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Le bois de la Barre : Espace Naturel Sensible

Un écrin de nature entre Marne et plateaux agricoles

Préambule
Une flore spontanée, parfois invasive
- Une faune typique des espaces périurbains
Lumière sur les patrimoines naturels et historiques - Une origine restée longtemps inexpliquée
Une histoire géologique à ciel ouvert

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Situé à flanc de coteau, au nord-est de la Ferté-sous-Jouarre, le bois de la Barre surplombe la Marne. Cette rivière, la plus longue de France
avec ses 514 kilomètres, a façonné le paysage et constitue, depuis longtemps, une artère majeure pour les échanges commerciaux :
flottage de bois, vins de Champagne ou pavés de grès destinés à la capitale.
Le bois de la Barre porte ce nom depuis le XVIIe siècle au moins,
il est présent sur la carte de l’évêché de Meaux datant de 1701. Il était associé au château de la Barre, fief des seigneurs locaux. De nos jours,
le fond de vallée est marqué par l’urbanisation, ainsi que par les nombreuses activités agricoles et industrielles qui s’y sont développées.
Les plateaux présentent, quant à eux, de vastes étendues de cultures céréalières.

Préambule

Le bois de la Barre est un petit bois périurbain avec un intérêt environnemental particulier. La protection de cet espace boisé est renforcée par le statut d’espace naturel sensible départemental (ENS). Dans le cadre de sa politique en faveur de l’environnement, le Département de Seine-et-Marne a en effet acquis le bois de la Barre en 1993, pour préserver les patrimoines géologique et naturel présents. Le site est dorénavant une forêt constituée d’une parcelle de 33 hectares d’un seul tenant, dont l’altitude varie de 70 mètres au niveau de la rue Clément-Duburcq, à 165 mètres au sommet. À proximité, au nord-est, se trouve un autre ENS départemental ouvert au public : le bois de la Bergette.
Cet espace se situe dans la région de la Brie, qui elle-même fait partie du Bassin parisien. Le bassin de Paris est un des plus grands bassins sédimentaires d’Europe. Depuis plus de 200 millions d’années, plusieurs kilomètres de sédiments se sont accumulés dans cette vaste cuvette. Chaque strate géologique correspond à une période où la mer est présente et accumule divers types de sédiments. Lorsque la mer se retire, la strate la plus récente commence à s’éroder...

 

Une flore spontanée, parfois invasive

Les boisements présents aujourd’hui sur le site du bois de la Barre sont des peuplements qui ont naturellement colonisé un milieu transformé par l’homme lors de l’exploitation de la pierre meulière.

Le robinier faux-acacia est caractéristique de ce type de succession écologique. Quelques espèces moins communes sont toutefois présentes comme le sureau à grappes, qui pousse au niveau de la carrière dite du Colorado. Sur le reste du secteur, les peuplements forestiers se diversifient, avec la présence marquée du chêne sessile et du chêne pédonculé, mais également du frêne, du merisier, du tilleul, de l’érable, du charme, du noisetier, et plus occasionnellement du hêtre et du bouleau verruqueux.

À proximité du réseau routier, la forte luminosité favorise les espèces arbustives comme l’aubépine, le prunelier ou le fusain d’Europe.

Le sous-bois totalise 165 espèces végétales. Il offre de belles étendues de plantes printanières : jacinthe des bois, ficaire, fausse renoncule, anémone des bois... Les quelques zones ouvertes du coteau, où pénètre la lumière, accueillent l’orchis mâle, une orchidée sauvage.

Une flore caractéristique, comprenant les joncs, carex ou prèles, permet de repérer les zones humides.


© Photo : Maxime Briola

Le grémil bleu-pourpre
(30 à 60 centimètres)
est une plante des lisières ensoleillées. Elle est rare dans le département et bénéficie d’une protection régionale.
Les quelques plants présents sur le site seraient issus d’individus cultivés pour l’ornement des jardins.


© Photo : Sylvestre Plancke

Le lamier jaune peut atteindre 40 cm de haut. Il apprécie les sousbois frais. Fréquent sur le plateau de la Brie et dans l’Orxois, il est souvent confondu avec l’ortie, il se distingue de ce dernier par sa tige de section carrée. Les jeunes pousses peuvent être consommées en salade.


© Photo : Sébastien Filoche

Le robinier faux-acacia
a été importé d’Amérique du Nord en 1601, pour l’ornement et la qualité imputrescible de son bois. Sa capacité à coloniser
un milieu, en éliminant
une grande partie de la flore présente, le rend invasif, et donc néfaste pour la biodiversité.

Une faune typique des espaces périurbains

L’avifaune, qui englobe l'ensemble des oiseaux, est typiquement arboricole avec la présence de deux espèces de pic - épeiche et vert -, de la sittelle torchepot, des mésanges charbonnière et bleue, du pouillot véloce, du geai des chênes… La buse variable est le seul rapace présent dont la nidification est avérée sur le site.

Il est possible d'observer des mammifères comme le chevreuil qui se nourrit principalement de jeunes pousses. Le renard roux, le sanglier, la martre ou le blaireau fréquentent également le secteur. Leurs mœurs essentiellement nocturnes les rendent très difficiles à observer. Ce sont souvent leurs empreintes qui trahissent leur présence. Les mares accueillent des espèces d'amphibiens, telles le triton palmé, un animal discret qui vient se reproduire chaque année dans les eaux stagnantes. La salamandre tachetée préfère rester dans les sous-bois, elle ne fréquente les rives de la mare que pour y déposer ses larves. Il est très rare de la voir s'aventurer dans l'eau.
Le sol et les arbres abritent une multitude d’espèces qui représente la majeure partie de la biodiversité : insectes, myriapodes*, mollusques, crustacés et arachnides*… (*) : voir Glossaire en bas de page
Certaines d'entre-elles jouent le rôle très important d’éboueurs de la nature. Elles décomposent la matière organique morte et permettent la formation d’un sol riche dont dépend tout l’écosystème.

La sittelle torchepot apprécie les bois de haute futaie,
mais on l’observe aussi régulièrement dans les parcs et jardins.
© Photo : Thomas RogerSentier

Lumière sur les patrimoines naturels et historiques

Depuis 2020, des travaux ont été réalisés par le Département afin d’améliorer
l’accueil du public et renouveler l’expérience de visite du sentier pédagogique
sur la pierre meulière.

Le bois de la Barre représente un site ENS pour lequel le thème Patrimoine et culture, en lien avec l’exploitation de la pierre meulière qui a marqué le site, a été choisi pour sa découverte. Le visiteur peut dorénavant s’attarder sur des panneaux originaux le long du sentier, sous la forme de bande-dessinée, et des silhouettes en acier corten qui le font plonger dans l’ambiance de travail de l’exploitation de la pierre meulière, ses métiers, techniques, outils et conditions de travail des ouvriers de l’époque.

Tout cela vient compléter les divers aménagements qui avaient déjà été réalisés pour l’accueil du public et sa sécurité : un parking, des escaliers, des gardes-corps et des bancs.

Plus globalement, dans le cadre de sa politique de valorisation des espaces naturels sensibles, le Département continue de poursuivre un double objectif : préserver et favoriser la richesse naturelle du site, tout en l’ouvrant au public. Afin d’y parvenir, chaque type de milieu naturel demande une gestion adaptée. Les équipements mis en place nécessitent également un entretien régulier.
Dès les premiers aménagements, des travaux importants ont rendu accessibles les vestiges des carrières de meulières.

Cela a permis de réhabiliter le site et d’éclaircir les peuplements où se développe une flore diversifiée. Certains chemins ont été fermés pour les laisser se boiser naturellement. D’autres ont été stabilisés et sont accessibles aux véhicules utilisés pour la gestion. Le reste des sentiers a été laissé en terrain naturel et est réservé aux promeneurs.

Pour sécuriser le site, le Département effectue ponctuellement une récolte de bois. Afin de favoriser la biodiversité, un maximum d’arbres, d’essences et d’âges différents sont maintenus pour créer une futaie mixte. Sauf s’ils représentent un danger pour le public, les arbres morts sont conservés car ils offrent un abri à de nombreux êtres vivants.

Les arbres abattus, qui ne peuvent être exploités, sont débités et empilés en tas servant de refuge à la petite faune.

La partie nord du site est peuplée par des robiniers faux-acacia qui font concurrence aux essences locales : chêne, charme… Chargés de maintenir la richesse spécifique*, les gestionnaires du Département éliminent progressivement ces envahisseurs, en leur donnant une nouvelle fonction : leur bois sert à la fabrication d’un mobilier robuste qui équipe les espaces naturels sensibles départementaux : bancs, panneaux…

La géologie particulière du bois de la Barre favorise la formation de petites zones humides qui abritent une faune et une flore spécifiques.

Ouvriers travaillant dans l’ancienne carrière © Photo : Alexandre Lainé

Une destination
pour vous détendre
en pleine nature
à deux pas de la ville
Ancienne meulière © Photo : Maxime Briola

Détail d’une pierre meulière compacte © Photo : Maxime Briola

Une origine restée longtemps inexpliquée

La pierre meulière...

Le sous-sol de La Ferté-sous-Jouarre possède, presque à fleur de terre, des bancs de pierre meulière. Ces roches siliceuses de la Brie ont été utilisées pour façonner des meules depuis le néolithique. Une meule, datant de cette époque, connue et façonnée à la Ferté-sous-Jouarre, est conservée au Musée de Jouarre.

Jean-Etienne Guettard est le premier à avoir émis une hypothèse sur la genèse des meulières, en lien avec l’altération provoquée par les eaux de pluie. Au XIXe siècle, la pierre meulière fait l’objet d’un important débat, les plus grands penseurs en décrivent les gisements et cherchent à percer son secret. En 1896, le terme de meuliérisation apparaît, puis au cours du XXe siècle, le phénomène est associé à des conditions climatiques préhistoriques tropicales. Enfin, à la fin du XXe siècle, les géologues parviennent à expliquer sa formation avec précision. Il n’existe aucun grand bassin de pierre meulière, mais plutôt des poches éparses ayant présenté des conditions favorables à sa formation. Elles sont observées à la surface du plateau de Brie, en lien avec le calcaire de Brie, ainsi qu’à la surface des plateaux de Beauce ou du Hurepoix, associées au calcaire de Beauce. Il s’agit donc d’une formation géologique superficielle liée à un phénomène d’altération du calcaire.

Le mystérieux processus de meuliérisation

La formation des meulières se situe entre - 4 et - 2 millions d’années, soit à la fin de l'ère tertiaire et au début du quaternaire. Ce phénomène géologique est étroitement lié à la présence du calcaire de Brie et des sables de Fontainebleau.

  1. - 27 millions d’années : la mer quitte
    définitivement le Bassin parisien. Plusieurs
    dizaines de mètres de sable siliceux
    recouvrent le calcaire de la Brie. La région
    devenue continentale est soumise à
    l’érosion durant 20 millions d’années.
  2. - 4 à -2 millions d’années : les sables
    sont lessivés par la pluie et arrachés par le
    vent. Par endroits, le calcaire est mis à nu.
    Soumis à son tour à l’érosion, il se creuse
    progressivement et accumule dans ses
    anfractuosités des dépôts argilo-sableux.
  3. L’eau, apportée par les pluies, s'infiltre
    dans ces cuvettes ; à son contact les
    grains de sable subissent lentement une
    dissolution. La silice libre (SiO2) est
    transportée par l’eau et va se fixer dans
    les vides du calcaire. Les masses de roches
    siliceuses accumulées forment la fameuse
    pierre meulière.



Une histoire géologique à ciel ouvert

Au niveau du bois de la Barre, la Marne a lentement incisé le plateau de la Brie,
laissant apparaître, sur les coteaux de la vallée, les couches géologiques plus
anciennes qui illustrent l’ère tertiaire. Chaque couche correspond à une phase de
transgression marine*.

  1. Il y a 45 millions d’années, la région est occupée par la mer. Sous un climat tropical, de nombreux sédiments* s’accumulent au fond de l’eau et forment une épaisse couche de calcaires grossiers. Un retrait progressif de la mer favorise la formation de caillasses, une roche très riche en fossiles.
  2. Après une brève émersion*, une mer de taille plus modeste recouvre à nouveau le territoire. Celle-ci ne laisse que des sables grossiers.
  3. Pendant une longue période, la région connaît une alternance de phases d’émersion* et de faibles récurrences marines. Lorsque la mer se retire, seul reste un très grand lac où s’accumulent des calcaires et des marnes.
  4. Vers - 38 millions d’années, une très brève transgression marine* est bientôt suivie par la mise en place d’un milieu saumâtre* où la forte évaporation favorise la formation de gypse.
  5. Au milieu de l’ère tertiaire (- 34 millions d’années), le bassin peu profond accueille un nouvel épisode laguno-marin* et le dépôt de sédiments argileux.
  6. De nouveau s’instaure un régime lacustre* où se dépose le calcaire de Brie.
  7. Une dernière et importante transgression marine* vient clore cette longue série sédimentaire, avec le dépôt de sables siliceux, appelés sables de Fontainebleau. Voilà donc 25 millions d’années que la mer n’a plus recouvert le territoire. Les roches les plus récentes ont donc été érodées par le travail inlassable de l’eau, du vent et de la gravité, dessinant peu à peu le paysage actuel. C’est pour cette raison que les sables de Fontainebleau, d’une épaisseur originelle de cinquante mètres environ, ne présentent plus aujourd’hui qu’une épaisseur résiduelle de quelques mètres.

Jean-Étienne Guettard, un pionnier de la géologie

De nombreux géologues se sont rendus à
La Ferté-sous-Jouarre dans le cadre de leurs recherches. Parmi les plus illustres,
Jean-Étienne Guettard (1715- 1780), conservateur des collections d’histoire naturelle du duc d’Orléans, est l’un des pères fondateurs de la géologie. En 1758, il présente devant l’Académie Royale des Sciences, un Mémoire sur la pierre meulière, en se fondant sur ses observations, effectuées sur les carrières de Houlbec, dans l’Eure, et de la Ferté-sous-Jouarre.


Jean-Étienne Guettard, peint par Théodore Charpentier (Musée municipal d’Étampes)

(*) Glossaire

Myriapodes : classe d’animaux terrestres, souvent appelés mille-pattes, dont le corps allongé est formé de nombreux anneaux portant chacun une ou deux paires de pattes.

Arachnides : classe d’animaux terrestres à huit pattes, contrairement aux insectes qui en ont six, sans ailes ni antennes : araignées, faucheurs, scorpions...

Richesse spécifique : Mesure de la biodiversité de tout ou d’une partie d’un écosystème ; elle désigne le nombre d’espèces présentes dans un milieu donné.

Transgression marine : correspond à l’avancée du trait de côte sur le continent. Elle est provoquée par une élévation relative du niveau de la mer et se traduit par le dépôt d’une nouvelle couche de sédiments sur les anciennes couches recouvertes. À l’opposé, lorsque la mer se retire, on parle de régression marine.

Sédiment : ensemble des éléments accumulés par gravité provenant de la décomposition des roches préexistantes - montagnes, plateaux - ou de matières d’origine organique : végétaux, squelette ou coquille d’animaux… Selon la nature des matériaux et les conditions locales - climat, stabilité géologique… -, la sédimentation produit des roches de natures variables.

  1. La mer s’installe sur le socle continental : transgression marine.
  2. Les sédiments s’accumulent pour former une couche géologique.
  3. La mer se retire, les roches découvertes sont soumises à l’érosion.
  4. Nouvelle transgression marine.
  5. Une nouvelle couche de sédiments se dépose sur l’ancienne.
  6. La mer se retire…

Émersion : phénomène où le fond marin apparaît à l’air libre suite à un retrait de la mer.

Saumâtre : les eaux saumâtres ont une salinité intermédiaire entre l’eau douce et l’eau de mer.

Épisode laguno-marin : période de transition entre l’arrivée ou le retrait de la mer et la formation d’une lagune.

Régime lacustre : propre à une sédimentation qui se fait dans un lac.

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Le bois de la Barre : Espace Naturel Sensible

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Le département de Seine-et-Marne se développe au rythme de la Métropole francilienne, .tout en conservant une grande diversité naturelle et paysagère. Forêts, marais, prairies humides ou pelouses sèches constituent un patrimoine fragile.
Le Département protège et valorise ces sites naturels afin que tous les Seine-et-Marnais puissent en profiter.
Rivières, vallées, plateaux, plaines, forêts et étangs... La Seine-et-Marne compte quantité d'espaces abritant des niches écologiques remarquables.
 
 

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© Photo : Maxime Briola

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Accès

Depuis la gare de la Ferté-sous-Jouarre, prendre la RD 603, direction Château-Thierry,
puis la 1ère à gauche, rue Duburcq-Clément, parking à 500 m.

Pour aller plus loin

  • Sorties nature proposées sur le site par Seine-et-Marne environnement.
  • Sites naturels départementaux : - Bois de la Bergette - Bois de Doue
  • Musée départemental des pays de Seine-et-Marne
  • Musée de la civilisation paysanne à Jouarre

Département de Seine-et-Marne :
Hôtel du Département - CS 50377 - 77010 Melun cedex - 01 64 14 77 77.

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