La
Liste rouge régionale mesure le degré de menace pesant sur
les 178 espèces d’oiseaux nicheurs en Île-de-France.
Ce travail de synthèse a été réalisé
par un groupe de spécialistes, des ornithologues, issus de différentes
structures franciliennes, qui ont apporté leur expertise pour la
vérification des données et ont procédé à
la validation collégiale des résultats. Pour dresser ce
bilan, le travail préparatoire s’est appuyé sur les
nombreux travaux existants portant sur l’avifaune reproductrice
régionale et des alentours, dont certains sont considérés
comme incontournables quand il s’agit de déterminer le statut
francilien d’une espèce d’oiseau. Cependant, l’élaboration
en 2012 d’une Liste rouge régionale appliquant la méthodologie
officielle établie par l’UICN, constitue une référence
nouvelle et incontestée en ce qui concerne l’évaluation
des menaces pesant sur les oiseaux nicheurs en région Île-de-France.
Des
groupes d’espèces particulièrement menacés
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La moitié des rapaces nicheurs d’Île-de-France
menacés ou disparus
Situés
au sommet de la chaîne alimentaire, les rapaces diurnes
et nocturnes sont de bons indicateurs de l’état
de santé d’un écosystème : leur présence
témoigne de l’abondance des espèces animales
et végétales situées à des niveaux
trophiques inférieurs. L’Île-de-France accueille
seize espèces de rapaces nicheurs. Trois autres espèces
sont considérées comme des nicheurs marginaux
(NAb) et n’ont donc pas été évaluées.
Il s’agit du Hibou des marais (Asio flammeus),
du Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) et du
Circaète jean-le-blanc (Circaetus gallicus).
Ces seize espèces représentent un peu moins de
la moitié des rapaces se reproduisant sur le territoire
national (N = 35). Si l’on isole ces seize espèces
de rapaces et que l’on se penche sur leur statut dans
la région, on s’aperçoit que 50 % sont menacées
ou disparues. À titre de comparaison, sur ces seize espèces,
deux seulement sont classées Vulnérables
en France - Busard des roseaux et Busard cendré - et
toutes les autres sont situées en Préoccupation
mineure. Une fois de plus, ce contraste entre la situation
francilienne et la situation nationale apparaît très
inquiétant.
Cependant, une des conséquences déjà mentionnée
de l’application régionale des critères
de l’UICN peut être particulièrement marquée
pour ce groupe d’espèces. En effet, les rapaces
sont des oiseaux qui défendent souvent de grands territoires
et présentent donc de faibles densités. Par conséquent,
leurs effectifs sont souvent plus faibles que ceux de la majorité
des autres espèces d’oiseaux. À titre d’exemple,
une espèce comme le Milan noir (Milvus migrans),
en expansion et en augmentation dans la région, est tout
de même classée Vulnérable du fait
de la taille réduite de sa population. Néanmoins,
si on considère le statut national des trente-cinq espèces
de rapaces nicheurs en France, la situation francilienne semble
malheureusement beaucoup moins atypique. À l’échelle
nationale, on constate également qu’environ 50
% des rapaces sont menacés. L’évaluation
de la situation en Île-de-France semble donc s’intégrer
dans une réalité plus générale qui
illustre un mauvais état de conservation des populations
d’oiseaux de proie à différentes échelles.
Parmi les principales menaces qui pèsent sur la biodiversité
dans sa globalité se trouvent la fragmentation et la
transformation des habitats, en lien avec l’urbanisation
croissante ou l’intensification de l’agriculture.
Or, les grands prédateurs, dont font partie les rapaces,
sont souvent les plus affectés par ces changements globaux
qui impactent de manière directe la disponibilité
en territoires de nidification et l’abondance de leurs
proies.
Parmi les exemples les plus frappants, on peut citer le cas
du Busard des roseaux (Circus aeruginosus) classé
En danger critique d’extinction en Île-de-France
en raison de l’effondrement de ses effectifs nicheurs
- un à trois couples aujourd’hui - et du mauvais
état de conservation des habitats qui lui sont favorables.
Le Busard cendré (CR) et le Busard Saint-Martin (VU)
suivent la même pente négative, plus critique dans
le premier cas que dans le second, mais inquiétante pour
les deux. On peut également mentionner la situation de
l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), espèce
discrète, difficilement détectable, et dont les
effectifs franciliens sont par conséquent sous-estimés.
Elle est classée En danger en raison de la
faiblesse de sa population. Plus à l’est en Europe,
cette espèce se reproduit jusqu’au coeur des villes
dans les parcs urbains. Cependant, bien que les tendances soient
très difficiles à évaluer pour cet oiseau
discret, au regard des moeurs et des exigences qu’on lui
connaît dans la région, il est peu probable que
la population francilienne d’Autour des palombes atteigne
dans un avenir proche une taille susceptible de sortir l’espèce
des catégories de menace définies par l’UICN.
À moins que les oiseaux franciliens ne modifient leur
comportement et viennent à s’adapter à des
milieux plus perturbés, il est nettement plus probable
que cette espèce, qui affectionne les massifs forestiers
suffisamment grands et calmes, soit défavorisée
par le morcellement et la surfréquentation qui menacent
les forêts d’Île-de-France.
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Les
migrateurs au long cours plus menacés que les migrateurs
courte distance
En France comme en Europe, les migrateurs au long cours ou transsahariens
accusent des déclins plus marqués que les espèces
sédentaires ou migrantes sur de courtes distances. Les
raisons de ces déclins sont multiples : qualité
des sites d’hivernage, de halte et de nidification ; impact
du réchauffement climatique sur les conditions météorologiques
pendant la migration ; décalage accru entre l'apparition
des proies au printemps et la période de nidification
des migrateurs. L’Île-de-France n’échappe
pas à la règle : sur cinquante- deux migrateurs
au long cours évalués, seuls dix-sept sont classés
en Préoccupation mineure. Les deux-tiers des
espèces nichant en Île-de-France et hivernant en
Afrique sont donc éteints, menacés ou presque
menacés ! 70 % des oiseaux nicheurs disparus d’Île-de-France
et la moitié des espèces menacées sont
des migrateurs au long cours ! Les grands migrateurs ne représentent
pourtant qu’un peu plus du tiers de l’avifaune nicheuse
de la région.
Au contraire, les espèces restant en Europe pour hiverner
apparaissent en bien meilleur état de conservation :
70 % d’entre elles sont classées en Préoccupation
mineure, une proportion deux fois plus élevée
que chez les migrateurs transsahariens.
Les
politiques environnementales franciliennes ont-elles un rôle
à jouer dans l’atténuation du déclin
des migrateurs transsahariens ? Ou s’agit-il simplement
d’une tendance globale très délicate à
enrayer ? Une réponse partielle est possible : 85 % des
migrateurs transsahariens sont des espèces se nourrissant
d’insectes ou de petits invertébrés. Ainsi,
il s’agit également des espèces les plus
impactées par l’emploi des pesticides. Pour ces
espèces qui subissent une dégradation des conditions
requises au cours de leur fin d’hivernage ou de leur trajet
migratoire des milieux de nidification de mauvaise qualité
peuvent définitivement nuire au succès de leur
reproduction.
La
Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus)
est l’un des migrateurs au long cours sur le point de
disparaître d’Île-de-France. ©
Wikicommons/Carles Pastor
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Quelques
exemples d’espèces |
Bécassine
des marais Gallinago gallinago
Disparue au niveau régional RE
Depuis la fin des années 1980, les populations
de Bécassine des marais s’effondrent en France :
moins de 100 couples nichaient dans le pays en 2010. L’espèce
est ainsi classée En danger à l’échelle
nationale. En Île-de-France, il est déjà trop
tard et l'espèce a Disparu au niveau régional
(RE). La dynamique de recul vers le nord des populations nicheuses
françaises, fragilisées par l’intensification
agricole et le drainage des marais, a eu raison de la faible population
francilienne. À titre de comparaison, la belle population
du Marais breton vendéen comptait 155 couples en 1986,
30 couples en 1996 et… seulement un chanteur en 2010, dans
un milieu qui demeure largement favorable à l’espèce.
Peu surprenant, donc, que les quelques couples qui nichaient auparavant
en Île-de-France aient fini par ne plus se renouveler. La
reproduction est restée régulière jusqu’à
la fin des années 1970, puis quinze années ont passé
sans que des données soient recueillies, et en 1995 un
couple a niché à Triel-sur Seine. Il demeure possible
qu’une nidification occasionnelle se produise ponctuellement
à l’avenir, mais le mauvais état de conservation
global de la Bécassine des marais en France et dans les
pays voisins rend une réinstallation durable peu probable.
Bécassine
des marais © Sébastien Siblet |

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Cochevis huppé ©
Denis Attinault
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Cochevis
huppé Galerida cristata
EN En danger
Le
déclin prononcé du Cochevis huppé en Îlede-
France fait l’unanimité au sein de la communauté
ornithologique francilienne. Il en va de même pour les autres
régions du nord de la France, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais
en tête.
Ce passereau de milieux ouverts est associé aux espaces
agricoles - plaines sèches, friches et jachères,
notamment -, mais il a toujours apprécié la proximité
de l’homme et des chevaux. Il s’est adapté
au cours du xxe siècle aux abords d’implantations
humaines comme les friches industrielles, les zones de chantiers,
les terrains vacants, les grands parkings...
À l’instar des spécialistes agricoles, le
cochevis a certainement pâti ces dernières décennies
de l’intensification des pratiques agricoles. La modification
des paysages ruraux est d’ailleurs la raison la plus souvent
avancée pour expliquer son attrait progressif pour des
milieux de prédilection plus urbains, principalement dans
la partie nord de son aire de répartition, dont fait partie
l’Île-de-France.
Des espaces agricoles qui ne correspondent plus à ses besoins,
des milieux de substitution qui sont souvent provisoires - friches
urbaines, chantiers… -, et soumis à de fortes pressions,
l’abandon de la traction hippomobile en ville expliquent
l’effondrement de ses effectifs régionaux au cours
des vingt dernières années.
En outre, l’effet limite d’aire peut s’ajouter
aux facteurs de déclin, le Cochevis huppé étant
plutôt une espèce à affinité méridionale,
dont les populations chutent dans la moitié nord de la
France. Pour la période 1985 - 1989, il était nicheur
sur 33 des 34 mailles franciliennes de l’Atlas national
et jusqu’au début des années 1990, le Cochevis
huppé était encore considéré comme
nicheur probable jusque dans Paris !
En 1995, la population francilienne était encore estimée
à 300-400 couples. Aujourd’hui, il ne reste que quelques
dizaines de couples dans la région ! Ce déclin spectaculaire
fait donc du Cochevis huppé l’un des passereaux actuellement
le plus menacé en Île-de-France. |
Pic
cendré Picus canus
En danger critique CR
Le Pic cendré est probablement le plus emblématique
des oiseaux nicheurs menacés d’Île-de- France.
En déclin sur l’ensemble du territoire national -
et sur celui de l’Allemagne voisine -, la tendance francilienne
ne fait malheureusement pas exception.
Le cas du Pic cendré est assez énigmatique. L’évolution
de ses populations ainsi que les raisons de ces évolutions
restent assez floues. En Île-de-France, comme en France,
il n’a jamais été un nicheur commun, cependant,
ses effectifs et son aire de répartition semblent se réduire
sans discontinuer depuis que l’on dispose de données
suffisantes. La situation francilienne est particulièrement
inquiétante puisqu’actuellement, il est très
probable que l’espèce ne se reproduise plus dans
la région. Le doute subsiste cependant et les rares données
récentes en période favorable laissent un faible
espoir quant à la possible présence relictuelle
d’une poignée de couples nicheurs localisés
dans des espaces boisés privés ou sous-prospectés.
La discrétion caractéristique de l’espèce
plaide aussi en faveur d’une possible présence passée
inaperçue.
Cependant, le Pic cendré démontre une dynamique
complètement opposée à celle des autres pics
forestiers - Pic noir, Pic épeiche, Pic mar - qui connaissent
une expansion et une augmentation remarquables en Île-de-France.
La compétition avec d’autres espèces fait
d’ailleurs partie des hypothèses avancées
pour tenter d’expliquer son déclin. Le Pic cendré
est passé d’une estimation de cinquante couples en
1995 en Île-de-France à une population quasi inexistante
aujourd’hui puisqu’aucune preuve certaine de reproduction
n’a pu être établie ces toutes dernières
années. |

Pic cendré
© Teerje Kolaas
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Nette rousse Netta rufina
VU Vulnérable
La Nette rousse s’est reproduite pour la
première fois en Île-de-France en 1999, et elle poursuit
sa colonisation depuis cette date. Elle n’en demeure pas
moins d’une grande rareté : la faible taille de sa
population actuelle - moins de vingt couples - et sa zone d’occupation
restreinte en font une espèce menacée dans notre
région. Toutefois, la dynamique d’expansion actuelle
de l’espèce a conduit à la classer Vulnérable
(VU), plutôt qu’En danger. Au niveau
national, elle est inscrite en Préoccupation mineure,
mais l’effectif nicheur français - quelques centaines
de couples - demeure mal connu et sujet à débats.
Ses effectifs nicheurs sont en légère augmentation
en Europe.
Le bastion de l’espèce en Île-de-France se
situe dans le réseau de zones humides de la Bassée
: plans d’eau issus de l’exploitation des granulats
alluvionnaires, principalement. Depuis la première nidification
en 1999, sept couples avaient été comptabilisés
en 2003, trois en 2004, onze en 2005, pour culminer à dix-huit
en 2008. Un léger déclin a été noté
en 2009.
Si la dynamique positive de l’espèce dans le nord
de la France explique en grande partie cette colonisation, l’arrivée
de la Nette rousse dans le paysage francilien illustre également
l’importance de la protection des zones humides : sur les
onze couples reproducteurs en 2005, dix ont niché sur l’espace
protégé du Carreau-Franc, à Marolles-sur-Seine
(Seine-et-Marne). Ce site, sur lequel les aménagements
écologiques couplés à une protection intégrale
ont permis l’installation de l’espèce, a joué
le rôle de source d’expansion de l’espèce
dans le reste de la Bassée. Divers plans d’eau voisins
ont par la suite accueilli la reproduction de la Nette rousse.
Ces dernières années, l’espèce poursuit
sa colonisation dans d’autres secteurs, avec une reproduction
en vallée du Loing, et une nidification suspectée
en vallée de la Marne.
L’entretien et la poursuite des réaménagements
de gravières alluvionnaires sont nécessaires pour
le maintien de cette superbe espèce dans notre région.
La principale menace est constituée par la pression cynégétique,
l’espèce étant classée gibier sur le
territoire français. La Nette rousse est présente
toute l’année en plus ou moins grand nombre en Seine-et-Marne
- plus de 350 individus en janvier 2012 -, et une partie des individus
nicheurs est sédentaire, fait attesté par la pose
de marques nasales sur des individus reproducteurs. Ainsi, la
pression de chasse en période hivernale peut avoir un impact
direct sur l’effectif reproducteur de la Nette rousse en
Île-de-France.
Nettes
rousses © Sébastien
Siblet
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Fauvette pitchou Sylvia undata
En danger EN
La Fauvette pitchou, espèce inscrite à l’Annexe
1 de la Directive Oiseau, se trouve en limite nord de son aire
de répartition en Île-de-France. Classée
en Préoccupation mineure en France, la très
faible population d’Île-de-France est En danger
(EN) : son aire de reproduction est limitée aux massifs
des Trois Pignons et à Fontainebleau ; ses effectifs
sont inférieurs à 50 couples – vraisemblablement
entre vingt et trente couples – et l’espèce
a accusé un sérieux déclin depuis les années
1980, époque à laquelle la population du massif
était évaluée à 100-150 couples.
La Fauvette pitchou est une espèce spécialiste
des landes sur sol acide, et dépend donc de la protection
et de la gestion de ces habitats. Le bastion actuel de la Fauvette
pitchou se trouve en zone protégée : il s’agit
de la réserve biologique domaniale de la forêt
des Trois Pignons, où le dernier recensement a dénombré
dix-huit individus cantonnés en 2001. Il en va de même
pour la plaine de Chanfroy et de ses environs, en forêt
domaniale de Fontainebleau, qui disposent également du
statut de réserve biologique. La grande majorité
de la population de Fauvettes pitchous du massif se trouve donc
en zone protégée. La faible taille de sa population
la rend cependant extrêmement sensible aux aléas
climatiques : il s’agit d’une espèce thermophile,
dont l’expansion vers le nord est limitée par son
intolérance aux hivers froids. Un épisode de gel
prolongé peut ainsi affaiblir considérablement
la petite population seine-et-marnaise.
Afin de mieux évaluer l’état de conservation
de l’espèce en Île-de-France, de nouvelles
prospections concertées dans le massif de Fontainebleau
seraient souhaitables. La dynamique de l’espèce
ne semble pas uniquement négative : dans le courant des
années 2000, l’espèce a colonisé
de manière temporaire la Forêt de Sénart
- jusqu’à quatre couples en 2003, disparition en
2005 -, le bois de Rochefort-en- Yvelines - un couple en 2008
- et la boucle de Moisson : un couple en 2008 et 2009.
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Fauvette
pitchou © Frédéric
Jiguet
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Pipit farlouse © Sébastien Siblet |
Pipit
farlouse Anthus pratensis
VU Vulnérable
Le
Pipit farlouse fait partie des espèces spécialistes
des milieux agricoles. Cela ne signifie pas que l’agriculture
lui a été favorable : il fait plutôt partie
des adeptes des milieux prairiaux, inclus dans la classification
globale agricole. Or, en Île-de-France, les surfaces
de pâtures et de prairies naturelles n’ont cessé
de décroître, et parallèlement à ses
milieux de prédilection, le Pipit farlouse accuse un déclin
dramatique en Île-de-France. Si l’estimation de Le
Maréchal et Lesaffre de 20 000-30 000 couples en 1995 était
très optimiste, il est certain que la population francilienne
ne dépasse plus les 1 000 couples en 2010, et se limite
plus probablement à 200-300 couples. Le manque de certitudes
quant à l’ancienne estimation ne permettant pas d’apprécier
avec précision l’ampleur du déclin de cette
espèce, le Pipit farlouse a été classé
Vulnérable (VU), mais son cas pourrait s’avérer
plus préoccupant encore. Il est aussi Vulnérable
au niveau national, avec des chiffres Stoc qui traduisent
une chute de 70 % sur la période 1989-2009 et à
l’échelle de l’Europe, le Pipit farlouse est
également en déclin. L’évolution négative
observée en Île-de-France correspond donc à
un schéma global.
L’espèce est désormais présente de
manière clairsemée dans le paysage francilien :
un ou deux couples ici ou là, rares sont les sites accueillant
4-5 couples ou plus. Elle est principalement présente en
Seine-et-Marne, suivie par les Yvelines et l’Essonne. À
titre d’exemple, les plus grosses densités récentes
ont été trouvées à Mormant, en Seine-et-Marne,
avec 7-8 couples autour du village dans de petites prairies isolées
au milieu des cultures. À Luzancy, en Seine-et-Marne, jusqu’à
quatre couples se reproduisent dans une grande prairie inondée.
L’état de conservation du Pipit farlouse en Île-de-France
est ainsi extrêmement dépendant des prairies non
cultivées et de la surface des cultures en jachère. |
Busard
cendré Circus pygargus
En danger critique d'extinction CR
Rapace
spécialiste des milieux cultivés, il est classé
Vulnérable en France, et En danger critique
d’extinction (CR) en Île-de-France. Divers
arguments viennent étayer ce classement alarmiste : la
population régionale, de très petite taille et
en déclin prolongé, compte donc une zone d’occupation
restreinte, si bien que ses probabilités d’extinction
sont supérieures à 50 % au cours des dix prochaines
années.
Le Busard cendré fait l’objet d’un suivi
très précis en Île-de-France et, hormis
la bonne année 2007 - douze couples nicheurs -, les effectifs
se situent en moyenne autour de cinq à sept couples,
dans les plaines agricoles du sud de la Seine-et- Marne. La
ponte tardive de l’espèce met en péril les
nichées lors des moissons. Chaque année, le suivi
effectué par le réseau de surveillance busards
permet de sauver plusieurs nids, et ainsi de maintenir viable
la population francilienne. La faible abondance de proies conséquente
à l’utilisation intensive de produits phytosanitaires
dans les milieux de reproduction de l’espèce constitue
une autre cause importante de déclin, en Île-de-France
comme en France.
Depuis le début des années 1980, l’espèce
se maintient dans notre région à des effectifs
inférieurs à dix couples nicheurs. Les régions
voisines peuvent potentiellement jouer le rôle de source
d’immigrants, notamment le département de l’Aube,
qui compte environ 150 couples nicheurs en 2010 et, dans une
moindre mesure, l’Yonne : trente-six couples en 2010.
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Busard cendré © Wikicommons |

Gorgebleue à miroir © Denis Attinault |
Gorgebleue
à miroir Luscinia svecica
VU Vulnérable
La
Gorgebleue à miroir de la sous-espèce cyanecula,
taxon auquel appartiennent les nicheurs franciliens, se reproduit
de façon discontinue le long des côtes de la Manche,
dans l’est et dans le nord de la France. Elle a connu une
importante expansion entre 1960 et 1990, pour se stabiliser ou
augmenter légèrement depuis. C’est d’ailleurs
à la fin des années 1980 que l’espèce
s’est installée pour la première fois en Île-de-
France, dans les Yvelines. Population encore bien précaire,
elle n’a plus fait l’objet de preuve de reproduction
avérée durant les années 1990, jusqu’à
ce que l’espèce réapparaisse en divers endroits
de la région dans les années 2000, cette fois principalement
dans le nord du département de Seine-et-Marne.
En l’absence d’effectifs précis, on estime
que la population francilienne se situe dans une fourchette comprise
entre dix à vingt couples. Malgré la faible taille
de sa population, la progression rapide de cette dernière
a incité à placer l’espèce en catégorie
Vulnérable (VU), et non En Danger. Les
boucles de la Marne abritent l’essentiel de la population
- treize chanteurs en 2009 -, mais l’espèce apparaît
ces dernières années en petit nombre en Bassée
- un à deux couples - et dans le Val-d’Oise : un
à deux couples.
En Île-de-France, l’espèce apprécie
les saulaies roselières - même de petite taille -
à proximité de l’eau, le plus souvent le bassin
d’une ancienne carrière. La présence de prairies
inondables est également favorable à l’installation
de l’espèce. Le bastion de la population francilienne
est situé en zone protégée : l’Espace
naturel sensible du Grand-Voyeux a abrité jusqu’à
sept ou huit couples en 2008 et 2009, soit plus de la moitié
de la population régionale. Plusieurs autres couples sont
installés au sein du réseau Natura 2000 : le maintien
de l’espèce dans notre région dépend
ainsi de la protection des zones humides, et de mesures de gestion
en faveur des saulaies-roselières associées aux
prairies humides. |
Blongios
nain Ixobrychus minutus
En danger EN
Le
Blongios nain est surveillé à l’échelle
européenne, car considéré comme étant
une espèce menacée au niveau national et européen
et méritant des mesures conservatoires particulières,
notamment à la suite de la régression et de la
dégradation des zones humides. En France, ses effectifs
ont chuté de près de 90 % en trente ans : 2000
couples estimés en 1968, 242 couples en 1997 ! La situation
nationale semblait s’améliorer dans les années
2000 - 483-778 couples en 2004 - mais reste fragile ; le dernier
bilan national réalisé sur la période 2005-2009
- 342-586 couples nicheurs - infirmerait le constat de légère
expansion fait en 2004. Ainsi, l’espèce est encore
classée en Quasi menacée dans la dernière
version de la Liste rouge nationale de mai 2011.
En Île-de-France, la population de Blongios est estimée
à 25-40 couples. La faiblesse de ses effectifs, couplée
à la relative rareté de son habitat de prédilection
dans la région - grandes roselières -, le classe
En danger (EN) sur le territoire francilien. Cependant,
sa situation y est assez atypique. Tout d’abord, la population
régionale est plutôt stable, voire en augmentation,
et surtout, l’espèce s’adapte bien au milieu
urbain, ce qui est rarement le cas ailleurs en France. Phénomène
assez pionnier, mais durable puisque le Blongios s’est
reproduit dès 1987 au parc de la Courneuve, en Seine-Saint-Denis,
depuis 1990 aux étangs de Croissy-Beaubourg, en Seine-et-Marne
et depuis 2007 au parc des Chanteraines, dans les Hauts-de-Seine.
Par conséquent, la capacité d’adaptation
de l’espèce à des milieux humides parfois
résiduels et perturbés, ainsi que les mesures
de conservation engagées en sa faveur dans la région
- le Blongios est à l’origine du classement de
plusieurs sites franciliens en zone Natura 2000 par exemple
- sont des signes plutôt encourageants. Néanmoins,
la population nicheuse de Blongios en Île-de-France reste
très fragile et menacée.
Avec une population d’à peine une centaine d’individus,
il suffirait qu’un ensemble de facteurs défavorables
viennent affecter ce petit héron migrateur, même
en dehors de ses sites de nidifications - routes migratoires,
zones d’hivernage -, pour que l’ensemble de la population
francilienne se trouve décimée en très
peu de temps.
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Blongios nain © Denis Attinault |
Perdrix
rouge © Frédéric Jiguet |
Perdrix rouge Alectoris rufa
DD Données insuffisantes
Cette
espèce, autrefois répandue en Île-de- France,
s’est considérablement raréfiée depuis
le xixe siècle. Pourtant indigène, elle pâtit
de son statut de gibier, et il est désormais délicat,
voire impossible, de faire la part entre les populations sauvages
et celles issues de lâchers cynégétiques.
En l’absence d’étude approfondie de l’espèce
en Île-de-France, elle a été classée
Données insuffisantes (DD). Il est cependant suggéré
qu’une population sauvage se maintiendrait dans le sud de
l’Essonne et de la Seine-et-Marne, estimée à
200 couples en 1995.
La Perdrix rouge mérite à de nombreux égards
plus d’attention : il s’agit d’une espèce
gibier. Elle appartient à la communauté précaire
des spécialistes des milieux agricoles, de tendance non
détectable par le Stoc. L’urbanisation et l’intensification
agricole font partie des raisons de son déclin en Europe.
Les conséquences des lâchers cynégétiques
de Perdrix choukar, et d’hybrides de Perdrix rouge croisées
de Perdrix choukars sur les populations sauvages de Perdrix rouges
sont mal connues. Enfin et surtout, il s’agit de l’espèce
francilienne dont l’aire de répartition mondiale
est la moins étendue : on ne la trouve qu’en péninsule
Ibérique, en France, en Andorre, en Grande-Bretagne (introduite)
et dans le nord de l’Italie. L’Espagne accueille plus
de 80 % des effectifs mondiaux, en déclin. La France vient
en seconde position - 5-10 % -, et l’espèce y est
également en déclin. Espèce thermophile,
la Perdrix rouge ne se reproduit habituellement pas de manière
naturelle au nord de l’isotherme 2°C de janvier, ou
8°C de mars, ce qui correspond au sud de la région
Île-de-France.
On constate pourtant qu’aucune étude ornithologique
ne lui a été consacrée dans la bibliographie
ornithologique francilienne. La disparition future de l’espèce
à l’état sauvage est pourtant envisageable,
tant à l’échelle régionale que nationale.
Le baguage non systématique des oiseaux relâchés
par les fédérations de chasse en France - environ
2,5 millions chaque année, pour près de 2 millions
de perdrix tirées - rend difficile le suivi des populations
sauvages.
Un aperçu des observations de l’année 2011
indique que les communes de présence en période
de reproduction - mi-mars à mi-août - en Île-de-
France demeurent majoritairement situées dans le sud de
la région - 60%, N = 26 -, tendance qui s’inverse
en période de chasse - 60% dans la moitié nord,
mi-août à mi-décembre, N = 18 -, notamment
du fait de l’apparition d’oiseaux dans le Val-d’Oise.
Les individus non issus de lâcher ayant plus de probabilités
de survivre jusqu’à la période de reproduction,
ces tendances semblent conforter l’idée de la subsistance
d’une population sauvage dans le sud de l’Île-de-France.
|
Garrot
à Œil d’or Bucephala clangula
Non applicable NA
Le
Garrot à oeil d’or ne s’est reproduit que
deux années consécutives en Île-de-France
: dans le secteur de la Bassée, en 2009 et en 2010. Cette
nidification est exceptionnelle tant à l’échelle
régionale que nationale, car le Garrot ne se reproduit
pas chaque année en France. Il a donc été
placé dans la catégorie Non applicable
(NA), car nichant dans notre région de manière
très occasionnelle. Il figure également dans cette
catégorie au niveau national.
Si l’espèce venait à se reproduire de manière
régulière, même à raison d’un
couple par an, son statut d’évaluation pourrait
alors être revu.
Garrot
à oeil d’or © Denis Attinault
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La
Liste rouge des oiseaux nicheurs d’Île-de-France
Coordination
: Julien Birard, Natureparif
Un
tel travail de synthèse n’aurait pu être
possible sans le réseau d’observateurs qui
permet depuis de nombreuses années de compiler
de précieuses informations sur l’avifaune
qui peuple notre région. Tous ces producteurs de
données représentent le socle évident,
essentiel à la publication d’ouvrages susceptibles
de faire évoluer les connaissances
sur les oiseaux d’Île-de-France et par conséquent,
les actions adaptées pour les favoriser ! Nous
tenons donc à remercier tout particulièrement
l’ensemble des participants
à l’Observatoire régional des oiseaux
communs d’Île-de-France - Oroc - coordonné
par le Corif et le MnHn : déclinaison régionale
du programme Stoc.
Nous remercions également les différents
réseaux et structures naturalistes d’Île-de-France
pour tous les travaux de synthèse
établis au fil des ans sur l’avifaune régionale
et sur lesquels la présente publication s’est
appuyée.
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La
Liste rouge
des oiseaux nicheurs
d’Île-de-France |
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Comité d’évaluation
Experts : Gérard Beaudoin (LPO), Nicolas Flamant (ANVL,
Écosphère), Jean-Christophe Kovacs (Écosphère),
David Laloi (UPMC, CSRPN, Corif, LPO), Pierre Le Maréchal
(Corif), Guilhem Lesaffre (Corif), Jean-Philippe Siblet (ANVL,
CSRPN, SPN/MnHn)
et Laurent Spanneut (ANVL, Écosphère)
Évaluateurs : Aurore Cavrois (UICN France), Florian
Kirchner (UICN France)
Comité
de rédaction
Rédaction du document : Julien Birard (Natureparif),
Maxime Zucca (Natureparif)
Relecture : Jean-Philippe Siblet (MnHn)
Réalisée
avec l’appui technique du Comité français
de l’UICN
et du Muséum national d’Histoire naturelle.
Parution
: Février 2012 |
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