L’objet
de ce panorama est de proposer un regard écologique sur l’Île-de-France.
Des synthèses des connaissances acquises sur les facteurs influençant
la biodiversité francilienne, son fonctionnement et sa dynamique
sont réalisées par grands milieux – agricoles, urbains,
forestiers et humides – et par grands ensembles taxonomiques –
la flore, les vertébrés et les invertébrés.
Une situation
des politiques de conservation de la nature en Île-de-France est
abordée en guise de clôture de ce panorama.
Les
milieux aquatiques et humides : beaucoup à restaurer |
Évolution
de la surface (ha) en plans d'eau entre 1982 et 2017
L’augmentation de la surface en plans d’eau se poursuit
à un rythme continu depuis les
premières données en 1982. Elle est la conséquence
de l’exploitation de matériaux
alluvionnaires. Si beaucoup de sites réaménagés
sont très favorables à la biodiversité, les
milieux originels étaient parfois plus riches que les milieux
recréés après exploitation.
Source : Évolumos 1982-2017
Actualisation
de l'état écologique des cours d'eau d'Île-de-France
Lors
de la dernière évaluation, environ un quart des
cours d’eau était jugé en bon état
écologique. La prochaine évaluation aura lieu
en 2020. Source : DRIEE
L’ancienne carrière de Neuvry a été
réaménagée avec un objectif écologique
: elle fait
désormais partie des meilleurs sites de la région
pour observer les oiseaux d’eau. © Agrenaba
Occupation
du sol pour l'ensemble des vallées franciliennes
|
En
Île-de-France comme en France, les zones humides ont perdu
beaucoup de leur surface au cours du XXème siècle,
perte difficile à chiffrer et généralement
évaluée à 50 %. La superficie totale des
zones humides et aquatiques recoupe en partie celle des autres
milieux, puisque certaines forêts sont humides - 6 % des
forêts se trouvent en contexte alluvial humide -, certaines
zones agricoles de fond de vallée également, et
que le milieu urbain compte un certain nombre de plans d’eau.
Ces milieux couvrent probablement plus de 4 % du territoire :
1,3 % sont des zones en eau - étangs et rivières
- et entre 2 et 3 % sont des zones humides : forêts alluviales,
marais, prairies humides...
La région compte 4 557 km de cours d’eau permanents
et 3 785 km de cours d’eau intermittents. La mise à
jour de la cartographie officielle des cours d’eau a conduit
à certains ajustements qui n’ont pas encore été
quantifiés. Or la grande majorité de ces linéaires
est composée par les petits cours d’eau de tête
de bassin, avant leur première ou leur deuxième
confluence, caractérisés par des eaux généralement
bien oxygénées et froides. De nombreuses espèces
sont spécialistes de ces cours d’eau, qui ont fait
l’objet de nombreuses dégradations, tant en milieu
forestier - passage des engins - qu’en milieu agricole :
transformation en fossés rectilignes, écoulements
de fertilisants qui provoquent une eutrophisation de l’eau...
De nombreuses rivières présentent encore un caractère
remarquable et peu d’interventions suffiraient à
leur redonner un caractère presque sauvage : l’Essonne
- qui accueille depuis peu le Castor -, le Petit Morin, l’Epte
- où frayent les Lamproies marines -, le Loing... La Seine,
en amont de Bazoches-les-Bray, présente un faciès
encore peu remanié, et l’on y observe encore des
colonies d’Hirondelles de rivage sur ses berges. La plupart
des cours d’eau ont cependant fait l’objet de nombreuses
interventions humaines - curage, rectification, endiguement, création
de bras - et ont une fonctionnalité altérée.
Quant aux ouvrages hydrauliques, ils ont conduit à la disparition
de six des sept poissons migrateurs remontant depuis la mer :
seule l’Anguille s’est maintenue. Sur la Seine, 11
des barrages sont déjà équipés de
passes à poisson et l’installation est programmée
ou en cours pour sept autres, ce qui permet le retour progressif
de certaines espèces comme les Aloses et la Lamproie marine.
Le cas de la Marne est plus problématique, puisque sur
dix barrages, un seul est équipé à ce jour
et rien n’est encore prévu pour six d’entre
eux.
Données
2011, 2012, 2013
© IAU îdF/ARB îdF, 2019
Sources : IAU îdF, Sdage/PDM, 2016
Les
milieux humides associés aux vallées des rivières
ont subi de nombreuses modifications. L’industrialisation
des vallées à partir du XIXème siècle
et l’urbanisation croissante ont été prolongées
par une modification drastique des pratiques agricoles à
partir de la seconde moitié du XXème siècle,
le maraîchage et le pâturage étant abandonnés
au profit des cultures au fur et à mesure que les pratiques
de drainage s’amélioraient. Aujourd’hui, plus
du tiers de la superficie des vallées est artificialisé
- nettement au-dessus de la moyenne régionale - et 20 %
sont cultivés. Les milieux humides n’y occupent plus
que 10 % de l’espace. Le potentiel de restauration des zones
humides est fort sur certains milieux cultivés régulièrement
inondés, pour lesquels la fonction de stockage des crues
paraît être un choix plus bénéfique
en termes économiques et environnemental. On compte aussi
quelques milliers d’hectares de peupleraies intensives en
fond de vallée, plantées sur d’anciens marais,
dont on peut imaginer un retour à l’état d’origine
tel que cela a été expérimenté dans
le Vexin et dans la vallée du Grand Morin.
Du fait de leur disparition rapide, la mise en protection forte
a attiré l’attention sur ces espaces. Les 2 260 ha
de réserves naturelles régionales et nationales
protègent 845 ha de zones humides. De nouveaux milieux
humides ont fait leur apparition, aux dépens de zones agricoles
ou de milieux humides alluviaux : les plans d’eau issus
de carrière. La surface des plans d’eau a augmenté
de près de 40 % entre 1981 et 2017 et cela est en grande
partie dû aux exploitations de matériaux alluvionnaires.
Les
réaménagements après exploitation sont de
plus en plus fréquemment faits de manière à
favoriser la biodiversité. Ils ont de fait entraîné
l’apparition d’espèces jusqu’alors inconnues
dans la région, affectionnant les bancs de sable de la
Loire, ou des espèces des milieux pionniers dépendantes
de perturbations et ayant presque disparu avec l’artificialisation
des cours d’eau franciliens. Les communautés d’oiseaux
d’eau ont ainsi beaucoup changé : 10 espèces
ont disparu depuis le début du XXème siècle
et 17 sont apparues ! Parmi les espèces apparues, la Nette
rousse a colonisé une partie des plans d’eau de la
Bassée et ses effectifs hivernaux dépassent désormais
1 % de la population mondiale, ce qui rend ce secteur potentiellement
éligible à la convention Ramsar.
Enfin, les milliers de mares que compte la région ont une
importance considérable pour de nombreux invertébrés
et pour les amphibiens. On estime leur nombre à environ
30 000, dont plus de la moitié en forêt. Les mares
agricoles et prairiales ont en revanche fortement régressé
suite aux remembrements agricoles et à la disparition des
usages qui leur étaient associés.
Couvrant
une petite surface de la région, les milieux humides et
aquatiques accueillent une biodiversité extrêmement
variée et hautement spécialisée.
Ils constituent, pour le public, un lieu privilégié
d’observation de la faune remarquable et un objectif apprécié
de promenade. Désormais bien protégés réglementairement,
certaines pratiques entraînant leur dégradation persistent
néanmoins. Les opérations de restauration écologique
engagées par de nombreuses collectivités sont encourageantes
et les effacements de seuil se poursuivent bon train. En plus
de favoriser la biodiversité, elles ont, dans certaines
communes, déjà fait la preuve de leur utilité
en termes de protection face au risque d’inondation.
Les
vallées sont nettement plus urbanisées que la moyenne
régionale.
Les espaces pouvant permettre des restaurations de zones humides
demeurent nombreux. Sources : M. Gérard,
2014 ; Mos 2012.
|
Les
listes rouges régionales, outils de mesure des menaces
pesant sur la biodiversité |
L’essentiel
des informations et des connaissances sur la biodiversité
régionale repose sur une approche centrée sur les
espèces. Les diversités génétique,
évolutive, fonctionnelle, sont peu documentées.
Parmi les espèces, seule la part dite sauvage
est considérée, c’est-à-dire des espèces
capables de réaliser leur cycle de vie sans aucune intervention
humaine. Les espèces domestiquées, horticoles, ne
sont pas étudiées dans ce contexte. Par ailleurs,
ces analyses spécifiques souffrent d’un fort travers
taxonomique.
Les vertébrés, les plantes vasculaires et quelques
sous-groupes de macro-invertébrés populaires chez
les naturalistes, comme les papillons ou les libellules, sont
surreprésentés, tandis que les invertébrés
du sol, poissons, crustacés, champignons... ne sont suivis
que par une poignée d’experts franciliens.
Les données disponibles représentent cependant l’ensemble
de la chaîne alimentaire et peuvent être considérées
comme représentatives d’enjeux majeurs touchant tous
les groupes taxonomiques, comme pour l’identification d’espaces
naturels patrimoniaux. Pour révéler ces enjeux,
la mise en perspective des observations réalisées,
des listes rouges et des listes d’espèces mentionnées
dans les textes officiels suffit. Néanmoins, cela ne permet
pas d’affiner certains enjeux concernant les fonctions et
processus naturels. Par exemple, nous ne pouvons en l’état
évaluer la qualité écologique des sols forestiers
ou des milieux aquatiques, ni cartographier la fonction de pollinisation
à une échelle fine et de façon robuste. Les
bases de traits d’histoire de vie sont encore trop insuffisantes
et sous-utilisées pour répondre à ce type
de questionnement.
Les listes rouges régionales consistent en une revue des
niveaux de menace pesant sur chacune des espèces d’un
groupe taxonomique donné, ainsi que des causes associées.
Ce travail est réalisé par un comité d’experts
selon une méthodologie stable et déterminée
par l’Union internationale de conservation de la nature
(UICN). Cette standardisation de l’approche permet de comparer
les groupes taxonomiques entre eux, les territoires adjacents
entre eux, l’état des communautés d’espèces
dans divers milieux, et de contextualiser les résultats
avec une situation à plus large échelle.
Les
mises à jour de ces listes permettent de constater des
évolutions dans le temps. Dans la région Île-de-France,
les groupes taxonomiques représentant l’essentiel
des données disponibles et concernés par les textes
législatifs font l’objet de listes rouges, à
savoir la flore vasculaire, les oiseaux, les chauves-souris, les
amphibiens et reptiles - en cours -, les papillons diurnes, les
libellules et, enfin, les sauterelles, grillons et criquets.
Dans la plupart des cas, les proportions d’espèces
menacées et éteintes régionalement sont un
peu plus élevées que dans les régions adjacentes,
mettant en évidence l’influence de la métropole
sur l’état de la biodiversité, qui tend à
s’améliorer à mesure que l’on s’en
éloigne. Presque toujours également, les listes
rouges à l’échelle nationale montrent un taux
de menace inférieur au niveau francilien. Pourtant, les
espèces très localisées et menacées
à l’échelle nationale sont presque toutes
absentes de la région. Les espèces menacées
au niveau régional sont parfois communes au niveau national,
trait symptomatique d’une région avec une présence
humaine sans égale ailleurs.
La mise à jour de la liste rouge régionale sur les
oiseaux nicheurs indique une dégradation de l’état
des populations avec de plus en plus d’espèces menacées,
constat d’une dégradation des conditions de vie pour
la faune sauvage en Île-de-France. On passe d’un quart
à près de quatre oiseaux sur dix menacés
en cinq ans.
Les
bilans des diverses listes rouges permettent d’identifier
la dégradation et la disparition des habitats comme le
premier facteur de déclin des populations. La simplification
des paysages agricoles, l’usage intense de pesticides et
l’abandon des systèmes basés sur la polyculture
et l’élevage, garant d’une diversité
de milieux, sont en cause. La dégradation de certains types
de milieux humides a conduit à la raréfaction ou
à la disparition de nombreuses espèces. L’extrême
pression anthropique de la région, se traduisant par une
très forte artificialisation de l’espace, est liée
à une perte considérable d’habitats pour la
faune et la flore, accrue par la création d’infrastructures
de transport fragmentant le territoire. La réduction des
milieux ouverts secs dans les cultures et les forêts est
évoquée pour les sauterelles, grillons et criquets,
et constitue également une cause de déclin connue
des reptiles. La disparition des landes, dont la présence
reposait sur du pâturage intraforestier, entraîne
avec elle la disparition de cortèges d’espèces
très spécialisées, aussi bien parmi les sauterelles
que les serpents ou les oiseaux. Un autre facteur de déclin
est le réchauffement climatique : il ne bénéficie
qu’en partie aux espèces des milieux chauds, celles-ci
ne s’adaptant pas aux changements avec suffisamment de plasticité,
et pénalise fortement les espèces de milieux frais.
Enfin, la raréfaction d’espèces peut avoir
des conséquences en cascade. Par exemple, on commence à
percevoir les conséquences du déclin des insectes
pollinisateurs sur les populations de plantes entomophiles.
Toutes les listes rouges réalisées en Île-de-France
mènent à un constat relativement alarmant : selon
les groupes évalués, entre 25 % et 40 % des espèces
sont menacées, qu’il s’agisse de taxons très
diversifiés comme celui des plantes, ou de petits ordres
tels que les chauves-souris. Presque à chaque fois, ils
comptent des espèces déjà éteintes
au niveau régional, dans une proportion qui atteint jusqu’à
15 % pour les papillons diurnes. Les espèces des milieux
agricoles et des zones humides sont celles qui sont les plus nombreuses
à être menacées. L’évolution
des pratiques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec
le recours à l’agrochimie, l’arrêt du
pâturage et le remembrement, a eu des conséquences
négatives désormais reconnues sur les êtres
vivants. La disparition des zones humides au profit de la mise
en culture et de l’urbanisation a privé d’habitat
tout un pan de la faune et de la flore.
|
Pourcentage
du nombre de données centralisées
dans la base de données Cettia par grands groupes
Les
oiseaux, les plantes, les papillons et les libellules - qui totalisent
70 % des données d’insectes - sont les groupes les
plus signalés par les naturalistes participant à
Cettia.
Les reptiles et les amphibiens sont assez bien représentés
relativement à leur difficulté d’observation
et à leur faible nombre d’espèces. Les autres
invertébrés, les champignons et les poissons souffrent
d’un très faible nombre de données centralisées.
Résultats
synthétiques des six listes rouges régionales
élaborées à ce jour en Île-de-France
Leste
dryade : une demoiselle en danger d’extinction en Île-de-France.
© Jean-Pierre Delapré |
La
faune et la flore : les principales évolutions |
En
Île-de-France, comme en France, on assiste à une
modification
des communautés végétales en réponse
au changement climatique
Préférences
thermiques moyennes des communautés végétales
Si les premiers relevés standardisés remontent seulement
à 2009, la tendance est significative malgré la
courte période. Source : Gabrielle Martin
(MnHn), thèse de doctorat, 2018.
Évolution
des espèces d'oiseaux en Île-de-France depuis 1900
Des
espèces ont disparu et d’autres sont apparues, les
deux s’équilibrant relativement. Les changements
particulièrement marqués dans les zones humides
s’expliquent par la disparition d’un grand nombre
de marais et d’espèces qui leur étaient associées
- marouettes, limicoles nicheurs -, et l’apparition des
plans d’eau de carrière et d’îlots réaménagés
: sternes, mouettes, canards plongeurs, échasses. Dans
les milieux agricoles, la balance est clairement vers une disparition
des espèces. En ville, les apparitions s’expliquent
notamment par l’arrivée de trois espèces de
goélands sur les toits parisiens. Des espèces introduites
se retrouvent également dans différents milieux
: Canard mandarin et Bernache du Canada en zones humides, Léiothrix
jaune dans les forêts, Perruche à collier en ville.
Sources : Le Maréchal P., Laloi D., Lesaffre
G., 2013. Les oiseaux d’Île-de-France : nidification,
migration, hivernage. Delachaux et Niestlé. Malher F.,
Laporte O., Barth F., Chevallier L., Letourneau C., Massin Y.,
Zucca M., 2018. Atlas des oiseaux nicheurs d’Île-de-France
: 2009-2014. Corif, Paris. 204 p.
Évolution
des populations d'oiseaux communs en Île-de-France
en fonction de leur affinité à un habitat sur la
période 2004-2017
Source
: tendances issues du Suivi temporel des oiseaux communs (STOC)
du programme Vigie-Nature du MnHn.
Des
ouvrières de fourmis rouges du genre Myrmica s’affairent
autour d’une colonie de pucerons. Une relation mutualiste
qui bénéficie aux deux espèces : les pucerons
fournissent aux fourmis du miellat constituant pour ces dernières
un complément alimentaire riche en sucre. En échange,
les fourmis défendent les pucerons contre leurs prédateurs.
© Ophélie Ricci | ARB ÎdF
|
La
flore
La
flore d’Île-de-France se compose actuellement d’environ
1 600 fougères et plantes à fleurs, dont environ
un tiers est menacé. Près de la moitié de
ces plantes menacées est associée aux pelouses,
prairies ou landes, 30 % aux milieux humides et aquatiques, plus
de 15 % aux milieux anthropisés - urbains et agricoles
-, et 10 % aux forêts et autres boisements. La destruction,
la dégradation et la simplification des habitats sont les
principales menaces. Associées au réchauffement
climatique, toutes ces pressions induisent un déclin global
des populations de plantes et un changement de la composition
de leurs communautés.
Les résultats de travaux scientifiques récents exploitant
les données du programme Vigie-Flore nous apprennent qu’en
Île-de-France :
-
les
espèces généralistes et les espèces
annuelles remplacent progressivement les espèces spécialistes
et les espèces vivaces ;
-
les
plantes ne dépendant pas des insectes pour leur pollinisation
se maintiennent mieux que les espèces strictement entomophiles,
qui pâtissent du déclin de leurs pollinisateurs
;
-
les
plantes tolérant des températures élevées
se maintiennent mieux que les plantes adaptées à
des conditions plus fraîches.
Un Observatoire du climat a été mis en place en
2015 par le parc naturel régional de la haute vallée
de Chevreuse en lien avec le Conservatoire botanique national
du Bassin parisien. Il a pour objectif de suivre l’évolution
de 16 espèces montagnardes particulièrement sensibles
au réchauffement climatique dans 52 placettes au fil des
années. Ces plantes servent d’indicateurs du changement
climatique et ce suivi viendra alimenter les réflexions
lors de la mise à jour de la liste rouge régionale.
Environ 200 espèces de plantes bénéficient
d’une protection réglementaire en Île-de-France
: il est interdit de les cueillir et leurs populations ne doivent
pas être détruites lors de projets d’aménagement.
Néanmoins, des dérogations sont régulièrement
attribuées dans ce dernier cas. La situation des 143 espèces
classées en danger critique d’extinction
est d’autant plus inquiétante que la moitié
d’entre elles ne compte aucune de leurs populations mises
à l’abri d’éventuels aménagements
au sein d’un espace protégé.
Les
vertébrés
La
situation du territoire, au centre du Bassin parisien, permet
la coexistence d’espèces d’affinité
atlantique, continentale, méditerranéenne - ou du
moins thermophile - et boréo-alpine. Cette dernière
catégorie, cantonnée à quelques vallées
et surtout au coeur de gros massifs forestiers, se trouve particulièrement
menacée par le réchauffement climatique : des espèces
telles que la Mésange boréale, la Vipère
péliade ou l’Hermine, disparaissent progressivement
de la région. À l’inverse, certaines espèces
d’affinité méridionale font leur première
apparition dans la région - la Couleuvre verte-et-jaune
- ou deviennent plus fréquentes : la Pipistrelle de Kuhl.
Du fait de ses nombreuses mares et de sa situation biogéographique,
l’Île-de-France présente une importance particulière
pour de nombreuses espèces d’amphibiens. On y trouve
par exemple toutes les espèces de tritons de France ! L’enjeu
de protection de leur habitat est fort, tout comme celui lié
aux problématiques d’écrasement. Pendant leur
migration, grenouilles et crapauds traversent des routes et se
font écraser en grand nombre. Pour lutter contre ce problème,
26 dispositifs ont été créés de manière
volontaire pour permettre aux amphibiens de traverser vivants,
et environ 100 000 individus sont ainsi sauvés
chaque
année.
Les pratiques agricoles, si elles sont responsables du déclin
d’un grand nombre d’espèces, en favorisent
certaines. Chevreuils et Sangliers se portent à merveille,
et le nombre d’individus tués chaque année
à la chasse permet d’appréhender leur niveau
de population : respectivement 11 000 et 17 000, soit 8 et 17
fois plus qu’au début des années 1970. Pluviers
dorés et Vanneaux huppés apprécient le côté
steppique des vastes plaines, et l’on peut y observer
des bandes de milliers d’individus en hiver, qui comptent
pour une part non négligeable de la population mondiale.
Les actions de conservation ou de protection ont favorisé
le retour de certaines espèces remarquables. On a ainsi
vu revenir le Castor le long de l’Essonne depuis 2016, le
Balbuzard pêcheur se reproduit depuis 2005 dans les marais
de Fontenay-le-Vicomte, et l’on attend la preuve de la reproduction
de la Cigogne noire, déjà fortement suspectée.
Le Chat sauvage fait l’objet d’observations régulières
autour du massif de Fontainebleau, et le loup ne manquera pas
de faire une apparition prochaine dans la région, au moins
en exploration. Si l’on ne peut pas acter le retour du Saumon
atlantique dans nos cours d’eau sur la base d’un seul
individu pêché à ce jour, l’espoir demeure
permis.
Les carrières réaménagées ont permis
l’arrivée de la Mouette mélanocéphale,
de la Sterne naine et, récemment, du Garrot à œil
d’or. Lorsque des efforts conséquents sont fournis,
les résultats peuvent advenir assez vite, et contribuer
à ouvrir aux Franciliens une fenêtre spectaculaire
sur la nature près de chez eux.
Au contraire, ce sont désormais certaines espèces
encore abondantes il y a peu qui se raréfient à
une vitesse inquiétante. Pipistrelles communes et Noctules
communes pourraient bientôt changer de nom, déclinant
respectivement de 55 et 75 % en onze ans. La disparition progressive
des Moineaux domestiques qui affecte la région parisienne
comme d’autres grandes cités européennes doit
nous alerter sur l’état de notre environnement urbain.
Le déclin des hirondelles et des martinets constitue un
sujet de préoccupation qui s’étend au-delà
du cercle des spécialistes.
Les
invertébrés
Le
contour de ce que l’on nomme invertébrés
étant presque infini, puisque l’on peut y inclure
toutes les bactéries, il est impossible de dresser un état
des lieux précis de la plupart des groupes qui le composent.
Les papillons de jour, les libellules, les sauterelles et criquets,
font partie des groupes pour lesquels les connaissances sont désormais
relativement bonnes. Pour d’autres taxons, l’approche
par espèce n’est pas toujours envisageable, tant
l’identification requiert une connaissance pointue. Un programme
de sciences participatives tel que le Suivi photographique des
insectes pollinisateurs constitue alors un outil de connaissance
précieux.
Plus vite encore que chez les vertébrés, on constate
une régression des espèces d’affinité
nordique et l’apparition d’espèces méridionales.
Cela est par exemple sensible chez les libellules. Les deux espèces
de libellules les plus menacées sont caractéristiques
des milieux frais et paratourbeux à répartition
eurosibérienne - Sympétrum noir et Leucorrhine à
gros thorax -, quand des espèces méridionales ont
colonisé la région en l’espace de quelques
décennies : Anax parthenope, Libellule écarlate.
L’étude de la biodiversité des toitures végétales
du cœur d’agglomération parisienne a mis en
évidence la présence d’espèces méridionales
auparavant inconnues dans la région : fourmis, guêpe
et même une coccinelle.
Les enjeux de conservation des libellules semblent moins alarmants
que ceux des autres insectes. On découvre d’ailleurs
encore des espèces auparavant inconnues dans la région
: Épithèque bimaculée en 2012, Gomphe serpentin
en 2015 et, probablement en erratisme, Sympétrum déprimé
en 2018. Du côté des papillons de jour malheureusement,
les disparitions sont beaucoup plus nombreuses - 18 espèces
depuis 1950 - et ne sont compensées que par de rares apparitions.
Citons par exemple l’Azuré du trèfle et l’Azuré
de la faucille, deux espèces méridionales d’arrivée
récente. La vallée du Petit Morin, où subsistent
des pratiques agricoles moins défavorables aux papillons,
constitue le dernier bastion d’une espèce dépendante
de grands réseaux de prairies associées aux cours
d’eau - le Cuivré des marais -, et de nombreux autres
insectes peu courants y ont été découverts.
Nous
ne disposons pas, à l’échelle de l’Île-de-France,
d’études menées sur le long terme nous permettant
d’avancer des chiffres sur le déclin des insectes,
comme cela a été proposé pour l’Allemagne
- -75 % en trente ans dans les zones protégées -,
ou en analysant les résultats de 73 études à
travers le monde,(en faisant le constat d’un taux de déclin
8 fois supérieur à celui des mammifères,
oiseaux et reptiles. Il est cependant certain que les tendances
sont du même ordre. Une étude menée par l’ARB
ÎdF suggère des réponses variables selon les
familles d’insectes, la plus grande chute se trouvant chez
les moucherons et apparentés, qui constituent la source
de nourriture de nombreux vertébrés, dont les chauves-souris,
hirondelles et martinets, tous en déclin. Les entomologistes
alertent depuis longtemps sur le cas des espèces associées
aux rivières - notamment les Éphémères,
Trichoptères et Perles -, dont la plupart des espèces
les plus sensibles aux pollutions ont déjà disparu
de la région. La raréfaction des pollinisateurs
est également problématique en termes d’alimentation
humaine, puisque de nombreuses cultures en dépendent, et
l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation
et l’agriculture s’inquiète d’une recrudescence
du risque de famine dans les prochaines décennies. Dans
tous les cas, l’usage des pesticides est désigné
comme l’un des principaux responsables, et s’étend
au-delà des zones cultivées ; l’étude
allemande n’a eu lieu que dans des espaces protégés.
L’autre cause majeure de déclin est l’altération
des habitats, par dégradation et destruction directe des
milieux humides, tourbières, mares, étangs bocagers
et forestiers, prairies temporairement inondées - de nombreux
insectes se reproduisent dans l’eau - et par l’urbanisation.
|
Les
outils de protection du patrimoine naturel |
La
prise en compte du patrimoine naturel à caractère
exceptionnel
Plusieurs
outils de protection existent en Île-de-France. Les mieux
connus sont les outils de protection forte : réserves naturelles
régionales, nationales et arrêtés préfectoraux
de protection de biotope (APPB). Le Grenelle de l’environnement
a initié une stratégie de création des aires
protégées (Scap) sur l’ensemble du territoire
français visant à placer au minimum 2 % du territoire
terrestre métropolitain sous protection forte d’ici
à 2019. En 2011, au démarrage de la Scap, la surface
des territoires protégés par une protection forte
en Île-de-France approchait 5 000 ha, soit 0,4 % du territoire
régional. Entre 2012 et 2019, la surface francilienne d’aires
protégées s’est accrue pour atteindre plus
de 7 000 ha, soit 0,6 % du territoire régional. Cette augmentation
fait suite à la création de deux réserves
naturelles régionales - 182 ha -, de sept réserves
biologiques intégrales forestières - 786 ha -, de
deux APPB - 8,6 ha -, de l’extension de l’APPB dite
des Olivettes - 28 ha - et de la création de 19 nouvelles
réserves biologiques dirigées : 1 151 ha.
Un autre outil de protection est mis en œuvre par les départements
et peut avoir une efficacité équivalente à
celle des réserves lorsqu’ils sont accompagnésde
plans de gestion : les espaces naturels sensibles. Ils totalisent
près de 12 000 ha. Les sites régionaux de l’Agence
des espaces verts jouent également ce rôle de protection.
Ces outils de protection ont contribué à préserver
notamment des zones humides d’intérêt régional
et des milieux ouverts - landes, pelouses - abritant une flore
et des insectes menacés. Leur efficacité pour maintenir
des populations d’espèces rares est précieuse.
Cependant, leur superficie totale est trop faible pour considérer
que leur existence suffit à préserver la biodiversité.
De fait, 35 % des espèces plantes en danger d’extinction
ou en danger critique d’extinction ne comptent
aucune station au sein d’un espace en protection réglementaire
ou foncière. Quant aux espèces communes, cette faible
superficie ne concerne que des parts infimes de leurs populations.
Or on assiste depuis quelques décennies à un déclin
marqué de ces espèces communes.
Même si tel n’était pas l’esprit du réseau
Natura 2000, dont la désignation est basée sur une
liste d’espèces considérées comme patrimoniales,
la superficie des sites et la nature des mesures, basées
sur le soutien à des pratiques d’usage de la nature
plus favorables à la biodiversité, permet d’avoir
des effets bénéfiques tant sur les espèces
communes que sur les espèces rares. Un travail récent
a indiqué que l’homogénéisation des
espèces constatées dans les campagnes françaises
était nettement moindre dans les sites Natura 2000. Ce
résultat vient compléter celui sur les mesures agro-environnementales
cité précédemment. Cependant, cette couverture
de 8 % du territoire francilien par le réseau Natura 2000
est bien inférieure à la moyenne nationale de 13
%, elle-même inférieure à la moyenne européenne
de 18 %. L’extension du site Natura 2000 de la vallée
du Petit Morin sur 3 589 ha, en cours de validation par la Commission
européenne, est une excellente nouvelle et va permettre
de faire passer le cap des 100 000 ha couverts par le réseau.
Les parcs naturels régionaux (PNR) permettent également
une prise en compte de la biodiversité ordinaire et remarquable
à travers les chartes de territoire et l’accompagnement
humain auprès des acteurs économiques et publics
pour une meilleure prise en compte de la biodiversité.
Le projet de création prochaine d’un PNR dans la
région des deux Morin constitue une opportunité
de travailler à la réconciliation des activités
humaines et de la biodiversité.
Des
outils encore insuffisamment appliqués pour enrayer le
déclin des zones de nature
Si
les statuts de protection légale des espèces définis
par le code de l’environnement étaient appliqués
en tout lieu, ils pourraient assurer la préservation de
la quasi-totalité des milieux naturels. Mais les dérogations
permettant la destruction de ces espèces protégées
sont nombreuses. Plusieurs centaines d’études d’impact
sont réalisées chaque année en Île-de-
France, et la majorité ne déclenche pas, à
tort, de demande de dérogation à la destruction
des espèces protégées. En outre, la protection
des espèces dites ordinaires, bien qu’établie
réglementairement, n’est pas intégrée
dans les pratiques des experts de terrain, de l’autorité
environnementale et des services instructeurs. La séquence
éviter-réduire-compenser est essentiellement mise
en œuvre pour les espèces patrimoniales et non pour
l’ensemble de la biodiversité. L’objectif d’absence
de perte nette de biodiversité, que doivent occasionner
les projets depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité
de 2016, n’est presque jamais atteint. La trame verte et
bleue, issue du Grenelle de l’environnement, outil majeur
de protection des fonctionnalités et processus du vivant,
s’est heurtée au faible niveau d’opposabilité
juridique des schémas régionaux de cohérence
écologique, qui les rend non prescriptifs. Cependant, les
documents d’urbanisme, les différents règlements
et zonages, bien que variablement appliqués selon les collectivités,
tendent à améliorer la protection des milieux naturels
et agricoles.
C’est probablement dans le domaine de la protection des
milieux aquatiques et humides que la réglementation est
la mieux appliquée, les schémas directeurs d’aménagement
et de gestion des eaux présentant un niveau d’opposabilité
élevé et le respect de la loi sur l’eau faisant
l’objet de contrôles fréquents par l’Agence
française pour la biodiversité. La volonté
d’atteindre les objectifs européens de bon état
des masses d’eau, et les financements importants apportés
par l’Agence de l’eau, entraînent de nombreuses
opérations de renaturation des rivières, quand les
opérations de restauration de milieux terrestres sont beaucoup
plus rares. |
Espaces
protégés - en bleu - et désignés -
en gris - en Île-de-France
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Seuls
les espaces en bleu foncé bénéficient d’une
protection règlementaire. RNN/R = réserve
naturelle nationale/régionale ; APB = arrêté
préfectoral de protection de biotope ; RBD/I = réserve
biologique dirigée/intégrale ; ENS = espaces naturels
sensibles ; Prif = périmètres régionaux d’intervention
foncière de l’Agence des espaces verts ; Znieff = zone
naturelle d’intérêt écologique, faunistique
et floristique. ©
IAU ÎdF/ARB ÎdF, 2019 Sources : IAU ÎdF, INPN |
Réserve naturelle nationale de la Bassée
© Julien Birard | ARB ÎdF
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La
nouvelle stratégie régionale en faveur de la biodiversité
a pour objectif de contribuer à améliorer l’état
de la nature en Île-de-France, en s’inscrivant
dans les démarches nationales et internationales, et en
visant une transversalité accrue de l’action en matière
d’environnement,
qui sera la seule réelle garante de l’efficacité
souhaitée. |
L'Agence
Régionale de la Biodiversité en Île-de-France
L’ARB
ÎdF a pour missions d’évaluer l’état
de la biodiversité, de suivre son évolution, d’identifier
les priorités d’actions régionales,
de diffuser les bonnes pratiques et de sensibiliser le public
à sa protection. Celles-ci s’articulent autour des
axes suivants :
AXE
1 : Développement des connaissances au service des enjeux
de la biodiversité en Île-de-France
AXE 2 : Appui et soutien pour les politiques franciliennes en
faveur de la biodiversité
AXE 3 : Ingénierie, formation et expertise auprès
des acteurs franciliens
AXE 4 : Sensibilisation sur les enjeux de la biodiversité
auprès des Franciliens et contribution à l’action
internationale
arb-idf.fr
L'Institut
Paris Région
L'Institut
Paris Région a pour mission essentielle de réaliser
des études et travaux nécessaires à la prise
de décision de la Région Île-de-France et
de ses partenaires. De l'échelon local à l'échelon
des grandes métropoles, il intervient notamment dans de
nombreux domaines tels que l'urbanisme, les transports et la mobilité,
l'environnement, l'économie et les questions de société.
Il apporte son soutien aux politiques d'aménagement et
de développement des communes, des intercommunalités
et des départements. Il réalise également
pour les organismes qui lui en font la demande des études,tant
en Île-de-France qu'à l'étranger.
Sous la présidence de Valérie Pécresse depuis
2016, l’Institut renforce considérablement
ses ressources en environnement en intégrant en son sein,
à l’été 2017, l’Agence régionale
de la biodiversité, l’Agence régionale
énergie-climat, et l’Observatoire régional
des déchets. Puis il opère, entre juillet 2018
et le 11 juin 2019, sa transformation juridique de Fondation de
recherche en Association Loi 1901, ce qui lui permet d’élargir
sa gouvernance à toutes les collectivités locales
franciliennes qui le souhaitent et aux grands organismes régionaux
agissant dans ses champs de compétence.
institutparisregion.fr |
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Panorama
de la biodiversité francilienne (2019)
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Directeur de la publication : Fouad Awada
Direction de l'Agence
Régionale de la Biodiversité ÎdF
:
Julie Collombat-Dubois
Direction de la
communication
:
Sophie Roquelle
Coordination : Maxime Zucca
Auteur(s)
: Maxime Zucca, Grégoire Loïs, Audrey Muratet,
Ophélie Ricci
Direction artistique : Olivier Cransac
Conception et réalisation graphiques : David
Lopez
Cartographie/infographie : Mustapha Taqarort
Médiatèque/phototèque : Julie
Sarris |
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