Étude Évolution de la nature à Paris, de 1730 à nos jours

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La nature à Paris en 1930
La nature à Paris en 1975
La nature à Paris en 2017



L’étude autour de l’évolution de la nature à Paris propose un atlas cartographique inédit. 6 cartes, 1730, 1830,1900, 1930, 1975 et 2017, permettent de saisir les interactions entre les espaces plantés et les espaces bâtis dans Paris au cours de quasiment trois siècles de transformations urbaines, au moment où s’écrit un nouveau contrat entre la ville et la nature. Aujourd’hui, la nature est au cœur de
l’attractivité des villes à la fois alimentaire, environnementale, source de plaisir et de beauté. Elle est un équipement public du
XXIème siècle. On compte aujourd’hui 15 ha d’agriculture urbaine déclarés, soit quasiment le double des années 70, dans
une ville comme Paris, qui par ailleurs a construit de nombreux logements et équipements et augmenté sa surface
d’espace verts publics et privés de près de 400 ha en 40 ans pour atteindre 1420 ha en 2017.

Présentation

En 1730, la nature occupait plus de 73 % des 105 km2 du Paris d’aujourd’hui : 3 820 ha de grandes cultures, 960 ha de maraîchage et 500 ha d’arboriculture auxquels s’ajoutaient 1 200 ha de bois et 450 ha de jardins privés. La ceinture maraîchère qui approvisionnait les parisiens en fruits et légumes occupait les espaces situés au-delà des actuels grands boulevards et les coteaux avoisinants de Belleville - rue du Pressoir -, Montreuil - allée des Pêchers - ou encore Charonne : rue des Grands Champs. En 1845, 1 800 jardiniers- maraîchers étaient encore recensés dans la petite couronne, exploitant des surfaces de 0,5 à 1 ha. À cette époque, 95 % des fruits et légumes consommés par les parisiens étaient produits en Île-de-France. Les parcs et jardins, qui étaient des espaces privés avant la révolution, s’ouvrent peu à peu au public et le premier jardin public ouvre 1848, c’est le jardin de l’archevêché, actuel square Jean- XXIII, situé à l’arrière de Notre-Dame.

Alors que le nombre des espaces verts publics et privés a doublé entre 1900 - 564 ha - et 1975 - 1 072 ha -, le maraîchage disparaît quasiment de Paris dès 1900 : 9,6 ha. Il réapparaîtra ponctuellement sur la zone des fortifications en 1930 avec 153,7 ha pour disparaître à nouveau dans les années 70 : 8,3 ha. Ce phénomène est général dans la zone urbaine dense. La Chambre d’Agriculture d’Île-de-France enregistrait, en 2010, 91 exploitations agricoles en petite couronne, dont seulement 12 % dédiées au maraîchage. La ceinture maraîchère se retrouve aujourd’hui à plus de 100 km de Paris, en Picardie ou encore dans le Val-de-Loire.

Plusieurs dispositifs engagés ces dernières années favorisent le retour du maraîchage en ville au travers d’incitations réglementaires - plantations des toitures, des murs -, de progrès technologiques et de possibilités ouvertes à l’instar du permis de végétaliser, des jardins partagés et des appels à projets comme les Parisculteurs dont le succès va croissant. On compte aujourd’hui 15 ha d’agriculture urbaine déclarés, soit quasiment le double des années 70, dans une ville qui par ailleurs a construit de nombreux logements et équipements et augmenté sa surface d’espace vert public et privés de près de 400 ha en 40 ans : 1 420 ha en 2017.

Au-delà de son rôle nourricier et d’agrément, la nature dans la capitale a toujours eu un rôle essentiel de santé publique. Dès 1833, Rambuteau puis Hausmann, en lien avec les théories hygiénistes, généraliseront la présence des arbres d’alignements dans la capitale portant à 100 000 le nombre d’arbres d’alignement. On reconnaît alors aux alignements un rôle technique de stabilisation et d’assainissement de la chaussée, ainsi que des qualités esthétiques et climatiques.

À partir des années 30, l’urbanisme moderne souligne l’importance de l’introduction de nature dans la vie quotidienne, accompagnant le changement de société initiée par l’apparition des premiers congés payés en 1936 et l’invention de la pratique des loisirs pour tous. Les jardins deviennent espaces verts et accueillent les loisirs quotidiens. Les loisirs hebdomadaires sont portés par les grands parcs - 27 grands parcs de plus de 100 ha en métropole -, les parcs sportifs - 1 600 ha en métropole, dont 214 ha à Paris -, les îles de loisirs - 12 en Île-de-France dont 2 en métropole - et les forêts périurbaines : 6 300 ha en métropole, dont 995 ha à Paris.

En 2017 la nature à Paris est à la fois alimentaire, environnementale, de plaisir et de beauté. Elle est un équipement public du XXIe siècle.


La nature à Paris en 1930




Habitations à Bon Marché, boulevard Brune, rue Lafenestre et rue Didot prolongée, en 1932
© Archives de Paris – 11Fi877

Les jardins maraîchers, les fortifications et le XIIe arrondissement de Paris en 1919
© Charles Lansiaux – Archives de Paris – VO4 70/29


1930 : photo aérienne de 1931, construction des HBM
à la Porte de Vincennes
© IGN

De 1900 à 1930, l’enceinte de Thiers laisse place aux Habitations Bon Marché et au projet d’une ceinture verte. Des cités-jardins se forment intra-muros et des zones pavillonnaires se créent sur les espaces agricoles en périphérie.

On compte près de 2 900 000 habitants en 1931. Paris est alors l’une des capitales européennes les plus densément peuplées, avec 27 522 hab/km². Les limites administratives de Paris intègrent les deux Bois et la zone non aedificandi. Ce sont celles d’aujourd’hui. La nature couvre 25 % du territoire urbanisé de Paris, soit une superficie de 2 586 ha constituée à 34 % de parcs et jardins publics et privés - 890 ha - et 39 % de bois : 999 ha. Les friches végétalisées - 315 ha - et le maraîchage - 154 ha - sont localisées dans l’ancienne zone non aedificandi des fortifications, en pleine reconversion. Les espaces de loisirs, nouvellement créés, couvrent 226 ha, dans les deux Bois : champs de courses, hippodromes, parc zoologique notamment.

Des cités-jardins se créent dans Paris avec la campagne à Paris et Paris Jardins (1909), et hors Paris avec notamment la cité des foyers à Pantin (1912). Dans le même temps, les zones pavillonnaires se multiplient, à l’extérieur de Paris. En 1903, Eugène Hénard dresse un bilan peu optimiste de la répartition et du nombre des espaces libres dans le tissu urbain. La commission d’extension propose ainsi en 1913 la création d’une ceinture verte sur les terrains de l’enceinte et un nouveau réseau de parcs hors Paris. Il faudra attendre la création du service technique centralisé des Promenades, Plantations et Espaces libres pour que la ville complète le réseau de jardins et de voies plantées mis en place sous Haussmann. En 1923, J.C.N. Forestier, alors conservateur de parcs et promenades de Paris, met au point une nouvelle conception du système de parcs de la capitale et engage la création de l’avenue René Coty et de grands squares dans les quartiers jusqu’alors très industrieux, tels que le square Saint-Lambert (1933) et le parc de Choisy (1937). En 1904, le jardin du Champ de Mars, cédé par l’armée à la ville de Paris après l’exposition de 1889, prend sa forme actuelle sous l’impulsion de J.C.N. Forestier et J.C. Formigé, tous deux successeurs d’Alphand à la direction des services.

À partir de 1919 le déclassement des fortifications de Paris amorce les expropriations de la zone, qui accueillait 30 000 habitants au début du siècle. Les années 1920 et 1930 sont marquées par la création des Habitations Bon Marché le long du boulevard des maréchaux en lieu et place des murs et bastions. En 1940, l’ensemble des constructions existant sur la zone non aedificandi des ex-fortifications seront détruites.

L’arbre d’alignement est un élément structurant de ce paysage protéiforme. Le nombre de rues et d’avenues plantées augmente en même temps que l’urbanisation, notamment dans la couronne sud de Paris et en particulier à Montrouge et Maisons-Alfort. Les essences employées sont classiques et peu nombreuses, dominées par le platane, le tilleul et l’érable. Le rôle du jardin dans la ville change, il n’est plus seulement un morceau de nature dans la ville. Il remplit une fonction sociale, il devient une pièce à vivre extérieure et offre des pratiques de sport et de jeux de plein air. En 1924, le projet de ceinture verte sur l’emprise des anciennes fortifications est voté par le conseil de Paris. Il prévoit 24 stades et 180 ha de squares et promenades dont la cité universitaire créée en 1925, le square Séverine (1933), le parc Kellermann (1937), le square de la butte au chapeau rouge (1939) et les squares situés le long du Bois de Boulogne, aménagés entre 1930 et 1934. La ceinture verte s’accompagnera de la création de nombreux terrains de sports et plaines de jeux tels que le stade Pierre de Coubertin, le stade Jean Bouin, le vélodrome du parc des Princes, le stade de la ligue parisienne d’athlétisme et le stade du foyer athlétique du XVIe arrondissement, ainsi que les stades d’Auteuil.

Face à l’étalement urbain, les espaces agricoles se réduisent peu à peu. Certaines parcelles maraîchères demeurent, bien que considérablement réduites, à l’est de Paris, aux abords des anciennes fortifications et dans les communes environnantes de Bobigny, Aubervilliers et Nanterre. En 1929 on compte encore 140 maraîchers installés à Bobigny et 36 à Aubervilliers. Les maraîchers se sont spécialisés au fil du temps pour cultiver des produits fins et coûteux : petits pois, melons, concombres, salades, radis… et développer un savoir-faire unique. À ce titre, on peut lire dans les revues de 1925 qu’une pêche de Montreuil ou un raisin de Thomery sont des objets d’art qu’une civilisation se doit de conserver. Les murs à pêches de Montreuil restent la part la plus importante de l’arboriculture en Seine-Saint-Denis bien qu’elles aient diminuées de près de 100 ha en 30 ans. La surface des grandes cultures diminue, en raison du développement des échanges entre les régions et d’une urbanisation toujours plus étendue. La pression foncière, le mildiou et le phylloxéra auront également raison des vignes parisiennes. En 1910, il ne reste que 2 treilles de vigne à Montmartre. Les jardins familiaux se développent particulièrement dans les périodes de pénurie alimentaire, pendant la première Guerre Mondiale, puis la crise économique de 1930 et à nouveau durant la seconde Guerre Mondiale. En 1913, on recense 23 ha de jardins familiaux, soit 1 515 jardins répartis entre Paris - 530 - et la banlieue verte des maraîchers - Maisons-Alfort, Asnières, Ivry, Vitry, Arcueil, Suresnes - avec 985 jardins. Ils constituent un lien de sociabilité important pour les Parisiens. Les berges de la Seine et de la Marne sont devenues majoritairement industrielles, en particulier les îles Saint-Germain et Seguin à Boulogne-Billancourt - usines militaires, usines Renault -, des berges de Sèvres, de Suresnes - Ateliers de Construction de l’Artillerie -, de Courbevoie - Chantiers Aéronautiques de Lambert Frères - ou encore de Levallois-Perret : usines Citroën. Parallèlement, l’attrait des guinguettes des bords de Marne se renforce dès 1906, quand le repos dominical est imposé. Les Parisiens se déplacent alors en famille ou entre amis, principalement le dimanche, empruntant le vapeur de la ligne de la Bastille ou les bateaux omnibus. Ils viennent profiter d’un cadre champêtre loin de la ville, le temps d’une journée ponctuée de baignades, de joutes nautiques, de parties de pêche et des bals des guinguettes.

La nature à Paris en 1975

Au cours des 30 glorieuses, les espaces verts se multiplient, notamment au cœur des grands ensembles, où ils assument une fonction récréative très importante. L’espace agricole, perçu comme une réserve foncière, recule encore davantage et il ne reste plus que 90 ha de maraîchage à Noisy-le-Sec et 100 à Bobigny en 1970.

Au sortir de la seconde guerre mondiale et au plus fort de sa croissance économique, la ville mute et se modifie en profondeur. Paris, surpeuplée, commence à se vider vers la banlieue avec ses grands ensembles, ses quartiers pavillonnaires et ses villes nouvelles. La population intra-muros passe alors de 2 725 374 habitants en 1946 à 2 299 830 en 1975 : 21 826 hab/km². La nature couvre 23 % du territoire urbanisé de Paris, soit une superficie de 2 441 ha constituée à 40 % de bois - 986 ha - et 44 % de parcs et jardins publics et privés : 1 072 ha. Les espaces de loisirs représentent 12 % - 305 ha - et les espaces enherbés, friches et talus 3 % : 70 ha.

La période de la reconstruction - 1945-1955 -, est principalement marquée par la création des grands ensembles d’habitation. Se développe dans Paris intra-muros jusqu’en 1974 une politique de rénovation urbaine et d’éradication des quartiers insalubres qui entraîne des démolitions importantes de quartiers denses. Ces opérations d’aménagement, dans lesquelles sont appliquées les principes de la charte d‘Athènes (1933) valorisent le rôle social de l’espace vert selon les principes de l’urbanisme moderne, privilégient la construction de bâtiments d’habitat collectif hauts disposés librement dans les parcelles pour libérer le sol au profit de vastes surfaces d’espaces verts. À partir de 1956, le boulevard périphérique occupe une partie des terrains dédiés à la ceinture verte. L’adaptation de la ville à la voiture devient systématique, amenant la réduction des trottoirs et la suppression de nombre de rangées d’arbres d’alignement et la transformation des contre-allées des boulevards et avenues parisiennes en voie de desserte automobile. En 1970, alors que Paris comptait 13 % d’arbres en moins qu’en 1900, Georges Pompidou écrit un vibrant plaidoyer de défense des arbres d’alignement à son premier ministre : J’ai plusieurs fois exprimé en Conseil des Ministres ma volonté de sauvegarder partout les arbres. […] La France n’est pas faite uniquement pour permettre aux Français de circuler en voiture, et, quelle que soit l’importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage. […] La route doit redevenir pour l’automobiliste de la fin du XXe siècle ce qu’était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France. Que l’on se garde donc de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté ! Il faut attendre le POS de 1977 et les premiers projets de reconquête des espaces publics sur l’automobile pour redécouvrir la hiérarchisation végétale des espaces, tout en leur intégrant de nouveau des fonctions sociales, urbaines, paysagères et écologiques. L’urbanisme moderne souligne l’importance de l’introduction de nature dans la vie quotidienne. Ces préconisations accompagnent un changement de société radical initiée par l’apparition des premiers congés payés en 1936 et l’invention
de la pratique des loisirs pour tous. Les jardins deviennent espaces verts. Ils doivent accueillir les loisirs quotidiens. Les loisirs hebdomadaires sont portés par les grands parcs interdépartementaux, les parcs sportifs, les bases de loisirs et les forêts périurbaines.

Les jardins modernes renouent avec la géométrie. Ce style, initié dans les années 30, se structure dans les années 50 - avec Garrett Eckbo, Dan Kiley et Roberto Burle Marx notamment - et étend son influence jusque dans les années 70. Il devient un espace très structuré, dans lesquels s’inscrivent des fonctions singulières. Clarté, rationalisme et simplicité deviennent les maîtres mots. Le jardin à la française redevient une référence. Choix esthétique autant qu’économique, les plantes ne sont plus excessivement taillées et la palette végétale est de plus en plus clairement dictée par l’économie du projet. C’est dans cet esprit que le Parc Kellermann, créé en 1937, est réaménagé en 1960 pour devenir un jardin sportif et un lieu de repos au bord d’un plan d’eau. Au cours des années 60 et 70, la création de jardins publics est moins importante que durant les périodes précédentes. Ce sont les nombreuses opérations de rénovation et de développement urbain qui engendrent la création d’un nouveau type d’espace planté, à l’intérieur des îlots, entre les barres, les tours et les parkings.

À partir des années 1950, le développement du transport frigorifique, l’apparition de la grande distribution, la politique agricole commune - PAC -, le remembrement, les besoins croissant en logement et la crise de la main-d’œuvre agricole favorisent la disparition des productions de proximité et la baisse d’intérêt pour les jardins familiaux, marquant un clivage ville-campagne nouveau. À tel point que l’agriculture ne sera pas prise en compte dans le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne de 1965, où les espaces agricoles sont désignés comme espace libre. Seules les cultures à forte valeur ajoutée ont su persister en proche banlieue. Les grandes cultures de Noisy-le-Sec ont laissé place à l’échangeur des autoroutes A3 et A86. Les cultures maraîchères qui couvraient encore 9 400 ha en 1955 en Île-de-France n’en couvrent plus que 800 en 1970, majoritairement à l’est de Paris : 90 ha à Noisy-le-Sec et 100 ha à Bobigny. Les 4 800 ha de vergers restant en Île-de-France, à la fin des années 70, occupent les buttes au nord de Paris et la vallée de la Seine. En petite couronne, on les observe à Montreuil, Arpajon et en Seine-et-Marne. La poire de qualité - conférence, doyenné du Comice, passe-crassane - était une spécialité régionale. Les cultures florales se développent et se diversifient en proche banlieue. On pouvait compter plus de 1 000 hectares en 1970 autour de L’Haÿ-les-Roses et Fontenay-aux-Roses.

À Paris, pendant l’entre-deux-guerres, les vignes de Montmartre renaissent avec 3 000 pieds de vignes replantés. On entre dans une patrimonialisation du paysage agricole.

La circulation routière s’étend aux berges de Seine, sous l’impulsion du préfet de la Seine, pour faciliter la circulation automobile et supprimer 23 feux rouges. Les 13 km de la première voie sur berge - voie Georges Pompidou - sont inaugurés en 1967 sur la rive droite. La rive gauche est dotée d’une voie rapide de 2 km, du quai Anatole France au quai Branly. Le projet sera interrompu en 1974 du fait de la mobilisation des habitants et associations de défense du paysage au droit de Notre-Dame.

1970 : Plan d’Ensemble de la Région Île-de-France © IGN


Aspect des Grands Boulevards, vers 1810 © gallica.bnf.fr / Bibliothèque Nationale de France

Esplanade des Invalides utilisée comme parking, 1969 © Préfecture de Police
Zone de Vanves au niveau de la porte de La Plaine, 1941 © Mairie de Paris – DU - MCC

La nature à Paris en 2017


Permis de végétaliser à Paris, campagne 2017 © Emilie Chaix/Mairie de Paris

La bergerie de Malassis à Bagnolet (93), chèvres et brebis en écopâturage urbain,
rue A. Blanqui, avec enfants
© Apur – David Boureau

© Sarah Langinieux / Cityside

À partir des années 1980, Paris entreprend plusieurs opérations de reconquête urbaine avec la transformation de ses friches industrielles. Ces mutations accompagnent le regain d’intérêt des citadins pour la nature avec la création de plus de 200 parcs et jardins, de jardins partagés et de projets d’agriculture urbaine.

En 1975, avec la fin des 30 glorieuses, le développement économique parisien ralentit peu à peu, et avec lui la croissance démographique, jusqu’à la fin du XXe siècle. À partir des années 2000, on assiste de nouveau à une croissance démographique et on comptait 2 200 000 habitants en 2014, avec une densité de 21 066 hab/km². La nature couvre 27 % du territoire urbanisé de Paris, soit une superficie de 2 893 ha constituée pour moitié de parcs et jardins publics et privés - 1 421 ha - et à 40 % de bois : 996 ha. Les espaces de loisirs occupent 380 ha, les talus, friches et zones inondables 81 ha et le maraîchage 15 ha. La surface des parcs et jardins a augmenté de 350 ha en quarante ans, principalement dans les arrondissements périphériques. Il en est de même pour les espaces de loisirs - plus 75 ha - et les parcelles maraîchères : plus 15 ha. Depuis les années 1970, une reconquête de friches industrielles et la rénovation urbaine a été mise en place à travers des politiques d’aménagement volontaristes, la création de nombreuses ZAC de grande ampleur qui inclut en leur sein des nouveaux parcs urbains et la politique des grands projets présidentiels qui initient de nouveaux équipements d’échelle nationale : le Centre Pompidou et le Musée d’Orsay (1977), la pyramide du Louvre (1989), le parc de la Villette (1987), notamment. Le POS de 1977 fixe un objectif de 10 m² d’espace vert - public - par habitant, reprenant la circulaire ministérielle du 8 février 1973 sur la politique des espaces verts. Cet objectif motivera la création de plus de 200 parcs et jardins entre 1975 et aujourd’hui. La création de ces nouveaux espaces verts s’inscrit dans l’histoire des grandes transformations de la ville. La fermeture des abattoirs permet de créer le parc Georges Brassens (1975) et le parc de la Villette (1987) ; la reconversion des grands sites industriels engendre les parcs André Citroën (1992) et Bercy (1993). La transformation des emprises ferroviaires permet la création de la promenade plantée (1993), du jardin de l’atlantique (1994), du parc Clichy-Batignolles (2007) et des jardins d’Éole (2007). La reconquête urbaine des infrastructures routières voit naître des jardins sur dalles de grandes dimensions, la couverture de l’A1 (1992), le jardin Serge Gainsbourg (2010), et participe à une reconquête des berges de Seine, depuis le jardin Tino Rossi (1980), jusqu’aux berges rive gauche (2016) et rive droite (2017). Enfin, les grands projets de renouvellement urbain s’accompagnent de nouveaux espaces verts tels que le parc de Belleville (1988) et de nouvelles promenades avec, au nord, les promenades Pereire (1989) et Bernard Lafay (1990), au sud le jardin Vercingétorix-Brune (1986) et l’ouverture partielle de la petite ceinture (2013/2016).

Paris compte environ 100 000 arbres d’alignement en 2017. Après une période d’abattage des arbres d’alignement pour l’élargissement des voies de circulation au cours des années 60 et 70, Paris retrouve un patrimoine arboré équivalent, en nombre, aux legs d’Haussmann. Aujourd’hui, plus de 150 essences d’arbres sont présent sur l’espace public parisien, dominés à 78 % par les essences classiques : platane, marronnier, tilleul et sophora. Les ormes et les robiniers ont presque disparu du paysage parisien.

Paris compte 600 ha d’espaces verts privés faits pour partie de l’héritage historique des grandes institutions, des cités-jardins et des grands ensembles, auxquels s’ajoutent près de 30 ha de murs végétalisés et plus de 44 ha de toitures végétalisées. Tous ces espaces de nature ont des physionomies différentes. Deux faits sont à souligner, d’une part la réapparition d’une forme de nature sauvage dans la ville et d’autre part la montée en force d’un jardinage citoyen. La valorisation d’une nature sauvage en ville s’inscrit dans la lignée de la prise de conscience écologique grandissante depuis la fin des années 1970. Elle sera initiatrice de parcs tels que le jardin en mouvement de Gilles Clément dans le parc André Citroën (1992), le jardin de la Fondation Cartier (1994) ou encore le jardin naturel, rue de la réunion, XXe (1995). Le sauvage en ville sera renforcé à partir de 2014 par l’interdiction d’utiliser des pesticides dans les espaces verts, incitant à une gestion différenciée des espaces. Cette nouvelle orientation des gestionnaires a également favorisé la réintroduction de l’animal en ville ces dernières années, avec des brebis pour tondre les pelouses dans les parcs, ou des chevaux pour travailler dans les bois. Le rôle grandissant des initiatives citoyennes dans la végétalisation de la ville s’inscrit dans un mouvement que l’on peut faire remonter aux années 70/80 avec le mouvement de Guerilla Gardening initié à New-York en 1973 notamment. On note, à Paris, des initiatives spontanées, majoritairement en pots et jardinières disposés en pied d’immeuble. Ces dispositifs permettent de végétaliser des rues entières : rue Crémieux, passage Alexandrine. Plus récemment, le permis de végétaliser (2015) a ouvert le champ de la végétalisation citoyenne aux pieds d’arbres, faisant fleurir des îlots de verdure partout en ville. Parallèlement, on note un regain d’intérêt pour les jardins familiaux, ouvriers et partagés depuis les années 80 et plus intensément dès 2011, suite à la crise économique de 2008. Ce nouvel intérêt citoyen s’est concrétisé par le maintien ou la création de 125 jardins familiaux ou partagés dans les quartiers populaires et périphériques du nord, de l’est et du sud de Paris. Loin des 530 jardins qui participaient à l’alimentation des Parisiens en 1930, ces nouveaux jardins recouvrent une fonction essentiellement sociale et environnementale. Dans les communes voisines, les plus grands jardins de ce type se rencontrent notamment aux abords des forts, à Aubervilliers - 8,1 ha -, Ivry - 8 ha - et Romainville : 1,3 ha. En 1980, les espaces agricoles productifs tels que le maraîchage, les cultures arboricoles et les grandes cultures ont disparus de la petite couronne, pour laisser place aux grands ensembles de logement comme à Fontenay-sous-Bois et à Bobigny, ou à des centres commerciaux, à Rosny-sous-Bois.

Depuis 2013, l’agriculture se redéveloppe dans la capitale où 15 hectares sont cultivés, ce sont notamment les jardins partagés, la ferme de Paris et les vignes existantes à Montmartre, Bercy, Bagatelle, Belleville et dans le parc Georges Brassens ; auxquels s’ajoutent les vergers, ruches, poulaillers et nouveaux agriculteurs urbains colonisant les toits, murs, talus et pieds d’arbres délaissés. Bien que de dimension inférieure aux parcelles agricoles parisiennes des trois derniers siècles, cette nature prend aujourd’hui un sens plus important. La représentation que les habitants ont de cette nature est plus symbolique et la possibilité de la reconquérir la rend plus attractive.

La fermeture à la circulation automobile de la voie Georges Pompidou a permis la redécouverte des bords de Seine par les Parisiens. Cette reconquête permet la création du parc des rives de Seine sur la rive gauche, en 2012, et en 2017 sur la rive droite, pour constituer cet espace de 10 ha en bords de Seine, dédié à la détente, aux loisirs et aux activités sportives. Parallèlement, les activités portuaires se restructurent et s’articulent avec les activités de loisirs, comme c’est le cas sur le port de Tolbiac, au pied de la BNF, notamment.


Étude Évolution de la nature à Paris, de 1730 à nos jours


Cette étude de l’évolution de la nature de 1730 à nos jours a été réalisée dans le cadre de la recherche-action Naturpradi :
Nature(s) urbaine(s) en pratique(s) digitale(s), menée par le laboratoire LAVUE / LAA, financée par l’AAP MODEVAL URBA, Ademe 2016-19.
Directrice de la publication : Dominique ALBA ; Sous la direction de : Christiane BLANCOT
Note réalisée par : Tristan LAITHIER, Yann-Fanch VAULÉON ; Avec le concours de : Hélène IMPINI, Morad KHALOUA
Cartographie et traitement statistique : Alain BEAUREGARD, Marie-Thérèse BESSE

     

Une
cartographie interactive

Les ressources cartographiques présentées ici sont également disponibles par une cartographie interactive. Celle-ci propose de comparer
les 6 cartes de manière à évaluer les modifications de l’occupation de la nature sur le territoire parisien. La mise en perspective des
périodes aide à la compréhension de l’évolution et des particularités de la nature à Paris. Afin d’évaluer les différences avec l’occupation
du sol actuelle, la cartographie interactive permet d’intégrer le territoire parisien d’aujourd’hui. Nous pouvons ainsi examiner et comparer
le tissu urbain actuel avec celui des cinq dates étudiées. Cet outil permet aussi de consulter les plans de référence utilisés. L’analyse de
ces plans donne la possibilité d’observer, de manière détaillée, l’occupation du sol de Paris depuis 1730.

   
apur.org