Un programme LIFE
pour sauver le Vison d’Europe


(1) Le Vison d’Europe
Le programme
LIFE Vison
Des actions de conservation plannifiées
LIFE Vison : 6 Visons d’Europe identifiés dès la première campagne de recensement !


 

Le 22 mai 2018, le séminaire LIFE Vison, organisé dans le cadre du lancement du programme européen en faveur du Vison d’Europe
dans les départements de la Charente et Charente-Maritime, a réuni à Saintes une centaine de participants, partenaires techniques et institutionnels impliqués dans la conservation de ce petit mustélidé.
Ce séminaire a mis en évidence la nécessité :
d’agir rapidement
pour enrayer le déclin de cette espèce emblématique à l’échelle locale, nationale et internationale ; de se coordonner avec l’ensemble
des acteurs du territoire pour une meilleure efficacité des actions engagées pour la sauvegarde de l’espèce ;
d’impliquer
et sensibiliser tous les publics à la conservation du Vison d’Europe, espèce encore trop méconnue.

Le Vison d’Europe

Écologie du Vison d’Europe

Qui est le Vison d’Europe ?

Le Vison d’Europe (Mustela lutreola) est un petit mammifère carnivore. Appartement à la famille des Mustélidés, il est plus petit que le Putois et plus grand que la Belette. Il se distingue des autres espèces par son pelage uniformément brun sombre et son poil de bourre gris brun. Il a une tâche blanche caractéristique sur le museau, courant sur sa lèvre supérieure et sa lèvre inférieure. Comme pour la plupart des membres de cette famille, il existe un dimorphisme sexuel, les mâles d’environ 850 g sont plus grands que les femelles de 500 g.

Où vit-il ?

Uniquement présent dans les zones humides, le Vison d’Europe fréquente des cours d’eau forestiers ou agricoles, des boisements inondables, des marais, des prairies humides et des ruisseaux… La présence d’une mosaïque de différents types de milieux humides qui offre une grande disponibilité de proies liées au milieu aquatique tout au long de l’année constitue un atout important pour notre petit prédateur généraliste qui se nourrit d’amphibiens, de petits mammifères, de poissons et d’oiseaux. Par ailleurs, la présence d’une strate végétale basse et dense en milieux partiellement ou entièrement inondés tels que les carex, les joncs, les roseaux et les ronces est essentielle pour lui garantir des abris suffisants, notamment pour ses gîtes.

Autrefois largement répandu en Europe, sa répartition mondiale est désormais limitée à quelques populations isolées et déclinantes en Europe orientale - Russie, Ukraine, Roumanie et Estonie - et à une population située au nord de l’Espagne et dans le sud-ouest de la France : 7 départements. Le Vison d’Europe a perdu 85 % de son aire d’origine depuis la moitié du XIXe siècle, et le nombre total de visons aurait diminué d’au moins 90 % au cours du XXe siècle.

Comment vit-il ?

Le Vison d’Europe défend son territoire, on dit qu’il est territorial. Le mâle et la femelle vivent séparés la plus grande partie de l’année et se retrouvent à l’époque du rut. Bien qu’elle soit de petite taille, l’espèce occupe des territoires vastes qui sont généralement linéaires le long des cours d’eau et peuvent ainsi s’étendre de 3 à 15 km par individu. On parle de domaines vitaux. Ceux des mâles recouvrent souvent le territoire de plusieurs femelles. Les mâles font par ailleurs preuve d’une grande mobilité en période de rut, certains peuvent changer de bassin versant et parcourir jusqu’à 70 km à vol d’oiseau.

La période de reproduction, appelé le rut, a lieu entre début janvier et fin février en Europe occidentale. Après une gestation de 39 à 44 jours les Visons d’Europe donnent naissance à une seule portée par an entre avril et juin allant de deux à cinq jeunes.

La femelle assure seule l’élevage des jeunes qui sont sevrés après environ dix semaines et atteignent leur maturité sexuelle l’année qui suit leur naissance.

Menaces et statut de protection

Par quoi est-il menacé ?

Différents facteurs ont contribué au déclin de l’espèce, regroupant des causes extérieures, environnementales et intrinsèques à l’espèce.

  • Les Destruction, dégradation et fragmentation des habitats :
    Les zones humides, auxquelles l’espèce est strictement dépendante, ont subi au cours du XXe siècle une réduction quantitative et qualitative drastique. La mise en culture et la dégradation générale de la qualité de l’eau ont eu pour effet de faire disparaître ses habitats de repos, de reproduction et de chasse mais également de diminuer le nombre de ses proies. Par conséquent, l’espèce a elle-même connu une réduction dramatique de ses effectifs.
  • Les collisions routières :
    Les infrastructures linéaires, et principalement les routes, constituent un obstacle majeur pour les déplacements du Vison d’Europe. Ainsi, les collisions routières sont à l’origine d’une importante surmortalité. Compte tenu de l’accroissement des trafics routiers actuels, elles représentent aujourd’hui l’un des « facteurs limitants » pour le maintien des populations. De plus, la faible densité actuelle des populations du Vison d’Europe oblige les individus étant à la recherche d’un partenaire à parcourir de grandes distances, ce qui augmente les risques de collisions avec des véhicules.
  • La concurrence avec le Vison d’Amérique :
    Le Vison d’Amérique a été importé en France au début du XXe siècle et enfermé dans des fermes d’élevage en raison de la valeur commerciale de sa fourrure. Il a désormais colonisé les réseaux hydrographiques de nombreuses régions suite à l’échappée d’animaux des enclos. Il constitue également une menace directe pour le Vison d’Europe car il occupe le même habitat et une menace indirecte liée aux risques de confusion entre les deux espèces et aux risques de transmission de maladies.
  • Les agents pathogènes :
    La population ouest-européenne est caractérisée par une très faible hétérogénéité génétique ce qui la rend certainement plus vulnérable aux maladies. L’impact de la maladie aléoutienne, présente chez différentes espèces de Mustélidés en Nouvelle-Aquitaine et très probablement diffusée par le Vison d’Amérique, semble limité sur les effectifs de populations du Vison d’Europe. La maladie de Carré, par contre, particulièrement mortelle chez les Mustélidés a pu jouer un rôle non négligeable dans le déclin du Vison d’Europe. Ré-émergente dans de nombreuses populations de Carnivores sauvages, elle continue à représenter une menace pour l’espèce.
  • Les autres menaces :
    La destruction accidentelle par confusion réalisée lors de campagne de lutte contre les espèces classées nuisibles, tel que le Vison d’Amérique, a certainement fortement contribué à la diminution de l’espèce ces dernières années. L’impact des intoxications secondaires aux anticoagulants est aussi bien réel, toutefois la réglementation a évolué et a permis d’en diminuer l’impact sur l’espèce.

Mustélidé victime d’une collision routière © Philippe Jourde / LPO


Vison d’Europe © Gilles Martin/LPO
Répartition historique et actuelle du Vison d’Europe source : UICN, 2016

Boisements alluviaux © Alexis Orseau / LPO

Boisements rivulaires, habitats à Vison d’Europe © Alexis Orseau / LPO

Le programme LIFE Vison

Qu’est-ce-qu’un programme LIFE ?

C’est l’instrument financier de l’Union Européenne dédié au soutien de projets dans les domaines de l’environnement et du climat. Créé en 1992, il contribue à la mise en œuvre, au développement et au renforcement de la politique et de la législation environnementales communautaires en cofinançant des actions pilotes et des projets démonstratifs, d’intérêt européen.

Le volet Nature & Biodiversité
Il finance des projets qui contribuent à la mise en œuvre des Directives européennes dites Oiseaux de 1979 et Habitats, Faune, Flore, à l’origine de la mise en place du réseau Natura 2000 et qui concourent à la volonté de l’Europe de stopper l’érosion de la biodiversité d’ici à 2020.

Ces projets doivent ainsi être développés à l’intérieur du réseau Natura 2000 qui rassemble des sites naturels de l’Union Européenne ayant une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelle qu’ils contiennent.

Les projets sont financés jusqu’à 75 % par l’Union Européenne lorsqu’ils visent des espèces ou des habitats d’intérêt communautaire prioritaires. Le reste est financé par des fonds nationaux : État, Collectivités locales, fonds privés, autres…

Pourquoi un LIFE Vison ?

Le Vison d’Europe est l’une des espèces les plus menacées d’Europe, elle est pour cette raison classée prioritaire en matière de conservation à l’échelle européenne (Directive habitats-Faune-Flore). Selon l’UICN, en France, le Vison d’Europe est l’une des trois espèces de mammifères les plus menacées en France avec l’Ours brun (Ursus arctos) et le Rhinolophe de Méhely (Rhinolophus mehelyi).

En France son aire de répartition s’étend aujourd’hui sur seulement 7 départements du sud-ouest, allant des Pyrénées-Atlantiques à la Charente-Maritime, alors qu’il occupait un territoire deux fois plus vaste il y a vingt ans.

En Charente et Charente-Maritime, des données récurrentes ont toujours été enregistrées. Ainsi au regard des données disponibles, le bassin de la Charente constitue l’un des derniers bastions viables pour cette espèce. De plus, aucune population de Visons d’Amérique, espèce exotique concurrente, n’y est établie.

C’est dans ce contexte que le programme Life Vison Conservation du Vison d’Europe et des espèces et habitats d’intérêt communautaire associés du bassin de la Charente, a été lancé en septembre 2017 afin d’enrayer le déclin de l’espèce et éviter sa disparition.

Quels sont les sites d’intervention ?

Le programme Life Vison est mis en place sur le bassin de la Charente qui représente un secteur d’intervention stratégique et prioritaire pour la conservation du Vison d’Europe en France car aucune population de Vison d’Amérique n’y est établie.

Le projet s’inscrit sur le périmètre de 8 sites Natura 2000, situés sur les départements de la Charente et de la Charente-Maritime.

Objectif : la conservation du Vison d’Europe

L’objectif principal du projet et de maintenir et, idéalement, accroître la population de Vison d’Europe dans le bassin de la Charente. Plus spécifiquement, le projet vise à :

  • Réduire les causes de mortalité du Vison d’Europe : collision routière, piégeage, compétition avec le Vison d’Amérique…
  • Accroître la disponibilité en habitats favorables, sécuriser les secteurs les plus remarquables et restaurer la continuité écologique au sein du bassin.
    Améliorer les connaissances sur la période sensible de reproduction et caractériser les noyaux de population restante pour une meilleure hiérarchisation des enjeux et une gestion adaptée des milieux.
  • Intégrer la conservation du Vison d’Europe dans les politiques locales d’aménagement du territoire tout en sensibilisant les acteurs locaux et le public à la préservation de la qualité de la ressource en eau, des habitats alluviaux et plus généralement de la biodiversité.

Vison d’Amérique © Marie Liabeuf / GREGE


Marais © Ingrid Marchand / LPO

Carte du périmètre d’action du LIFE Vison

Des actions de conservation plannifiées

© Alexis Orseau / LPO

Pour sauver cette espèce dans ses principaux noyaux de population résiduels, le programme Life Vison prévoit des opérations d’amélioration des connaissances sur la répartition, la biologie et l’écologie du Vison d’Europe sur le bassin versant du fleuve Charente :

  • Réalisation de campagnes de détection directe - captures - et indirecte - pièges à poils, pièges photos, tunnels à empreintes… - de l’espèce pour actualiser la cartographie de la présence du Vison d’Europe
  • Suivi des individus capturés et équipés par radiopistage pour l’acquisition de connaissances sur les sites de reproduction et la caractérisation des habitats optimaux de l’espèce.
    Ces actions permettront d’améliorer les connaissances sur le Vison d’Europe, connu pour être une espèce discrète, réduire les causes de sa mortalité, accroître la disponibilité en habitats favorables et intégrer sa conservation dans les politiques locales d’aménagement du territoire.

1. Restauration, aménagement et sécurisation de l’habitat du Vison d’Europe

  • Définition de 500 hectares de zones de préemption au titre des Espaces naturels sensibles et acquisition de 30 hectares par le Conseil départemental de la Charente-Maritime visant à restaurer des habitats et les continuités favorables à l'espèce en Charente-Maritime
  • Rédaction de 10 plans de gestion simplifiés sur les territoires à enjeux
  • Restauration de 25 ha de boisements alluviaux et de 20 ha de magnocariçaies, mégaphorbiaies et cladiaies, restauration ou création de 5 frayères et de 10 mares et création de 40 zones refuges
  • Aménagement de 15 ouvrages d’art en Charente-Maritime pour réduire la mortalité par collision routière

2. Diminution des risques liés aux espèces exotiques concurrentes

  • Surveiller la colonisation du bassin de la Charente par le Raton-laveur et le Vison d’Amérique par détection indirecte - tubes appâtés et radeaux à empreintes - et mettre en place aussitôt des campagnes d’éradication an cas de détection.

3. Diffusion des résultats, formation et sensibilisation des acteurs et du public

  • Organisation de réunions thématiques et de formation, animations à destination des scolaires
  • Rédaction d’un guide de recommandations techniques pour la conservation du Vison d’Europe, rédaction de documents de référence techniques pour les sites hors Life
  • Édition de supports de communication : panneaux et plaquettes d’information, documentaires vidéo, site internet...
    Au-delà du champ d’actions direct de ce LIFE, les efforts de conservation apportés à cette espèce parapluie bénéficieront à de nombreuses autres espèces d’intérêt européen, telles que la Loutre d’Europe et la Rosalie des Alpes, ou habitats associés, tels que les forêts alluviales d’aulne et de frêne.
Vison d’Europe © Gilles Martin / LPO

LIFE Vison : 6 Visons d’Europe identifiés dès la première campagne de recensement !

Les campagnes de recensement sont un outil essentiel pour le suivi des populations rares. Elles permettront d’acquérir davantage de connaissances sur le Vison d’Europe : sa répartition, la période de reproduction, les habitats fréquentés…, et grâce auxquelles des actions de conservation pertinentes et efficaces pourront alors être mises en œuvre telles que la restauration d’habitats naturels ou l’élaboration d’aménagements adaptés.

Le programme Life Vison a débuté en septembre 2017. C’est début mars, au cœur des marais de Rochefort, que les équipes du programme LIFE ont pu capturer six individus - 4 femelles et 2 mâles - en 10 jours, de cette espèce devenue très rare. Ils ont ensuite été relâchés équipés d’une puce.

Le bassin de la Charente, avec ses 8 sites Natura 2000, représente un secteur d’intervention stratégique et prioritaire puisque le Vison d’Amérique n’y a pas de populations établies.

Exemple d’aménagement d’ouvrage d’art : passerelle flottante
© Sylvain Fagart / LPO


Programme LIFE Vison

Ce programme se déroule sur 5 ans du 1er septembre 2017 au 30 novembre 2022,
sur les départements de la Charente et de la Charente-Maritime.
Le budget global du projet est de 3 954 771€.

Bénéficiaire coordinateur : Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)
Bénéficiaires associés : Groupe de Recherche et d’Etude pour la Gestion de l’Environnement (GREGE) ; Conseil départemental de Charente-Maritime (CD17)
Avec le soutien financier de : La Commission Européenne ; LISEA Fondation Biodiversité ; Région Nouvelle Aquitaine ; Agence Française pour la Biodiversité

 

     

Des images rares
à découvrir
ici même :

premier Vison d’Europe recensé !

Au-delà des partenaires directs, le programme Life Vison s’appuie également sur de nombreux partenaires techniques impliqués dans la conservation du Vison d’Europe et de ses habitats : Conseil départemental de Charente ; Association Charente Nature ;
Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ; Centre Régional de la Propriété Forestière ; Syndicats de rivières ;
Fédérations départementales de pêche de Charente et Charente-Maritime ; Agence française pour la biodiversité ;
Centre d’études Techniques et d’Expérimentations Forestières ; Collectivités locales…


lifevison.fr