La vie secrète des plantes et des animaux

(1) La vie secrète des animaux



Qu’ils aient deux, quatre, six ou huit pattes, qu’ils pèsent quelques dixièmes de grammes ou plusieurs centaines de kilos, qu’ils possèdent un cerveau énorme ou minuscule, les animaux ne cessent d’étonner, voire d’émerveiller les chercheurs qui les étudient.
La génomique, l’élevage de précision ou l’analyse du comportement contribuent à une meilleure connaissance des animaux d’élevage, condition essentielle à l’amélioration de leur bien-être et de celui des hommes qui s’en occupent. Parasites et bioagresseurs sont
scrutés avec la même attention, mais avec cette fois le souci de réduire l’impact négatif qu’ils peuvent avoir sur l’environnement et
la santé humaine et animale. Les plantes sont des organismes fascinants. L’analyse génomique permet de mieux les appréhender,
mais elles demeurent encore étonnamment secrètes. Il faut bien entendu se garder de tout anthropomorphisme lorsqu’on les évoque, mais avouons que les termes qu’emploient certains chercheurs pour les décrire ne nous y aident guère. Dans la nature, tout
le monde se parle, s’entraide ou s’affronte. La connaissance de ces interactions est essentielle pour favoriser celles
qui sont bénéfiques aux plantes et aux animaux qui nous sont nécessaires et pour limiter l’impact des autres.

La vie secrète des animaux

La tique, voyageuse immobile

Tout le monde connaît les tiques. Et pour cause, ces acariens présents partout en France sont, avec les moustiques, les principaux vecteurs de pathologies transmissibles à l’homme. À commencer par la maladie de Lyme, en progression sur l’ensemble du territoire. Mais les animaux, et notamment les bovins, ne sont pas épargnés. Lors de leur repas de sang, les tiques peuvent leur transmettre un parasite responsable de la piroplasmose, une pathologie proche du paludisme et potentiellement mortelle. Mais comment cet acarien, à la mobilité réduite et privilégiant l’humidité des milieux forestiers, parvient-il à planter son rostre dans le cuir d’une vache en pâture ou dans le mollet d’un randonneur en rase campagne ? Eh bien, en faisant de l’animal-stop ! Au cours de sa vie, la tique doit effectuer trois repas de sang pour passer de la larve - presque un adulte en miniature - à la nymphe, puis au stade adulte. Et pour cela, elle s’agrippe, suivant sa taille, à de petits animaux tels que les rongeurs et les oiseaux, ou à de plus grands mammifères, par exemple les cervidés, dont certains peuvent héberger les agents pathogènes qui la contamineront. Or, ces animaux sont capables de parcourir de très longues distances, favorisant la dissémination des tiques qu’ils transportent bien malgré eux. D’autant que le repas de sang peut durer longtemps : plus de dix jours pour les femelles adultes ! Le projet OSCAR, mené de 2012 à 2016, s’est efforcé d’évaluer le rôle de la faune sauvage et de l’organisation des paysages dans la dynamique des populations de tiques. Il s’est aussi attaché à mesurer la densité de tiques infectées dans les différents milieux. L’étude mise en place dans deux grandes zones - Zone Atelier Armorique et Vallées et Coteaux de Gascogne - comprenait près de 1 800 points d’échantillonnage répartis dans trois types d’habitats : forêts, lisières des bois et haies bordant les prairies. Des milliers de tiques ont été prélevées sur le terrain, mais également sur les micromammifères et chevreuils, ces derniers ayant en outre été munis de colliers GPS afin de mesurer leurs déplacements. Les analyses ont ainsi montré que 2 à 5 % des tiques et micromammifères étaient porteurs de pathogènes. L’étude a également mis en avant l’impact du paysage agricole dans la dissémination des acariens. Ceux-ci, par exemple, sont davantage présents dans les prairies bordées de haies hautes et denses que dans les champs dépourvus de ce type de végétation. Des analyses statistiques ont permis d’estimer le nombre de tiques et d’hôtes présents dans un milieu, en fonction de sa nature et sa localisation par rapport aux milieux adjacents et aux variables climatiques. Et un logiciel permet, dès à présent, de générer des paysages virtuels et ainsi mesurer l’impact des changements dans la structure du paysage, par exemple l’ajout de haies ou la diminution des surfaces forestières dans la densité et la propagation des tiques.

Un génome grand comme ça !

Parce qu’on ne combat bien que ce qu’on connaît bien, l’Inra pilote deux grands projets de génétique dédiés à l’étude de la tique. Le projet Genlric, en collaboration avec le Genoscope à Évry, s’efforce de séquencer le génome complet de la tique Ixodes ricinus, vectrice de la maladie de Lyme. Et c’est un sacré challenge, car sa taille est presque aussi importante que celle du génome humain ! Cette connaissance accrue de l’embarrassant acarien ouvrira la voie au développement de nouvelles méthodes de lutte et à une meilleure prévention des risques de transmission de maladies par les tiques à l’homme et aux animaux. De son côté, Xenobio-TICK vise à constituer un catalogue exhaustif des neurorécepteurs exprimés au niveau du cerveau de ces acariens (synganglion). Le but consiste à identifier ceux qui sont spécifiques à l’animal afin de développer des acaricides les ciblant exclusivement. Eh oui, il ne faudrait pas que ces nouveaux produits menacent le reste de la faune, à commencer par les insectes qui partagent son biotope et dont certains, comme les bousiers par exemple, sont particulièrement utiles !




Les abeilles, championnes de la manipulation

Approchez de la ruche - avec prudence, bien sûr - et ouvrez-là. Les habitants sont en pleine forme et il se dégage un délicat parfum de miel, de cire et de propolis. C’est à peu près tout ce que peuvent percevoir vos récepteurs olfactifs.
Et pourtant, l’air de la ruche est saturé d’odeurs qui sont autant de voies de communication entre les individus et dont l’action combinée est essentielle à l’équilibre et la bonne santé de la colonie. Ces substances chimiques, dont certaines très volatiles, sont les phéromones, et toutes les abeilles en émettent pour interagir avec leurs congénères. Ou les manipuler.
On sait depuis longtemps que la reine produit une phéromone qui inhibe le développement des ovaires des ouvrières et que les larves en utilisent pour indiquer aux nourrices la nature des soins qu’elles requièrent tout au long de leur développement. Les butineuses de leur côté peuvent retarder la maturité des jeunes ouvrières afin qu’elles s’occupent des tâches intérieures, plutôt que de partir récolter le pollen. Les larves sont aussi capables d’une telle manipulation.
Mais, comme les chercheurs de l’Inra l’ont découvert récemment, elles peuvent aussi émettre une molécule volatile, l’ocimène, qui en plus d’inhiber le développement des ovaires, comme le fait la reine, va forcer les nourrices à devenir butineuses si les besoins en nourriture deviennent prioritaires. Ce phénomène illustre bien la plasticité des abeilles qui peuvent changer de rôle à des stades plus ou moins avancés de leur existence, pour répondre aux exigences de la colonie.

Mondialisation : les insectes ravageurs adorent !

Saviez-vous que le commerce mondial des plantes d’ornement était en 2007 responsable de 53 % des arrivées d’insectes exotiques en provenance d’un autre continent ? C’est un fait, tous les êtres humains aiment les fleurs, plantes en pot, arbustes et arbres qu’ils vont chercher dans la région voisine, ou à l’autre bout du monde. Mais le souci, c’est que ces végétaux ne viennent pas forcément seuls. Il arrive que des passagers clandestins les accompagnent et s’éclipsent discrètement à leur arrivée, avec des conséquences parfois dramatiques.
Une statistique illustre l’ampleur du phénomène : 70 % des insectes ravageurs introduits en France métropolitaine entre 2005 et 2014 ont voyagé sur des plantes d’ornement ! La moitié d’entre eux en provenance d’Asie. Dans leur pays d’origine, les dégâts qu’ils causent sont rarement préoccupants car leurs prédateurs naturels se chargent d’en limiter le nombre. Mais en France, rien ne vient entraver leur expansion. La pyrale du buis, introduite accidentellement en Europe en 2007, sans doute en même temps que des pieds de buis provenant de Chine, est un exemple frappant de ce phénomène qui s’est amplifié ces dernières décennies avec la mondialisation des échanges. Mais le plus préoccupant, c’est que les insectes se propagent aujourd’hui bien plus vite que par le passé. En cause, l’effet que les scientifiques qualifient de tête de pont au cours duquel une population de ravageurs nouvellement établie dans un lieu donné sert de source à de nouvelles introductions. Ces insectes, transportés accidentellement, parfois sur de grandes distances, atteignent ainsi des territoires indemnes bien plus vite que s’ils avaient dû s’y rendre par leurs propres moyens. Plateformes d’import-export, pépinières et grandes surfaces de jardinerie constituent un réseau de dissémination idéal. S’agissant de la pyrale, sa dissémination fulgurante était inévitable, sachant que les Français achètent chaque année deux millions de pieds de buis qui ne proviennent que d’une poignée de centrales d’achat ! Une fois introduite dans nos villes et villages, elle n’a pas eu de mal à trouver le chemin de nos forêts, et la pyrale menace à présent l’ensemble des buxaies sauvages.

Anticiper et prévenir la menace

La lutte contre les ravageurs constitue l’une des priorités de l’Inra. Piégeage à base de phéromones, lutte bactériologique, usage de parasitoïdes, gestion paysagère..., tous les moyens alternatifs aux produits phytosanitaires de synthèse sont à l’étude pour tenter de les contrôler. Avec déjà des résultats encourageants, notamment contre la processionnaire du pin qui profite du réchauffement climatique pour s’étendre vers le Nord, ou encore le cynips du châtaignier arrivé récemment dans le Sud de l’Europe.
Mais la prévention se révèle tout aussi essentielle pour anticiper l’arrivée de nouveaux insectes phytophages. Dans cette optique, l’Inra, en collaboration avec la Chine, a installé dans ce pays, d’où proviennent la plupart des insectes exotiques, des plantations d’arbres européens, ou plantations sentinelles. Objectif : observer le comportement des insectes phytophages locaux et évaluer le degré de menace de chacun d’eux, en cas d’introduction sur le territoire européen. Un laboratoire, associant l’Inra et deux organismes scientifiques chinois, a été créé en 2018 afin d’exploiter ces données et définir des mesures préventives.

De l'intelligence des poules...

Les éleveurs de poules pondeuses en ont fait le constat. Parmi les individus qu’ils reçoivent en provenance de différents fournisseurs, certains trouvent sans difficulté nichoirs et mangeoires, tandis que d’autres au contraire peinent à appréhender leur nouveau milieu. Or, une poule pondeuse, qui ne parvient pas à s’adapter à son environnement, risque de développer un mal-être qui nuira à sa productivité. Il est donc essentiel de comprendre la façon dont un animal apprend et traite les informations, comment il analyse et interprète son environnement, de manière à concevoir des systèmes d’élevage adaptés.
C’est tout l’enjeu des travaux menés par l’équipe Cognition, Éthologie, Bien-être animal de l’Inra Val de Loire. Les chercheurs développent des méthodologies permettant d’évaluer les capacités cognitives des animaux d’élevage, de la poule jusqu’au cheval, dans le but de mieux appréhender leurs besoins. Déjà, une expérimentation, menée sur les cailles japonaises, a montré que les animaux d’un naturel peu émotif sollicitaient des systèmes de mémoire simples. Concrètement, ils ne repéraient la nourriture dans l’enclos qu’en se basant sur la couleur de la mangeoire. Les cailles, plus émotives en revanche, faisaient appel à la mémoire spatiale, plus complexe d’un point de vue cognitif, et retrouvaient l’emplacement de la mangeoire, sans se soucier de sa couleur. Ce sont elles qui, a priori plus curieuses, s’adapteront le mieux à un nouvel environnement. Mais doit-on pour autant négliger les autres ? Non, évidemment, d’où l’importance d’adapter le système d’élevage aux traits de caractère et à l’intelligence de chaque individu afin de favoriser leur bien-être et leur adaptation.

Du rififi dans la porcherie

Peut-on surveiller individuellement le comportement d’un seul porc au sein d’une porcherie comptant plusieurs centaines d’individus ? Oui, grâce à l’élevage de précision.
Apparu à l’aube du XXIe siècle, ce concept met en avant l’usage des nouvelles technologies pour conférer à l’éleveur un suivi individualisé de ses animaux et lui permettre de repérer très rapidement les signes de mal-être.
Dans les élevages, certains porcs, confrontés à la promiscuité ou naturellement bagarreurs, peuvent se montrer agressifs et par exemple mordre la queue des autres pensionnaires. Il convient de détecter au plus tôt ces comportements déviants qui entraînent un mal-être des animaux et affectent la productivité.
C’est tout l’objet des travaux menés conjointement par l’Inra et le CEA, dans le cadre du projet européen Pigwatch. Depuis deux ans, les chercheurs travaillent à la conception d’un dispositif permettant d’automatiser la détection des comportements délétères.
Le système repose sur un accéléromètre fixé à l’oreille du porc qui mesure les mouvements de chaque animal du groupe. Les données sont transmises à un logiciel qui les analyse en temps réel. Tous les individus sont monitorés simultanément. Ainsi, si deux accéléromètres s’affolent en même temps, on a sans doute affaire à une agression ou une bagarre. L’algorithme est encore en phase d’apprentissage mais déjà les résultats sont très encourageants puisque le logiciel identifie avec justesse près de 50 % des comportements agressifs. Une fois au point, cet outil permettra à l’éleveur, prévenu par l’envoi d’un SMS, d’agir très rapidement.

Les porcs donnent de la voix !

L’éleveur attentif sait reconnaître à l’oreille la nature des sons émis par ses cochons. Mais parfois, une plainte peut être masquée par les grognements des autres animaux ou un engin qui s’active, ou se produire alors qu’il n’est pas là... Pourtant, les porcs expriment un grand nombre d’émotions par leurs vocalises, douleur, joie, peur, colère, frustration, en plus de donner de la voix pour appeler les copains ou leur mère, ou encore informer les autres de leur gabarit. Afin de les écouter, les trier et repérer les sons qui traduisent un mal-être ou un bien-être, les chercheurs de l’Inra, impliqués dans le projet européen Soundwel, comptent sur l’intelligence artificielle (IA). Et plus précisément sur les réseaux de neurones. En clair, ils vont communiquer à l’ordinateur les données qui lui permettront d’apprendre par lui-même à identifier, sans l’ombre d’un doute, la nature de n’importe quelle vocalise. Et ces données, ce sont plus de 50 000 sons traduisant les différentes émotions du porc, que les chercheurs des cinq pays du projet ont réuni dans une base de données. Charge pour l’IA de les écouter, les comparer, les classer afin d’être capable, à terme d’identifier, y compris dans le brouhaha d’une porcherie, la nature du moindre son suspect mais aussi positif, auquel un être humain, même attentif, n’aurait peut-être pas prêté attention.

Domaine expérimental de La Fage : 1000 brebis à l'étude !

À La Fage, chercheurs et techniciens sont aux petits soins pour les 1 000 brebis laitières et allaitantes réparties sur les 380 ha de ce domaine expérimental unique en Europe. Situé à 800 mètres d’altitude sur le Causse du Larzac, ce site exceptionnel accueille 600 brebis laitières Lacaune, la race laitière la plus répandue en France et la seule autorisée dans le cadre de l’AOP Roquefort. Jusqu’aux années 80, chercheurs et sélectionneurs se sont efforcés d’améliorer la productivité de ces animaux mais au détriment de la qualité du lait, marquée par une diminution des taux de matière grasse et de protéine. Mais, grâce aux efforts réalisés depuis une trentaine d’années, la tendance s’est inversée, au point qu’aujourd’hui on a retrouvé la qualité du lait d’après-guerre... avec des quantités presque cinq fois supérieures ! Désormais, les recherches visent à améliorer la santé et la robustesse des brebis, notamment grâce à l’étude des gènes et de leur fonction : génomique. Déjà, l’Inra a identifié un gène majeur qui intervient dans la résistance aux mammites. Cette découverte permettra de sélectionner les brebis sur ce critère. Le comportement des animaux, face aux aléas climatiques, est aussi étudié. Chez certains, ces épisodes entraînent une baisse de la production de lait qui ne retrouvera jamais son niveau normal. D’autres brebis, au contraire, confrontées aux mêmes conditions, ne sont affectées que temporairement. Quels sont les gènes impliqués dans cette résistance et les mères les transmettent-elles à leurs filles ? Là encore, ces travaux contribueront à sélectionner des lignées plus robustes et aptes à faire face au changement climatique. On le voit, les brebis sont plus mystérieuses qu’il n’y paraît. Ainsi, pour produire une même quantité de lait, certaines ont besoin de plus de nourriture que d’autres. En clair, elles ne valorisent pas avec autant d’efficacité les aliments consommés. Les chercheurs mettent maintenant au point des dispositifs expérimentaux qui permettront de mesurer l’efficacité alimentaire afin, vous l’aurez compris, de sélectionner les brebis les plus performantes. Tout cela paraît finalement assez simple. C’est au contraire extrêmement complexe car la brebis parfaite, à la fois très robuste, productive et résiliente, n’existe pas. Toute la difficulté consiste à trouver le bon équilibre, de manière à permettre à l’éleveur de dégager un revenu correct de son activité, tout en préservant le bien-être et la santé de l’animal.

Les bénéfices des interactions animales

Les animaux d’élevage entretiennent des relations sociales avec leurs congénères. Mieux, les chercheurs n’hésitent plus à évoquer les liens d’amitié qui peuvent se tisser entre des individus. Mais ce sont les relations entre la mère et son petit qui sont les plus fortes. À l’Inra, les chercheurs tentent de comprendre dans quelle mesure les animaux se reconnaissent et quelles conséquences entraînent l’absence ou la disparition d’un partenaire. Ils étudient notamment la relation d’attachement qui se construit, à travers le temps, entre la brebis et son agneau. On sait que la mère qui vient de mettre bas peut accepter un autre petit que le sien. C’est ce comportement qui permet à l’éleveur de lui confier un agneau de substitution en cas de perte du premier, ou de lui en confier un second, s’il l’estime capable de s’en occuper. Mais cette opération ne peut s’effectuer que dans un laps de temps très court, au plus tard quelques heures après l’agnelage. Passé ce délai, la mère, qui a mémorisé l’odeur de son petit, adopte un comportement sélectif qui la pousse à rejeter les autres agneaux. Ainsi, les orphelins, ne pouvant être placés près d’une brebis, devront être nourris au lait artificiel. Mais les observations montrent que nombre de ces animaux développent une forme de mal-être, souffrent de diarrhées, en plus de connaître une mortalité plus importante. Ce qui confirme le rôle de la mère dans le bien-être et la santé du petit. En Roumanie, un éleveur a rapporté que des orphelins, allaités artificiellement, mais placés auprès de brebis adultes, présentaient une santé bien meilleure que ceux élevés à l’écart du troupeau. Les chercheurs de l’Inra ont donc mis en place un protocole de test afin d’observer ce comportement. Eh bien ça marche ! Bien sûr, les adultes refusent d’allaiter ces petits inconnus et peuvent même se montrer assez fermes à l’encontre des plus insistants. Mais rapidement, la situation s’apaise, et après quelques jours, on observe que les nounous interagissent spontanément avec les agneaux et semblent en retirer du bien-être. Les agneaux aussi, qui montrent des signes de bonne santé tels que l’absence de diarrhée et la propreté du pelage. Un nouveau programme de recherche vise maintenant à tester ce scénario en collaboration avec les éleveurs de chèvres laitières dont les petits sont systématiquement séparés de leur mère à la naissance. L’idée consiste à placer les chevreaux allaités artificiellement aux côtés de chèvres non allaitantes afin d’observer les bénéfices de ces interactions. Si l’expérience est concluante, la méthode, très simple et peu coûteuse à mettre en place, pourrait être transposée en élevage.

Comment la vache perçoit le monde ? Une histoire de relation homme-animal

Le bien-être de l’animal, le bien-être des hommes et leurs interactions dans l’environnement sont intimement liés. Cette prise de conscience, fondement du concept One Welfare un seul bienêtre, apparaît récente. Pourtant, cela fait des années que les chercheurs de l’UMR Herbivores s’efforcent de comprendre comment l’animal perçoit son monde, comment il construit sa vie en relation avec son environnement et comment le travail de l’homme peut s’organiser autour de cette perception. Par des approches expérimentales, les scientifiques étudient les pratiques d’élevage aux moments clés de la vie de l’animal, naissance, sevrage, gestation, et jusqu’à l’abattage. En relation avec les généticiens, biologistes et éthologues caractérisent les prédispositions des animaux à construire une relation positive avec l’homme. Eh oui, les vaches, comme les humains, ont leur personnalité propre qui dépend en partie de leur patrimoine génétique, même si leur histoire de vie peut aussi la modeler. Or, si certains animaux se montrent volontiers sociables, au point qu’on se demande parfois qui, d’eux ou de l’homme, apprivoise l’autre, d’autres se révèlent peureux, asociaux et même agressifs. Des attitudes qui peuvent poser problème, voire s’avérer dangereuses, tant pour l’animal que pour l’éleveur. La sélection génétique permet d’écarter ces individus, pour privilégier au contraire ceux avec lesquels l’homme pourra construire un parcours harmonieux. Les chercheurs étudient aussi les possibilités d’enrichir le milieu de vie des animaux par l’homme ou par d’autres moyens. La mise à disposition d’une brosse automatique pour les vaches en donne un bon exemple. Couplé à des capteurs installés sur chaque vache, le dispositif permet d’identifier un changement de leurs habitudes. Un animal cesse d’utiliser l’appareil ou, au contraire, en fait un usage immodéré ? L’éleveur, alerté par ce comportement pouvant traduire une maladie ou une infection parasitaire, interviendra avant l’apparition des premiers signes cliniques, de manière à rétablir le bien-être de l’animal... et préserver le sien par la même occasion.

L’influence du lait maternel sur la croissance des petits

Le lait maternel est un prodigieux cocktail, essentiel au bon développement de tous les mammifères. C’est aussi un liquide d’une rare complexité dont certains des composants commencent tout juste à être étudiés. Ainsi, le lait varie en permanence sous l’action de l’environnement, de l’heure de la journée ou encore en fonction des besoins et même du sexe du petit. La composition du lait varie aussi selon les espèces et les races. Le premier lait qu’une vache transmet à son veau, le colostrum, est enrichi en protéines et anticorps qui participent à son immunité. Puis, à mesure que s’approche le sevrage, la composition du lait change pour être toujours en phase avec le développement du veau. À l’Inra, l’équipe GaLac de l’UMR GABI étudie les facteurs qui influencent la composition du lait et les conséquences sur la croissance du petit. Les chercheurs ont déjà observé un développement anormal de la glande mammaire de lapines ayant été exposées à des gaz polluants (diesel). En outre, ils ont constaté un déficit de la croissance des lapereaux allaités par ces mères. L’équipe a également démontré l’impact d’une mauvaise alimentation de la mère - excès de gras, de sucre... - sur la composition du lait, avec là aussi, des effets négatifs sur la croissance des petits. Les chercheurs s’intéressent également aux exosomes. Ces minuscules structures voyagent entre les organes et établissent un dialogue entre les cellules. Or, on a récemment découvert qu’elles étaient présentes en très grand nombre dans le lait. Alors, participent-elles à la communication entre la mère et le petit ? Et dans ce cas, leur composition a-t-elle un impact sur son développement et sa santé ? Ces recherches sont essentielles pour améliorer le bien-être et la santé des jeunes mammifères, mais aussi pour mesurer l’effet des changements environnementaux. Quelles conséquences pour le jeune veau allaité par une mère qui vit dans les champs, confrontée à une carence en eau ou nourriture en raison d’aléas climatiques ? En plus d’apporter des connaissances aux éleveurs, ces travaux pourraient conduire à la conception de laits spécialement formulés pour s’approcher au mieux d’un lait maternel de composition optimale.




 








. La vie secrète des plantes et des animaux





(1) La vie secrète des animaux : contacts scientifiques

LES ABEILLES, CHAMPIONNES DE LA MANIPULATION : Yves Le Conte yves.le-conte@inra.fr - Inra Provence-Alpes-Côte d’Azur
LA TIQUE, VOYAGEUSE IMMOBILE : Olivier Plantard olivier.plantard@inra.fr - Inra Pays de la Loire
MONDIALISATION : LES INSECTES RAVAGEURS ADORENT ! ANTICIPER ET PRÉVENIR LA MENACE :
Jérôme Rousselet jerome.rousselet@inra.fr - Inra Val de Loire
DE L’INTELLIGENCE DES POULES... : Ludovic Calandreau ludovic.calandreau@inra.fr - Inra Val de Loire
DU RIFIFI DANS LA PORCHERIE - LES PORCS DONNENT DE LA VOIX :
Celine Tallet / Marie-Christine Salaun celine.tallet@inra.fr / marie-christine.salaun@inra.fr - Inra Bretagne-Normandie
DOMAINE EXPÉRIMENTAL DE LA FAGE - 1 000 BREBIS À L’ÉTUDE ! : Sara Parisot sara.parisot@inra.fr - Inra Occitanie-Toulouse
LES BÉNÉFICES DES INTERACTIONS ANIMALES : Raymond Nowak raymond.nowak@inra.fr - Inra Val de Loire

institut.inra.fr