Le
site du tuf de La Celle surplombe la Seine de plus de 20 mètres.
Avec une superficie à peine supérieure à un hectare,
c’est le plus petit espace naturel sensible ouvert au public en
Seine-et-Marne. Son intérêt repose avant tout sur les patrimoines
géologique et archéologique qu’il recèle. Concentrée
sur quelques centaines de mètres carrés en bordure d’un
front de taille*, la roche de tuf permet de lire une page de la préhistoire.
Le site est connu du monde scientifique depuis la fin du XIXe siècle
pour sa grande richesse en fossiles, sa remarquable épaisseur de
tuf
- entre 8 et 11 mètres - et les vestiges d’une occupation
par l’homme. (*)
: voir Glossaire en bas de page
Vous
avez dit tuf ?
Cette
ancienne carrière de pierre de tuf est exploitée
depuis le Moyen Âge. La roche est utilisée pour
la construction, comme en témoigne la présence
de blocs de tuf dans les murs de l’église de Saint-Mammès
(XIe siècle), ou le mur du cimetière attenant.
L’activité la plus intense a lieu à la fin
du XIXe siècle. Afin de préserver les vestiges
épargnés par l’extraction des blocs de pierre,
le site est classé en 1997 comme site d’intérêt
majeur dont la sauvegarde est urgente dans l’inventaire
départemental du patrimoine géologique de Seine-et-Marne.
Initialement propriété de la mairie de Vernou-la-Celle-sur-Seine,
il est rétrocédé au Département
de Seine-et-Marne qui le classe espace naturel sensible (ENS)
en 2007.
Les
tufs calcaires, comme celui de La Celle, sont des roches très
particulières qui se forment au niveau des sources, ou
des cours d’eau peu profonds, par une accumulation progressive
du calcaire contenu dans l’eau.
Sous
les actions combinées d’algues microscopiques et
des conditions du milieu - turbulence du courant, profondeur
de l’eau… -, le calcaire dissous dans l’eau
peut s’agglomérer et former au fil du temps des
ensembles de roches insolites. Les algues ont besoin d’un
climat tempéré pour vivre, c’est pourquoi
les tufs se forment pendant les périodes interglaciaires.
Cette roche peut être très friable, comme du sable,
ou au contraire former une couche dure très épaisse.
Ces deux types de tuf sont présents à La Celle.
Pour imaginer ce à quoi pouvait ressembler le tuf de
La Celle en activité, il y a quelques centaines de milliers
d’années, il est possible d’observer, dans
le Jura par exemple, des tufs en cours de formation.
Les
tufs se forment en recouvrant lentement des débris de
végétaux - roseaux, brindilles, feuilles, graines,
mousses… - et d’animaux - coquilles de mollusques,
restes osseux… -, ce qui entraîne leur fossilisation
par encroûtement, saison après saison.
Le
site
© Photo
: Maxime Briola
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Un
site du Quaternaire, de référence internationale
Le
dépôt de tuf de La Celle appartient à la dernière
période géologique de la Terre, le Quaternaire,
qui couvre les derniers 2,5 millions d’années jusqu’à
aujourd’hui. Les dépôts de tuf sont des édifices
fragiles, facilement détruits par l’érosion.
Plus on remonte dans le temps, plus ils sont rares.
Le
Quaternaire s’étend de -2,5 millions d’années
jusqu’au temps présent (0 sur l’échelle).
La courbe représente les variations de la température
au cours des cycles climatiques
du Quaternaire moyen et récent. Le bandeau en-dessous rappelle
les grandes étapes
de la diffusion du genre Homo en Europe.
L’ère
quaternaire est marquée par des fluctuations répétées
du climat, qui s’organisent en cycles comprenant chacun
une phase glaciaire (en bleu) et une phase interglaciaire (en
orange). Le tuf de La Celle correspond au stade interglaciaire
n° 11, qui est caractérisé par une durée
particulièrement longue, de l’ordre de 30 000 ans,
contre 10 000 à 15 000 ans pour les autres phases interglaciaires.
L’intérêt du site dépasse ainsi largement
les frontières du département. Parmi les tufs connus,
quatre seulement, dont La Celle, ont livré des vestiges
d’occupation humaine.
Le
plus célèbre est le site de Bilzingsleben en Allemagne,
où un crâne humain a été retrouvé.
De tous les tufs de cette époque, La Celle fait figure
d’exception par son épaisseur : les formations des
autres sites n’atteignent que 1 ou 2 mètres, voire
à peine quelques centimètres, alors que celui de
La Celle atteint plusieurs mètres !
Durant
les périodes de réchauffement, la calotte glaciaire
se retire vers le nord,
laissant la place aux forêts de feuillus et à la
faune des milieux tempérés.
Le tuf de La Celle s’est formé lors d’une de
ces phases interglaciaires
avec un climat comparable à celui d’aujourd’hui
(modifié d’après l’Atlas of Palaeovegetation,
1997).
Histoire
d'une découverte
De
nombreuses personnes et structures, depuis les grands scientifiques
du XIXe siècle jusqu’au Centre national de la recherche
scientifique (CNRS), se sont intéressées au site
et à sa protection. Plusieurs phases d’études
ont permis de fixer la datation du tuf et d’accumuler d’importantes
informations sur la faune et la flore présentes à
l’époque.
(1)
Au début de la période interglaciaire, alors que
le climat se réchauffe,
le tuf commence à se former sur le versant.
Dès
la fin du XIXe siècle, le site est identifié comme
le témoin d’une ancienne phase tempérée
du Quaternaire. Les scientifiques décrivent la flore, les
mollusques et en constituent des collections - empreintes foliaires
et coquilles -, conservées au Laboratoire de géologie
de la Sorbonne. En parallèle, des préhistoriens
publient leurs notes sur les découvertes de bifaces acheuléens*.
Une deuxième vague d’études est engagée
au milieu du XXe siècle. Elle permet de dater précisément
le tuf au stade 11.
(2)
Au milieu de l’interglaciaire, le climat atteint son optimum
et permet à une forêt de feuillus de se développer.
La
richesse paléontologique* et l’épaisseur exceptionnelle
du tuf motivent une reprise des recherches. Depuis 2003, le CNRS
est ainsi le partenaire privilégié de la commune
et du Département de Seine-et-Marne dans le cadre des importantes
recherches scientifiques menées par son laboratoire de
géographie physique, en collaboration avec plusieurs autres
laboratoires français - Muséum national d’Histoire
naturelle, université Pierre et Marie Curie - et étrangers
- université du Québec -, ainsi qu’avec l’Association
française pour l’étude du Quaternaire.
(3)
Au moment du passage des hommes préhistoriques, la forêt
brûle,
des blocs de tuf et des cendres glissent sur le versant dénudé. |

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(4)
Progressivement le tuf s’épaissit.
Les dernières couches sont déposées par de
petits chenaux divagants sur le versant.
Le début de l’ère glaciaire suivante commence,
la formation du tuf est stoppée.
N.B. : le rectangle tracé représente la zone actuelle
des fronts de taille sur le site. |

Les
nouveaux aménagements photo : © Markedia-
Glowczak

photo : © Charles J. Sharp
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Valorisation
pédagogique des fronts de taille
Les
aménagements réalisés par le Département
ont pour objectif de mettre en valeur les dépôts
géologiques et de guider le public sur un cheminement jalonné
de panneaux d’information, dans un environnement le plus
naturel possible.
Les
travaux ont principalement consisté en des terrassements
- rafraîchissement des fronts de taille, modelage des matériaux
accumulés au cours des années de fouilles - et en
la mise en place d’un parcours piéton grâce
au débroussaillage partiel des friches.
Une
approche pédagogique spécifique a été
conçue pour les visiteurs. Vous découvrirez la coupe
de Tuf qui constitue l’élément central de
la visite. Des panneaux d’interprétation associés
au mobilier vous proposent des clés de lecture de l’histoire
du site et des extraordinaires découvertes scientifiques
qu’il abrite. Cet espace peut également constituer
une halte agréable au cours de votre promenade sur ce territoire,
qui recèle d’autres sites géologiques d’intérêt.
La gestion du site est assurée par le Département
de Seine-et-Marne, en partenariat avec la commune de Vernou-la-Celle-sur-Seine.
Biodiversité
passée...
Il
est difficile de s’imaginer à quoi ressemblaient
les paysages et quelle faune vivait aux abords de la Seine il
y a 400 000 ans. Trois groupes d’indices ont permis de s’en
faire une idée : les ossements d’animaux, les coquilles
d’escargots et les empreintes de végétaux.
Grâce
aux fouilles, de nombreux vestiges ont pu être récoltés,
attestant de la présence de plusieurs espèces. Parmi
elles, les chercheurs ont trouvé cinq mammifères
: cerf, cheval, petit carnivore non identifié, macaque
berbère et un cousin de l’hippopotame ! Ce sont les
restes d’ossements ou de dents qui ont servi d’indices
pour découvrir leur présence passée. De nombreuses
recherches ont également été réalisées
sur les coquilles fossilisées d'escargots. À cette
période, des espèces disparues aujourd’hui
côtoient des espèces vivant encore dans des régions
très différentes de la Seine-et-Marne - Europe centrale
ou méridionale - donnant ainsi des repères sur leurs
conditions de vie de l’époque.
Le
troisième groupe de fossiles préservés dans
le tuf de La Celle correspond aux empreintes de végétaux.
La plupart a été récoltée au XIXe
siècle pendant la période d’exploitation de
la carrière. Vingt-cinq espèces végétales
ont ainsi été recensées : hêtre, chêne,
cornouiller, viorne sont les arbres les plus courants de la forêt
qui environnait le site, mais il y avait aussi des essences plus
méditerranéennes comme le figuier, le buis et le
micocoulier. Ces derniers se développent à La Celle
pendant l’optimum climatique, et sont contemporains de l’occupation
humaine.
L'hippopotame
qui a vécu à La Celle est un animal très
proche de l'hippopotame africain moderne. |
Des
fossiles pour imaginer les paysages du passé
La
paléontologie est la discipline qui étudie les fossiles.
La diversité et la grande qualité de conservation
de ceux préservés à La Celle permettent de
reconstituer les paysages qui se sont succédés pendant
une grande période de l’ère quaternaire.
Pour
cela, les scientifiques partent du principe que les espèces
fossilisées avaient le même mode de vie que les espèces
vivant actuellement qui en sont les plus proches. Parmi les groupes
fossiles préservés dans le tuf, les escargots sont
importants, car ils sont présents dans tous les niveaux
de la roche. Leur distribution en nombre et en diversité
au sein des différentes strates permet de reconnaître
quatre étapes majeures du développement de la végétation
pendant l’interglaciaire de La Celle.
Au
cours de la première phase, les escargots des zones humides
et de prairie composent l’essentiel des données indiquant
un milieu de marécage. Pendant la deuxième phase,
des espèces d’escargots plus forestières s’installent.
La troisième phase correspond au maximum d’extension
des espèces qui vivent sous couvert forestier. Au sommet
de la coupe géologique, c’est-à-dire à
l’époque la plus récente, la plupart des espèces
forestières déclinent : quatrième phase.
 |
...et
biodiversité présente
Au-delà
de son intérêt géologique et archéologique*,
le site présente aussi un intérêt écologique.
Les dépôts de matériaux récents - issus
des fouilles géologiques et archéologiques - créent
des habitats pionniers* intéressants, qui accueillent plusieurs
espèces remarquables.
L’ENS
présente des milieux relativement variés en fonction
de la topographie, de la nature du sol, et des zones de fouilles
réalisées. La partie haute des talus est boisée
de merisiers et de chênes alors que la partie basse, plus
arbustive, permet le développement de sureaux, cornouillers,
saules, érables, pommiers et de taillis épineux.
Des fronts de taille dénués de végétation
aux sommets des talus fortement boisés, ce gradient de
végétation permet la présence d’une
faune variée : papillons, oiseaux, mammifères…
Le dernier inventaire a permis de dénombrer cent trente-huit
espèces végétales, dont deux espèces
rares au niveau départemental : l’ibéris amère,
et la germandrée botryde. Cette richesse, remarquable pour
la faible superficie du site, est liée à l’action
de l’homme qui, par ses diverses interventions sur le site
- cultures et fouilles -, a créé de nouveaux milieux
naturels. |

©
Photo
: Maxime Briola
Curieux
et peu craintif,
le Lézard des murailles
est le reptile le plus facile à observer.
Il cohabite souvent
avec l’homme, profitant des vieux murs pour s’abriter.
Au moindre rayon de soleil,
il sort pour s’installer sur une pierre
ou un tronc bien exposé. Il se nourrit d’insectes
et d’araignées,
parfois même de fruits. |
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©
Photo
: Maxime Briola
Un éclair bleuté sur le chemin, c’est l’Œdipode
turquoise qui s’envole, exposant ses ailes postérieures
bleues.
Posé sur le sol, il redevient presque invisible. Ce criquet
fréquente les lieux secs et chauds, où il se nourrit
de graminées. L’espèce, qui avait beaucoup
régressé dans les années soixante, est à
nouveau en expansion en
Seine-et-Marne. |
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©
Photo
: Maxime Briola
La
Vipérine commune
est une plante
des zones chaudes
que l’on trouve
dans les friches,
les pelouses, ou aux abords des chemins.
La couleur de ses fleurs varie selon l’âge :
de rose en boutons
à bleu vif à maturité. Riches en nectar,
celles-ci attirent de nombreux insectes : abeilles,
bourdons, papillons… |
Coquilles
fossiles encroûtées dans une couche de tuf friable.
©
CNRS
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Le
paysage de la vallée de la Seine il y a 400 000 ans

Les
divers fossiles préservés dans le tuf ont permis
de reconstituer le paysage de forêt dense tempérée
de la vallée de la Seine.
© Illustration
: Benoît Clarys |

© Photo : CNRS
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Vestiges
d'hominidés
La
découverte, en 2003, d’un niveau archéologique
contenant des restes osseux et des silex taillés a conduit
à la réalisation d’une campagne de fouilles
menée en 2006.
Les
recherches ont livré quelques éclats de silex
taillés. L’étude de ces pièces (dessin
1 ci-dessous) a permis de les rapprocher, par leur technique
de taille, des bifaces récoltés au XIXe siècle,
dans les niveaux de la coupe du chemin de fer à proximité
du cimetière de La Celle. Deux de ces bifaces font aujourd’hui
partie des collections du musée de Préhistoire
de Saint-Germain-en-Laye (dessins 2 et 3). Ainsi, l’occupation
humaine de La Celle peut être attribuée à
la culture acheuléenne - nommée d’après
le site éponyme de Saint-Acheul près d’Amiens
- à une époque où l’Europe du Nord-Ouest
est occupée par l’Homo heidelbergensis.
Ce
lointain cousin est le moins bien connu des hominidés.
C’était un chasseur pouvant tuer de gros gibiers
à l’aide de longues lances. Dans l’histoire
de l’évolution, il serait l’ancêtre
de l’homme de Neandertal.
Hélas,
l’organisation du campement des hommes préhistoriques
restera un mystère, car l’essentiel du niveau archéologique
a été détruit par l’exploitation
de la carrière.
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(*)
Glossaire |
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Archéologie
: science qui a pour objet l’étude des civilisations
humaines passées à partir des monuments et objets
qui en subsistent.
Biface acheuléen : l’Acheuléen est une
époque préhistorique - 1,7 à 0,3 millions
d’années avant notre ère -, dont les outils
caractéristiques sont des cailloux appelés bifaces,
car ils sont sculptés progressivement sur leurs deux faces,
pour rendre aigus les bords proches de leur pointe.
Front
de taille : ce sont les flancs - souvent verticaux ou presque
- issus de l’abattage de la roche : parfois sciée,
autrefois fendue et aujourd’hui plus souvent abattue par
tirs de mines. Le front de taille recule progressivement au fil
de l’exploitation.
Paléontologique
: partie de la biologie qui a pour objet l’étude
des espèces d’animaux et de végétaux
des temps primitifs, qu’on ne trouve plus qu’à
l’état fossile. |
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Habitat
pionnier : milieu naturel ayant subi un bouleversement récent
- coulée volcanique, glissement de terrain, exploitation
de carrière... -, offrant des conditions écologiques
favorables aux espèces colonisatrices. |
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.....
..... .Le
tuf de La Celle
Un livre de roche ouvert sur le passé
.................
Le département de Seine-et-Marne
se développe au rythme de la Métropole
francilienne, .tout
en conservant une grande .
diversité naturelle
et .paysagère.
Forêts, marais, prairies humides ou pelouses sèches
constituent un patrimoine fragile. Le Département
protège et valorise ces sites
naturels afin que tous les Seine-et-Marnais
puissent en profiter.
Rivières, vallées, plateaux, plaines,
forêts et étangs... La Seine-et-Marne compte
quantité d'espaces abritant des niches écologiques
remarquables…
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©
Photo : CD77
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Bastille
- mai 2022 |
Accès
Depuis la RD 39, à La Celle-sur-Seine, prendre
la direction du cimetière, parking à côté
du cimetière.
Pour
aller plus loin
Département
de Seine-et-Marne :
Hôtel du Département - CS 50377 - 77010 Melun
cedex 01 64 14 77 77.
seine-et-marne.fr |
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