Mobilités du futur : l'Île-de-France, une région en mouvement

(1) Les spécificités franciliennes
Une société en ébullition

 


Il est une nécessité dès aujourd’hui d'organiser la mobilité de demain et de répondre aux questions qui nous sont posées : les navettes autonomes seront-elles généralisées ? Les voitures électriques seront-elles la norme ? À quoi ressemblera l’espace public ? Les avancées technologiques permettront-elles d’organiser une logistique urbaine de proximité plus efficace et des livraisons moins gourmandes en kilomètres ? L’IAU Île-de-France prend toute sa part dans cette réflexion passionnante qui constitue une priorité stratégique pour
la Région. La densité des réseaux, leur saturation et leur vétusté, l’envergure du territoire imposent d’être imaginatifs et
entreprenants. Nous ne sommes pas à Shanghaï ou à Dubaï, où l’on bâtit à partir de rien ou presque. Ici, on avance
souvent en terrain habité et sous la pression. Et il nous faut aussi résorber les fractures territoriales et faciliter
les déplacements entre banlieues, en n’oubliant pas que l’Île-de-France ne se résume pas à Paris.

Les spécificités franciliennes

Elle a la taille d’un Land allemand, le rayonnement d’une métropole mondiale, la richesse économique de la Suisse et 12 millions d’habitants, dont quatre millions se déplacent en moyenne plus d’1h20 chaque jour pour se rendre à leur travail et en revenir. Telle est l’Île-de-France : une région-monde organisée autour d’un poumon central qui aspire chaque matin et expire chaque soir des millions de navetteurs sur l’un des réseaux les plus denses au monde.

Les atouts économiques d'une région-monde

L’Île-de-France se distingue des autres régions françaises par la concentration de ses activités humaines et par son poids économique et touristique. Elle dispose de l’un des réseaux de métro les plus denses du monde, d’autoroutes urbaines parmi les plus fréquentées d’Europe et son trafic ferroviaire représente près de la moitié du total des trains régionaux circulant dans le pays. Exception notable, elle est la seule à disposer d’une autorité unique, Île-de-France Mobilités, qui agit sur l’ensemble de son territoire. La région accueille les deux principaux aéroports internationaux du pays. Elle rassemble de nombreux sièges d’entreprises, pôles d’enseignement supérieur, lieux de congrès et d’expositions, de recherche et de développement… Son attractivité internationale est fortement tributaire des infrastructures de transport et de leur adaptation aux flux de mobilité qui la constellent.

Pictogrammes : © 123rf/leremy, © IAU îdF. Sources : Insee, PRE/AFII, MESR, Douanes, CRT

Ce rayonnement, l’envergure de son marché et sa place parmi les métropoles mondiales en font une terre d’innovations et d’expérimentations déterminante, qui se doit de répondre aux défis énergétiques, climatique et numérique des mobilités futures.

D'importants flux à l'œuvre

Au long de leur 40 millions de déplacements quotidiens, les Franciliens avalent chaque jour plus de 180 millions de kilomètres, tous modes de déplacement confondus. S’y ajoutent les flux de nombreux visiteurs et touristes qui viennent régulièrement ou occasionnellement dans la région, voire qui la découvrent.

L’Île-de-France se distingue par le nombre important et croissant de déplacements réalisés à pied (39 %) ou en transport en commun (20 %), mais en termes de distances parcourues, la voiture y demeure le mode majoritaire (52 % contre 4 % pour la marche). Ainsi, sur l’ensemble du territoire régional, la voirie assure environ 85 % des déplacements - voiture, bus, deux-roues et marche - et prend en charge plus de 90 % des flux de marchandises.

Source : enquête globale transport 2010

L'allongement des temps et distances

Si, au compteur, l’automobile affiche encore le plus gros kilométrage, son usage recule progressivement dans le cœur de l’agglomération, à Paris depuis les années 1990, et en proche couronne depuis les années 2000. En revanche, elle poursuit son ascension dans les secteurs périurbains et ruraux. Au total, 500 000 actifs passent plus de deux heures par jour en voiture. Le ralentissement global de la croissance du mode automobile ne signifie pas pour autant la fin de la congestion et de ses retombées environnementales : 300 km cumulés de bouchons sont toujours recensés, en moyenne, aux périodes de pointe sur les autoroutes et voies nationales d’Île-de-France.

En termes de motif de déplacement, le travail demeure le plus chronophage : 41 minutes l’aller. Mais l’allongement de la durée quotidienne de déplacement correspond principalement à l’augmentation des trajets liés aux activités privées, notamment de loisirs. Et en termes de modes, ce sont les transports en commun qui occupent à présent la première place en temps passé à se déplacer.

Source : EGT 2010 Stif-Omnil-DRIEA – Traitements IAU îdF

Des réseaux denses et très sollicités

Avec près de 40 000 km de routes et 1 800 km de voies ferrées, l’Île-de-France est irriguée par des réseaux d’une haute densité. Leur force principale réside dans la fi nesse de leur maillage. En effet, le territoire régional est constellé de points d’intensité où se concentrent et se distribuent les déplacements, depuis les grands échangeurs autoroutiers jusqu’aux pôles-gares de proximité. Ces immenses toiles tissées au fil du temps, qui ont su s’adapter aux évolutions de la mobilité des personnes et des biens, requièrent d’importants efforts en matière d’investissement et d’entretien.

À titre d’exemple, les routes sont de plus en plus largement sollicitées : la multiplication des livraisons avec l’explosion du e-commerce, les services à la demande comme les taxis et les VTC, la hausse continue de l’offre de bus, etc. La voirie n’est pas qu’un support de circulation routière. Elle accueille des aires de stationnement pour divers types de véhicules et constitue l’espace de circulation privilégié des marcheurs et des cyclistes. Son accessibilité est également un enjeu majeur, notamment pour les personnes en situation de mobilité réduite. Elle s’avère donc un lieu public de cohabitation générant des risques de conflits d’usages.

Pictogrammes : © 123rf / leremy, © IAU îdF Source : EGT 2010 ;
Source : EGT 2010 Stif-Omnil-DRIEA – Traitements IAU îdF (à gauche)

Une société en ébullition

Ils jonglent entre plusieurs bureaux, parfois plusieurs métiers, achètent leurs légumes à la gare et leurs vêtements sur Internet, accompagnent leurs enfants à l’école en trottinette électrique et manient les algorithmes comme d’autres les additions : ce sont des défricheurs, des early adopters et, de plus en plus, ce sont des Franciliens. Cette minorité de créatifs, de curieux, voire d’agitateurs, fait bouger la région et modifie peu à peu son rythme. Le métro-boulot-dodo, pour eux, c’est fini.

© Arnaud BOUISSOU/Terra

La variation des tempos

Travail, études, activités et déplacements rythment le quotidien des Franciliens.
L’organisation de leur journée varie selon leur place dans le cycle de la vie - de l’enfance à la vieillesse - et selon leur sexe. Le lieu de résidence influe sur les modes de déplacement, peu sur les durées : en moyenne, le temps de déplacement approche 1 heure 30 par jour, 2 heures pour les actifs et les étudiants. Les Franciliens consacrent plus de temps à se déplacer aujourd’hui qu’hier : 92 min en 2010, contre 76 en 1976. Cette augmentation reflète les évolutions de la population et de ses modes de vie : accroissement des activités de loisirs et du temps libre lié aux modifications du temps de travail, papy-boom… Le temps passé pour se rendre au travail est resté stable au fil des années. Les déplacements sont toutefois plus longs mais moins nombreux du fait de la quasidisparition du retour à domicile pour le déjeuner, et des évolutions du travail : RTT, temps partiels, travail à distance… Optimiser son temps est devenu le challenge de tous les Franciliens, y compris des périurbains, dont les particularités s’amenuisent progressivement.

© IAU îdF 2016 - sources : EGT 1976, 1983, 1991, 2001, 2010, STIF-OMNIL-DRIEA

Une économie en pleine reconfiguration

Poussée par des mutations technologiques et sociétales d’une ampleur sans précédent, l’économie francilienne se transforme à vive allure. La numérisation se diffuse dans toute l’économie : elle modifie la nature d’un emploi sur deux, fait disparaître des secteurs entiers d’activités et crée parallèlement une nouvelle économie de services dite collaborative grâce aux plates-formes digitales.
La logistique est le nerf de la guerre de cette nouvelle économie en forte croissance, + 15 % par an pour le e-commerce : la course pour livrer le plus vite possible impose la création d’aires de stockage aux portes des villes. Parallèlement, les usines reviennent en centre-ville : de petites unités high-tech, polyvalentes, sans nuisances, s’insèrent discrètement dans le tissu urbain, au plus près de leur marché.

La transition écologique impose aussi une économie plus sobre et plus circulaire. Une centaine de milliers d’emplois pourraient être créés en Île-de-France dans les énergies renouvelables : géothermie, méthanisation, biomasse notamment. La région doit aussi répondre au double défi de la raréfaction des ressources en amont : elle importe plus de 90 % de son énergie, son alimentation..., et de la valorisation des 40 millions de déchets qu’elle produit chaque année.

Sources : Enquête sur les pratiques d’achat sur internet et de livraison des Franciliens 2016 - Traitement IAU îdF

Enfin, le territoire doit s’adapter aux évolutions démographiques. Le nombre de Franciliens de 85 ans et plus pourrait plus que doubler d’ici 2040, avec une tendance plus marquée en grande couronne, comme en Seine-et-Marne où cette catégorie de population devrait tripler. La silver economy constitue un formidable réservoir d’emplois et d’activités : équipements appropriés, services à la personne, domotique… Toutes ces mutations exercent déjà une influence majeure sur les modèles et l’organisation du système de déplacements régional.

La consommation à l’heure du 2.0

L’e-commerce a généré de nouvelles pratiques d’achat, aujourd’hui largement répandues, qui modifient l’organisation de l’entreposage et de l’acheminement des marchandises, ainsi que les comportements du consommateur. Le cyberachat induit souvent une livraison à domicile ou en points relais, au bureau de poste, au sein même du magasin, chez le transporteur ou encore dans une consigne automatique… Les besoins d’espaces logistiques augmentent et pourraient profiter des délaissés urbains comme les souterrains et des projets de construction de la ville sur la ville. Ces nouvelles pratiques de consommation font évoluer les fonctions des magasins. Le client les fréquente moins pour découvrir de nouveaux produits et fureter entre les rayons : ils deviennent lieux d’essayage, d’échange d’articles, de conseils, des showrooms, et des guichets de retrait : picking. Le domaine alimentaire - la food tech - est aussi concerné. L’essor du commerce électronique a pour effet de multiplier le nombre de points de livraison en petite quantité et par véhicules utilitaires légers, ainsi que de favoriser l’émergence de moyens de transport ultralégers pour les derniers mètres urbains.
En parallèle, l’engouement pour le consommer local contribue au développement des circuits-courts et à la fréquentation des petits commerces, qui développent également des services en ligne.

De nouveaux modes de travail

Poussé par la flambée du numérique et contraint par les crises économiques, le travail est en pleine mutation. Il se fait plus flexible, brouille les frontières entre vie privée et vie professionnelle, fractionne les lieux et les horaires. Les contours d’un nouveau paysage professionnel se dessinent, tourné vers plus de flexibilité, stimulant l’auto-entrepreneuriat et la pluriactivité.
En Île-de-France, plus de la moitié des salariés travaillent encore dans un bureau, mais celui-ci se fait de plus en plus mobile : 20 % des actifs franciliens opèrent aujourd’hui sur plusieurs sites, et 17 % pratiquent le télétravail, en moyenne, un à deux jours par mois. Parallèlement, le développement du travail indépendant et collaboratif a initié la création de nouveaux espaces, utilisables à la carte, proposant des services et des outils mutualisés, et favorisant les échanges professionnels. Ces tiers lieux constellent le territoire régional et vont continuer à se multiplier, y compris en dehors du cœur d’agglomération, loin des lieux d’activité traditionnels.
Toutes ces transformations agissent sur la ville. La pluriactivité et la multiplicité des lieux d’emplois amènent mécaniquement à augmenter le nombre de navettes quotidiennes, à complexifier les emplois du temps, les horaires et donc les besoins de transports. Les heures jusque-là définies comme creuses tendent à se remplir progressivement sous la pression des horaires atypiques et de la diversification des motifs de déplacement. Enfin, de nouveaux enjeux territoriaux de mobilité apparaissent et stimulent l’innovation pour desservir les secteurs en marge des grands corridors ferroviaires et routiers.

La révolution numérique

Un tournant s’est opéré au début des années 2000, quand les réseaux sociaux ont fait leur apparition. Leur importance s’est accrue avec la diffusion en masse des téléphones portables, puis des smartphones. Les connectés ne se cantonnent plus aux jeunes, mais appartiennent à l’ensemble de la population, et chacun peut exprimer son avis.
Le numérique a généré une multitude d’applications dans tous les domaines, avec un franc succès pour celles relayant des informations pratiques telle que la météo, mais aussi sur les transports, les itinéraires et temps de parcours… Les services de mobilité émergents ont tiré parti de cette révolution et le smartphone s’est imposé comme le nouvel outil de la mobilité. Avec cette station d’information multimodale facilement accessible, l’usager se renseigne en direct sur l’état du trafic, les horaires de bus ou de train, choisit un itinéraire selon le mode de transport et la durée du trajet, localise une station de vélo ou de voiture en libre-service, se situe sur un plan de ville... À mesure que l’usage du smartphone se généralise, l’outil se transforme en guichet d’information, d’assistance, de réservation et de paiement de plus en plus performant.
Ces évolutions changent l’image des modes de déplacement : l’opposition entre automobilistes et usagers des transports publics s’estompe peu à peu.

La transition énergétique et climatique

L’enjeu planétaire du réchauffement climatique concerne en premier lieu les métropoles, en raison de leur densité démographique et de la concentration des activités qu’elles induisent. Parmi les principaux émetteurs de dioxyde de carbone (CO2) qui amplifient ce phénomène apparaissent les transports. Un tiers des émissions de CO2 du transport en Europe provient du transport routier.
De même, pour ce qui concerne la qualité de l’air, les transports sont responsables de l’émission de divers polluants atmosphériques, dont les oxydes d’azote et les particules fines, particulièrement nocives. Les citoyens prennent de plus en plus conscience des conséquences sanitaires de l’air qu’ils respirent et s’en inquiètent, même si la tendance est à l’amélioration. 1,4 millions de Franciliens ont été exposés en 2016 à des niveaux de pollution de l’air ne respectant pas la réglementation. Autre préoccupation, le bruit généré par les transports terrestres et aériens représente l’une des priorités politiques nationales et européennes. Chaque Francilien perdrait sept mois de vie en bonne santé à cause des nuisances sonores et cette statistique s’avère encore plus élevée pour ceux qui résident à proximité des grandes infrastructures routières et aéroportuaires. Le développement des flottes de véhicules électriques - vélos, scooters, voitures, bus - va contribuer à réduire grandement les agressions sonores comme les émissions de CO2. D’autres pistes énergétiques sont explorées pour enrichir le panel de solutions favorables à cette transition. Le choix de sources d’énergie de plus en plus renouvelables ou de récupération est privilégié afin d’assurer un avenir durable.

Pictogrammes : © 123rf / leremy, © IAU îdF • Sources : Adeo, IAU îdF
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Les défis des mobilités pour 2025

Les Franciliens vivent depuis des mois au rythme de grands chantiers. Les tunneliers s’affairent dans le sous-sol, les gares sortent de terre et les routes sont réaménagées. Nous sommes clairement entrés dans une phase difficile, mais ô combien indispensable pour accompagner l’augmentation grandissante du nombre de déplacements et assurer une révolution des mobilités sans pareil depuis la création des RER, il y a quarante ans. Mon objectif est clair : se concentrer sur les transports pour faire de l’Île-de-France une région écologique qui respire, une région de la qualité de vie, mais aussi une région attractive et fière de sa place d’excellence dans la compétition économique internationale. Sans système de déplacements fiable, intelligent, novateur et écologique, l’activité économique et les emplois risquent d’aller ailleurs. Valérie Pécresse, présidente de l’IAU ÎdF, présidente de la Région Île-de-France.


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L'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Île-de-France
Grande agence régionale d’urbanisme et de l’environnement, l’IAU offre une expertise pluridisciplinaire unique permettant de traiter à 360° les problématiques de développement des territoires. L'IAU Île-de-France a pour mission essentielle de réaliser des études et travaux nécessaires à la prise de décision des élus du conseil régional d’Île-de-France. De l'échelon local à l'échelon des grandes métropoles, il intervient notamment dans de nombreux domaines tels que l'urbanisme, les transport et la mobilité, l'environnement, l'économie et les questions de société. Il apporte son soutien aux politiques d'aménagement et de développement des communes, des intercommunalités et des départements. Il réalise également, pour les organismes qui lui en font la demande des études, tant en Île-de-France qu'à l'étranger.

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