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Les cultures franciliennes pour fabriquer les produits et matériaux de demain
Argumentaire agronomique et environnemental

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(1) Introduction
La paille - Le chanvre
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La construction à partir de matériaux biosourcés, comme le bois, la paille ou le chanvre se développe en Île-de-France, mais
pas nécessairement à partir d’une ressource francilienne. Les filières de matériaux ou produits biosourcés existent dans la région, mais
elles sont encore économiquement fragiles et peinent à trouver un débouché sur le marché francilien. Dans le cadre de l’accompagnement
de la stratégie régionale pour l’essor des filières des matériaux et produits biosourcés en Île-de-France, cette note présente
un argumentaire agronomique et environnemental des cultures concernées, afin de les faire connaitre,
et d’inciter à leur développement à l’échelle régionale, en fonction des contextes locaux.

Introduction

Portés par une réglementation favorable, les matériaux ou produits biosourcés prennent aujourd’hui une place croissante au côté des matériaux conventionnels pour divers usages, en particulier la construction, mais aussi le textile, la fabrication de bioplastiques… Les cultures étudiées ici sont les céréales à paille, le chanvre, le lin et le miscanthus : pour chacune de ces cultures sont explorés les atouts, mais aussi les points de vigilance, en termes agronomique, technique ou économique (du point de vue essentiellement de l’exploitation agricole), et plus largement en termes environnementaux. Le bilan des atouts et contraintes est assorti d’une rapide présentation de la culture et de la filière actuelle en Île-de-France, avec une mise en perspective des surfaces cultivées dans les régions voisines du Bassin parisien. (*)
Cette note à caractère général n’a pas vocation à remplacer les guides techniques spécialisés ou les études approfondies de filières. Elle vise à rassembler, au sein d’un même document, un panorama général et des clés de compréhension des principales cultures et de leur valorisation, à destination des acteurs susceptibles d’intervenir dans la consolidation des filières des matériaux et produits biosourcés (élus et techniciens, agriculteurs…).
(*) Les pages publiées ne présenteront pas le bilan des atouts et contraintes, accessible ICI (NDLR).

 
La paille en Île-de-France  

Généralités sur la paille

La paille correspond à la tige d'un certain nombre de cultures, coupée lors de la récolte des grains : elle est issue de céréales - blé, orge, avoine et triticale, maïs -, mais aussi d'oléagineux - colza et tournesol - ou de protéagineux : féveroles et pois. Une fraction de la paille difficilement mobilisable est fréquemment laissée au champ : il s'agit des chaumes - parties basses des tiges de paille, non coupées - et de la menue paille : débris des céréales à paille formés lors de la récolte ainsi qu'adventices présentes dans le champ.

Champs d’orge et de blé dans le Parc naturel régional du Gâtinais français
©
Pierre-Yves Brunaud / L’Institut Paris Region

L'utilisation de la paille en construction, sous forme de torchis pour les murs ou en chaume pour les toitures est très ancienne. L'utilisation de bottes de paille dans la construction d'un bâtiment est apparue aux États-Unis à la fin du XIXème siècle, et la première maison française en ossature bois et remplissage en paille date de 1921, à Montargis. La valorisation en matériaux privilégie l'utilisation de la paille de céréales, et en particulier la paille de blé, la seule à disposer de certifications techniques. Les pailles d'orge ou de triticale, de structure et composition assez proches, pourraient également être envisagées pour ce débouché.
Concernant la culture du blé, qui est celle du blé tendre en Île-de-France transformé en farine pour le pain et la biscuiterie - contrairement au blé dur cultivé dans les régions plus chaudes et sèches et transformé en semoule ou en pâtes -, le semis a lieu à l'automne (octobre - novembre) pour le blé d'hiver ou à la fin de l'hiver (février - mars) pour le blé de printemps. La période de récolte s'étale de mi-juillet jusqu'à septembre. La récolte peut être réalisée par une moissoneuse-batteuse traditionnelle ou par un batteur axial : de l'ordre de 40% des pailles battues en mode axial en Île-de-France.

Andains de paille de céréales après récolte
© all themes/ Shutterstock.com

Surfaces cultivées

Le bassin parisien est un territoire traditionnellement tourné vers la culture de céréales, oléagineux et protéagineux, et ces grandes cultures représentent plus de 80% des surfaces cultivées en Île-de-France. Dans la région, entre 2017 et 2020, les surfaces cumulées ayant pour culture principale le blé tendre, l'orge et le triticale, sont en moyenne de 311 900 ha (d'après les données du RPG 2017, 2018, 2019, 2020). Avec un rendement moyen de 3 à 4 t de paille / ha en Île-de-France, et en considérant un retour au sol minimum de 40% du volume récolté, on peut estimer que la production de paille mobilisable pour différentes valorisations autres qu’agronomiques - élevage, matière ou énergie - s’établit entre 280 et 750 000 tonnes par an environ.

Transformation et valorisation de la paille

La paille coupée lors de la récolte peut-être soit laissée dans le champ puis enfouie dans le sol, soit exportée pour divers usages. Lorsqu’elle est récoltée, la paille est mise en andains, petits amas de paille. Ensuite, selon l’usage et le matériel dont l’agriculteur dispose, la paille peut être formée en balles rondes ou travaillée par pressage pour former des balles rectangulaires très denses, qui sont plus adaptées au stockage et au transport.

Cultures de blé tendre, orge et triticale (2020)
Sources : L’Institut Paris Region RPG 2020

  • Valorisation agronomique : aujourd'hui, la paille coupée est majoritairement restituée au sol, afin de l'enrichir en matières organiques, améliorant ainsi de nombreuses propriétés du sol et sa fertilité : enrichissement en éléments nutritifs par décomposition par les microorganismes du sol, amélioration de la structure et de la stabilité des sols, aération, infiltration et meilleur stockage de l'eau, soutien à l'activité biologique des sols. La restitution au sol peut également se faire sous forme de fumier - assez marginal en Île-de-France -, mélange de paille et de déjections animales, ou sous forme de digestat de méthanisation.
  • Valorisation en élevage : la paille est principalement utilisée comme litière pour les animaux, préférentiellement des pailles de céréales. Le cheptel francilien reste très modeste à l'échelle nationale, seul le cheptel équin - chevaux - progresse. Un cheval adulte utiliserait entre 13 et 17 kilos de paille par jour. La valeur nutritive des pailles étant très faible et variable, elles sont utilisées de façon très marginale pour l’alimentation animale, en période de sécheresse notamment.
  • Valorisation matière : la paille est aujourd’hui valorisable dans la construction sous différentes formes : bottes de paille, torchis, mélange terre-paille ou encore panneaux de paille compressés.
    À l'origine, la construction en bottes de paille était mise en œuvre principalement dans des projets d'auto-construction et de chantiers participatifs, mais un nombre croissant d'architectes et d'entreprises du batiment s'intéressent à cette technique, et depuis 2006, une offre professionnelle se met en place dans la plupart des régions de France. Le marché de la construction en paille reste aujourd’hui anecdotique en Île-de-France, mais tend à se développer : on recense environ 30 constructions en botte de paille ou intégrant de la paille à l’échelle régionale, dont 5 établissements recevant du public (3 500 constructions en France). Environ 280 tonnes de paille ont été mises en œuvre dans la construction en Île-de-France en 2016 (4 600 tonnes en France). Le réseau français de la construction paille (
    RFCP) assure l’écriture des règles professionnelles, permettant aujourd’hui à la construction paille d’appartenir aux techniques courantes. L’association Collect’IF paille, antenne régionale du RFCP, porte la dynamique de la construction paille en Île-de-France depuis 2015. L'usage d'une mixité de matériaux, notamment de bois, terre et paille, est expérimenté dans un nombre croissant de projets, souvent des équipements, une trentaine dans la région. Les principaux sytèmes constructifs en paille sont des systèmes de remplissage d'ossature porteuses ou de caissons avec des bottes de paille, et dans une moindre mesure les systèmes de paille porteuse, où la paille assure à la fois structure et isolation.
    La paille est également recherchée pour fournir de la matière première à la production industrielle (chimie du végétal) : industries de l’amidon pour la fabrication de papiers et carton, ou encore de plastiques biodégradables, industries de la valorisation des huiles végétales pour la fabrication de biodiésel, lubrifiants, peintures, laques ou encore vernis. Des bioraffineries dites de seconde génération sont en cours de développement. Elles reposent sur l’utilisation des plantes entières, ouvrent de nouveaux débouchés aux filières dites lignocellulosiques - bois, paille, cultures dédiées, mais également déchets d'origine végétale au sens large - pour la valorisation des parois végétales riches en celluloses, hémicelluloses et lignines en biocarburants et intermédiaires de synthèse.
  • Valorisation en énergie : utilisation comme combustible pour chaufferies paille ou bien comme intrants en méthanisation pour la production de biogaz : utilisé en chauffage, en production d'électricité par cogénération, ou éventuellement comme carburant pour le transport.


Ramassage de petites bottes de paille – Neufmoutiers-en-Brie (77)
© Corinne Legenne / L’Institut Paris Region

Surfaces cultivées en céréales à paille en Île-de-France et dans les régions limitrophes du Bassin parisien - blé tendre, orge, triticale - en ha

 

Le chanvre en Île-de-France

 


Surfaces cultivées en chanvre en Île-de-France et dans les régions limitrophes du Bassin parisien (en ha)
Entrée du site de Planète Chanvre – Aulnoy – 77 © Marie Carles / L’Institut Paris Region

Généralités sur le chanvre

Originaire d'Asie centrale, le Chanvre (Cannabis sativa L.) est cultivé depuis plus de 8 000 ans pour sa fibre textile, sa graine oléagineuse - le chènevis - et également la chènevotte : bois de chanvre.
Il s'agit d'une culture de printemps : semée de début avril à début mai, elle est récoltée sur une période pouvant aller de mi-août à début octobre.

Parcelle de chanvre dans le Parc naturel régional du Gâtinais français
©
Julie Missonnier / L’Institut Paris Region

Surfaces cultivées

Après une quasi-disparition du chanvre des surfaces cultivées de France, cette plante connaît un regain d’intérêt depuis les années 1970, pour des usages diversifiés, d’abord pour les marchés papetiers, puis pour des marchés émergents comme la plasturgie ou le bâtiment.
La relance de la culture du chanvre en Île-de-France est récente : en 2008 et 2009, des initiatives locales se développent, l’une portée par un groupe d’agriculteurs au nord de la Seine-et-Marne - Planète Chanvre - et l’autre initiée par le Parc naturel régional du Gâtinais français, entre Seine-et-Marne sud et Essonne : Gâtichanvre et depuis 2021 Société Nouvelle Gâtichanvre. À ces deux principaux bassins de production franciliens, s'ajoutent des producteurs de chanvre dans les Yvelines, qui alimentent la chanvrière Agrochanvre, située dans la Manche.
Avec 2 000 ha environ de surface cultivée en 2017 et 2018 d'apès les données du RPG - 1 000 ha en 2015 -, l’Île-de-France est l’une des principales régions productrices de chanvre de France, concentrant de l’ordre de 13% des surfaces cultivées ; 15 200 ha en 2019 à l’échelle de la France. La surface semble marquer une tendance à la baisse en 2019 et 2020 - respectivement 1 370 et 1 165 ha -, du fait de difficultés techniques et financières rencontrées par la chanvrière Gâtichanvre. Avec la reprise de l’activité par la Société nouvelle Gâtichanvre, la surface devrait progressivement remonter à partir de 2022, pour atteindre 2 500 à 3 000 ha environ.

Les différents produits issus du chanvre
© Marie Carles / L’Institut Paris Region

Transformation et valorisation du chanvre

Suite à la récolte, la paille de chanvre est retournée et mise en andains, au cours de laquelle elle va subir un rouissage : l'eau et les micro-organismes du sol agissent sur les ciments pectiques, qui lient la fibre extérieure au cœur de la paille de chanvre appelé chènevotte.

La première transformation du chanvre consiste en un défibrage, et permet de séparer la fibre de la chènevotte.
La fibre est principalement utilisée pour confectionner des pâtes pour papiers spéciaux, des plastiques et des matériaux de construction, mais la demande est croissante pour le marché textile. La chènevotte est valorisée seule comme litière animale ou paillage horticole, ou en mélange comme matériau de construction : béton de chanvre, association de chaux et de chènevotte. Le chènevis - graine - est utilisé pour l'alimentation des oiseaux ou la fabrication d'appâts pour la pêche, mais le marché de l'alimentation humaine est en fort développement, la graine ayant des vertus de super aliment.
Les deux bassins de production franciliens comptent chacun leur propre usine de défibrage de paille de chanvre, à Aulnoy (77) pour Planète Chanvre, et à Prunay-sur-Essonne (91) pour la SN Gâtichanvre. Par ailleurs, une unité de production d'éléments constructifs préfabriqués à base de bois et béton de chanvre, située à Aulnoy, est opérationnelle depuis 2021 : projet Wall’Up, soutenu financièrement par l’Etat et la Région Île-de-France dans le cadre de l’appel à projets structuration des filières agricoles et forestières franciliennes. Elle vise à réaliser 50 000 m² / an de parois isolées, pour répondre à une demande de 1 500 logements / an.
Pour Planète Chanvre, la production de paille de chanvre est de l’ordre de 5 000 t / an, dont 50 % de chènevotte - valorisation en paillis, litière pour animaux et matériaux de construction pour 10% environ -, 25% de fibre - valorisation en matériaux composites dans l'automobile pour 30%, en matériaux isolants pour la construction pour 30%, en textile pour 10% - et 25% de poussières : valorisation en compostage, méthanisation…

Pour la SN Gâtichanvre, la production, à l’arrêt en 2021 et 2022 - activité limitée à du négoce de matériaux -, devrait être relancée dès 2023, après des travaux de mise aux normes de la ligne de défibrage. La chanvrière envisage une diversification des débouchés : valorisation de la graine - alimentaire et cosmétique, en production biologique -, de la fibre - matière première pour la fabrication de panneaux de fibre, de bioplastiques pour l’automobile, production de papier, travaux publics… -, de la chènevotte - matière première pour la fabrication de blocs de béton de chanvre, paillage et litière -, de la poussière de chanvre : méthanisation, séchage des graines de chanvre. Les productions franciliennes peinent encore à trouver leurs débouchés dans la région, où les besoins en termes de construction sont pourtant considérables. Ces produits sont aujourd’hui essentiellement exportés, ou utilisés dans un périmètre local autour du bassin de production. Depuis l’émergence du béton de chanvre il y a environ 30 ans, on estime qu’entre 50 et 100 bâtiments ont été construits avec une structure bois et béton de chanvre en Île-de-France en 2019. Toutefois, le marché francilien semble prendre un nouvel essor, et un certain nombre d'acteurs de l'aménagement intègrent désormais des produits biosourcés à base de chanvre dans leurs projets : EPA Marne, EPA Saclay, EPA Sénart notamment.

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Les cultures franciliennes pour fabriquer les produits et matériaux de demain

Argumentaire agronomique et environnemental
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Cette étude a été réalisée, en collaboration avec la Chambre d’agriculture d’Île-de-France et l’Agence de l’eau Seine-Normandie, à partir d’une synthèse de guides techniques agricoles ou d’études existants sur le sujet. L’analyse bibliographique a été complétée par une série d’entretiens menés auprès d’acteurs impliqués dans ces filières..
 

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L'Institut Paris Region

Directeur général : Nicolas Bauquet
Directeur général adjoint, coordination des études : Sébastien Alavoine
Département Environnement : Christian Thibault, directeur de département
Étude réalisée par Marie Carles et Julie Missonnier
Avec la collaboration de Cécile Mauclair, Jean Benet, Thomas Hemmerdinger, Madeleine Noeuvéglise

MARS 2023 - N° d’ordonnancement : 8.20.020 - ISBN 978 27371 2353 5

15, rue Falguière 75740 Paris cedex 15 - Tél. : + 33 (1) 77 49 77 49 - Fax : + 33 (1) 77 49 76 02
institutparisregion.fr

 

Remerciements :

Nous tenons à remercier chaleureusement l’ensemble des professionnels qui nous ont consacré du temps, au cours d’entretiens ou de réunions, pour mieux comprendre le contexte, les avantages ou les contraintes de ces cultures et leurs usages :
• Agence de l'eau Seine-Normandie : Jennifer Druais
• Chambre d'agriculture : Elise Le Marchand et Rémi Baudoin sur l'ensemble des filières, avec un zoom sur la filière chanvre ;
..Bertrand Bacle, Eric Ruiz, conseillers agricoles dans le 77.
• Collect'if Paille : Charlotte Leuvard, Charlotte Picard, Julie Turpin, Volker Ehrlich
• Interchanvre, Planète Chanvre : Franck Barbier, Eric Grange, Anne-Marie Nuyttens
• Société nouvelle Gâtichanvre : Ronald Beauvu • Epamarne : Alejandro Alvaro, Mélanie Siebert • BES / Polybiom : Isabelle Billard
• Ets Devogèle : Manon Delétain • Région Île-de-France, service Ruralité et bioéconomie : Marie Chevillotte, Melpomène Delaune.