Qu’ils
aient deux, quatre, six ou huit pattes, qu’ils pèsent quelques
dixièmes de grammes ou plusieurs centaines de kilos, qu’ils
possèdent un cerveau énorme ou minuscule, les animaux ne
cessent d’étonner, voire d’émerveiller les chercheurs
qui les étudient.
La génomique, l’élevage de précision ou l’analyse
du comportement contribuent à une meilleure connaissance des animaux
d’élevage, condition essentielle à l’amélioration
de leur bien-être et de celui des hommes qui s’en occupent.
Parasites et bioagresseurs sont
scrutés avec la même attention, mais avec cette fois le souci
de réduire l’impact négatif qu’ils peuvent avoir
sur l’environnement et
la santé humaine et animale. Les plantes sont des organismes fascinants.
L’analyse génomique permet de mieux les appréhender,
mais elles demeurent encore étonnamment secrètes. Il faut
bien entendu se garder de tout anthropomorphisme lorsqu’on les évoque,
mais avouons que les termes qu’emploient certains chercheurs pour
les décrire ne nous y aident guère. Dans la nature, tout
le monde se parle, s’entraide ou s’affronte. La connaissance
de ces interactions est essentielle pour favoriser celles
qui sont bénéfiques aux plantes et aux animaux qui nous
sont nécessaires et pour limiter l’impact des autres.
La
vie secrète des animaux |
La
tique, voyageuse immobile
Tout
le monde connaît les tiques. Et pour cause, ces acariens
présents partout en France sont, avec les moustiques,
les principaux vecteurs de pathologies transmissibles à
l’homme. À commencer par la maladie de Lyme, en
progression sur l’ensemble du territoire. Mais les animaux,
et notamment les bovins, ne sont pas épargnés.
Lors de leur repas de sang, les tiques peuvent leur transmettre
un parasite responsable de la piroplasmose, une pathologie proche
du paludisme et potentiellement mortelle. Mais comment cet acarien,
à la mobilité réduite et privilégiant
l’humidité des milieux forestiers, parvient-il
à planter son rostre dans le cuir d’une vache en
pâture ou dans le mollet d’un randonneur en rase
campagne ? Eh bien, en faisant de l’animal-stop ! Au cours
de sa vie, la tique doit effectuer trois repas de sang pour
passer de la larve - presque un adulte en miniature - à
la nymphe, puis au stade adulte. Et pour cela, elle s’agrippe,
suivant sa taille, à de petits animaux tels que les rongeurs
et les oiseaux, ou à de plus grands mammifères,
par exemple les cervidés, dont certains peuvent héberger
les agents pathogènes qui la contamineront. Or, ces animaux
sont capables de parcourir de très longues distances,
favorisant la dissémination des tiques qu’ils transportent
bien malgré eux. D’autant que le repas de sang
peut durer longtemps : plus de dix jours pour les femelles adultes
! Le projet OSCAR, mené de 2012 à 2016, s’est
efforcé d’évaluer le rôle de la faune
sauvage et de l’organisation des paysages dans la dynamique
des populations de tiques. Il s’est aussi attaché
à mesurer la densité de tiques infectées
dans les différents milieux. L’étude mise
en place dans deux grandes zones - Zone Atelier Armorique et
Vallées et Coteaux de Gascogne - comprenait près
de 1 800 points d’échantillonnage répartis
dans trois types d’habitats : forêts, lisières
des bois et haies bordant les prairies. Des milliers de tiques
ont été prélevées sur le terrain,
mais également sur les micromammifères et chevreuils,
ces derniers ayant en outre été munis de colliers
GPS afin de mesurer leurs déplacements. Les analyses
ont ainsi montré que 2 à 5 % des tiques et micromammifères
étaient porteurs de pathogènes. L’étude
a également mis en avant l’impact du paysage agricole
dans la dissémination des acariens. Ceux-ci, par exemple,
sont davantage présents dans les prairies bordées
de haies hautes et denses que dans les champs dépourvus
de ce type de végétation. Des analyses statistiques
ont permis d’estimer le nombre de tiques et d’hôtes
présents dans un milieu, en fonction de sa nature et
sa localisation par rapport aux milieux adjacents et aux variables
climatiques. Et un logiciel permet, dès à présent,
de générer des paysages virtuels et ainsi mesurer
l’impact des changements dans la structure du paysage,
par exemple l’ajout de haies ou la diminution des surfaces
forestières dans la densité et la propagation
des tiques.
|
|
Un
génome grand comme ça !
Parce
qu’on ne combat bien que ce qu’on connaît
bien, l’Inra pilote deux grands projets de génétique
dédiés à l’étude de la tique.
Le projet Genlric, en collaboration avec le Genoscope à
Évry, s’efforce de séquencer le génome
complet de la tique Ixodes ricinus, vectrice de la
maladie de Lyme. Et c’est un sacré challenge, car
sa taille est presque aussi importante que celle du génome
humain ! Cette connaissance accrue de l’embarrassant acarien
ouvrira la voie au développement de nouvelles méthodes
de lutte et à une meilleure prévention des risques
de transmission de maladies par les tiques à l’homme
et aux animaux. De son côté, Xenobio-TICK vise
à constituer un catalogue exhaustif des neurorécepteurs
exprimés au niveau du cerveau de ces acariens
(synganglion). Le but consiste à identifier
ceux qui sont spécifiques à l’animal afin
de développer des acaricides les ciblant exclusivement.
Eh oui, il ne faudrait pas que ces nouveaux produits menacent
le reste de la faune, à commencer par les insectes qui
partagent son biotope et dont certains, comme les bousiers par
exemple, sont particulièrement utiles !
|
|
Les
abeilles, championnes de la manipulation
Approchez
de la ruche - avec prudence, bien sûr - et ouvrez-là.
Les habitants sont en pleine forme et il se dégage un délicat
parfum de miel, de cire et de propolis. C’est à peu
près tout ce que peuvent percevoir vos récepteurs
olfactifs.
Et pourtant, l’air de la ruche est saturé d’odeurs
qui sont autant de voies de communication entre les individus
et dont l’action combinée est essentielle à
l’équilibre et la bonne santé de la colonie.
Ces substances chimiques, dont certaines très volatiles,
sont les phéromones, et toutes les abeilles en émettent
pour interagir avec leurs congénères. Ou les manipuler.
On sait depuis longtemps que la reine produit une phéromone
qui inhibe le développement des ovaires des ouvrières
et que les larves en utilisent pour indiquer aux nourrices la
nature des soins qu’elles requièrent tout au long
de leur développement. Les butineuses de leur côté
peuvent retarder la maturité des jeunes ouvrières
afin qu’elles s’occupent des tâches intérieures,
plutôt que de partir récolter le pollen. Les larves
sont aussi capables d’une telle manipulation.
Mais, comme les chercheurs de l’Inra l’ont découvert
récemment, elles peuvent aussi émettre une molécule
volatile, l’ocimène, qui en plus d’inhiber
le développement des ovaires, comme le fait la reine, va
forcer les nourrices à devenir butineuses si les besoins
en nourriture deviennent prioritaires. Ce phénomène
illustre bien la plasticité des abeilles qui peuvent changer
de rôle à des stades plus ou moins avancés
de leur existence, pour répondre aux exigences de la colonie.
Mondialisation : les insectes ravageurs adorent !
Saviez-vous
que le commerce mondial des plantes d’ornement était
en 2007 responsable de 53 % des arrivées d’insectes
exotiques en provenance d’un autre continent ? C’est
un fait, tous les êtres humains aiment les fleurs, plantes
en pot, arbustes et arbres qu’ils vont chercher dans la
région voisine, ou à l’autre bout du monde.
Mais le souci, c’est que ces végétaux ne viennent
pas forcément seuls. Il arrive que des passagers clandestins
les accompagnent et s’éclipsent discrètement
à leur arrivée, avec des conséquences parfois
dramatiques.
Une statistique illustre l’ampleur du phénomène
: 70 % des insectes ravageurs introduits en France métropolitaine
entre 2005 et 2014 ont voyagé sur des plantes d’ornement
! La moitié d’entre eux en provenance d’Asie.
Dans leur pays d’origine, les dégâts qu’ils
causent sont rarement préoccupants car leurs prédateurs
naturels se chargent d’en limiter le nombre. Mais en France,
rien ne vient entraver leur expansion. La pyrale du buis, introduite
accidentellement en Europe en 2007, sans doute en même temps
que des pieds de buis provenant de Chine, est un exemple frappant
de ce phénomène qui s’est amplifié
ces dernières décennies avec la mondialisation des
échanges. Mais le plus préoccupant, c’est
que les insectes se propagent aujourd’hui bien plus vite
que par le passé. En cause, l’effet que les scientifiques
qualifient de tête de pont au cours duquel une
population de ravageurs nouvellement établie dans un lieu
donné sert de source à de nouvelles introductions.
Ces insectes, transportés accidentellement, parfois sur
de grandes distances, atteignent ainsi des territoires indemnes
bien plus vite que s’ils avaient dû s’y rendre
par leurs propres moyens. Plateformes d’import-export, pépinières
et grandes surfaces de jardinerie constituent un réseau
de dissémination idéal. S’agissant de la pyrale,
sa dissémination fulgurante était inévitable,
sachant que les Français achètent chaque année
deux millions de pieds de buis qui ne proviennent que d’une
poignée de centrales d’achat ! Une fois introduite
dans nos villes et villages, elle n’a pas eu de mal à
trouver le chemin de nos forêts, et la pyrale menace à
présent l’ensemble des buxaies sauvages.
Anticiper
et prévenir la menace
La
lutte contre les ravageurs constitue l’une des priorités
de l’Inra. Piégeage à base de phéromones,
lutte bactériologique, usage de parasitoïdes, gestion
paysagère..., tous les moyens alternatifs aux produits
phytosanitaires de synthèse sont à l’étude
pour tenter de les contrôler. Avec déjà des
résultats encourageants, notamment contre la processionnaire
du pin qui profite du réchauffement climatique pour s’étendre
vers le Nord, ou encore le cynips du châtaignier arrivé
récemment dans le Sud de l’Europe.
Mais la prévention se révèle tout aussi essentielle
pour anticiper l’arrivée de nouveaux insectes phytophages.
Dans cette optique, l’Inra, en collaboration avec la Chine,
a installé dans ce pays, d’où proviennent
la plupart des insectes exotiques, des plantations d’arbres
européens, ou plantations sentinelles. Objectif
: observer le comportement des insectes phytophages locaux et
évaluer le degré de menace de chacun d’eux,
en cas d’introduction sur le territoire européen.
Un laboratoire, associant l’Inra et deux organismes scientifiques
chinois, a été créé en 2018 afin d’exploiter
ces données et définir des mesures préventives.
De l'intelligence des poules...
Les
éleveurs de poules pondeuses en ont fait le constat. Parmi
les individus qu’ils reçoivent en provenance de différents
fournisseurs, certains trouvent sans difficulté nichoirs
et mangeoires, tandis que d’autres au contraire peinent
à appréhender leur nouveau milieu. Or, une poule
pondeuse, qui ne parvient pas à s’adapter à
son environnement, risque de développer un mal-être
qui nuira à sa productivité. Il est donc essentiel
de comprendre la façon dont un animal apprend et traite
les informations, comment il analyse et interprète son
environnement, de manière à concevoir des systèmes
d’élevage adaptés.
C’est tout l’enjeu des travaux menés par l’équipe
Cognition, Éthologie, Bien-être animal de l’Inra
Val de Loire. Les chercheurs développent des méthodologies
permettant d’évaluer les capacités cognitives
des animaux d’élevage, de la poule jusqu’au
cheval, dans le but de mieux appréhender leurs besoins.
Déjà, une expérimentation, menée sur
les cailles japonaises, a montré que les animaux d’un
naturel peu émotif sollicitaient des systèmes de
mémoire simples. Concrètement, ils ne repéraient
la nourriture dans l’enclos qu’en se basant sur la
couleur de la mangeoire. Les cailles, plus émotives en
revanche, faisaient appel à la mémoire spatiale,
plus complexe d’un point de vue cognitif, et retrouvaient
l’emplacement de la mangeoire, sans se soucier de sa couleur.
Ce sont elles qui, a priori plus curieuses, s’adapteront
le mieux à un nouvel environnement. Mais doit-on pour autant
négliger les autres ? Non, évidemment, d’où
l’importance d’adapter le système d’élevage
aux traits de caractère et à l’intelligence
de chaque individu afin de favoriser leur bien-être et leur
adaptation.
Du
rififi dans la porcherie
Peut-on
surveiller individuellement le comportement d’un seul porc
au sein d’une porcherie comptant plusieurs centaines d’individus
? Oui, grâce à l’élevage de précision.
Apparu à l’aube du XXIe siècle, ce concept
met en avant l’usage des nouvelles technologies pour conférer
à l’éleveur un suivi individualisé
de ses animaux et lui permettre de repérer très
rapidement les signes de mal-être.
Dans les élevages, certains porcs, confrontés à
la promiscuité ou naturellement bagarreurs, peuvent se
montrer agressifs et par exemple mordre la queue des autres pensionnaires.
Il convient de détecter au plus tôt ces comportements
déviants qui entraînent un mal-être des animaux
et affectent la productivité.
C’est tout l’objet des travaux menés conjointement
par l’Inra et le CEA, dans le cadre du projet européen
Pigwatch. Depuis deux ans, les chercheurs travaillent à
la conception d’un dispositif permettant d’automatiser
la détection des comportements délétères.
Le système repose sur un accéléromètre
fixé à l’oreille du porc qui mesure les mouvements
de chaque animal du groupe. Les données sont transmises
à un logiciel qui les analyse en temps réel. Tous
les individus sont monitorés simultanément. Ainsi,
si deux accéléromètres s’affolent en
même temps, on a sans doute affaire à une agression
ou une bagarre. L’algorithme est encore en phase d’apprentissage
mais déjà les résultats sont très
encourageants puisque le logiciel identifie avec justesse près
de 50 % des comportements agressifs. Une fois au point, cet outil
permettra à l’éleveur, prévenu par
l’envoi d’un SMS, d’agir très rapidement. |
Les
porcs donnent de la voix !
L’éleveur
attentif sait reconnaître à l’oreille la nature
des sons émis par ses cochons. Mais parfois, une plainte
peut être masquée par les grognements des autres
animaux ou un engin qui s’active, ou se produire alors qu’il
n’est pas là... Pourtant, les porcs expriment un
grand nombre d’émotions par leurs vocalises, douleur,
joie, peur, colère, frustration, en plus de donner de la
voix pour appeler les copains ou leur mère, ou encore informer
les autres de leur gabarit. Afin de les écouter, les trier
et repérer les sons qui traduisent un mal-être ou
un bien-être, les chercheurs de l’Inra, impliqués
dans le projet européen Soundwel, comptent sur l’intelligence
artificielle (IA). Et plus précisément sur les réseaux
de neurones. En clair, ils vont communiquer à l’ordinateur
les données qui lui permettront d’apprendre par lui-même
à identifier, sans l’ombre d’un doute, la nature
de n’importe quelle vocalise. Et ces données, ce
sont plus de 50 000 sons traduisant les différentes émotions
du porc, que les chercheurs des cinq pays du projet ont réuni
dans une base de données. Charge pour l’IA de les
écouter, les comparer, les classer afin d’être
capable, à terme d’identifier, y compris dans le
brouhaha d’une porcherie, la nature du moindre son suspect
mais aussi positif, auquel un être humain, même attentif,
n’aurait peut-être pas prêté attention. |
Domaine
expérimental de La Fage : 1000 brebis à l'étude
!
À
La Fage, chercheurs et techniciens sont aux petits soins pour
les 1 000 brebis laitières et allaitantes réparties
sur les 380 ha de ce domaine expérimental unique en Europe.
Situé à 800 mètres d’altitude sur le
Causse du Larzac, ce site exceptionnel accueille 600 brebis laitières
Lacaune, la race laitière la plus répandue en France
et la seule autorisée dans le cadre de l’AOP Roquefort.
Jusqu’aux années 80, chercheurs et sélectionneurs
se sont efforcés d’améliorer la productivité
de ces animaux mais au détriment de la qualité du
lait, marquée par une diminution des taux de matière
grasse et de protéine. Mais, grâce aux efforts réalisés
depuis une trentaine d’années, la tendance s’est
inversée, au point qu’aujourd’hui on a retrouvé
la qualité du lait d’après-guerre... avec
des quantités presque cinq fois supérieures ! Désormais,
les recherches visent à améliorer la santé
et la robustesse des brebis, notamment grâce à l’étude
des gènes et de leur fonction : génomique. Déjà,
l’Inra a identifié un gène majeur qui intervient
dans la résistance aux mammites. Cette découverte
permettra de sélectionner les brebis sur ce critère.
Le comportement des animaux, face aux aléas climatiques,
est aussi étudié. Chez certains, ces épisodes
entraînent une baisse de la production de lait qui ne retrouvera
jamais son niveau normal. D’autres brebis, au contraire,
confrontées aux mêmes conditions, ne sont affectées
que temporairement. Quels sont les gènes impliqués
dans cette résistance et les mères les transmettent-elles
à leurs filles ? Là encore, ces travaux contribueront
à sélectionner des lignées plus robustes
et aptes à faire face au changement climatique. On le voit,
les brebis sont plus mystérieuses qu’il n’y
paraît. Ainsi, pour produire une même quantité
de lait, certaines ont besoin de plus de nourriture que d’autres.
En clair, elles ne valorisent pas avec autant d’efficacité
les aliments consommés. Les chercheurs mettent maintenant
au point des dispositifs expérimentaux qui permettront
de mesurer l’efficacité alimentaire afin, vous l’aurez
compris, de sélectionner les brebis les plus performantes.
Tout cela paraît finalement assez simple. C’est au
contraire extrêmement complexe car la brebis parfaite, à
la fois très robuste, productive et résiliente,
n’existe pas. Toute la difficulté consiste à
trouver le bon équilibre, de manière à permettre
à l’éleveur de dégager un revenu correct
de son activité, tout en préservant le bien-être
et la santé de l’animal.
Les
bénéfices des interactions animales
Les
animaux d’élevage entretiennent des relations sociales
avec leurs congénères. Mieux, les chercheurs n’hésitent
plus à évoquer les liens d’amitié
qui peuvent se tisser entre des individus. Mais ce sont
les relations entre la mère et son petit qui sont les plus
fortes. À l’Inra, les chercheurs tentent de comprendre
dans quelle mesure les animaux se reconnaissent et quelles conséquences
entraînent l’absence ou la disparition d’un
partenaire. Ils étudient notamment la relation d’attachement
qui se construit, à travers le temps, entre la brebis et
son agneau. On sait que la mère qui vient de mettre bas
peut accepter un autre petit que le sien. C’est ce comportement
qui permet à l’éleveur de lui confier un agneau
de substitution en cas de perte du premier, ou de lui en confier
un second, s’il l’estime capable de s’en occuper.
Mais cette opération ne peut s’effectuer que dans
un laps de temps très court, au plus tard quelques heures
après l’agnelage. Passé ce délai, la
mère, qui a mémorisé l’odeur de son
petit, adopte un comportement sélectif qui la pousse à
rejeter les autres agneaux. Ainsi, les orphelins, ne pouvant être
placés près d’une brebis, devront être
nourris au lait artificiel. Mais les observations montrent que
nombre de ces animaux développent une forme de mal-être,
souffrent de diarrhées, en plus de connaître une
mortalité plus importante. Ce qui confirme le rôle
de la mère dans le bien-être et la santé du
petit. En Roumanie, un éleveur a rapporté que des
orphelins, allaités artificiellement, mais placés
auprès de brebis adultes, présentaient une santé
bien meilleure que ceux élevés à l’écart
du troupeau. Les chercheurs de l’Inra ont donc mis en place
un protocole de test afin d’observer ce comportement. Eh
bien ça marche ! Bien sûr, les adultes refusent d’allaiter
ces petits inconnus et peuvent même se montrer assez fermes
à l’encontre des plus insistants. Mais rapidement,
la situation s’apaise, et après quelques jours, on
observe que les nounous interagissent spontanément
avec les agneaux et semblent en retirer du bien-être. Les
agneaux aussi, qui montrent des signes de bonne santé tels
que l’absence de diarrhée et la propreté du
pelage. Un nouveau programme de recherche vise maintenant à
tester ce scénario en collaboration avec les éleveurs
de chèvres laitières dont les petits sont systématiquement
séparés de leur mère à la naissance.
L’idée consiste à placer les chevreaux allaités
artificiellement aux côtés de chèvres non
allaitantes afin d’observer les bénéfices
de ces interactions. Si l’expérience est concluante,
la méthode, très simple et peu coûteuse à
mettre en place, pourrait être transposée en élevage.
Comment
la vache perçoit le monde ? Une histoire de relation homme-animal
Le
bien-être de l’animal, le bien-être des hommes
et leurs interactions dans l’environnement sont intimement
liés. Cette prise de conscience, fondement du concept One
Welfare un seul bienêtre, apparaît récente.
Pourtant, cela fait des années que les chercheurs de l’UMR
Herbivores s’efforcent de comprendre comment l’animal
perçoit son monde, comment il construit sa vie en relation
avec son environnement et comment le travail de l’homme
peut s’organiser autour de cette perception. Par des approches
expérimentales, les scientifiques étudient les pratiques
d’élevage aux moments clés de la vie de l’animal,
naissance, sevrage, gestation, et jusqu’à l’abattage.
En relation avec les généticiens, biologistes et
éthologues caractérisent les prédispositions
des animaux à construire une relation positive avec l’homme.
Eh oui, les vaches, comme les humains, ont leur personnalité
propre qui dépend en partie de leur patrimoine génétique,
même si leur histoire de vie peut aussi la modeler. Or,
si certains animaux se montrent volontiers sociables, au point
qu’on se demande parfois qui, d’eux ou de l’homme,
apprivoise l’autre, d’autres se révèlent
peureux, asociaux et même agressifs. Des attitudes qui peuvent
poser problème, voire s’avérer dangereuses,
tant pour l’animal que pour l’éleveur. La sélection
génétique permet d’écarter ces individus,
pour privilégier au contraire ceux avec lesquels l’homme
pourra construire un parcours harmonieux. Les chercheurs étudient
aussi les possibilités d’enrichir le milieu de vie
des animaux par l’homme ou par d’autres moyens. La
mise à disposition d’une brosse automatique pour
les vaches en donne un bon exemple. Couplé à des
capteurs installés sur chaque vache, le dispositif permet
d’identifier un changement de leurs habitudes. Un animal
cesse d’utiliser l’appareil ou, au contraire, en fait
un usage immodéré ? L’éleveur, alerté
par ce comportement pouvant traduire une maladie ou une infection
parasitaire, interviendra avant l’apparition des premiers
signes cliniques, de manière à rétablir le
bien-être de l’animal... et préserver le sien
par la même occasion.
L’influence
du lait maternel sur la croissance des petits
Le
lait maternel est un prodigieux cocktail, essentiel au bon développement
de tous les mammifères. C’est aussi un liquide d’une
rare complexité dont certains des composants commencent
tout juste à être étudiés. Ainsi, le
lait varie en permanence sous l’action de l’environnement,
de l’heure de la journée ou encore en fonction des
besoins et même du sexe du petit. La composition du lait
varie aussi selon les espèces et les races. Le premier
lait qu’une vache transmet à son veau, le colostrum,
est enrichi en protéines et anticorps qui participent à
son immunité. Puis, à mesure que s’approche
le sevrage, la composition du lait change pour être toujours
en phase avec le développement du veau. À l’Inra,
l’équipe GaLac de l’UMR GABI étudie
les facteurs qui influencent la composition du lait et les conséquences
sur la croissance du petit. Les chercheurs ont déjà
observé un développement anormal de la glande mammaire
de lapines ayant été exposées à des
gaz polluants (diesel). En outre, ils ont constaté un déficit
de la croissance des lapereaux allaités par ces mères.
L’équipe a également démontré
l’impact d’une mauvaise alimentation de la mère
- excès de gras, de sucre... - sur la composition du lait,
avec là aussi, des effets négatifs sur la croissance
des petits. Les chercheurs s’intéressent également
aux exosomes. Ces minuscules structures voyagent entre les organes
et établissent un dialogue entre les cellules. Or, on a
récemment découvert qu’elles étaient
présentes en très grand nombre dans le lait. Alors,
participent-elles à la communication entre la mère
et le petit ? Et dans ce cas, leur composition a-t-elle un impact
sur son développement et sa santé ? Ces recherches
sont essentielles pour améliorer le bien-être et
la santé des jeunes mammifères, mais aussi pour
mesurer l’effet des changements environnementaux. Quelles
conséquences pour le jeune veau allaité par une
mère qui vit dans les champs, confrontée à
une carence en eau ou nourriture en raison d’aléas
climatiques ? En plus d’apporter des connaissances aux éleveurs,
ces travaux pourraient conduire à la conception de laits
spécialement formulés pour s’approcher au
mieux d’un lait maternel de composition optimale. |
|
.
La
vie secrète des plantes et des animaux
|
|
|
(1) La vie secrète des animaux : contacts
scientifiques
LES
ABEILLES, CHAMPIONNES DE LA MANIPULATION : Yves Le
Conte yves.le-conte@inra.fr - Inra Provence-Alpes-Côte
d’Azur
LA TIQUE, VOYAGEUSE IMMOBILE : Olivier Plantard
olivier.plantard@inra.fr - Inra Pays de la Loire
MONDIALISATION : LES INSECTES RAVAGEURS ADORENT ! ANTICIPER
ET PRÉVENIR LA MENACE :
Jérôme Rousselet jerome.rousselet@inra.fr -
Inra Val de Loire
DE L’INTELLIGENCE DES POULES... : Ludovic
Calandreau ludovic.calandreau@inra.fr - Inra Val de Loire
DU RIFIFI DANS LA PORCHERIE - LES PORCS DONNENT DE LA
VOIX :
Celine Tallet / Marie-Christine Salaun celine.tallet@inra.fr
/ marie-christine.salaun@inra.fr - Inra Bretagne-Normandie
DOMAINE EXPÉRIMENTAL DE LA FAGE - 1 000 BREBIS
À L’ÉTUDE ! : Sara Parisot sara.parisot@inra.fr
- Inra Occitanie-Toulouse
LES BÉNÉFICES DES INTERACTIONS ANIMALES
: Raymond Nowak raymond.nowak@inra.fr - Inra Val de Loire
institut.inra.fr |
|
|
|
|
|
|
|
|
|