échancrées, Myotis emarginatus (Alexandre Mari)

Colonie de Grand murin (Myotis myotis) installée dans l’église de Montfort-l’Amaury
(Arnaud Bak, PNR de la Haute Vallée de Chevreuse)
 

Formation des bénévoles à l’identification des chauves-souris (Azimut 230)

Inventaire nocturne des chauves-souris à l’aide de détecteurs d’ultrasons (Azimut 230)
 


DRIEE
Île-de-France

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Un plan régional d’actions pour sauvegarder les chauves-souris
2018-2027
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Le plan national de restauration sert de guide aux plans régionaux et fixe les actions d’enjeu national. Le plan régional d’actions chiroptères Île-de-France intègre des actions nationales et ajoute des actions spécifiques aux enjeux franciliens. Ces enjeux sont nombreux pour l’Île-de-France.
Par ailleurs, les échanges et discussions avec les acteurs locaux et les membres du comité de suivi ayant participé à la rédaction du plan ont permis d’établir des enjeux relatifs à l’animation du plan régional.
Le plan régional d’action des chiroptères en région Île-de-France définit un certain nombre d’objectifs qui se déclinent selon les trois axes indiqués par le second plan national :

 
 


Un programme du :


Animé par :


biotope-
communication.fr


Coordination : Biotope / DRIEE Île-de-France

Comité de relecture : Jérôme HANOL (ANVL), Charlotte GIORDANO (Azimut 230), Stéphane LUCET, Manuelle RICHEUX (DRIEE), Sébastien SIBLET (Ecosphère), Jean-François JULIEN, Julie MARMET (MNHN), Maxime ZUCCA (Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France), Julie MARATRAT (PNR du Gâtinais français), Alexandre MARI, Arnaud BAK (PNR de la Haute-Vallée-de-Chevreuse), Nicolas GALAND (PNR du Vexin français), Christophe PARISOT (Seine-et-Marne Environnement), Gaêl MONVOISIN (COSIF), Sylvestre PLANCKE (CD 77), Richard COUSIN (CD 78), Valérie STRUBEL (FCEN), Sandrine MILANO (ONF), Pierre BANCEL (Comité Départemental de Spéléologie du Val d’Oise - Commission de protection du patrimoine souterrain).
Conception graphique : biotope-communication.fr
Illustrations : Carole Pillore

plan-actions-chiropteres.fr