Panorama de la biodiversité francilienne

(2) Les milieux aquatiques et humides : beaucoup à restaurer
Les listes rouges régionales, outils de mesure des menaces pesant sur la biodiversité
La faune et la flore : les principales évolutions
Les outils de protection du patrimoine naturel

 


L’objet de ce panorama est de proposer un regard écologique sur l’Île-de-France. Des synthèses des connaissances acquises sur les facteurs influençant la biodiversité francilienne, son fonctionnement et sa dynamique sont réalisées par grands milieux – agricoles, urbains,
forestiers et humides – et par grands ensembles taxonomiques – la flore, les vertébrés et les invertébrés. Une situation
des politiques de conservation de la nature en Île-de-France est abordée en guise de clôture de ce panorama.

Les milieux aquatiques et humides : beaucoup à restaurer

Évolution de la surface (ha) en plans d'eau entre 1982 et 2017


L’augmentation de la surface en plans d’eau se poursuit à un rythme continu depuis les
premières données en 1982. Elle est la conséquence de l’exploitation de matériaux
alluvionnaires. Si beaucoup de sites réaménagés sont très favorables à la biodiversité, les milieux originels étaient parfois plus riches que les milieux recréés après exploitation.
Source : Évolumos 1982-2017

Actualisation de l'état écologique des cours d'eau d'Île-de-France


Lors de la dernière évaluation, environ un quart des cours d’eau était jugé en bon état écologique. La prochaine évaluation aura lieu en 2020. Source : DRIEE

L’ancienne carrière de Neuvry a été réaménagée avec un objectif écologique : elle fait
désormais partie des meilleurs sites de la région pour observer les oiseaux d’eau. © Agrenaba

Occupation du sol pour l'ensemble des vallées franciliennes



En Île-de-France comme en France, les zones humides ont perdu beaucoup de leur surface au cours du XXème siècle, perte difficile à chiffrer et généralement évaluée à 50 %. La superficie totale des zones humides et aquatiques recoupe en partie celle des autres milieux, puisque certaines forêts sont humides - 6 % des forêts se trouvent en contexte alluvial humide -, certaines zones agricoles de fond de vallée également, et que le milieu urbain compte un certain nombre de plans d’eau. Ces milieux couvrent probablement plus de 4 % du territoire : 1,3 % sont des zones en eau - étangs et rivières - et entre 2 et 3 % sont des zones humides : forêts alluviales, marais, prairies humides...
La région compte 4 557 km de cours d’eau permanents et 3 785 km de cours d’eau intermittents. La mise à jour de la cartographie officielle des cours d’eau a conduit à certains ajustements qui n’ont pas encore été quantifiés. Or la grande majorité de ces linéaires est composée par les petits cours d’eau de tête de bassin, avant leur première ou leur deuxième confluence, caractérisés par des eaux généralement bien oxygénées et froides. De nombreuses espèces sont spécialistes de ces cours d’eau, qui ont fait l’objet de nombreuses dégradations, tant en milieu forestier - passage des engins - qu’en milieu agricole : transformation en fossés rectilignes, écoulements de fertilisants qui provoquent une eutrophisation de l’eau...
De nombreuses rivières présentent encore un caractère remarquable et peu d’interventions suffiraient à leur redonner un caractère presque sauvage : l’Essonne - qui accueille depuis peu le Castor -, le Petit Morin, l’Epte - où frayent les Lamproies marines -, le Loing... La Seine, en amont de Bazoches-les-Bray, présente un faciès encore peu remanié, et l’on y observe encore des colonies d’Hirondelles de rivage sur ses berges. La plupart des cours d’eau ont cependant fait l’objet de nombreuses interventions humaines - curage, rectification, endiguement, création de bras - et ont une fonctionnalité altérée. Quant aux ouvrages hydrauliques, ils ont conduit à la disparition de six des sept poissons migrateurs remontant depuis la mer : seule l’Anguille s’est maintenue. Sur la Seine, 11 des barrages sont déjà équipés de passes à poisson et l’installation est programmée ou en cours pour sept autres, ce qui permet le retour progressif de certaines espèces comme les Aloses et la Lamproie marine. Le cas de la Marne est plus problématique, puisque sur dix barrages, un seul est équipé à ce jour et rien n’est encore prévu pour six d’entre eux.

Données 2011, 2012, 2013



© IAU îdF/ARB îdF, 2019
Sources : IAU îdF, Sdage/PDM, 2016

Les milieux humides associés aux vallées des rivières ont subi de nombreuses modifications. L’industrialisation des vallées à partir du XIXème siècle et l’urbanisation croissante ont été prolongées par une modification drastique des pratiques agricoles à partir de la seconde moitié du XXème siècle, le maraîchage et le pâturage étant abandonnés au profit des cultures au fur et à mesure que les pratiques de drainage s’amélioraient. Aujourd’hui, plus du tiers de la superficie des vallées est artificialisé - nettement au-dessus de la moyenne régionale - et 20 % sont cultivés. Les milieux humides n’y occupent plus que 10 % de l’espace. Le potentiel de restauration des zones humides est fort sur certains milieux cultivés régulièrement inondés, pour lesquels la fonction de stockage des crues paraît être un choix plus bénéfique en termes économiques et environnemental. On compte aussi quelques milliers d’hectares de peupleraies intensives en fond de vallée, plantées sur d’anciens marais, dont on peut imaginer un retour à l’état d’origine tel que cela a été expérimenté dans le Vexin et dans la vallée du Grand Morin.
Du fait de leur disparition rapide, la mise en protection forte a attiré l’attention sur ces espaces. Les 2 260 ha de réserves naturelles régionales et nationales protègent 845 ha de zones humides. De nouveaux milieux humides ont fait leur apparition, aux dépens de zones agricoles ou de milieux humides alluviaux : les plans d’eau issus de carrière. La surface des plans d’eau a augmenté de près de 40 % entre 1981 et 2017 et cela est en grande partie dû aux exploitations de matériaux alluvionnaires.

Les réaménagements après exploitation sont de plus en plus fréquemment faits de manière à favoriser la biodiversité. Ils ont de fait entraîné l’apparition d’espèces jusqu’alors inconnues dans la région, affectionnant les bancs de sable de la Loire, ou des espèces des milieux pionniers dépendantes de perturbations et ayant presque disparu avec l’artificialisation des cours d’eau franciliens. Les communautés d’oiseaux d’eau ont ainsi beaucoup changé : 10 espèces ont disparu depuis le début du XXème siècle et 17 sont apparues ! Parmi les espèces apparues, la Nette rousse a colonisé une partie des plans d’eau de la Bassée et ses effectifs hivernaux dépassent désormais 1 % de la population mondiale, ce qui rend ce secteur potentiellement éligible à la convention Ramsar.
Enfin, les milliers de mares que compte la région ont une importance considérable pour de nombreux invertébrés et pour les amphibiens. On estime leur nombre à environ 30 000, dont plus de la moitié en forêt. Les mares agricoles et prairiales ont en revanche fortement régressé suite aux remembrements agricoles et à la disparition des usages qui leur étaient associés.

Couvrant une petite surface de la région, les milieux humides et aquatiques accueillent une biodiversité extrêmement variée et hautement spécialisée.
Ils constituent, pour le public, un lieu privilégié d’observation de la faune remarquable et un objectif apprécié de promenade. Désormais bien protégés réglementairement, certaines pratiques entraînant leur dégradation persistent néanmoins. Les opérations de restauration écologique engagées par de nombreuses collectivités sont encourageantes et les effacements de seuil se poursuivent bon train. En plus de favoriser la biodiversité, elles ont, dans certaines communes, déjà fait la preuve de leur utilité en termes de protection face au risque d’inondation.

Les vallées sont nettement plus urbanisées que la moyenne régionale.
Les espaces pouvant permettre des restaurations de zones humides demeurent nombreux. Sources : M. Gérard, 2014 ; Mos 2012.

Les listes rouges régionales, outils de mesure des menaces pesant sur la biodiversité

L’essentiel des informations et des connaissances sur la biodiversité régionale repose sur une approche centrée sur les espèces. Les diversités génétique, évolutive, fonctionnelle, sont peu documentées. Parmi les espèces, seule la part dite sauvage est considérée, c’est-à-dire des espèces capables de réaliser leur cycle de vie sans aucune intervention humaine. Les espèces domestiquées, horticoles, ne sont pas étudiées dans ce contexte. Par ailleurs, ces analyses spécifiques souffrent d’un fort travers taxonomique.
Les vertébrés, les plantes vasculaires et quelques sous-groupes de macro-invertébrés populaires chez les naturalistes, comme les papillons ou les libellules, sont surreprésentés, tandis que les invertébrés du sol, poissons, crustacés, champignons... ne sont suivis que par une poignée d’experts franciliens.
Les données disponibles représentent cependant l’ensemble de la chaîne alimentaire et peuvent être considérées comme représentatives d’enjeux majeurs touchant tous les groupes taxonomiques, comme pour l’identification d’espaces naturels patrimoniaux. Pour révéler ces enjeux, la mise en perspective des observations réalisées, des listes rouges et des listes d’espèces mentionnées dans les textes officiels suffit. Néanmoins, cela ne permet pas d’affiner certains enjeux concernant les fonctions et processus naturels. Par exemple, nous ne pouvons en l’état évaluer la qualité écologique des sols forestiers ou des milieux aquatiques, ni cartographier la fonction de pollinisation à une échelle fine et de façon robuste. Les bases de traits d’histoire de vie sont encore trop insuffisantes et sous-utilisées pour répondre à ce type de questionnement.
Les listes rouges régionales consistent en une revue des niveaux de menace pesant sur chacune des espèces d’un groupe taxonomique donné, ainsi que des causes associées. Ce travail est réalisé par un comité d’experts selon une méthodologie stable et déterminée par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Cette standardisation de l’approche permet de comparer les groupes taxonomiques entre eux, les territoires adjacents entre eux, l’état des communautés d’espèces dans divers milieux, et de contextualiser les résultats avec une situation à plus large échelle.

Les mises à jour de ces listes permettent de constater des évolutions dans le temps. Dans la région Île-de-France, les groupes taxonomiques représentant l’essentiel des données disponibles et concernés par les textes législatifs font l’objet de listes rouges, à savoir la flore vasculaire, les oiseaux, les chauves-souris, les amphibiens et reptiles - en cours -, les papillons diurnes, les libellules et, enfin, les sauterelles, grillons et criquets.
Dans la plupart des cas, les proportions d’espèces menacées et éteintes régionalement sont un peu plus élevées que dans les régions adjacentes, mettant en évidence l’influence de la métropole sur l’état de la biodiversité, qui tend à s’améliorer à mesure que l’on s’en éloigne. Presque toujours également, les listes rouges à l’échelle nationale montrent un taux de menace inférieur au niveau francilien. Pourtant, les espèces très localisées et menacées à l’échelle nationale sont presque toutes absentes de la région. Les espèces menacées au niveau régional sont parfois communes au niveau national, trait symptomatique d’une région avec une présence humaine sans égale ailleurs.
La mise à jour de la liste rouge régionale sur les oiseaux nicheurs indique une dégradation de l’état des populations avec de plus en plus d’espèces menacées, constat d’une dégradation des conditions de vie pour la faune sauvage en Île-de-France. On passe d’un quart à près de quatre oiseaux sur dix menacés en cinq ans.

Les bilans des diverses listes rouges permettent d’identifier la dégradation et la disparition des habitats comme le premier facteur de déclin des populations. La simplification des paysages agricoles, l’usage intense de pesticides et l’abandon des systèmes basés sur la polyculture et l’élevage, garant d’une diversité de milieux, sont en cause. La dégradation de certains types de milieux humides a conduit à la raréfaction ou à la disparition de nombreuses espèces. L’extrême pression anthropique de la région, se traduisant par une très forte artificialisation de l’espace, est liée à une perte considérable d’habitats pour la faune et la flore, accrue par la création d’infrastructures de transport fragmentant le territoire. La réduction des milieux ouverts secs dans les cultures et les forêts est évoquée pour les sauterelles, grillons et criquets, et constitue également une cause de déclin connue des reptiles. La disparition des landes, dont la présence reposait sur du pâturage intraforestier, entraîne avec elle la disparition de cortèges d’espèces très spécialisées, aussi bien parmi les sauterelles que les serpents ou les oiseaux. Un autre facteur de déclin est le réchauffement climatique : il ne bénéficie qu’en partie aux espèces des milieux chauds, celles-ci ne s’adaptant pas aux changements avec suffisamment de plasticité, et pénalise fortement les espèces de milieux frais. Enfin, la raréfaction d’espèces peut avoir des conséquences en cascade. Par exemple, on commence à percevoir les conséquences du déclin des insectes pollinisateurs sur les populations de plantes entomophiles.
Toutes les listes rouges réalisées en Île-de-France mènent à un constat relativement alarmant : selon les groupes évalués, entre 25 % et 40 % des espèces sont menacées, qu’il s’agisse de taxons très diversifiés comme celui des plantes, ou de petits ordres tels que les chauves-souris. Presque à chaque fois, ils comptent des espèces déjà éteintes au niveau régional, dans une proportion qui atteint jusqu’à 15 % pour les papillons diurnes. Les espèces des milieux agricoles et des zones humides sont celles qui sont les plus nombreuses à être menacées. L’évolution des pratiques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec le recours à l’agrochimie, l’arrêt du pâturage et le remembrement, a eu des conséquences négatives désormais reconnues sur les êtres vivants. La disparition des zones humides au profit de la mise en culture et de l’urbanisation a privé d’habitat tout un pan de la faune et de la flore.

Pourcentage du nombre de données centralisées
dans la base de données Cettia par grands groupes

Les oiseaux, les plantes, les papillons et les libellules - qui totalisent 70 % des données d’insectes - sont les groupes les plus signalés par les naturalistes participant à Cettia.
Les reptiles et les amphibiens sont assez bien représentés relativement à leur difficulté d’observation et à leur faible nombre d’espèces. Les autres invertébrés, les champignons et les poissons souffrent d’un très faible nombre de données centralisées.

Résultats synthétiques des six listes rouges régionales
élaborées à ce jour en Île-de-France


Leste dryade : une demoiselle en danger d’extinction en Île-de-France. © Jean-Pierre Delapré

La faune et la flore : les principales évolutions

En Île-de-France, comme en France, on assiste à une modification
des communautés végétales en réponse au changement climatique

Préférences thermiques moyennes des communautés végétales
Si les premiers relevés standardisés remontent seulement à 2009, la tendance est significative malgré la courte période. Source : Gabrielle Martin (MnHn), thèse de doctorat, 2018.

Évolution des espèces d'oiseaux en Île-de-France depuis 1900


Des espèces ont disparu et d’autres sont apparues, les deux s’équilibrant relativement. Les changements particulièrement marqués dans les zones humides s’expliquent par la disparition d’un grand nombre de marais et d’espèces qui leur étaient associées - marouettes, limicoles nicheurs -, et l’apparition des plans d’eau de carrière et d’îlots réaménagés : sternes, mouettes, canards plongeurs, échasses. Dans les milieux agricoles, la balance est clairement vers une disparition des espèces. En ville, les apparitions s’expliquent notamment par l’arrivée de trois espèces de goélands sur les toits parisiens. Des espèces introduites se retrouvent également dans différents milieux : Canard mandarin et Bernache du Canada en zones humides, Léiothrix jaune dans les forêts, Perruche à collier en ville. Sources : Le Maréchal P., Laloi D., Lesaffre G., 2013. Les oiseaux d’Île-de-France : nidification, migration, hivernage. Delachaux et Niestlé. Malher F., Laporte O., Barth F., Chevallier L., Letourneau C., Massin Y., Zucca M., 2018. Atlas des oiseaux nicheurs d’Île-de-France : 2009-2014. Corif, Paris. 204 p.

Évolution des populations d'oiseaux communs en Île-de-France
en fonction de leur affinité à un habitat sur la période 2004-2017


Source : tendances issues du Suivi temporel des oiseaux communs (STOC) du programme Vigie-Nature du MnHn.


Des ouvrières de fourmis rouges du genre Myrmica s’affairent autour d’une colonie de pucerons. Une relation mutualiste qui bénéficie aux deux espèces : les pucerons fournissent aux fourmis du miellat constituant pour ces dernières un complément alimentaire riche en sucre. En échange, les fourmis défendent les pucerons contre leurs prédateurs. © Ophélie Ricci | ARB ÎdF

La flore

La flore d’Île-de-France se compose actuellement d’environ 1 600 fougères et plantes à fleurs, dont environ un tiers est menacé. Près de la moitié de ces plantes menacées est associée aux pelouses, prairies ou landes, 30 % aux milieux humides et aquatiques, plus de 15 % aux milieux anthropisés - urbains et agricoles -, et 10 % aux forêts et autres boisements. La destruction, la dégradation et la simplification des habitats sont les principales menaces. Associées au réchauffement climatique, toutes ces pressions induisent un déclin global des populations de plantes et un changement de la composition de leurs communautés.
Les résultats de travaux scientifiques récents exploitant les données du programme Vigie-Flore nous apprennent qu’en Île-de-France :

  • les espèces généralistes et les espèces annuelles remplacent progressivement les espèces spécialistes et les espèces vivaces ;
  • les plantes ne dépendant pas des insectes pour leur pollinisation se maintiennent mieux que les espèces strictement entomophiles, qui pâtissent du déclin de leurs pollinisateurs ;
  • les plantes tolérant des températures élevées se maintiennent mieux que les plantes adaptées à des conditions plus fraîches.

Un Observatoire du climat a été mis en place en 2015 par le parc naturel régional de la haute vallée de Chevreuse en lien avec le Conservatoire botanique national du Bassin parisien. Il a pour objectif de suivre l’évolution de 16 espèces montagnardes particulièrement sensibles au réchauffement climatique dans 52 placettes au fil des années. Ces plantes servent d’indicateurs du changement climatique et ce suivi viendra alimenter les réflexions lors de la mise à jour de la liste rouge régionale.
Environ 200 espèces de plantes bénéficient d’une protection réglementaire en Île-de-France : il est interdit de les cueillir et leurs populations ne doivent pas être détruites lors de projets d’aménagement. Néanmoins, des dérogations sont régulièrement attribuées dans ce dernier cas. La situation des 143 espèces classées en danger critique d’extinction est d’autant plus inquiétante que la moitié d’entre elles ne compte aucune de leurs populations mises à l’abri d’éventuels aménagements au sein d’un espace protégé.

Les vertébrés

La situation du territoire, au centre du Bassin parisien, permet la coexistence d’espèces d’affinité atlantique, continentale, méditerranéenne - ou du moins thermophile - et boréo-alpine. Cette dernière catégorie, cantonnée à quelques vallées et surtout au coeur de gros massifs forestiers, se trouve particulièrement menacée par le réchauffement climatique : des espèces telles que la Mésange boréale, la Vipère péliade ou l’Hermine, disparaissent progressivement de la région. À l’inverse, certaines espèces d’affinité méridionale font leur première apparition dans la région - la Couleuvre verte-et-jaune - ou deviennent plus fréquentes : la Pipistrelle de Kuhl.
Du fait de ses nombreuses mares et de sa situation biogéographique, l’Île-de-France présente une importance particulière pour de nombreuses espèces d’amphibiens. On y trouve par exemple toutes les espèces de tritons de France ! L’enjeu de protection de leur habitat est fort, tout comme celui lié aux problématiques d’écrasement. Pendant leur migration, grenouilles et crapauds traversent des routes et se font écraser en grand nombre. Pour lutter contre ce problème, 26 dispositifs ont été créés de manière volontaire pour permettre aux amphibiens de traverser vivants, et environ 100 000 individus sont ainsi sauvés
chaque année.
Les pratiques agricoles, si elles sont responsables du déclin d’un grand nombre d’espèces, en favorisent certaines. Chevreuils et Sangliers se portent à merveille, et le nombre d’individus tués chaque année à la chasse permet d’appréhender leur niveau de population : respectivement 11 000 et 17 000, soit 8 et 17 fois plus qu’au début des années 1970. Pluviers dorés et Vanneaux huppés apprécient le côté steppique des vastes plaines, et l’on peut y observer des bandes de milliers d’individus en hiver, qui comptent pour une part non négligeable de la population mondiale.
Les actions de conservation ou de protection ont favorisé le retour de certaines espèces remarquables. On a ainsi vu revenir le Castor le long de l’Essonne depuis 2016, le Balbuzard pêcheur se reproduit depuis 2005 dans les marais de Fontenay-le-Vicomte, et l’on attend la preuve de la reproduction de la Cigogne noire, déjà fortement suspectée. Le Chat sauvage fait l’objet d’observations régulières autour du massif de Fontainebleau, et le loup ne manquera pas de faire une apparition prochaine dans la région, au moins en exploration. Si l’on ne peut pas acter le retour du Saumon atlantique dans nos cours d’eau sur la base d’un seul individu pêché à ce jour, l’espoir demeure permis.
Les carrières réaménagées ont permis l’arrivée de la Mouette mélanocéphale, de la Sterne naine et, récemment, du Garrot à œil d’or. Lorsque des efforts conséquents sont fournis, les résultats peuvent advenir assez vite, et contribuer à ouvrir aux Franciliens une fenêtre spectaculaire sur la nature près de chez eux.
Au contraire, ce sont désormais certaines espèces encore abondantes il y a peu qui se raréfient à une vitesse inquiétante. Pipistrelles communes et Noctules communes pourraient bientôt changer de nom, déclinant respectivement de 55 et 75 % en onze ans. La disparition progressive des Moineaux domestiques qui affecte la région parisienne comme d’autres grandes cités européennes doit nous alerter sur l’état de notre environnement urbain. Le déclin des hirondelles et des martinets constitue un sujet de préoccupation qui s’étend au-delà du cercle des spécialistes.

Les invertébrés

Le contour de ce que l’on nomme invertébrés étant presque infini, puisque l’on peut y inclure toutes les bactéries, il est impossible de dresser un état des lieux précis de la plupart des groupes qui le composent. Les papillons de jour, les libellules, les sauterelles et criquets, font partie des groupes pour lesquels les connaissances sont désormais relativement bonnes. Pour d’autres taxons, l’approche par espèce n’est pas toujours envisageable, tant l’identification requiert une connaissance pointue. Un programme de sciences participatives tel que le Suivi photographique des insectes pollinisateurs constitue alors un outil de connaissance précieux.
Plus vite encore que chez les vertébrés, on constate une régression des espèces d’affinité nordique et l’apparition d’espèces méridionales. Cela est par exemple sensible chez les libellules. Les deux espèces de libellules les plus menacées sont caractéristiques des milieux frais et paratourbeux à répartition eurosibérienne - Sympétrum noir et Leucorrhine à gros thorax -, quand des espèces méridionales ont colonisé la région en l’espace de quelques décennies : Anax parthenope, Libellule écarlate. L’étude de la biodiversité des toitures végétales du cœur d’agglomération parisienne a mis en évidence la présence d’espèces méridionales auparavant inconnues dans la région : fourmis, guêpe et même une coccinelle.
Les enjeux de conservation des libellules semblent moins alarmants que ceux des autres insectes. On découvre d’ailleurs encore des espèces auparavant inconnues dans la région : Épithèque bimaculée en 2012, Gomphe serpentin en 2015 et, probablement en erratisme, Sympétrum déprimé en 2018. Du côté des papillons de jour malheureusement, les disparitions sont beaucoup plus nombreuses - 18 espèces depuis 1950 - et ne sont compensées que par de rares apparitions. Citons par exemple l’Azuré du trèfle et l’Azuré de la faucille, deux espèces méridionales d’arrivée récente. La vallée du Petit Morin, où subsistent des pratiques agricoles moins défavorables aux papillons, constitue le dernier bastion d’une espèce dépendante de grands réseaux de prairies associées aux cours d’eau - le Cuivré des marais -, et de nombreux autres insectes peu courants y ont été découverts.

Nous ne disposons pas, à l’échelle de l’Île-de-France, d’études menées sur le long terme nous permettant d’avancer des chiffres sur le déclin des insectes, comme cela a été proposé pour l’Allemagne - -75 % en trente ans dans les zones protégées -, ou en analysant les résultats de 73 études à travers le monde,(en faisant le constat d’un taux de déclin 8 fois supérieur à celui des mammifères, oiseaux et reptiles. Il est cependant certain que les tendances sont du même ordre. Une étude menée par l’ARB ÎdF suggère des réponses variables selon les familles d’insectes, la plus grande chute se trouvant chez les moucherons et apparentés, qui constituent la source de nourriture de nombreux vertébrés, dont les chauves-souris, hirondelles et martinets, tous en déclin. Les entomologistes alertent depuis longtemps sur le cas des espèces associées aux rivières - notamment les Éphémères, Trichoptères et Perles -, dont la plupart des espèces les plus sensibles aux pollutions ont déjà disparu de la région. La raréfaction des pollinisateurs est également problématique en termes d’alimentation humaine, puisque de nombreuses cultures en dépendent, et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture s’inquiète d’une recrudescence du risque de famine dans les prochaines décennies. Dans tous les cas, l’usage des pesticides est désigné comme l’un des principaux responsables, et s’étend au-delà des zones cultivées ; l’étude allemande n’a eu lieu que dans des espaces protégés. L’autre cause majeure de déclin est l’altération des habitats, par dégradation et destruction directe des milieux humides, tourbières, mares, étangs bocagers et forestiers, prairies temporairement inondées - de nombreux insectes se reproduisent dans l’eau - et par l’urbanisation.

Les outils de protection du patrimoine naturel

La prise en compte du patrimoine naturel à caractère exceptionnel

Plusieurs outils de protection existent en Île-de-France. Les mieux connus sont les outils de protection forte : réserves naturelles régionales, nationales et arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB). Le Grenelle de l’environnement a initié une stratégie de création des aires protégées (Scap) sur l’ensemble du territoire français visant à placer au minimum 2 % du territoire terrestre métropolitain sous protection forte d’ici à 2019. En 2011, au démarrage de la Scap, la surface des territoires protégés par une protection forte en Île-de-France approchait 5 000 ha, soit 0,4 % du territoire régional. Entre 2012 et 2019, la surface francilienne d’aires protégées s’est accrue pour atteindre plus de 7 000 ha, soit 0,6 % du territoire régional. Cette augmentation fait suite à la création de deux réserves naturelles régionales - 182 ha -, de sept réserves biologiques intégrales forestières - 786 ha -, de deux APPB - 8,6 ha -, de l’extension de l’APPB dite des Olivettes - 28 ha - et de la création de 19 nouvelles réserves biologiques dirigées : 1 151 ha.
Un autre outil de protection est mis en œuvre par les départements et peut avoir une efficacité équivalente à celle des réserves lorsqu’ils sont accompagnésde plans de gestion : les espaces naturels sensibles. Ils totalisent près de 12 000 ha. Les sites régionaux de l’Agence des espaces verts jouent également ce rôle de protection.
Ces outils de protection ont contribué à préserver notamment des zones humides d’intérêt régional et des milieux ouverts - landes, pelouses - abritant une flore et des insectes menacés. Leur efficacité pour maintenir des populations d’espèces rares est précieuse. Cependant, leur superficie totale est trop faible pour considérer que leur existence suffit à préserver la biodiversité. De fait, 35 % des espèces plantes en danger d’extinction ou en danger critique d’extinction ne comptent aucune station au sein d’un espace en protection réglementaire ou foncière. Quant aux espèces communes, cette faible superficie ne concerne que des parts infimes de leurs populations. Or on assiste depuis quelques décennies à un déclin marqué de ces espèces communes.
Même si tel n’était pas l’esprit du réseau Natura 2000, dont la désignation est basée sur une liste d’espèces considérées comme patrimoniales, la superficie des sites et la nature des mesures, basées sur le soutien à des pratiques d’usage de la nature plus favorables à la biodiversité, permet d’avoir des effets bénéfiques tant sur les espèces communes que sur les espèces rares. Un travail récent a indiqué que l’homogénéisation des espèces constatées dans les campagnes françaises était nettement moindre dans les sites Natura 2000. Ce résultat vient compléter celui sur les mesures agro-environnementales cité précédemment. Cependant, cette couverture de 8 % du territoire francilien par le réseau Natura 2000 est bien inférieure à la moyenne nationale de 13 %, elle-même inférieure à la moyenne européenne de 18 %. L’extension du site Natura 2000 de la vallée du Petit Morin sur 3 589 ha, en cours de validation par la Commission européenne, est une excellente nouvelle et va permettre de faire passer le cap des 100 000 ha couverts par le réseau.
Les parcs naturels régionaux (PNR) permettent également une prise en compte de la biodiversité ordinaire et remarquable à travers les chartes de territoire et l’accompagnement humain auprès des acteurs économiques et publics pour une meilleure prise en compte de la biodiversité. Le projet de création prochaine d’un PNR dans la région des deux Morin constitue une opportunité de travailler à la réconciliation des activités humaines et de la biodiversité.

Des outils encore insuffisamment appliqués pour enrayer le déclin des zones de nature

Si les statuts de protection légale des espèces définis par le code de l’environnement étaient appliqués en tout lieu, ils pourraient assurer la préservation de la quasi-totalité des milieux naturels. Mais les dérogations permettant la destruction de ces espèces protégées sont nombreuses. Plusieurs centaines d’études d’impact sont réalisées chaque année en Île-de- France, et la majorité ne déclenche pas, à tort, de demande de dérogation à la destruction des espèces protégées. En outre, la protection des espèces dites ordinaires, bien qu’établie réglementairement, n’est pas intégrée dans les pratiques des experts de terrain, de l’autorité environnementale et des services instructeurs. La séquence éviter-réduire-compenser est essentiellement mise en œuvre pour les espèces patrimoniales et non pour l’ensemble de la biodiversité. L’objectif d’absence de perte nette de biodiversité, que doivent occasionner les projets depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016, n’est presque jamais atteint. La trame verte et bleue, issue du Grenelle de l’environnement, outil majeur de protection des fonctionnalités et processus du vivant, s’est heurtée au faible niveau d’opposabilité juridique des schémas régionaux de cohérence écologique, qui les rend non prescriptifs. Cependant, les documents d’urbanisme, les différents règlements et zonages, bien que variablement appliqués selon les collectivités, tendent à améliorer la protection des milieux naturels et agricoles.
C’est probablement dans le domaine de la protection des milieux aquatiques et humides que la réglementation est la mieux appliquée, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux présentant un niveau d’opposabilité élevé et le respect de la loi sur l’eau faisant l’objet de contrôles fréquents par l’Agence française pour la biodiversité. La volonté d’atteindre les objectifs européens de bon état des masses d’eau, et les financements importants apportés par l’Agence de l’eau, entraînent de nombreuses opérations de renaturation des rivières, quand les opérations de restauration de milieux terrestres sont beaucoup plus rares.

Espaces protégés - en bleu - et désignés - en gris - en Île-de-France

Seuls les espaces en bleu foncé bénéficient d’une protection règlementaire. RNN/R = réserve naturelle nationale/régionale ; APB = arrêté préfectoral de protection de biotope ; RBD/I = réserve biologique dirigée/intégrale ; ENS = espaces naturels sensibles ; Prif = périmètres régionaux d’intervention foncière de l’Agence des espaces verts ; Znieff = zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. © IAU ÎdF/ARB ÎdF, 2019 Sources : IAU ÎdF, INPN


Réserve naturelle nationale de la Bassée
© Julien Birard | ARB ÎdF

La nouvelle stratégie régionale en faveur de la biodiversité a pour objectif de contribuer à améliorer l’état de la nature en Île-de-France, en s’inscrivant
dans les démarches nationales et internationales, et en visant une transversalité accrue de l’action en matière d’environnement,
qui sera la seule réelle garante de l’efficacité souhaitée.

L'Agence Régionale de la Biodiversité en Île-de-France

L’ARB ÎdF a pour missions d’évaluer l’état de la biodiversité, de suivre son évolution, d’identifier les priorités d’actions régionales,
de diffuser les bonnes pratiques et de sensibiliser le public à sa protection. Celles-ci s’articulent autour des axes suivants :

AXE 1 : Développement des connaissances au service des enjeux de la biodiversité en Île-de-France
AXE 2 : Appui et soutien pour les politiques franciliennes en faveur de la biodiversité
AXE 3 : Ingénierie, formation et expertise auprès des acteurs franciliens
AXE 4 : Sensibilisation sur les enjeux de la biodiversité auprès des Franciliens et contribution à l’action internationale

arb-idf.fr

L'Institut Paris Région

L'Institut Paris Région a pour mission essentielle de réaliser des études et travaux nécessaires à la prise de décision de la Région Île-de-France et de ses partenaires. De l'échelon local à l'échelon des grandes métropoles, il intervient notamment dans de nombreux domaines tels que l'urbanisme, les transports et la mobilité, l'environnement, l'économie et les questions de société. Il apporte son soutien aux politiques d'aménagement et de développement des communes, des intercommunalités et des départements. Il réalise également pour les organismes qui lui en font la demande des études,tant en Île-de-France qu'à l'étranger. Sous la présidence de Valérie Pécresse depuis 2016, l’Institut renforce considérablement ses ressources en environnement en intégrant en son sein, à l’été 2017, l’Agence régionale de la biodiversité, l’Agence régionale énergie-climat, et l’Observatoire régional des déchets. Puis il opère, entre juillet 2018 et le 11 juin 2019, sa transformation juridique de Fondation de recherche en Association Loi 1901, ce qui lui permet d’élargir sa gouvernance à toutes les collectivités locales franciliennes qui le souhaitent et aux grands organismes régionaux agissant dans ses champs de compétence.

institutparisregion.fr


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Panorama de la biodiversité francilienne (2019)



Directeur de la publication
: Fouad Awada
Direction de
l'Agence Régionale de la Biodiversité ÎdF : Julie Collombat-Dubois
Direction de
la communication : Sophie Roquelle
Coordination : Maxime Zucca
Auteur(s) : Maxime Zucca, Grégoire Loïs, Audrey Muratet, Ophélie Ricci
Direction artistique : Olivier Cransac
Conception et réalisation graphiques : David Lopez
Cartographie/infographie : Mustapha Taqarort
Médiatèque/phototèque : Julie Sarris