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Note rapide Près d'un quart des espèces de criquets,
grillons et sauterelles menacées d'extinction en Île-de-France

Introduction
Le processus d'extinction des Orthoptéroïdes

Les causes de leur disparition
Portraits d’espèces franciliennes

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Le peuple de l'herbe francilien a été évalué pour la première fois dans le cadre de la Liste rouge régionale des Orthoptéroïdes, réalisée par l'Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France - ARB ÎdF - en partenariat avec l'Office pour les insectes et leur environnement, OPIE.
Celle-ci dresse un bilan inquiétant et préconise les actions à mettre en œuvre en priorité pour la conservation de ces insectes
essentiels au bon fonctionnement des écosystèmes.

Introduction

Les résultats sont sans appel : 22 % des Orthoptéroïdes, groupe taxonomique incluant criquets, grillons, sauterelles, mante religieuse et phasme gaulois, sont menacés d’extinction dans la région. En cause, l’agriculture intensive, l’artificialisation des sols et la pollution des milieux, dans un contexte de changement climatique. L’extinction des Orthoptéroïdes, comme celle des autres insectes, peut avoir des effets dévastateurs sur les écosystèmes et les services qu’ils nous rendent.
Les Orthoptères, ou
Orthoptéroïdes, sont des insectes remarquables, rencontrés dans la quasi-totalité des milieux terrestres. Dans le monde, on compte près de 28 500 espèces décrites. La faune francilienne recense actuellement 71 espèces, dont 20 sauterelles, 11 grillons, 38 criquets, une mante et un phasme. Ces insectes sont étroitement liés à leur environnement : pour la plupart des espèces, les œufs et larves hivernent au sol ou dans la strate herbacée ; les adultes, quant à eux, vivent dans la végétation et peuvent être herbivores, pour la majorité des criquets, ou omnivores, pour certaines sauterelles. Ces insectes jouent divers rôles essentiels au bon fonctionnement des écosystèmes. La consommation de végétaux de nombreuses espèces permet de limiter le développement de la végétation et de recycler la matière organique. Généralement très abondants, les Orthoptères représentent aussi une manne alimentaire conséquente pour les oiseaux, mammifères, reptiles et autres insectes carnivores. Enfin, les sauterelles prédatrices régulent les populations de petits insectes et invertébrés, dont certains représentent une menace pour l’agriculture.

 

Le processus d'extinction des Orthoptéroïdes

Des espèces menacées pour certaines, déjà disparues pour d'autres

La Liste rouge régionale des Orthoptéroïdes évalue l’état de santé de ce groupe d’insectes en Île-de-France. Les résultats indiquent que 14 espèces sur les 63 évaluées (22 %) sont considérées comme menacées d’extinction, et quatre (6 %) ont déjà disparu de la région.
Outre ces espèces éteintes dans la région [RE, voir le camembert ci-contre, plus bas], celles menacées d’extinction se répartissent en trois catégories bien distinctes : les espèces en danger critique [CR], qui risquent de disparaître d’ici dix ou quinze ans ; celles en danger [EN] et vulnérables [VU]. En dehors de ces trois catégories, on retrouve également les espèces quasi menacées [NT], qui subissent des pressions importantes, et pourraient, lors de la prochaine actualisation de l’évaluation - prévue tous les cinq à dix ans -, devenir menacées.
Le reste des espèces est réparti entre le statut préoccupation mineure [LC] qui indique que, dans l’immédiat, il n’y a pas d’enjeu urgent à leur conservation et le statut données insuffisantes [DD], qui s’applique lorsque les connaissances sont trop parcimonieuses pour évaluer l’état de conservation de manière objective.
Il est important de garder à l’esprit que, même si une espèce est en préoccupation mineure, cela ne signifie pas que son état s’améliore. Dans la majorité des cas, toutes voient leurs populations diminuer, mais certaines sont dans des états plus critiques que d’autres. C’est là tout l’objectif de ce travail : hiérarchiser les priorités.

Les différents territoires franciliens ne sont pas tous égaux face à ces chiffres. La répartition des espèces menacées est très hétérogène dans la région.
Certains secteurs, remarquablement riches, constituent d’importants réservoirs de biodiversité qu’il est impératif de préserver. Parmi ces hot spots, la forêt de Fontainebleau, le massif de Rambouillet et les Réserves naturelles nationales (RNN) de la Bassée et des Coteaux de la Seine, hébergent une grande partie des espèces aux situations les plus précaires. Ces sites, relativement préservés, constituent un ultime refuge pour des espèces liées à des habitats naturels bien spécifiques, qu’on ne retrouve plus ailleurs en Île-de-France, en raison des pressions humaines.

Des espèces liées au destin de leurs habitats

Les Orthoptéroïdes constituent, en majorité, un véritable peuple de l’herbe, qui dépend des milieux ouverts pour leur cycle de vie. Les prairies - sèches ou humides -, les landes, les fourrés, les friches humides et les pelouses calcaires - prairies à la végétation très rase - sont les habitats typiques de ces insectes. Or, ces milieux naturels sont aussi ceux qui ont le plus régressé ces dernières décennies en Île-de-France : de nombreuses espèces se retrouvent ainsi directement impactées par leur disparition.
Entre 2000 et 2017, près de la moitié des prairies sèches et humides d’Île-de-France ont disparu, tandis que les landes et les fourrés régressaient de près de 25 % (1). Ce phénomène se traduit par le nombre important d’espèces affiliées à ces milieux qui sont considérées comme menacées.
Le fort lien qui existe entre ces insectes et leurs habitats permet de les qualifier d’espèces bio-indicatrices. Cela signifie que l’état de santé de certaines espèces spécifiques traduit le bon fonctionnement des écosystèmes qu’elles habitent. Ainsi, le fait qu’une espèce bio-indicatrice soit dans un état de menace préoccupant, sous-entend que d’autres espèces qui partagent ce lieu de vie sont également fragilisées selon leur catégorie de menace (voir ci-contre : Répartition des espèces menacées par grand type de végétation).
Les Orthoptères sont aussi des organismes parapluie : la mise en œuvre d’une gestion favorable pour ce groupe bénéficiera à l’ensemble des espèces, animales et végétales, ayant des exigences écologiques similaires. Autrement dit, adapter la gestion et la restauration des milieux naturels aux besoins de ces insectes permet de considérer ceux de la grande majorité des autres organismes vivants, en particulier dans les milieux ouverts : pelouses, prairies et landes.



Répartition des espèces d’Orthoptéroïdes quasi menacées et menacées

Sur 63 espèces évaluées,
près d’un quart sont menacées

Répartition des espèces menacées
par grand type de végétation (2)
selon leur catégorie de menace

prairies mésophile* : Le terme mésophile qualifie l’humidité moyenne d’un milieu :
on s’intéresse donc ici aux prairies moyennement humides.

 

Un Criquet palustre
(Pseudochorthippus montanus)

© Hemminki Johan/L’Institut Paris Region

Les causes de leur disparition

L’agriculture intensive, l’artificialisation des sols et la pollution des milieux sont les trois principales causes de la disparition des Orthoptères - et de la biodiversité en général - en Île-de-France.
Disparition des habitats, intoxication des individus, perturbation des rythmes biologiques et fragmentation des corridors sont autant de conséquences de l’action humaine qui dégradent la résilience des espèces face aux changements globaux.

Les terres agricoles représentent près de la moitié (49 %) du territoire rancilien. La modernisation de l’agriculture et l’intensification des pratiques, avec l’épandage de produits phytosanitaires, l’utilisation de traitements vétérinaires antiparasitaires dans les élevages et le recrutement de terres pour les cultures - conversion des prairies en monoculture -, ont participé au déclin des insectes et, notamment, des Orthoptères.
Le remembrement agricole a aussi participé au mitage des habitats en affectant corridors et trames. Même si l’Île-de-France n’a jamais été une véritable région de bocage, elle a toujours connu la présence de haies, de ripisylves ou de bandes enherbées qui ont joué ce rôle de connexion entre les milieux favorables aux espèces. En plus de la disparition de ces composantes linéaires du paysage, il faut ajouter l’apparition d’autres éléments - cette fois fragmentants - qui morcellent le territoire. Les infrastructures routières et ferroviaires, conjointes à une urbanisation galopante, ont terminé d’achever un patchwork inadapté aux déplacements des espèces. Ces liens, au-delà d’être de simples voies de déplacement pour les espèces, sont aussi indispensables pour permettre la recolonisation de sites renaturés ou pour assurer la stabilité génétique des populations à long terme.
L’extension des zones urbaines participe également à la dégradation directe ou à la fragmentation des habitats naturels dans lesquels vivent les populations d’insectes. Les pollutions chimiques, issues des concentrations urbaines - métaux lourds, dioxines, molécules médicamenteuses, microplastiques… -, contaminent l’environnement de manière chronique. En s’accumulant dans les milieux naturels adjacents, puis en se diffusant passivement, ces produits et substances nocifs intoxiquent les réseaux trophiques, c’est-à-dire la chaîne alimentaire. À l’échelle des organismes, ces substances altèrent les capacités des individus - nourrissage, mobilité, reproduction… -, surtout en cas de fortes concentrations.

Un changement climatique aux effets contrastés

Les dernières décennies sont marquées par l’accélération du dérèglement climatique. Dans ce contexte, ce sont les espèces dites méridionales qui se retrouvent généralement favorisées par des températures plus clémentes. Elles progressent au sein de la région, en investissant les habitats chauds et secs, qui leur sont bénéfiques. Par conséquent, des espèces autrefois considérées comme rares, patrimoniales et caractéristiques des pelouses et des prairies sèches de la vallée de la Seine - plaine alluviale et coteaux - se retrouvent désormais en abondance dans toute la région. En revanche, le changement climatique entraîne le recul de certaines espèces aux affinités nordiques, de répartition eurosibérienne. Ces dernières ont des populations fragiles dans la région et, souvent, leur migration vers le nord est impossible, par manque d’habitats favorables à leur dispersion - morcellement des milieux naturels - ou parce que leurs traits biologiques - ailes atrophiées - ne permettent pas des déplacements efficaces. La Decticelle des alpages est une sauterelle surtout présente dans les massifs montagneux, où elle affectionne les prairies humides des grands plateaux herbeux. En Île-de-France, elle était citée dans la forêt de Notre-Dame au siècle dernier, mais y est manifestement éteinte aujourd’hui. Victime de l’embroussaillement des prairies, de leur assèchement et du réchauffement climatique, cette espèce est de plus en plus repoussée en altitude où elle trouve encore les biotopes et les conditions climatiques favorables à son développement.

Le pâturage : vers une meilleure gestion écologique des milieux ouverts

Malgré ces constats accablants, il existe des solutions à mettre en œuvre pour enrayer la tendance. Qu’il s’agisse d’espaces naturels, de parcs urbains ou même de jardins, la gestion de ces espaces est parfois responsable de l’appauvrissement de la biodiversité. Les criquets et les sauterelles étant directement liés à la dynamique de la végétation, ces insectes bénéficient globalement des modalités de gestion visant à maintenir un milieu herbacé qui évoluera au rythme des saisons en prohibant une coupe rase pendant les périodes d’activité. Dans les espaces naturels, les principales menaces qui pèsent sur les espèces sont l’abandon des pratiques pastorales et la colonisation par les arbres ; on dira alors du milieu qu’il se referme.
Le pâturage extensif est le mode de gestion écologique le plus adapté aux Orthoptéroïdes. Celui-ci est le plus souvent préconisé pour entretenir
l’hétérogénéité structurelle et la diversité spécifique des milieux ouverts. Contrairement aux méthodes mécaniques, il permet la création d’irrégularités, favorables aux insectes, produites par les refus du bétail et l’action inégale des mâchoires sur les végétaux. Néanmoins, la mise en pâturage provoque, en premier lieu, une baisse notable de la densité des effectifs d’Orthoptères, pouvant même conduire à la disparition temporaire de certaines espèces. Le gestionnaire veillera ainsi à mettre en défens une zone refuge tournante qui puisse constituer un réservoir mobile, permettant la recolonisation des secteurs rendus de nouveau favorables à la suite du passage du bétail.

Fauche et débroussaillage : des pratiques parfois délétères

Pour exploiter ou entretenir les prairies, la fauche s’avère beaucoup moins favorable que le pâturage car elle casse directement le cycle de développement de ces insectes en majorité herbivores. La mécanique de coupe et de récolte du foin détruit un grand nombre d’individus adultes et livre les survivants à la merci de prédateurs. Si la fréquence de fauche dépasse une à deux coupes par an, elle s’avère même catastrophique pour la majorité des espèces.
Une fauche irrégulière ou partielle - alternance de zones fauchées et non fauchées - peut cependant représenter ponctuellement un mode de gestion satisfaisant, en particulier en zone humide. Elle peut être préférée au pâturage dans les marais ou les prairies humides, notamment si la surface est restreinte et ne peut s’envisager comme une pâture. La fauche doit impérativement prévoir une zone refuge.
Enfin, dans certains cas, les faciès de végétation - au sens de la stratification végétale - devenus embuissonnés ou embroussaillés par les arbustes ne sont plus favorables aux espèces caractéristiques des milieux herbacés. Un débroussaillage ne peut s’envisager seul : il est très souvent mobilisé en soutien au pâturage, qui permettra ensuite de maintenir le caractère herbacé du milieu géré.

Dichotomie entre constats et résultats

Voici donc l’état de santé des Orthoptères d’Île-de-France. Alors qu’un nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est paru, et que les indicateurs sur l’état de la biodiversité tirent chaque année la sonnette d’alarme, force est de constater que les actions semblent insuffisantes face à l’urgence des enjeux. Cette dernière Liste rouge régionale, réalisée dans la continuité des cinq précédentes - oiseaux, plantes vasculaires, chauves-souris, papillons de jour et libellules -, ne fait pas exception à la règle, en dressant un portrait préoccupant de l’état de la biodiversité francilienne. Or, au-delà d’être une représentation de la situation à un instant t, l’objectif des Listes rouges régionales est également de permettre un suivi de l’évolution des menaces qui pèsent sur les espèces grâce à leur actualisation, en général tous les cinq à dix ans. À l’heure actuelle, deux Listes rouges franciliennes ont bénéficié de cette actualisation - oiseaux et plantes vasculaires -, les résultats demeurent préoccupants. Par exemple, pour les oiseaux entre 2011 et 2018, on constate une augmentation de 50 % du nombre d’espèces considérées comme menacées. L’inflexion de la dangereuse courbe de disparition des espèces semble encore lointaine.

Portraits d’espèces franciliennes

Quelques espèces sont esquissées à travers leur écologie, leurs traits de vie originaux ou encore l’état de conservation alarmant de leurs populations dans la région.


Mante religieuse © Pierre Tillier


© Xavier Houard

Grillon bordelais
On retrouve ce petit grillon, historiquement assez répandu dans la moitié sud du pays, dans une large gamme d’habitats, comme les vignes, les champs cultivés ou les pelouses sèches. Depuis une vingtaine d’années, l’espèce a entamé une progression vers le nord, notamment grâce aux voies ferrées, de sorte qu’on la retrouve désormais sur la majorité du territoire. Assez opportuniste, le Grillon bordelais est aujourd’hui observable au cœur de Paris, et même dans des endroits inusités comme certaines toitures végétalisées.


©
Aiwok

Grillon domestique
Le Grillon domestique est une espèce adaptée aux infrastructures et aux habitations, au point qu’il lui est devenu difficile de vivre sans la présence de l’homme. Originaire du Moyen-Orient, ce grillon a probablement bénéficié du commerce des épices au Moyen Âge pour s’installer en Europe. Affectionnant la chaleur, on le retrouvait alors particulièrement chez les boulangers, sous les fours à bois, profitant de températures clémentes toute l’année. Plus tard, d’importantes populations se sont établies dans les ballasts du métro parisien, qui ont l’avantage de conserver la chaleur tout en offrant une large gamme de déchets, dont profite cet insecte opportuniste. Aujourd’hui, l’espèce s’est considérablement raréfiée, et ne subsiste plus que dans quelques stations de métro - sur les lignes 9 et 3, notamment -, conséquence de la disparition des ballasts sur certaines rames, et de l’amélioration de la propreté des voies.


©
Hemminki Johan/L’Institut Paris Region

Courtilière commune
Également appelé grillon-taupe, cet insecte passe la quasi-totalité de sa vie sous terre, à l’instar d’une taupe. Parfaitement adaptée à cette vie souterraine, la Courtilière possède des pattes antérieures modifiées, très robustes, qui lui permettent de creuser des galeries. Si elle est difficile à observer directement, on peut communément entendre les stridulations aiguës des mâles qui peuvent même devenir assourdissantes dans les environnements où l’espèce prospère. Longtemps considérée comme un ravageur de cultures par les jardiniers et les maraîchers, cette espèce a subi d’importantes campagnes de destruction des individus et des terriers. Victime de cette réputation, la Courtilière, autrefois commune, est devenue rare et ne semble désormais que se maintenir sur les prairies humides préservées.
Elle est évaluée comme quasi menacée [NT] sur le territoire francilien.


©
Jérémy Thomas

Dectique verrucivore
Cette sauterelle massive, pouvant dépasser 4 cm à l’âge adulte, est un exemple flagrant des effets du réchauffement climatique sur la biodiversité. Son nom, verrucivore, viendrait d’une ancienne croyance populaire, largement répandue en Europe, selon laquelle se faire mordre une verrue par cet insecte permettait de s’en débarrasser grâce aux sucs intestinaux crachés par l’insecte quand il se sent en danger. On ignore si la méthode a donné de bons résultats à l’époque, mais, aujourd’hui, vu la rareté de cette espèce, mieux vaut recourir à la médecine moderne. Sa répartition en fait une espèce typiquement boréo-montagnarde, affectionnant les pelouses rases d’altitude. Dans le nord de son aire de répartition, elle s’est considérablement raréfiée durant les dernières décennies se montrant très sensible aux modifications des milieux naturels et aux effets du réchauffement climatique. En Île-de- France, l’espèce est considérée comme en danger critique d’extinction, malmenée par la disparition de ses habitats et leur fragmentation par les infrastructures.


©
Xavier Houard

Phanéroptère méridional
Cette élégante sauterelle entièrement verte est facilement confondue avec son proche parent, le Phanéroptère commun. Comme son nom l’indique, cette sauterelle est d’affinité plutôt méridionale. En Île-de-France, elle était cantonnée sur les pelouses sèches et les coteaux bien exposés de la vallée de la Seine. Depuis une vingtaine d’années, elle profite du réchauffement climatique et de l’îlot de chaleur urbain pour venir s’installer dans les parcs urbains et les friches, franchissant aisément les barrières urbaines grâce à sa bonne capacité à voler sur de longues distances.


©
Guillaume Larregle

Tétrix des vasières
Ce criquet au mode de vie étonnant est particulièrement discret dans son environnement et passe facilement inaperçu, sa taille ne dépassant guère un centimètre. En Île-de-France, on le retrouve aux abords des mares et des zones humides bien exposées, où il prospère dans les vasières. Sa petite taille et son habitat en font un herbivore spécialisé dans la consommation des petites plantes aquatiques et des mousses qui se développent sur les vases toujours humides. Ce mode de vie, à l’interface entre l’eau et le sol, a d’ailleurs permis à l’espèce de développer des compétences de nage remarquables. Ainsi, à l’approche d’un danger, il n’hésite pas à sauter dans l’eau pour s’échapper, avant de rejoindre le bord en nageant à l’aide de ses pattes postérieures. Les caractéristiques de son milieu de vie en font une espèce particulièrement sensible à l’assèchement des zones humides et au réchauffement climatique.

(1) Source : Évolution des milieux d’intérêt écologique entre 2000 et 2017, page 47 dans L’Environnement en Île-de-France, édition 2022, L’Institut Paris Region, mai 2022.
(2) Fernez T., Lafon P. & Hendoux F., Guide des végétations remarquables de la région Île-de-France. Conservatoire botanique national du Bassin parisien, Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France, Paris, 2015.

Des insectes chanteurs et mimétiques

Les Orthoptères font partie des quelques rares insectes capables d’émettre un chant, appelé stridulation. Ce chant, uniquement produit par les mâles adultes lors de la recherche des femelles, est spécifique à chaque espèce. Si les chants des Orthoptères trahissent leur présence, les observer directement dans leur habitat peut s’avérer plus délicat, car les Orthoptères sont souvent mimétiques de leur environnement. Cette caractéristique leur permet de se camoufler dans leur habitat naturel, limitant ainsi leur prédation.

Des espèces bio-indicatrices

La Decticelle bicolore, qui s’accommode d’une végétation haute et sèche, se retrouve dans les pelouses sèches et les coteaux calcaires de la région, témoignant ainsi de leur bon état de conservation. Le Criquet ensanglanté, reconnaissable à ses couleurs vives, est, quant à lui, strictement inféodé aux prairies inondables et aux friches humides : des changements d’humidité - suite à un drainage, par exemple, ou à une fauche trop importante - peuvent entraîner sa disparition et celle d’autres espèces partageant les mêmes besoins.

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Note rapide Près d'un quart des espèces de criquets, grillons et sauterelles menacées d'extinction en Île-de-France

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La Liste rouge régionale : un indicateur partenarial

La Liste rouge régionale des Orthoptéroïdes d’Île-de-France, établie selon la méthodologie appliquée depuis près de soixante ans par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a mobilisé les associations entomologistes, dont l’Office pour les insectes et leur environnement, ainsi que de très nombreux experts et bénévoles.
Le Comité français de l’UICN et le Muséum national d’Histoire naturelle (MnHn), en mobilisant l’expertise d’un vaste réseau de naturalistes et de scientifiques, appliquent la même méthodologie pour établir une Liste rouge nationale des espèces menacées. Ils encouragent toutes les régions qui le souhaitent à engager l’élaboration de Listes rouges régionales, afin que chacune puisse construire son propre état des lieux de la faune, de la flore et de la fonge (champignons) de son territoire.
L’Île-de-France s’est engagée avec une grande efficacité dans cette voie et a lancé, avec l’appui de l’Agence régionale de la biodiversité (ARB), une série de Listes rouges franciliennes. La Liste rouge n’est pas un simple catalogue d’espèces associées à une évaluation de leur risque d’extinction, mais aussi un mécanisme important de compilation, de synthèse et de diffusion de données actualisées sur les espèces considérées. Cet indicateur doit permettre d’orienter les politiques et les actions en faveur de la biodiversité, en cohérence avec les urgences mises en lumière par ces travaux d’évaluation.

 
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Directeur de la publication : Nicolas Bauquet
Directrice de la communication : Sophie Roquelle
Rédacteur en chef : Laurène Champalle
Médiathèque / photothèque : Inès Le Meledo, Julie Sarris
Auteur : Hemminki Johan, naturaliste
département Biodiversité – ARB ÎdF
(Magali Gorce, directrice)
avec la participation de Xavier Houard, entomologiste-écologue, coodinateur des études et projets de conservation à l’Opie
(Samuel Jolivet, directeur)

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