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Pour des forêts vivantes en Île-de-France

(6) Menaces sur les forêts :
Fontainebleau : Une forêt sous pression
Le massif de Fontainebleau face aux changements climatiques
Forêt de Meudon : un chantier de bénévoles

Forêt de l'Hautil en danger
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Ce projet de manifeste est un point d’étape, la base à partir de laquelle nous réfléchissons à des solutions pertinentes pour sauvegarder nos
forêts. Ce n’est pas simple, toutes les forêts d’Île-de-France ne se ressemblent pas. Elles ont des statuts et des fonctions différentes.
67 % de nos forêts sont des forêts privées, celles qui sont en zone urbaine dense ne peuvent pas être traitées comme les autres…
Cette complexité demande que l’on prête attention au contexte, que l’on identifie les menaces, que l’on analyse les conflits
d’usages. Au plus près du terrain, nos associations sont particulièrement bien placées pour le faire
et pour coélaborer les politiques publiques nécessaires. Constats et propositions.

Fontainebleau (77) : Une forêt sous pression

La richesse floristique et faunistique de la forêt de Fontainebleau est étroitement liée à la diversité des sols, des milieux et des reliefs. Mais le regain d’intérêt pour la fréquentation des espaces naturels et l’émergence de nouvelles formes d’activités récréatives augmentent la vulnérabilité de cet écosystème.

 

On parle de surfréquentation lorsque la pression des visiteurs, touristes ou usagers d'un milieu naturel est telle qu'elle dépasse la capacité du milieu à se régénérer.

Certaines activités, qui paraissent anodines à première vue, ne sont pas sans conséquences pour l’environnement. En effet, les passages répétés de milliers de promeneurs, cyclistes, cavaliers, quads, peuvent occasionner de nombreuses dégradations sur le terrain : tassement des sols, phénomènes d’érosion ; le sable qui compose les sols est transporté dans les vallons, entraînant la mise à nu des racines des arbres ou la chute de rochers. D’où l’importance de respecter les sentiers créés, aménagés et entretenus par les forestiers. Le massif est sillonné par plus de 300 km de sentiers balisés, et environ 1 600 km de routes forestières.

Impacts anthropiques

La surfréquentation peut aussi, dans certain cas et à certaines périodes, compromettre la reproduction de certaines espèces, sensibles au dérangement, ou entraver la libre circulation de certaines espèces animales, ou susceptibles d’être écrasées, comme les amphibiens, lors des migrations pré et post-nuptiales, notamment sur les routes forestières ouvertes aux voitures.
Outre la dégradation du couvert végétal, d’autres impacts peuvent porter atteinte à certains milieux déjà fragiles, ou menacer des espèces ou l'équilibre écologique du site :

  • l'odeur humaine ou des chiens peut faire fuir certains animaux craignant l'homme
  • le bruit et d'autres formes de dérangement de la faune comme les chiens non tenus en laisse
  • l'abandon de déchets
  • les feux générés par les cigarettes, actes involontaires ou de vandalisme
  • la pression excessive de la cueillette, des prélèvements de bois, de fleurs, de mousses, de fruits…

Comment concilier préservation du milieu et fréquentation du public ?

À l’échelle de l’Île-de-France, se mettent progressivement en place des comités de gestion dans lesquels les gestionnaires de forêts - ONF, CRPF, Fransylva… -, les élus et les associations travaillent main dans la main pour élaborer des schémas d’accueil du public. Le but est d’éveiller chez les visiteurs une prise de conscience de leur impact, et de mieux canaliser les usagers afin de préserver ces milieux fragiles.


Les passages répétés hors sentiers balisés accélèrent l’érosion des sols © Catherine Giobellina

La forêt domaniale de Rambouillet est la deuxième forêt la plus visitée par les Franciliens après Fontainebleau. Sa fréquentation est estimée à 11 millions de visiteurs par an. Elle se concentre surtout sur deux sites particulièrement attractifs : les Vaux de Cernay et les Étangs de Hollande. Pour évaluer les effets directs et indirects négatifs de la fréquentation touristique en forte augmentation, le parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse a signé une convention avec une enseignante de l’université de Versailles Saint-Quentin. Le projet de recherche vise à apporter des outils méthodologiques assortis d’indicateurs pour permettre au parc de suivre ces effets et leur évolution. Le projet inclura également une réflexion sur la notion de capacité de charge adaptée au territoire du parc.

 
Catherine Giobellina, Administratrice de FNE Île-de-France

Le massif de Fontainebleau face aux changements climatiques

Les réponses aux changements climatiques ne peuvent être uniformes en tout point du territoire français, et a fortiori au sein même du massif de Fontainebleau, Trois Pignons et la Commanderie.

©L. Albesa

© L. Albesa

Apporter des méthodes de gestion et de régénération homogènes à l’échelle de ce massif forestier équivaudrait à faire peser des risques supplémentaires sur des habitats, et la biodiversité qui y est associée. Bien au contraire, c’est la diversité des approches qui est à promouvoir pour protéger ces milieux forestiers face aux changements annoncés.
Ainsi, il convient de permettre à la forêt de se régénérer par elle-même lorsque c’est possible, de se prémunir contre les préjugés selon lesquels, par exemple, la hêtraie n’aurait bientôt plus sa place à Fontainebleau. Il convient aussi de mener une action prudente de sélection des essences forestières nouvelles appelées en renfort.
Cette action doit se fonder autant sur le corpus de connaissances accumulées sur la biologie et l’écologie de ces essences, que sur les observations des comportements desdites essences sur le terrain, face aux changements globaux. Il n’est pas exclu, une fois de plus, que la nature nous surprenne par sa capacité d’adaptation.
La question qui se pose pour l’avenir des forêts face aux changements climatiques n’est pas tant celle de la pérennité des forêts elles-mêmes, et de la biodiversité qu’elles hébergent, mais plutôt celle du risque face à la tentation d’une économie de production forestière et son penchant associé pour la monoculture. Les réponses apportées devront reposer sur des bases écosystémiques et prendre en compte les capacités de stockage de carbone. La préservation de la diversité des boisements, le renforcement de la résilience de la forêt face à des périodes de sécheresse à la fois plus intenses et plus longues, devraient être la meilleure assurance pour le maintien en bonne santé de ces forêts.
Ce massif forestier doit également rester un pôle majeur de préservation de la biodiversité, de loisirs, de détente, d’apprentissage et de reconnexion à la nature pour une population urbaine, d’autant plus du fait de sa proximité avec la capitale.
Les changements climatiques auront indéniablement des incidences sur l’industrie du bois et sur l’état sanitaire des boisements dans les décennies à venir, mais n’oublions pas que le remède peut être parfois pire que le mal, et que l’usage de chaque remède doit reposer sur une connaissance éclairée de la situation. Ayons la modestie de penser que nos savoirs face aux changements climatiques sont encore en cours de consolidation et que nous devons poursuivre les travaux de recherche, de mise en place d’observatoires de la forêt, et partager les retours d’expériences sur les tentatives de régénération et sur les sélections d’espèces, avant de prendre de grandes orientations pour nos forêts de demain.
Enfin, n’oublions pas d’y accorder les moyens financiers et humains en adéquation avec l’ampleur du défi.

Philippe Gourdain, Ingénieur écologue & vice-président de l’ANVL
 

Forêt de Meudon (92) : un chantier de bénévoles

Le chantier de bénévoles Vivent les étangs, de l'association Espaces, sise à Chaville, a pour vocation d’établir un programme d’actions autour des étangs, mares et zones humides en forêt de Meudon, et de le mettre en œuvre.

 

Ce programme intervient dans le cadre d'une convention de partenariat conclue entre Espaces et l'Office National des Forêts (ONF).
Des échanges très réguliers ont lieu avec les agents de l’ONF, qui aident les bénévoles du chantier par de nombreuses actions sur site, et au cours de réunions pluriannuelles.
Le chantier Vivent les étangs fait appel à des membres d’Espaces, et reçoit le concours d’associations tel que le WWF d’Île-de-France - WWF = Fonds mondial pour le nature -, le Comité de Sauvegarde des Sites de Meudon, le lycée Saint Philippe de la fondation d'Auteuil, ou de structures d'entreprises dédiées comme celles de Salesforce, de RockCorps…
Ses missions sont nombreuses et variées :

  • sensibiliser le public à la biodiversité, par des informations sur la faune des étangs à partir d’enquêtes,
  • édifier des tas de bois, par la récolte d’arbres morts tombés, fournissant habitat et nourriture aux insectes et petits animaux,
  • enlever les feuilles chues dans le chenal de jonction et les mettre en tas pour qu’elles se décomposent,
  • construire des barrages à l’aide de branches pour retenir les feuilles mortes et leur éviter d’envahir l’étang de Meudon,
  • maintenir les ronciers et zones de broussailles lorsqu’ils peuvent servir d’abris à la petite faune et aux oiseaux,
  • couper des rejets de peupliers et d'érables et tailler en têtard des saules sur les rives de l’étang de Meudon,
  • enrichir la flore, en favorisant des plantes locales telles le jonc fleuri, le plantain d’eau, la salicaire, le pétasite...
  • réaliser des inventaires naturalistes de la microfaune des étangs par des
    prélèvements adaptés,
  • procéder à l’inventaire des amphibiens au cours de leur migration nuptiale vers des étangs pour s’y reproduire,
  • mettre en place une exposition sur les animaux caractéristiques des étangs à l’aide de panneaux photographiques...

Nous vous invitons à participer aux prochaines actions de Vivent les étangs.
Gants, encadrement et matériels fournis.


© G. Genest

© G. Genest
 
Guillain Genest, Animateur Coordinateur Vivent les étangs - Espaces
 

Forêt de l'Hautil (78) en danger

À Triel-sur-Seine, un projet inquiète habitants et usagers de la forêt. La municipalité veut relier la ville (en bas) au hameau (en haut) en aménageant un chemin forestier de 1,6 km avec abattage de près de trois cents arbres, un revêtement en dur et de l’éclairage. L’objectif serait d’y créer une piste cyclable… ou une voie verte.

 

Une biodiversité exceptionnelle

Le massif n’est pas protégé dans sa totalité, mais on y trouve deux ZNIEFF* de type 2 et une ZNIEFF de type 1. Une étude faunistique menée récemment par la LPO, avec l’appui de Bien vivre à l’Hautil, sur la période des dix dernières années, révèle que sur les 330 espèces observées, 54 sont patrimoniales, soit 16 % de l’ensemble. Cette proportion remarquable témoigne d’un fort enjeu écologique. Au sein des différents taxons, la biodiversité et la proportion des espèces patrimoniales sont importantes. On y retrouve douze des seize espèces d’amphibiens et la moitié des espèces franciliennes d’odonates, libellules et demoiselles.


© Bien vivre à l’Hautil
Le massif de l’Hautil est situé au nord-ouest de la région parisienne. Extrémité du Vexin français, d’une surface de plus de 1 600 hectares dont 1 250 en espace boisé classé (EBC), il est l’un des poumons verts de notre région. Depuis très longtemps son sous-sol a été exploité pour l’extraction du gypse jusque dans les années 1950 ; une partie du massif est donc classée en plan de prévention des risques naturels (PPRN) pour les risques d’effondrements liés aux anciennes carrières.
D’une altitude d’environ 180 mètres, il est l’un des points hauts de notre région.
Le massif de l’Hautil est partagé par deux départements - Yvelines et Val-d’Oise - et par seize communes, auxquels s’ajoutent des propriétaires privés et des parcelles orphelines.
Bien vivre à l’Hautil a dû lancer une pétition pour la préservation du chemin forestier des Picardes, Bien vivre à l’Hautil et d’autres associations ont appelé à se mobiliser contre le projet de la mairie de Triel-sur-Seine de transformation du chemin des Picardes en piste cyclable bétonnée. Une pétition a été lancée.
En plus, ce chemin forestier traverse une zone forestière dangereuse, avec des sous-sols instables que cet aménagement fragilisera davantage, présentant un risque accru pour ses usagers.
Malgré nos propositions, la municipalité ne travaille pas avec les représentants de nos associations, sur aucun des sujets sur lesquels nous avons une expertise, que ce soit l’urbanisme, les transports, la biodiversité, la préservation des ressources naturelles, ou la lutte contre les pollutions atmosphériques et sonores…
Dans le cas présent, les utilisateurs n’ont pas été consultés. Vététistes, randonneurs et cavaliers privilégient les chemins de terre et les cyclistes préfèrent des routes partagées.
 
*ZNIEFF : zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique de type 1 : secteurs d’une superficie limitée, caractérisés par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou de milieux, rares, remarquables, ou caractéristiques du patrimoine naturel national ou régional.
*ZNIEFF de type 2 : ensembles géographiques qui désignent un ensemble naturel étendu dont les équilibres généraux doivent être préservés. Ils sont généralement de taille importante et incluent souvent une - ou plusieurs - ZNIEFF de type 1.
 
Bien vivre à l’Hautil
 
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Pour des forêts vivantes en Île-de-France

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................Édité par FNE Ile-de-France - Association régionale agréée Environnement - Publié avec le concours du Conseil Régional d’Île-de-France
................Directeur de publication : L. Blanchard - Dépôt légal : Décembre 2023 - Janvier 2024 -.N° Commission Paritaire : 0124 G 81563 - ISSN 2555-2546

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Le devenir des forêts franciliennes nous préoccupe tous.
Nos forêts souffrent du réchauffement climatique. Les sécheresses à répétition les fragilisent, les maladies et la surexploitation les mettent à genoux. En 2022, les forêts du Grand Est ont émis plus de carbone qu’elles n’en ont capté ! L’alerte est très sérieuse. Il fallait faire le point avec l’ensemble des acteurs et élaborer des propositions. C’est ce que nous avons fait le 8 juin 2023 lors d’un colloque à l’Académie du climat. Nous en avons publié les actes, et rédigé un projet de manifeste qui occupe le cahier central de ce numéro de Liaison.

Nous devons un grand merci à toute l’équipe, salariés et bénévoles, qui anime notre fédération FNE Ile-de-France. C’est grâce à l’investissement de chacune et de chacun que notre mouvement peut contribuer à la transition. Nous dédions à tous les touches de poésie qui émaillent ce numéro.

fne-idf.fr

 

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Le magazine des associations
de protection de l'environnement
de l'Île-de-France

Comité de rédaction :

J. Buisson, M. Colin, C. Giobellina,
M. Holvoet, P. Latka, I. Lledo,
M. Martin-Dupray, J-P. Moulin,
C. Nedelec, I. Nenner, F. Redon,
M. Riottot, H. Smit, D. Védy.