....
.
Note Les espèces du bâti de Notre-Dame..
Trois oiseaux - Quatre chiroptères
..
(1) Introduction
Moineau domestique - Faucon crécerelle

...


De nombreuses espèces animales ont évoluées à nos côtés. Depuis le Moyen-Age, certaines espèces de chauve-souris se sont installées dans les constructions, les martinets noirs également ont délaissé les falaises pour nicher dans l’habitat humain. L’étymologie des noms d’espèce en témoigne : moineau domestique (
Passer domesticus), effraie des clochers, lézard des murailles (Podarcis muralis). La réouverture officielle
de la cathédrale permet d’espérer le retour de certaines espèces protégées qui y logeaient depuis des siècles, dont le Faucon crécerelle.
Bien plus qu’une cathédrale, Notre-Dame de Paris est un écosystème. La taille imposante de cette falaise urbaine et ses innombrables
cachettes sont une bénédiction pour certaines espèces qui ont su s’adapter à l’environnement de nos villes. Préserver
l’incroyable diversité de cavités qu’offre la cathédrale Notre-Dame est important pour la biodiversité parisienne.

Introduction  

Architecture et espèces du bâti

Les espèces dîtes inféodées au bâti appartiennent à l’histoire urbaine. Le maintien de ces espèces est tributaire de leur prise en compte dans l’entretien des édifices. Pourtant, la prise en compte de l’habitat de ces animaux est trop souvent ignorée dans les projets d’architecture. Les effectifs des populations d’oiseaux et de chauve-souris liées au bâti sont en forte régression. En effet, en France, en dix ans, les populations de chauve-souris ont régressées de 38%, et en vingt ans, les populations de martinets noirs ont chuté de 40%. Le déclin de ces espèces insectivores et inféodées au bâti est dû à l’effondrement de la masse des insectes - 73% des insectes ont disparu en 27 ans selon une étude allemande -, mais aussi à la disparition de leur habitat à la faveur d’une architecture n’offrant pas de cavités.

Répartitions des espèces sur la cathédrale

 

Oiseaux

  • Étages supérieurs
    • Faucon crécerelle :
      Pour la nidification 30-36 m
  • À partir de 8 m
    • Martinet noir
  • Étage inférieur 3 m - 12 m
    • Moineau domestique
    • Rougequeue noir
      Entre 3 et 12m

Moineau domestique

Chiroptères

  • De 4 m jusqu’au point le plus haut de l’édifice
    • La Pipistrelle commune
    • La Pipistrelle de Nathusius
    • La Pipistrelle de Kuhl
    • La Pipistrelle pygmée

D’après une photographie datant d’entre
1867 et 1890, infographie © Elsa Caudron-LPO-IdF

 

À Paris, entre 2003 et 2016, les effectifs de moineaux ont chuté de 73%. Cette évolution correspond à une baisse de 10% des effectifs chaque année. Avec un retard d’une bonne décennie, les moineaux parisiens subissent le même sort que leurs congénères des autres grandes villes européennes.

Dans les quartiers où les rues et les façades sont le mieux entretenues, il y a moins de trous dans les immeubles pour nicher, moins de déchets pour se nourrir, moins de végétation spontanée, et donc moins d’insectes pour nourrir les jeunes en particulier. Il n’y a pas de colonie connue sur Notre-Dame, pourtant le square Jean XXIII est une zone importante pour les moineaux, leur permettant de se nourrir, former des groupes pour dormir et se protéger des prédateurs, prendre des bains d’eau et de poussière, se désaltérer…

Préconisations

  • Installer plusieurs nichoirs intégrés , les moineaux vivent en colonie. Placer les nichoirs entre 3 m de haut et une dizaine de mètres, ce peut être plus haut.
  • Préserver le square de l’installation des engins pour permettre aux moineaux de trouver des lieux où se réunir, dormir - arbres, arbustes - et se nourrir : plantes sauvages.
  • Ne pas déloger les moineaux qui s’installent derrière les statues.
  • Réaliser des élévations détaillées des façades indiquant l’emplacement des cavités occupées ou potentielles. Pour les déterminer, les observateurs guettent les mâles qui se postent et chantent à l’entrée de cavités, à partir de la fin de l’hiver.
 

Nichoir à moineaux domestiques en bois
© José Luis Encinas

Intégration d’un nichoir dans un mur de moellons

Type de nichoirs : ce peut-être en bois pour fixer sur un élément de charpente apparente mais pour une plus grand durabilité on préférera le béton-de-bois qui peut être intégré dans la maçonnerie.

Dimensions des nichoirs

  • Orientation du trou d’envol : Sud-Est
  • Matériau : Béton de bois ; Poids : 10 kg
  • Dimensions (L x l x H) cm : 35 x 19.5 x 19
  • Dimensions de la chambre d’incubation (L x l x H) cm : 17.5 x 10 x 15
  • Diamètre du trou d’envol : 30 x 100 mm

Rénovation du fronton de la mairie du XIe arrondissement de Paris

Des nichoirs composés d’une seule façade en bois, badigeonné à la couleur de la pierre ont été installé pour abriter une colonie de moineaux domestiques des prédateurs, et protéger les reliefs des fientes de pigeons bizet.

Les nichoirs ont été réalisés sur place par le sculpteur lors de la restauration de la façade, et la LPO ÎdF assure un suivi de la colonie. Installés en 2022, les nichoirs ont déjà trouvé preneurs !

Préconisations - Espaces environnants

  • Préserver le square de l’installation des engins pour permettre aux moineaux de trouver des lieux où se réunir, dormir - arbres, arbustes - et se nourrir : plantes sauvages.
  • Créer un petit espace de prairie semé d’espèces indigènes et mise en place d’une fauche tardive pour laisser les fleurs monter en graines et attirer toute une population d’insectes qui serviront à nourrir les jeunes moineaux au printemps.
  • Laisser la végétation se densifier pour leur servir d’abris et assurer leur tranquillité.
  • Accepter les flaques d’eau

D’après la revue La Salamandre :
Le parvis de Notre-Dame aurait vu ses derniers moineaux vers 2017, alors qu’en 2013, une bande d’environ 150 oiseaux y était observée.


© Laurent Geslin


© S. Rouzaud

Faucon crécerelle  

Une présence historique…

  • La présence des faucons crécerelles sur la cathédrale Notre-Dame est attestée au moins depuis 1840 par Zéphirin Gerbe (1810 – 1890). Pour autant, cette présence n’a pas été continue dans la mesure où, vers les années 1870, ils avaient disparu de Paris. Les crécerelles n’y sont revenus que vers le milieu du XXe siècle.
  • Depuis 1987, enquête faucons réalisée chaque année dans Paris intra-muros. En effet, alors que l’enquête réalisée pour le Fonds d’Intervention pour les Rapaces (FIR) entre 1978 et 1982, avait abouti à une estimation maximale de 10 couples pour le département de Paris, la découverte de 5 couples nicheurs certains sur la cathédrale en 1986 a laissé penser que ce chiffre était sous-évalué, et qu’une enquête était alors nécessaire pour mieux connaître la population des crécerelles de Paris. À partir de février 1987, le Centre ornithologique Île-de-France (Corif), le FIR et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont donc mis en place une prospection systématique des couples de Faucon crécerelle nicheurs dans la capitale.
    Depuis, le FIR et le Corif ont rejoint la LPO et, aujourd’hui, c’est le groupe Faucons de la LPO Île-de-France qui met en œuvre cette enquête.

Les effectifs

4 ou 5 couples nicheurs étaient présents, selon les années, sur la cathédrale à la fin des années quatre-vingts.
Depuis les années quatre-vingt-dix, 1 seul couple nicheur est répertorié, les cavités choisies pouvant changer d’une année sur l’autre.

La restauration de la flèche et l’incendie

En 2018, la mise en place des échafaudages pour les travaux de restauration de la flèche de Viollet-le-Duc a provoqué un dérangement certain pour les crécerelles, qui n’ont donc pas niché sur la cathédrale, alors qu’un couple était bien présent en début de saison de reproduction.
En 2019, un couple a été observé dès février, et s’apprêtait à nicher sur une plateforme du transept nord. L’incendie du 15 avril 2019, qui a ravagé la cathédrale, les a fait fuir, mais le groupe Faucons s’est mobilisé pour retrouver d’abord la femelle le 18 avril, puis le couple le lendemain, la femelle étant cantonnée sur sa probable aire de nidification.
Malheureusement, le 20 avril, les observateurs du groupe Faucons ont assisté, impuissants, à un vol de drone au-dessus de la cathédrale qui a eu pour conséquence de faire fuir le couple.
Ensuite, les travaux de sécurisation du site, avec 80 personnes mobilisées tous les jours - jour, nuit et week-end -, tous métiers confondus, le bâchage de la cathédrale pour la protéger de la pluie et l’emmaillotage des pinacles pour éviter que des éléments ne chutent sur la voie publique, l‘installation de nouveaux échafaudages pour mettre en place un processus de conservation des sculptures de la façade, comme les gargouilles et les chimères ont été autant de dérangements qui ont interrompu le cycle biologique des crécerelles.

De Notre-Dame à la Sainte-Chapelle ?

En 2020, le groupe Faucons à identifié un nouveau site de reproduction des Faucons crécerelles sur la Sainte-Chapelle. S’agit-il des crécerelles de Notre-Dame ?

Les lieux de nidification

Notre-Dame s’apparente à une falaise, avec une multitude de reposoirs sur lesquelles les crécerelles se sentent en sécurité. Mais ce sont surtout les trous de boulin qui leur offrent des possibilités de nicher. Ces trous ménagés dans les murs étaient destiné à recevoir les traverses - les boulins - qui portent les planchers des échafaudages lors de l’édification de la cathédrale.
Après leur retrait, ces cavités ont été conservées pour faciliter la mise en place ultérieure de nouveaux échafaudages à l’occasion de travaux d’entretien.
Mais Notre-Dame offre également d’autres possibilités de nidification pour les faucons crécerelles avec les pinacles. Il s’agit là d’ouvrages placés au sommet des contreforts des arcs-boutants, en forme de maisonnette couverte d’un toit à deux pans, sous lequel un trou permet d’accéder à une cavité spacieuse et bien abritée des intempéries. Ces ouvrages ne sont pas seulement décoratifs, leur raison d’être est d’ajouter de poids en hauteur pour mieux contrebalancer la poussée des arcs-boutants sur les contreforts.
Tous ces emplacements occupés par les crécerelles pour nicher se trouvent au-dessous du balcon du chemin de ronde qui ceinture la nef, et qui est situé à 37 m environ au-dessus du sol. Ces aires de nidification sont donc à une hauteur comprise entre 30 et 36 mètres au-dessus de la rue.

Préconisations

Dans un passé récent, des rénovations sur Notre-Dame ont eu pour conséquence des modifications architecturales durables et préjudiciables à l’avifaune : des trous de boulin ont été tout simplement obturés en trompe l’œil. C’est le cas en particulier sur le côté sud de la tour sud, face à la Seine.
Si Notre-Dame a été une pyramide écologique pour les oiseaux, Faucons crécerelles, Choucas des tours, Martinets noirs, Rouge-queue noirs,
et bien sûr Pigeons bisets, Pigeons ramiers et Pigeon colombins en grand nombre… cela tient à la présence de centaines de trous de boulins.
En effet, moins de cavités aura pour conséquence un accroissement de la concurrence entre les espèces cavicoles, sensiblement de même taille, qui convoitent les mêmes trous pour se reproduire, et il n’est pas certain les crécerelles sortent vainqueurs de cette compétition.
En conséquence, l’obturation en trompe l’œil devrait être proscrite et toutes les cavités conservées pour laisser une Notre-Dame même rajeunie, toujours en état d’accueillir les oiseaux de Paris.
A défaut, une mesure conservatoire minimale et raisonnable serait de sanctuariser tous les trous de boulin ayant déjà dans le passé servi à la reproduction des Faucons crécerelles. Nos observations à Notre-Dame ont montré que, chaque année, les Faucons sont fidèles à certaines cavités. Celles-ci sont connues, répertoriées et bien localisées sur le monument par la LPO. Elles ne devront en aucun cas être obturées et les queues de cheval blanches à l’aplomb du trou de boulin, signant l’occupation passée par les Crécerelles, devront être conservées : il s’agit là d’autant de signaux visuels pour les futurs jeunes rapaces cherchant à se loger.

Préconisations - Donner à lire l’histoire constructive de Notre-Dame

Les trous de boulin ne sont pas seulement un intérêt majeurs pour les espèces cavicoles, ils sont aussi les témoins de l’histoire constructive de Notre-Dame. Les trous de boulins ont été préservés au cours des siècles pour permettre la pose d’échafaudages pour entretenir la cathédrale. Aujourd’hui le chantier de Notre-Dame est mis en scène par les échafaudages éclairés et les palissades de chantiers illustrées pour renseigner les visiteurs sur les défis du chantier.
Une communication pourrait être envisagée autours des trous de boulins, pour présenter à la fois comment étaient conduits les chantiers de construction et d’entretien au Moyen-Age, et comment ces éléments ont permis à différentes espèces d’oiseaux de nicher en ville.

  • Sanctuariser les trous de boulin et les valoriser historiquement.
  • Préserver tous les emplacements occupés par le faucon crécerelle.

Si cela n’est pas possible dans le cadre des travaux, mettre en place des mesures compensatoires telles que l'installation de nichoirs sur mesure cachés dans les pinacles.

Référence de nichoirs artificiels dans du bâti ancien




Faucon crécerelle, pinacle et trous de boulins - Cathédrale Notre-Dame


Jeunes faucons crécerelle dans un trou de boulin


Trous de boulins - Échafaudages - Viollet-le-
Duc Dictionnaire raisonné de l’architecture
française du XIe au XVIe siècle

Nichoir à faucon crécerelle

Poids : 30kg
Dimensions (lxPxH) : 35,5 - 35,5 - 42,5
Chambre d'incubation (lxPxH) :
32,5 - 34 - 350-389

Ouverture (lxH) : 24,5 - 29

Nichoir de faucon pèlerin
Cathédrale de Nantes


Intégration d’un nichoir à Faucons crécerelle lors de la rénovation du logis royal du Château d’Angers

Emplacement des nids de faucons crécerelle 1986 - 2019
En 2016 il n’y a pas eu de nidification. En 2019 un couple était présent. La femelle s’était cantonnée au transept nord - espace B ; emplacement 2018 - avant l'incendie.

.....
.
Note Les espèces du bâti de Notre-Dame Trois oiseaux - Quatre chiroptères

..............
Depuis 2022, la LPO accompagne l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris dans une démarche visant à intégrer la biodiversité dans les travaux de restauration. Dans le cadre de ce partenariat, des visites techniques ont permis d’identifier et d’évaluer les emplacements potentiels pour l’accueil des nids et de proposer des mesures d’amélioration. Les compagnons et entreprises du chantier pourront être formés à repérer et préserver la faune tandis que les naturalistes de la LPO Île-de-France effectuent un inventaire régulier des espèces présentes sur le site. La mairie de Paris a de son côté émis le souhait que les squares entourant Notre-Dame rejoignent les Refuges LPO, premier réseau de jardins écologiques en France.

 
 

......

lpo.fr

....
Les animaux sauvages ont logiquement déserté les alentours à la suite de l’incendie du 15 avril 2019. Leur réinstallation sera sans doute progressive, car le dérangement demeure important en raison des travaux qui se poursuivent. En 2022, un premier couple de faucons a toutefois pu se reproduire dans un pinacle derrière la tour Nord, mais a en revanche échoué l’an dernier. Pourtant, en 1986, l’édifice a accueilli jusqu’à 5 familles de faucons crécerelles, dont les effectifs de la capitale s’élèvent aujourd’hui à moins de 30 couples. Des moineaux domestiques, dont la population parisienne a décliné de 75% en à peine 20 ans, et des chauves-souris de la famille des pipistrelles gravitent également à proximité.

La LPO est très fière de contribuer à la prise en compte de la biodiversité dans la rénovation de Notre-Dame.
La culture et la nature sont deux éléments inestimables et fragiles de notre patrimoine commun,
que nous devons impérativement protéger de concert afin de les transmettre aux générations futures.
Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO

LPO Île-de-France : Parc Montsouris, 26 boulevard Jourdan, Paris (XIVe) e-mail