La
France est le deuxième plus grand espace maritime mondial. Seul
pays présent sur tous les océans de la planète, elle
a en matière de protection de la biodiversité marine une
responsabilité planétaire qui devrait l’inciter à
être exemplaire. Déjà loin de l’être en
matière de pêche, comme elle le démontre largement
sur la question des captures accidentelles de dauphins notamment, pour
laquelle elle a été condamnée,
elle est sur le point de franchir un cap supplémentaire avec les
7 projets de centrales éoliennes autorisés
le long de la façade Atlantique et Manche Mer du Nord.
Historique
de la sélection des sites français entre 2011 et 2015 |
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De
2011 à 2013, la France a lancé deux appels d’offres
publics pour construire six usines éoliennes en mer, chacune
d’une capacité d’environ 500 MW. Ces appels
d’offres ont été attribués en 2012
pour les sites de Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc,
Saint-Nazaire, en 2014 pour les sites de Dieppe-Le Tréport
et Yeu-Noirmoutier.
Contrairement
à ce qui se pratique partout ailleurs en Europe, la France
a lancé et attribué ces appels d’offres avec
des sites en mer choisis arbitrairement sans véritable
concertation, sans études d’impact préalables
permettant d’identifier les zones propices à l’éolien
posé, sans débats publics, sans enquêtes publiques,
sans notifications à la Commission européenne des
colossales aides d’État accordées aux promoteurs
: 23 milliards d’euros garantis et indexés sur 20
ans pour les six projets ! Toutes ces procédures réglementaires
obligatoires seront engagées dans les années qui
suivent, de 2013 à 2019.
Résultat : les zones choisies par la France sont toutes
positionnées sur des espaces maritimes à haute valeur
environnementale et réglementairement protégées
pour la plupart. Ces zones ne peuvent évoluer, elles sont
figées dans les textes des appels d’offres de 2011
et 2013. Il en résulte une planification géographique
aberrante qui fait des projets français, une bombe à
retardement écologique.
Notons
par ailleurs, que ce sont les promoteurs eux-mêmes qui ont
mené l’intégralité des études
d’impact économique et environnemental de leurs projets,
c’est-à-dire que devenus juge et partie, ils ont
choisi les méthodologies d’étude, les prestataires,
et publié les résultats !
Dans
un courrier du 5 avril 2019, l’ancien Premier ministre Édouard
Philippe rappelle sans détours les difficultés
majeures de ces appels d’offres lancés trop
tôt avec des procédures inadaptées et pour
des volumes trop importants qui obèrent le financement
de la transition énergétique.
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Ce
qui change à partir de 2016 |
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Le
17 août 2016, un décret fixe une nouvelle procédure
de mise en concurrence pour le développement des usines de
production d’électricité en mer. Avec cette
procédure calquée sur ce qui se passe à l’étranger,
le gouvernement prend en charge en amont de l’appel d’offres,
les pré-études d’impact permettant le choix
du site préalables de levée des risques, la ressource
en vent avec Météo France, l’Ifremer, la bathymétrie
avec le Service hydrographique et océanographique de la marine.
Il n’en demeure pas moins qu’il subsiste un déni
des conséquences sur la biodiversité car la notion
d’écosystème n’est toujours pas prise
en compte dans des méthodologies d’études qui
persistent à cloisonner le milieu marin et qui entretiennent
l’illusion de l’efficacité des mesures de compensation. |
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La
biodiversité : enjeu secondaire dans les procédures
d'attribution
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L’étude
d’impact environnemental est réalisée par
un ou plusieurs bureaux d’études, choisis et financés
par le promoteur éolien. Cette dernière comporte
plusieurs volets, chacun d’entre eux étant réalisé
par une équipe d’experts :
En
toute logique, Sea Shepherd s’intéresse plus particulièrement
à l'impact sur la biodiversité.
L’estimation de cet impact est réalisé par
un bureau d’études spécialisé - faune
et flore - et présente 3 objectifs principaux :
-
Réaliser un recensement des espèces animales et
végétales présentes sur le site
-
Déterminer quels vont être les impacts du projet
éolien sur les espèces
présentes sur le site
-
Proposer des mesures pour Éviter, Réduire ou Compenser
ces impacts
(séquence ERC)
Le
bureau d’études alerte le promoteur éolien
en cas de présence d’espèces rares, menacées,
protégées ou fortement impactées par le projet.
Son rôle est ensuite de déterminer quels vont être
les impacts du projet sur la faune et la flore au regard du recensement
des espèces réalisé et du type de construction
potentiel. Une discussion s’ouvre parfois avec le promoteur
pour modifier le site de construction en cas d’atteinte
importante à la biodiversité : construction d’une
usine dans une zone préconisée comme à
éviter. Les impacts sont généralement
évalués de faible - par exemple : une perte d’habitat
minime pour une espèce très présente et non
menacée par l’éolien - à fort voire
très fort ; par exemple : risque de mortalité par
collision avec une pale d’éolienne ou par barotraumatisme
d’une espèce en voie de disparition ou encore par
la perte d’un habitat essentiel.
Finalement,
une série de mesures est proposée par le bureau
d’études afin de minimiser les impacts : il s’agit
de la fameuse séquence ERC, Éviter, Réduire,
Compenser.
Cette
séquence a pour but de proposer une série de mesures
qui doivent :
-
En priorité éviter les impacts identifiés
: mesures d’évitement
-
Si
cela n’est pas possible, les réduire : mesures
de réduction
-
Enfin,
et en dernier recours seulement, compenser les impacts qui n’ont
pu être ni évités ni réduits et qui
entraînent une perte nette de biodiversité : mesures
de compensation
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Dans
la pratique, il est difficile de mettre en place une séquence
ERC efficace. En effet, si éviter les impacts paraît
simple - par exemple : déplacer les éoliennes pour
les mettre dans des secteurs moins impactants -, il n’en est
rien en réalité. En effet, la construction d’une
usine éolienne dépend de nombreux accords fonciers,
économiques et politiques. L’écologie arrive
donc en dernier plan et il est souvent difficile de modifier une
construction ou un calendrier de travaux sur le seul critère
de la préservation de la biodiversité.
La
compensation est quasi impossible en milieu marin, sauf à
proposer, comme actuellement, des mesurettes doublonnant des suivis
de populations sur terre, qui sont d’ailleurs de l’accompagnement
et non de la compensation ; il faut privilégier le E d’ERC
dans le choix des emplacements des macro-zones. (CNPN) |
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Les
mesures visant à réduire les impacts sont en général
les plus nombreuses. Si certaines sont efficaces - par exemple
: arrêter les éoliennes une partie de la nuit pour
protéger les chauves-souris -, d’autres sont encore
très expérimentales, comme la mise en place d’un
système anticollision pour l’avifaune, ou peu efficientes.
Enfin,
les mesures de compensations sont généralement les
plus difficiles à mettre en œuvre. Proposer une mesure
de compensation, c’est accepter que le projet ait des impacts
sur la faune et la flore qui ne peuvent pas être effacés
par la mise en place de mesures d’évitement ou de
réduction. Comme leur nom l’indique, ces mesures
doivent permettre de compenser les impacts restants, généralement
une perte d’habitat ou un risque de mortalité. Dans
le cas d’une perte d’habitat, le but est alors de
recréer une zone, deux à trois fois plus grande
que la surface impactée qui aurait le même rôle
écologique que cette dernière. Dans le cas d’un
risque de mortalité, la création d’une zone
refuge pour les espèces est souvent envisagée.
Ainsi,
bien que créer de nouveaux espaces favorables à
la biodiversité soit toujours une bonne chose, il est évident
que ces mesures de compensation sont peu efficaces dans la réalité.
Il est très difficile de recréer une zone de même
valeur écologique que la zone impactée puisque nous
ne maîtrisons pas
tous les paramètres biotiques et abiotiques ayant permis
sa création initiale. De même, il est en réalité
impossible de compenser un risque de mortalité, car rien
ne peut compenser la mort d’individus.
Ainsi,
dans la pratique, il est impossible de neutraliser complètement
les impacts d’une usine éolienne sur la faune et
la flore, même avec une séquence ERC bien élaborée.
Il subsistera toujours de nombreuses modifications de l’environnement
que nous ne pouvons contrôler ni même estimer. Enfin,
si les études d’impact prennent actuellement en considération
les impacts visibles - mortalité, perte d’habitat
-, peu d’études sont menées sur les impacts
non quantifiables comme par exemple les ondes produites. L’étude
d’impact environnemental est donc un élément
clé dans le processus de création d’une usine
éolienne, mais toutefois insuffisant pour garantir une
réelle protection de la biodiversité.
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La
démarche ERC doit être faite en amont, alors que la
France l’applique in fine, lorsqu’on ne peut plus revenir
sur le choix de la zone. La transgression de ce principe de non-installation
de parcs éoliens en zones NATURA 2000 par la France - à
notre connaissance il n’y a qu’un seul parc éolien
dans une ZPS en Europe, en Allemagne - et d’absence d’étude
d’incidence préalable au niveau des macro-zones, contredisent
toutes les positions ministérielles antérieures au
ministère Ségolène Royal. Trois projets de
parcs sont en infraction à ce principe, Dunkerque, Port-Saint-Louis
du Rhône - face à la Camargue - et le projet d’Oléron.
(CNPN) |
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Des
bureaux d'études muselés
Comme
indiqué plus haut, le développeur éolien est
libre de choisir le bureau d’études qui réalisera
l’étude d’impact. Ce dernier lance généralement
un appel d’offres ou contacte directement les sociétés
avec lesquelles il a l’habitude de travailler. C’est
également le développeur éolien qui va payer
le bureau d’études et financer l’étude
d’impact. Ce dernier est par ailleurs libre de changer de
bureau d’études en cours de route si des désaccords
trop importants se font sentir. Il existe donc ici un gros manque
d’indépendance : le bureau d’études est
totalement sous la tutelle du développeur éolien pour
réaliser son étude.
Ainsi,
il est tout à fait possible qu’un développeur
éolien peu consciencieux fasse pression sur le bureau d’études
pour atténuer les impacts ou proposer une séquence
ERC peu contraignante. En effet, les impacts et mesures sont très
souvent discutés par le développeur qui demande généralement
de les revoir à la baisse. Le bureau d’études
n’a donc pas d’autres choix que d’accepter la
requête du développeur, ou de trouver un compromis,
s’il ne veut pas se voir retirer l’étude, ou
avoir une mauvaise réputation auprès des développeurs,
ce qui conduirait à terme à sa faillite, puisque personne
ne voudrait travailler avec lui.
Les
études d’impact ne sont pas indépendantes car
financées, relues et commentées par le développeur
éolien lui-même avant le dépôt auprès
de l’Administration. Pour une vraie indépendance, les
bureaux d’études devraient plutôt relever d’un
service de l’État et être financés par
ce dernier. Il existe donc ici un vrai biais dans la procédure
et c’est la faune sauvage qui, encore une fois, en paie le
lourd tribut. Lorraine E., employée d’un
bureau d’études
Une
fois toutes les études d’impact réalisées,
des dérogations pour autoriser la destruction d’espèces
et d’habitats protégés peuvent être demandées.
À
ce stade, le dossier est soumis à une enquête publique
afin que la population locale et les différents acteurs puissent
s’exprimer sur le sujet.
Dans
le cas d’une demande de dérogation de destruction d’espèces
protégées, la CNPN - Commission Nationale de la Protection
de la Nature - peut également être consulté.
Toutes
les instances - enquête publique, DREAL, CNPN… - émettent
des avis, favorables ou défavorables, qui seront adressés
au Préfet. Ce dernier prendra la décision finale et
choisira de délivrer ou non l’autorisation de construire
l’usine éolienne. |
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Ainsi,
il est important de noter que toutes les instances de protection
de l’environnement et notamment la DREAL et le CNPN, composées
d’experts reconnus, ont un avis uniquement consultatif et
non décisionnel dans un projet de création de centrale
éolienne. Le pouvoir de décision est concentré
dans les seules mains des politiques. |
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.. .Projets
français d'éoliennes en mer : Une
bombe à retardement écologique
...
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Sea Shepherd France :
Une antenne toujours plus active !
C’est de loin l’une des antennes nationales
les plus dynamiques en terme d’événements.
Une antenne nationale forte, c’est toujours plus
de soutien aux missions internationales et plus de campagnes
locales : Nyamba, Mare Nostrum, Leman… Sea Shepherd
France est une association à but non lucratif de
conservation de la faune et de la flore marines. Basée
à Paris, ses statuts sont enregistrés depuis
2006 à la préfecture de la Région
Île-de-France.
Notre Mission : Défendre et Protéger les
Océans
La mission de Sea Shepherd est de lutter contre la destruction
de la vie et de l’habitat marin dans son ensemble.
Depuis 1977, nous utilisons des stratégies novatrices
d’action directe pour défendre, conserver
et protéger la biodiversité fragile de nos
mers, océans, et faire respecter les lois internationales
de conservation, trop souvent bafouées.
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Remerciements
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Merci
à Katherine Poujol, Présidente de l’association
Gardez
Les Caps pour son travail titanesque. Elle a
su réunir une mine d’informations sourcées
- voir site Internet Gardez les Caps -qu’elle a
mises à disposition des journalistes et du grand
public.
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Merci
aux experts du Conseil Pour la Protection de la Nature
(CNPN)
qui, devant la gravité de la situation, se sont auto
saisis du sujet et ont rendu un rapport fondamental que
chaque citoyen devrait lire. Merci à tous les scientifiques
français et étrangers qui tirent la sonnette
d’alarme et appellent à la prudence face aux
dangers que peuvent constituer les EMR pour la biodiversité
marine. Nous sommes leur porte-voix, et nous ferons tout
pour aider à ce qu’ils ne prêchent pas
dans le désert. |
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Merci
aux nombreux habitants et commerçants d’Erquy
pour leur accueil chaleureux et leurs encouragements lors
de notre première mission de reconnaissance dans
la baie de Saint-Brieuc en août 2021. |
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Merci
enfin à ceux des pêcheurs qui sont mobilisés
contre ces projets d’éoliennes en mer, et qui
ont su accueillir l’arrivée de Sea Shepherd
sur ce dossier avec bienveillance, courtoisie et même
pour certains, avec amitié. |
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