De nombreuses espèces animales ont évoluées à
nos côtés. Depuis le Moyen-Age, certaines espèces
de chauve-souris se sont installées dans les constructions, les
martinets noirs également ont délaissé les falaises
pour nicher dans l’habitat humain. L’étymologie des
noms d’espèce en témoigne : moineau domestique (Passer
domesticus), effraie des clochers, lézard des murailles (Podarcis
muralis). La réouverture officielle
de la cathédrale permet d’espérer le retour de certaines
espèces protégées qui y logeaient depuis des siècles,
dont le Faucon crécerelle.
Bien plus qu’une cathédrale, Notre-Dame de Paris est un écosystème.
La taille imposante de cette falaise urbaine et ses innombrables
cachettes sont une bénédiction pour certaines espèces
qui ont su s’adapter à l’environnement de nos villes.
Préserver
l’incroyable diversité de cavités qu’offre la
cathédrale Notre-Dame est important pour la biodiversité
parisienne.
Introduction |
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Architecture
et espèces du bâti
Les
espèces dîtes inféodées au bâti
appartiennent à l’histoire urbaine. Le maintien de
ces espèces est tributaire de leur prise en compte dans
l’entretien des édifices. Pourtant, la prise en compte
de l’habitat de ces animaux est trop souvent ignorée
dans les projets d’architecture. Les effectifs des populations
d’oiseaux et de chauve-souris liées au bâti
sont en forte régression. En effet, en France, en dix ans,
les populations de chauve-souris ont régressées
de 38%, et en vingt ans, les populations de martinets noirs ont
chuté de 40%. Le déclin de ces espèces insectivores
et inféodées au bâti est dû à
l’effondrement de la masse des insectes - 73% des insectes
ont disparu en 27 ans selon une étude allemande -, mais
aussi à la disparition de leur habitat à la faveur
d’une architecture n’offrant pas de cavités.
Répartitions
des espèces sur la cathédrale |
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Oiseaux
- Étages
supérieurs
- Faucon
crécerelle :
Pour
la nidification 30-36 m
- À
partir de 8 m
- Étage
inférieur 3 m - 12 m
- Moineau
domestique
- Rougequeue
noir
Entre
3 et 12m
Moineau
domestique |
Chiroptères
- De
4 m jusqu’au point le plus haut de l’édifice
-
La Pipistrelle commune
- La
Pipistrelle de Nathusius
- La
Pipistrelle de Kuhl
- La
Pipistrelle pygmée
D’après
une photographie datant d’entre
1867 et 1890, infographie ©
Elsa Caudron-LPO-IdF |
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À
Paris, entre 2003 et 2016, les effectifs de moineaux ont chuté
de 73%. Cette évolution correspond à une baisse
de 10% des effectifs chaque année. Avec un retard d’une
bonne décennie, les moineaux parisiens subissent le même
sort que leurs congénères des autres grandes villes
européennes.
Dans les quartiers où les rues et les façades sont
le mieux entretenues, il y a moins de trous dans les immeubles
pour nicher, moins de déchets pour se nourrir, moins de
végétation spontanée, et donc moins d’insectes
pour nourrir les jeunes en particulier. Il n’y a pas de
colonie connue sur Notre-Dame, pourtant le square Jean XXIII est
une zone importante pour les moineaux, leur permettant de se nourrir,
former des groupes pour dormir et se protéger des prédateurs,
prendre des bains d’eau et de poussière, se désaltérer…
Préconisations
-
Installer plusieurs nichoirs intégrés , les
moineaux vivent en colonie. Placer les nichoirs entre 3 m
de haut et une dizaine de mètres, ce peut être
plus haut.
-
Préserver
le square de l’installation des engins pour permettre
aux moineaux de trouver des lieux où se réunir,
dormir - arbres, arbustes - et se nourrir : plantes sauvages.
-
Ne
pas déloger les moineaux qui s’installent derrière
les statues.
-
Réaliser
des élévations détaillées des
façades indiquant l’emplacement des cavités
occupées ou potentielles. Pour les déterminer,
les observateurs guettent les mâles qui se postent et
chantent à l’entrée de cavités,
à partir de la fin de l’hiver.
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Nichoir
à moineaux domestiques en bois
©
José Luis Encinas |
Intégration
d’un nichoir dans un mur de moellons
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Type
de nichoirs : ce peut-être en bois pour fixer sur un élément
de charpente apparente mais pour une plus grand durabilité
on préférera le béton-de-bois qui peut être
intégré dans la maçonnerie.
Dimensions
des nichoirs
- Orientation
du trou d’envol : Sud-Est
- Matériau
: Béton de bois ; Poids : 10 kg
- Dimensions
(L x l x H) cm : 35 x 19.5 x 19
- Dimensions
de la chambre d’incubation (L x l x H) cm : 17.5 x 10
x 15
- Diamètre
du trou d’envol : 30 x 100 mm
Rénovation
du fronton de la mairie du XIe arrondissement de Paris
Des
nichoirs composés d’une seule façade
en bois, badigeonné à la couleur de la pierre ont
été installé pour abriter une colonie de
moineaux domestiques des prédateurs, et protéger
les reliefs des fientes de pigeons bizet.
Les
nichoirs ont été réalisés sur place
par le sculpteur lors de la restauration de la façade,
et la LPO ÎdF assure un suivi de la colonie. Installés
en 2022, les nichoirs ont déjà trouvé preneurs
!
Préconisations
- Espaces environnants
-
Préserver
le square de l’installation des engins pour permettre
aux moineaux de trouver des lieux où se réunir,
dormir - arbres, arbustes - et se nourrir : plantes sauvages.
-
Créer un petit espace de prairie semé d’espèces
indigènes et mise en place d’une fauche tardive
pour laisser les fleurs monter en graines et attirer toute
une population d’insectes qui serviront à nourrir
les jeunes moineaux au printemps.
-
Laisser la végétation se densifier pour leur
servir d’abris et assurer leur tranquillité.
-
Accepter les flaques d’eau
D’après
la revue La Salamandre :
Le parvis de Notre-Dame aurait vu ses derniers moineaux vers
2017, alors qu’en 2013, une bande d’environ 150 oiseaux
y était observée. |
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©
Laurent Geslin
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©
S. Rouzaud
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Faucon
crécerelle |
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Une
présence historique…
- La
présence des faucons crécerelles sur la cathédrale
Notre-Dame est attestée au moins depuis 1840 par Zéphirin
Gerbe (1810 – 1890). Pour autant, cette présence
n’a pas été continue dans la mesure où,
vers les années 1870, ils avaient disparu de Paris. Les
crécerelles n’y sont revenus que vers le milieu
du XXe siècle.
-
Depuis 1987, enquête faucons réalisée chaque
année dans Paris intra-muros. En effet, alors que l’enquête
réalisée pour le Fonds d’Intervention pour
les Rapaces (FIR) entre 1978 et 1982, avait abouti à
une estimation maximale de 10 couples pour le département
de Paris, la découverte de 5 couples nicheurs certains
sur la cathédrale en 1986 a laissé penser que
ce chiffre était sous-évalué, et qu’une
enquête était alors nécessaire pour mieux
connaître la population des crécerelles de Paris.
À partir de février 1987, le Centre ornithologique
Île-de-France (Corif), le FIR et la Ligue pour la protection
des oiseaux (LPO) ont donc mis en place une prospection systématique
des couples de Faucon crécerelle nicheurs dans la capitale.
Depuis, le FIR et le Corif ont rejoint la LPO et, aujourd’hui,
c’est le groupe Faucons de la LPO Île-de-France
qui met en œuvre cette enquête.
Les
effectifs
4
ou 5 couples nicheurs étaient présents, selon les
années, sur la cathédrale à la fin des années
quatre-vingts.
Depuis les années quatre-vingt-dix, 1 seul couple nicheur
est répertorié, les cavités choisies pouvant
changer d’une année sur l’autre.
La
restauration de la flèche et l’incendie
En
2018, la mise en place des échafaudages pour les travaux
de restauration de la flèche de Viollet-le-Duc a provoqué
un dérangement certain pour les crécerelles, qui
n’ont donc pas niché sur la cathédrale, alors
qu’un couple était bien présent en début
de saison de reproduction.
En 2019, un couple a été observé dès
février, et s’apprêtait à nicher sur
une plateforme du transept nord. L’incendie du 15 avril
2019, qui a ravagé la cathédrale, les a fait fuir,
mais le groupe Faucons s’est mobilisé pour retrouver
d’abord la femelle le 18 avril, puis le couple le lendemain,
la femelle étant cantonnée sur sa probable aire
de nidification.
Malheureusement, le 20 avril, les observateurs du groupe Faucons
ont assisté, impuissants, à un vol de drone au-dessus
de la cathédrale qui a eu pour conséquence de faire
fuir le couple.
Ensuite, les travaux de sécurisation du site, avec 80 personnes
mobilisées tous les jours - jour, nuit et week-end -, tous
métiers confondus, le bâchage de la cathédrale
pour la protéger de la pluie et l’emmaillotage des
pinacles pour éviter que des éléments ne
chutent sur la voie publique, l‘installation de nouveaux
échafaudages pour mettre en place un processus de conservation
des sculptures de la façade, comme les gargouilles et les
chimères ont été autant de dérangements
qui ont interrompu le cycle biologique des crécerelles.
De
Notre-Dame à la Sainte-Chapelle ?
En
2020, le groupe Faucons à identifié un nouveau site
de reproduction des Faucons crécerelles sur la Sainte-Chapelle.
S’agit-il des crécerelles de Notre-Dame ?
Les
lieux de nidification
Notre-Dame
s’apparente à une falaise, avec une multitude de
reposoirs sur lesquelles les crécerelles se sentent en
sécurité. Mais ce sont surtout les trous de boulin
qui leur offrent des possibilités de nicher. Ces trous
ménagés dans les murs étaient destiné
à recevoir les traverses - les boulins - qui portent les
planchers des échafaudages lors de l’édification
de la cathédrale.
Après leur retrait, ces cavités ont été
conservées pour faciliter la mise en place ultérieure
de nouveaux échafaudages à l’occasion de travaux
d’entretien.
Mais Notre-Dame offre également d’autres possibilités
de nidification pour les faucons crécerelles avec les pinacles.
Il s’agit là d’ouvrages placés au sommet
des contreforts des arcs-boutants, en forme de maisonnette couverte
d’un toit à deux pans, sous lequel un trou permet
d’accéder à une cavité spacieuse et
bien abritée des intempéries. Ces ouvrages ne sont
pas seulement décoratifs, leur raison d’être
est d’ajouter de poids en hauteur pour mieux contrebalancer
la poussée des arcs-boutants sur les contreforts.
Tous ces emplacements occupés par les crécerelles
pour nicher se trouvent au-dessous du balcon du chemin de ronde
qui ceinture la nef, et qui est situé à 37 m environ
au-dessus du sol. Ces aires de nidification sont donc à
une hauteur comprise entre 30 et 36 mètres au-dessus de
la rue.
Préconisations
Dans
un passé récent, des rénovations sur Notre-Dame
ont eu pour conséquence des modifications architecturales
durables et préjudiciables à l’avifaune :
des trous de boulin ont été tout simplement obturés
en trompe l’œil. C’est le cas en particulier
sur le côté sud de la tour sud, face à la
Seine.
Si Notre-Dame a été une pyramide écologique
pour les oiseaux, Faucons crécerelles, Choucas des tours,
Martinets noirs, Rouge-queue noirs, et
bien sûr Pigeons bisets, Pigeons ramiers et Pigeon colombins
en grand nombre… cela tient à la présence
de centaines de trous de boulins.
En effet, moins de cavités aura pour conséquence
un accroissement de la concurrence entre les espèces cavicoles,
sensiblement de même taille, qui convoitent les mêmes
trous pour se reproduire, et il n’est pas certain les crécerelles
sortent vainqueurs de cette compétition.
En conséquence, l’obturation en trompe l’œil
devrait être proscrite et toutes les cavités conservées
pour laisser une Notre-Dame même rajeunie, toujours
en état d’accueillir les oiseaux de Paris.
A défaut, une mesure conservatoire minimale et raisonnable
serait de sanctuariser tous les trous de boulin ayant déjà
dans le passé servi à la reproduction des Faucons
crécerelles. Nos observations à Notre-Dame ont montré
que, chaque année, les Faucons sont fidèles à
certaines cavités. Celles-ci sont connues, répertoriées
et bien localisées sur le monument par la LPO. Elles ne
devront en aucun cas être obturées et les queues
de cheval blanches à l’aplomb du trou de boulin,
signant l’occupation passée par les Crécerelles,
devront être conservées : il s’agit là
d’autant de signaux visuels pour les futurs jeunes rapaces
cherchant à se loger.
Préconisations
- Donner à lire l’histoire constructive de Notre-Dame
Les
trous de boulin ne sont pas seulement un intérêt
majeurs pour les espèces cavicoles, ils sont aussi les
témoins de l’histoire constructive de Notre-Dame.
Les trous de boulins ont été préservés
au cours des siècles pour permettre la pose d’échafaudages
pour entretenir la cathédrale. Aujourd’hui le chantier
de Notre-Dame est mis en scène par les échafaudages
éclairés et les palissades de chantiers illustrées
pour renseigner les visiteurs sur les défis du chantier.
Une communication pourrait être envisagée autours
des trous de boulins, pour présenter à la fois comment
étaient conduits les chantiers de construction et d’entretien
au Moyen-Age, et comment ces éléments ont permis
à différentes espèces d’oiseaux de
nicher en ville.
Si
cela n’est pas possible dans le cadre des travaux, mettre
en place des mesures compensatoires telles que l'installation
de nichoirs sur mesure cachés dans les pinacles.
Référence
de nichoirs artificiels dans du bâti ancien |
Faucon crécerelle, pinacle et trous de boulins - Cathédrale
Notre-Dame
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Jeunes
faucons crécerelle dans un trou de boulin
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Trous
de boulins - Échafaudages - Viollet-le-
Duc Dictionnaire raisonné de l’architecture
française du XIe au XVIe siècle
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Nichoir
à faucon crécerelle
Poids
: 30kg
Dimensions
(lxPxH) : 35,5 - 35,5 - 42,5
Chambre d'incubation (lxPxH) :
32,5 - 34 - 350-389
Ouverture
(lxH) : 24,5 - 29 |
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Nichoir
de faucon pèlerin
Cathédrale de Nantes
Intégration
d’un nichoir à Faucons crécerelle lors de
la rénovation du logis royal du Château d’Angers
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Emplacement
des nids de faucons crécerelle 1986 - 2019
En 2016 il n’y a pas eu de nidification. En 2019 un couple
était présent. La femelle s’était cantonnée
au transept nord - espace B ; emplacement 2018 - avant l'incendie. |
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.....
.Note
Les espèces du bâti de Notre-Dame
Trois
oiseaux - Quatre chiroptères
..............
Depuis
2022, la LPO accompagne l’Établissement
public Rebâtir
Notre-Dame de Paris dans une démarche visant
à intégrer la biodiversité dans
les travaux de restauration. Dans le cadre de ce partenariat,
des visites techniques ont permis d’identifier
et d’évaluer les emplacements potentiels
pour l’accueil des nids et de proposer des mesures
d’amélioration. Les compagnons et entreprises
du chantier pourront être formés à
repérer et préserver la faune tandis
que les naturalistes de la LPO Île-de-France
effectuent un inventaire régulier des espèces
présentes sur le site. La mairie de Paris a
de son côté émis le souhait que
les squares entourant Notre-Dame rejoignent les Refuges
LPO, premier réseau de jardins écologiques
en France.
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....
Les
animaux sauvages ont logiquement déserté
les alentours à la suite de l’incendie
du 15 avril 2019. Leur réinstallation sera sans
doute progressive, car le dérangement demeure
important en raison des travaux qui se poursuivent.
En 2022, un premier couple de faucons a toutefois pu
se reproduire dans un pinacle derrière la tour
Nord, mais a en revanche échoué l’an
dernier. Pourtant, en 1986, l’édifice a
accueilli jusqu’à 5 familles de faucons
crécerelles, dont les effectifs de la capitale
s’élèvent aujourd’hui à
moins de 30 couples. Des moineaux domestiques, dont
la population parisienne a décliné de
75% en à peine 20 ans, et des chauves-souris
de la famille des pipistrelles gravitent également
à proximité.
La LPO est très fière de contribuer
à la prise en compte de la biodiversité
dans la rénovation de Notre-Dame.
La culture et la nature sont deux éléments
inestimables et fragiles de notre patrimoine commun,
que nous devons impérativement protéger
de concert afin de les transmettre aux générations
futures.
Allain Bougrain Dubourg, Président de la
LPO
LPO
Île-de-France : Parc Montsouris, 26 boulevard
Jourdan, Paris (XIVe) e-mail
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