Étude Quelles perpectives pour le réseau de chaleur de Paris ?

(3) Prospective et leviers d’optimisation du réseau de chaleur parisien
Optimiser la performance du réseau
Exploiter le potentiel de densification important au pied du réseau
Vers un réseau mixte vapeur-eau chaude pour accueillir les productions ÉnR&R
Conclusion



Premier réseau français, le réseau de chaleur parisien couvre 20% des besoins de chaleur des bâtiments parisiens.
À l’occasion de l’élaboration du schéma directeur de la chaleur urbaine par la Ville de Paris, l’Apur présente des enjeux d’évolution de
cette infrastructure stratégique vis-à-vis des objectifs de neutralité carbone portés par le plan climat. Premier réseau français et 11e réseau mondial, le réseau de chaleur parisien compte 506 km de canalisations qui acheminent de la chaleur vers les bâtiments parisiens. Avec un mix énergétique composé à 51,3% d’origine renouvelable ou de récupération (2019) et la distribution de 4,4 TWh de chaleur (2017), le réseau de chaleur couvre 22% de la consommation d’énergie liée au chauffage et à l’eau chaude sanitaire de l’ensemble des bâtiments parisiens.

Prospective et leviers d’optimisation du réseau de chaleur parisien

Le cadre souhaitable d’évolution du réseau de chaleur repose sur l’atteinte de trois objectifs majeurs que sont la maîtrise du coût de la chaleur sur la durée pour être concurrentiel avec le gaz, la captation des énergies renouvelable et de récupération pour réaliser les objectifs du Plan Climat et la résilience de l’infrastructure. Le schéma directeur dotera la ville d’une vision stratégique de l’évolution du réseau pour atteindre ces objectifs. Cet exercice prospectif fait appel à des enjeux de deux natures, les axes d’amélioration directement liés à la concession et les paramètres extérieurs ayant une incidence sur l’équilibre du réseau comme la réhabilitation des bâtiments ou encore l’évolution du prix des énergies fossiles. Trois grandes orientations se dégagent pour la future concession.

Optimiser la performance du réseau

Les axes d’amélioration de la performance du réseau représentent des leviers de développement, à production constante, ils permettent de livrer plus de chaleur et donc de desservir plus de clients le long du réseau existant. Plusieurs pistes ressortent pour améliorer le rendement global du réseau :

  1. Une amélioration du taux de retour des condensats qui est seulement de 44 % en 2019 - eau chaude renvoyée aux centrales - avec :
    • L’amélioration de la gestion des sous-stations au travers d’une meilleure coordination entre réseau primaire et réseau secondaire. Un tiers des non-retours de condensats sont liés aux sous-stations - hors périmètre de la concession - avec de nombreux cas de vannes de retour fermées ;
    • La poursuite de la fiabilisation des 450 km du réseau des retours d’eau
      sur lesquels on observe environ 100 fuites pour près de 5 millions de
      d’eau perdu par an. Le plan de renouvellement en cours ambitionne
      d’atteindre 60 % de retour d’eau d’ici la fin de la concession en 2024.
  2. Une amélioration de la régulation au niveau des sous-stations pour optimiser l’adéquation entre la puissance souscrite et les besoins des bâtiments.
  3. L’évolution vers des régimes basse température pour réduire les pertes de distribution du réseau avec la mutation de tout ou partie du réseau de
    distribution vapeur. Pour le réseau parisien, les pertes de distribution sont de 26 % sur le réseau vapeur et de 10 % sur les boucles d’eau chaude.

Exemple d’une sous-station mal entretenue, renvoyant les condensats directement à l’égout
© Apur

Exploiter le potentiel de densification important au pied du réseau

Une des questions qui sera posée dans le cadre du schéma directeur concerne la desserte future du réseau pour continuer de livrer une quantité de chaleur stable a minima. À l’avenir, le réseau devra-t-il s’étendre pour desservir plus de quartiers parisiens ou bien devrat-il rechercher ses nouveaux clients le long des tracés existants ? Dans le cadre du développement des boucles d’eau chaude, certains tronçons vapeur pourront-ils être abandonnés ?
Dans sa forme actuelle, le réseau de chaleur est présent dans les 20 arrondissements parisiens. Le taux de pénétration du réseau est très variable au sein des arrondissements. Le réseau est très développé dans les VIIe, XIIIe et XVe arrondissements avec plus de 30 % des surfaces de logements et d’activités raccordées. Il l’est beaucoup moins dans les XIe, XVIIe et XXe arrondissements avec 10 % ou moins de surfaces de logements et d’activités qui sont raccordées.
L’implantation physique du réseau au sein de ces arrondissements varie fortement mais l’importante couverture géographique fait ressortir la densification comme le premier potentiel de développement.

Pour quantifier le potentiel de densification, l’Apur a réalisé un travail de repérage des parcelles réellement situées au pied du réseau existant. Cet exercice vise à quantifier le potentiel de développement du réseau qui limite au maximum l’investissement lié à la création des nouveaux linéaires.
L’ensemble des parcelles situées le long du réseau représente une surface supérieure à celle déjà alimentée par le réseau, avec un total de 30,9 millions de m² de logements et d’activités non raccordés situés au pied du réseau dont 7,7 millions de m² dotés de chauffage collectif pour 25 millions de m² raccordés à ce jour. En effet on retrouve des bâtiments équipés de systèmes de chauffage collectif qui représentent des cibles crédibles pour le réseau de chaleur mais aussi des bâtiments dotés de systèmes individuels pour lesquels un raccordement au réseau est plus complexe. Ces 30,9 millions de m² se décomposent en :

  • 18,9 millions de m² de logements dont 222 953 logements en copropriétés et 75 920 logements sociaux ;
  • 12 millions de m² d’activités dont 4,7 millions de m² de bureaux de plus de 1 000 m² et 995 équipements.

En considérant des niveaux de consommation par clients divisés par deux par rapport à ceux observés aujourd’hui dans l’optique de l’atteinte des objectifs du Plan Climat, le raccordement des parcelles situées le long du réseau permettrait de contribuer significativement au maintien d’une quantité de chaleur livrée suffisante pour assurer le bon fonctionnement de l’infrastructure mais aussi maîtriser le coût de la chaleur.

Avertissement : Considérer les systèmes de chauffage pour affiner le potentiel

Pour préciser le potentiel lié à la densification au pied du réseau, il est nécessaire d’intégrer la connaissance des systèmes de chauffage et d’eau chaude sanitaire des bâtiments situés dans ces parcelles afin de prendre en considération la faisabilité technique et économique de ces éventuels raccordements.
Faute de données exploitables à ce jour, il est possible de donner un ordre de grandeur de la surface de logements et d’activités équipés de systèmes de chauffage collectifs gaz ou fioul au sein de ces parcelles à partir de la répartition des systèmes de chauffage pour l’ensemble des résidences principales parisiennes. La part de chauffage collectif gaz et fioul étant de 25 % - chauffage urbain exclu -, on estime ce gisement à environ 7,7 millions de m² de logements et d’activités, équipés de systèmes de chauffage collectifs gaz ou fioul et situés au pied du réseau qui représentent des cibles crédibles.

Potentiel de densification le long du réseau existant :
parcelles raccordées et parcelles non raccordées - 2018

Tableau de synthèse des logements à l'arrondissement, 2018 Sources : Apur, DGFiP, RPLS
Tableau de synthèse des activités à l'arrondissement, 2018 Sources : Apur, DGFiP, HBS Research


Potentiel de densification le long du réseau existant
selon la nature des consommateurs


Retour d’expérience de la Direction des Constructions Publiques et de l’Architecture (DCPA)

L’Apur a sollicité la DCPA afin de recueillir son retour d’expérience sur le raccordement des équipements parisien au réseau de chaleur. La DCPA indique avoir défini une stratégie d’orientation énergétique bâtiments qui fixe les principes suivants :

  • priorité au raccordement au réseau de chaleur pour toute réalisation d’un équipement neuf ;
  • mise en place d’un programme de modernisation des centres thermiques :
    • sans changement de mode de production - gaz vers gaz/ réseau de chaleur vers réseau de chaleur - d’énergie primaire lorsqu’il s’agit de gaz ou de chaleur urbaine,
    • avec à l’exception de conversions de systèmes électriques vers du gaz ou vers un raccordement au réseau de chaleur.

Du point de vue de la DCPA, il existe aujourd’hui deux freins majeurs au raccordement d’équipements existants au réseau de chaleur parisien :

  • Un coût de raccordement élevé. De l’ordre de 50 000 à 60 000 euros pour raccorder un équipement situé le long du réseau contre 500 à 600 euros pour un branchement au réseau de gaz. Soit un rapport de 100. La normalisation du coût de raccordement avec la mise en place d’un catalogue des prix semble être un élément indispensable à inscrire dans la nouvelle concession ;
  • Un prix du kWh deux fois et demie plus important que le gaz : 4 centimes / kWh pour le gaz contre 10 centimes pour la vapeur. Cet écart de prix explique le non-raccordement de privés dans le cadre du renouvellement de leurs installations : copros, commerces, bureaux.

La densification le long du réseau existant ne se réalisera qu’une fois ces freins levés.

Parmi les points positifs, le coût d’exploitation des sous-stations - équivalent voire un peu moins cher qu’une solution gaz - et la qualité du service rendu par le concessionnaire d’un point de vue technique sont mis en avant. La DCPA gère directement les sous-stations, le sujet de la régulation étant une priorité pour les équipements : entre 15 et 20 % de gains.


Les chiffres clés du potentiel de densification
le long du réseau existant

  • 331 941 logements non alimentés par le réseau de chaleur
    (24 % des logements parisiens)

    Soit 18,9 millions de m² de logements
    (25 % de la surface de logements de Paris)

    • 22 % des logements de copropriétés sont alimentés
    • 31 % des logements sociaux sont alimentés

  • 12 millions de m² de surface d’activités tertiaires
    (27 % des surfaces d’activités de Paris)

    • 28 % des surfaces de bureaux de plus de 1 000 m2 sont alimentées.
    • 25 % des équipements parisiens sont alimentés
Vers un réseau mixte vapeur-eau chaude pour accueillir les productions ÉnR&R


Projet de mutation vers un réseau mixte vapeur/eau chaude - Illustration

Le réseau de chaleur parisien, comme les réseaux de New York et Moscou, se distingue par une distribution de chaleur par l’intermédiaire de canalisations vapeur. Ce choix technique, pertinent au début du XXe siècle, permet de transporter une grande quantité de chaleur sur de grandes distances depuis les usines d’incinération et de production situées hors Paris jusqu’au centre de Paris. Le Plan Climat fait du réseau de chaleur l’outil incontournable pour atteindre les objectifs de production d’énergies renouvelable et de récupération sur le territoire parisien. Cela passera par l’évolution vers un réseau mixte vapeur-eau chaude que cela soit au travers de la mutation du réseau vapeur existant et/ou de la création de nouvelles boucles d’eau chaude (BEC). Cette évolution permettra :

  1. De mobiliser massivement et de mutualiser les capacités de production locales d’énergies renouvelables et de récupération pour contribuer à l’atteinte des 20 % de production d’ÉnR&R locales à Paris en 2050 fixés dans le Plan Climat. Par exemple, en surdimensionnant les installations de panneaux solaires thermiques sur les tissus des Habitations à Bon Marché (HBM) et en injectant la production sur le réseau pour bénéficier à des bâtiments haussmanniens où leur installation est plus difficile. Ou encore en rendant possible la mise en œuvre concrète de la mutualisation énergétique entre bâtiments aux usages complémentaires.

    Les sources d’énergie renouvelables et de récupération basse température qui peuvent être captées par le réseau de chaleur sur le territoire parisien sont nombreuses et représentent des potentiels variables. Sont ainsi envisageables : la géothermie - profonde ou de surface -, le solaire, la biomasse, la synergie avec le réseau de froid, la valorisation des condensats sans retour au niveau des sous-stations et la récupération de chaleur fatale sur les data centers, les réseaux d’assainissement et d’eau non potable.

    Pour une partie de ces ressources, il existe des travaux d’estimation et de localisation des potentiels comme le cadastre solaire réalisé par l’Apur, l’étude des potentiels de production et de valorisation de chaleur fatale en Île-de-France de l’Ademe, l’étude du Brgm sur la géothermie - une étude d’approfondissement est en cours à la demande de la MGP - ou encore l’étude du potentiel de valorisation de chaleur fatale sur le réseau d’assainissement du SAAP réalisé à la demande de la Ville de Paris.
  2. d’améliorer le rendement global en réduisant les pertes de distribution. Pour le réseau parisien, les pertes de distribution sont de 26 % sur le réseau vapeur et de 10 % sur les boucles d’eau chaude.
  3. de faciliter l’exploitation de l’infrastructure aussi bien au niveau du réseau de distribution qu’en sous-station.

Certaines opérations existantes constituent de bons retours d’expériences et militent pour le développement de boucles d’eau chaude. On peut citer l’opération Paris Nord-Est, le mini-réseau de la DCPA pour alimenter la mairie du XIe, et une école à partir d’un échangeur sur le réseau d’eaux usées de la Section de l’Assainissement de Paris (SAP) ou encore l’opération privée avenue Victor Hugo, dans XVIe arrondissement, avec une combinaison réseau de chaleur et récupération de calories sur le réseau d’eau non potable pour assurer les besoins de chauffage et de climatisation d’un immeuble tertiaire. Néanmoins le passage de la vapeur vers l’eau chaude présente aussi des freins importants qui ont été révélés par le retour d’expérience de conversion réalisée dans le XIXe sur la boucle d’eau chaude (BEC) Ardenne : coût très élevé de ce type de travaux - ~12 millions d’euros pour 4 km dans ce cas -, complexité du chantier qui a occasionné de nombreuses gênes pour les riverains avec la nécessité d’ouvrir l’ensemble des chaussées dans le quartier. Rendre possible la massification de ce type de travaux implique de travailler sur la réduction des coûts et des nuisances générées, mais aussi de sensibiliser les riverains quant à leur intérêt.

© Apur

Note de lecture

La carte ci-dessus vise à illustrer la mutation du réseau vapeur au travers d’un scénario théorique qui consisterait à conserver une armature de transport vapeur pour continuer d’acheminer la chaleur depuis les centrales situées hors de Paris et qui alimenterait un réseau de distribution eau chaude. Cette représentation très synthétique ne prétend pas être une proposition de mutation du réseau. Sources : CPCU, Apur

Rénovation d’un immeuble construit en 1912 situé au 67/69 Avenue Victor Hugo, 75016 Paris. Local technique – machine à absorption
Installation d’un système de chauffage et climatisation reposant sur une stratégie multi-réseaux. Cette technologie, baptisée i-vert, a été développée en partenariat avec la CPCU et Eau de Paris, dont les réseaux respectifs sont partie intégrante du dispositif, et permet d’assurer le chauffage et le rafraîchissement des 11 000 m² de bureaux, logements et du centre d’analyses médicales présents dans l’immeuble.

© Ville de Paris

Retour d’expérience de la Direction des Constructions Publiques
et de l’Architecture (DCPA)

Selon la DCPA, une mutation du réseau vapeur - ou d’une partie - vers un réseau eau chaude semble indispensable pour coller aux besoins mais aussi pour faciliter l’exploitation et la maintenance des centres thermiques. Pour gérer en propre certaines sous-stations eau chaude des nouvelles boucles d’eau chaude (BEC) du réseau de chaleur, la DCPA insiste sur leur robustesse et facilité d’entretien en comparaison à des solutions vapeur ou gaz.

La DCPA mène aussi quelques expérimentations de mini boucles d’eau chaude. La réalisation de ce type d’opération se heurte aujourd’hui à des freins d’ordres juridiques et pose la question de la pertinence de la situation actuelle avec un opérateur unique pour la distribution de chaleur à Paris. Parmi les opérations présentées, on retrouve :

  • la réalisation en propre d’une mini-boucle d’eau chaude pour alimenter la mairie du XIe et une école voisine avec récupération de chaleur sur le réseau d’eaux usées du SAAP. Ce qui permet un taux de couverture de 50 % des besoins de chaleur. Le seul point faible est le prix élevé de l’opération - 1 M d’euros - notamment du fait de son caractère expérimental. Pour le reste, il s’agit d’une solution low-tech facilement reproductible qui représente selon la DCPA un potentiel important. Le développement de Boucles d’eau chaude (BEC) dans le réseau d’égouts avec récupération de calories sur les eaux usées est une piste à creuser ;
  • une opération de géothermie sur sonde à Rungis pour chauffer et rafraîchir le centre horticole ;
  • une opération de géothermie sur nappe dans le XIVe. Le coût de réalisation des forages est encore trop élevé avec un seul foreur qui souhaite travailler sur le territoire parisien. La question de la gestion de la ressource est aussi centrale, l’exemple du Louxor où une mauvaise gestion a conduit à un épuisement de nappe illustre bien cette problématique.
À gauche : principe de fonctionnement du dispositif Suez Degrés Bleus
La solution développée par Suez comprend un échangeur de chaleur placé dans le réseau d’assainissement qui est couplé à une pompe à chaleur. Constitué d’un circuit de canalisation en boucle fermée, l’échangeur transporte une eau qui va être chauffée par la chaleur des eaux usées. Elle parvient ensuite à la pompe qui assure la transition entre le réseau d’assainissement et le circuit de chauffage. Le passage de l’eau par l’échangeur puis la pompe à chaleur permet de rehausser sa température afin de la rendre exploitable pour les systèmes de chauffage et d’eau chaude sanitaire.
À droite : mini boucle d’eau chaude avec récupération de chaleur sur le réseau d’eaux usées (XIe)
La Direction des Constructions Publiques et de l’Architecture de la Ville de Paris (DCPA) expérimente différentes solutions pour assurer les besoins énergétiques des équipements parisiens. La réalisation en propre, sans passer par le concessionnaire du réseau de chaleur de Paris mais avec son accord, d’une boucle d’eau chaude empruntant le domaine public pour alimenter la mairie du XIe et l’école voisine à partir de la récupération de chaleur sur le réseau d’eaux usées du SAAP en est un parfait exemple. Le dispositif mis en place - Degrés Bleus développé par Suez - permet un taux de couverture de 50 % des besoins de chaleur. Si l’on met de côté le coût élevé de l’opération notamment du fait de son caractère expérimental, il s’agit d’une solution low-tech facilement reproductible qui représente selon la DCPA un potentiel important pour le développement de boucles d’eau chaude (BEC).


Conclusion

Le Plan climat de Paris vise 100 % d’ÉnR&R dans sa consommation en 2050 dont 20 % produites localement. Il fait du réseau de chaleur l’un de ses outils principaux, avec comme objectifs un verdissement rapide de son mix énergétique amont - 75 % d’ÉnR&R en 2030, 100 % en 2050 -, ainsi qu’une densification et un développement du réseau. Le renouvellement de la concession portant sur le réseau de chaleur en 2024 est l’occasion d’identifier les atouts et faiblesses de ce réseau et de définir une feuille de route concrète à l’atteinte des objectifs du Plan Climat à travers l’élaboration d’un schéma directeur. L’atteinte de 100 % ÉnR&R dans le mix énergétique du réseau est un objectif qui passe nécessairement par une plus grande sobriété de l’usage de l’énergie. Cette sobriété devra être particulièrement poussée car la récupération de l’énergie fatale de l’incinération des déchets qui représente aujourd’hui la source d’énergie principale devrait être amenée à baisser conformément à la trajectoire zéro déchet non valorisé de la Ville. La sobriété devra donc être comprise comme une meilleure utilisation et une évolution possible de l’infrastructure existante avec plusieurs pistes qui se profilent :

  • un déclassement progressif d’une partie du réseau vapeur au profit de l’eau chaude et des développements futurs exclusivement en eau chaude. La vapeur pourrait devenir à l’avenir le fluide exclusif de la partie transport de l’énergie, et l’eau chaude celui de la distribution locale. Ce changement de modèle est indispensable pour permettre au réseau de capter massivement et mutualiser les ressources ÉnR&R basse température du territoire comme le solaire thermique, la géothermie ou encore la récupération de chaleur fatale.
  • une modification du périmètre de la concession pour rendre possible un élargissement du panel de producteurs de chaleur afin de favoriser l’essor des ÉnR&R locales mais aussi permettre de réintégrer les sous-stations à la concession afin d’améliorer la performance globale du réseau ;
  • une densification au pied du réseau : les travaux menés par l’Apur montrent que le réseau actuel possède un linéaire sous exploité, ainsi la surface de logements et d’activités desservies pourrait passer de 25 millions à près de 33 millions sans extension en raccordant les bâtiments équipés de chauffage collectif à volume de chaleur constant. Les possibilités de réduction des consommations sont nombreuses : résorption des fuites de distribution vapeur, de retour des condensats, et politiques d’amélioration énergétique des bâtiments desservis. Le réseau possède également des opportunités d’extensions importantes, notamment dans les XIe, XVIIIe et XXe arrondissements.
  • le maintien et la mutation vers les ÉnR&R des sites de production existants, voire la recherche de nouvelles emprises en fonction des choix de développement actés par la collectivité.

La trajectoire choisie en matière d’évolution de l’infrastructure existante et de son périmètre de concession déterminera le rôle plus ou moins important que jouera le réseau dans l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone en 2050, mais aussi l’étendue des chantiers nécessaires.


Profiter de la mise en place du Service Public de la Donnée Énergétique (SPDE) pour aller plus loin

Réalisée par l’APC, la Ville de Paris et l’Apur, la mise en place du SPDE représente une opportunité pour aller plus loin en précisant les secteurs d’activité et les modes de chauffage pour isoler le chauffage collectif. Le travail de cartographie et de quantification réalisé dans le cadre de la présente étude pourra faire l’objet de focus spécifiques sur certains secteurs d’activité avec l’introduction de la connaissance des systèmes de chauffage et de l’énergie utilisée. Les données disponibles sur le territoire parisien permettent d’envisager trois focus pour approfondir la connaissance fine des bâtiments parisiens et de leurs besoins énergétiques et préciser/prioriser les opportunités de développement du réseau de chaleur :

  • un premier sur les copropriétés parisiennes avec l’utilisation du registre national des copropriétés qui renseigne les modes de chauffage mais aussi le croisement avec les travaux de l’APC sur le repérage du chauffage au fioul à Paris ;
  • un deuxième sur les équipements de la Ville avec l’aide des données transmises par la DCPA. Deux pistes de travail peuvent être envisagées : le repérage d’équipements ou groupes d’équipements très consommateurs éloignés du réseau qui pourraient justifier de nouveaux développements en boucles d’eau chaude et l’identification des équipements avec des chaudières collectives gaz situés au pied du réseau ;
  • et enfin un dernier sur les logements sociaux avec les données transmises par la Direction du Logement et de l’Habitat (DLH) sur sa connaissance du parc social parisien en matière d’équipement de chauffage et d’eau chaude sanitaire et de consommation énergétique.


Étude Quelles perspectives pour le réseau de chaleur de Paris ?

Septembre 2020

Le
Plan climat de Paris fait du réseau de chaleur l’un des outils essentiels de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre du territoire,
avec comme objectif un verdissement rapide de son mix énergétique amont - 75 % d’ÉnR&R en 2030, 100 % en 2050 -, ainsi qu’une densification et un développement du réseau. Le renouvellement de la concession portant sur le réseau de chaleur en 2024 est l’occasion d’identifier les atouts et faiblesses
de ce réseau et de définir une feuille de route concrète à l’atteinte des objectifs du
Plan Climat à travers l’élaboration d’un schéma directeur. La
présente étude vise à livrer des éléments, notamment cartographiques, pour alimenter les réflexions sur l’évolution du réseau de chaleur parisien
qui bien que révolutionnaire à sa création, se retrouve aujourd’hui confronté à de nombreux enjeux de mutation et d’optimisation
qu’il devra prendre en compte pour être à la hauteur des ambitions qu’on lui porte.


L’Apur, Atelier parisien d’urbanisme,
a pour missions de documenter, analyser
et développer des stratégies prospectives
concernant les évolutions urbaines et sociétales
à Paris et dans la Métropole du Grand Paris.


Quelles perspectives pour le réseau de chaleur de Paris ?

Directrices de la publication : Dominique ALBA, Patricia PELLOUX
Étude réalisée par : Gabriel SÉNÉGAS, Julien BIGORGNE
Sous la direction de : Olivier RICHARD
Cartographie et traitement statistique : Marcelin BOUDEAU, Gabriel SÉNÉGAS
Photos et illustrations : Apur, sauf mention contraire

apur.org