À vos mares !


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Sécurité, salubrité, santé… Cinq questions courantes sur les mares
La mare dans la construction d’un projet de territoire
Aménagement et gestion : les clés d’un projet réussi



Quels que soient sa taille, son fonctionnement, son état, la mare appelle une attention élargie, qui permet de la relier à une emprise foncière dépassant ses berges, et à un réseau d’espaces publics communaux et/ou de chemins de randonnées. Elle la replace au sein d’un réseau de zones humides, l’intègre dans le fonctionnement écologique du site où elle se trouve et dans la gestion cohérente de ses eaux pluviales.
Elle anticipe et favorise l’appropriation de ce lieu vivant. Petit paysage ordinaire qui tend à s’effacer de lui-même quand il ne subit pas
de destruction anthropique plus rapide, la mare offre un écosystème chaque fois singulier à intégrer dans le projet,
lui aussi singulier, de développement de votre commune. On ne trouvera donc aucune recette toute faite,
mais des indications pour lire dans la mare un milieu et un espace public.

Sécurité, salubrité, santé… Cinq questions courantes sur les mares

À qui appartient une mare ?

Une mare appartient au propriétaire du terrain sur lequel elle se situe. Lorsqu’elle est propriété collective (plusieurs propriétaires pour une parcelle), la mare est considérée comme un bien commun et sa gestion nécessite l’accord de tous les copropriétaires. Lorsqu’elle est mitoyenne (sur deux terrains contigus), elle constitue un bien commun partagé, nécessitant l’accord des deux parties pour toute intervention. Pour s’en assurer, le cadastre est consultable en mairie ou en ligne.

Les riverains s’inquiètent des risques d’accident. Comment assurer la sécurité des usagers ? Qui en est responsable ?

Inquiétude récurrente et légitime, la question de la sécurité ne doit pas être négligée. Toutefois, une mare totalement grillagée n’invite pas à la contemplation. Des moyens permettent de répondre au souci sécuritaire tout en préservant la qualité paysagère du lieu.
Des berges en pente douce, associées à une végétation dense, formeront une protection naturelle. Une haie d’essences locales ou une barrière basse en bois bloqueront l’accès aux jeunes enfants. La pose de clôtures hautes peut ainsi se limiter aux zones à risque : berges raides, en bordure de voirie...
Dans ce cas, le dispositif de protection doit faire l’objet d’une conception particulière, intégrée au projet global. L’installation d’un panneau d’information permettra de sensibiliser les usagers au risque de chute, et de rappeler que, si ces mesures permettent de minimiser les risques d’accidents, rien ne remplace la surveillance parentale.
En cas d’accident, la responsabilité revient au propriétaire de la mare, donc au maire sur un terrain communal. Il lui appartient de prendre les mesures nécessaires pour avertir le public des risques constitués par le caractère du lieu, ou d’en réglementer les conditions d’utilisation. Lors d’une visite encadrée, la responsabilité de l’animateur peut également être engagée.
La réglementation associée aux piscines - notamment l’obligation de clôturer - n’est pas applicable aux mares.

Quelles sont les obligations du maire en matière de salubrité publique ?

Le maire, responsable de la salubrité publique dans sa commune, assure la surveillance des points d’eau (Art L.2213-29 du CGCT). En cas de problème sanitaire lié aux mares, il prescrit aux propriétaires d’exécuter les travaux ou de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les causes d’insalubrité (Art L.2213-31 du CGCT). Il n’a toutefois pas le pouvoir d’ordonner leur suppression depuis la loi Biodiversité (Art 158 de la loi n°2016-1087 du 8 aout 2016). Le règlement sanitaire départemental type précise par ailleurs que le rejet d’eaux usées dans une mare n’est pas autorisé.

Comment éviter la prolifération des moustiques ?

Les moustiques pondent leurs oeufs à la surface des eaux calmes. La mare constitue un lieu propice, tout comme les récipients abandonnés au fond du jardin ! De nombreux organismes aquatiques se nourrissent des larves de moustiques, tandis que certains prédateurs terrestres (chauves-souris, oiseaux, etc.) consomment les adultes. Dans une mare en bonne santé, la régulation des moustiques se fait donc naturellement. Dans le cas d’une mare nouvellement créée, un équilibre s’installera progressivement et les prédateurs des moustiques ne tarderont pas à arriver.
L’utilisation de produits chimiques est à proscrire. Leur toxicité pour les milieux naturels et pour l’homme est reconnue. De la même façon, l’introduction de poissons ne doit pas être généralisée. S’ils consomment les larves de moustiques, ils dévorent également les larves d’autres espèces (amphibiens, invertébrés), influençant négativement la diversité biologique de la mare. Cet usage sera réservé à une étendue d’eau.

Si la mare dégage une mauvaise odeur, que faire ?

Tout d’abord, il s’agit de vérifier qu’aucune substance polluante ne se déverse dans la mare, pouvant expliquer la mauvaise odeur. Celle-ci peut aussi provenir d’un déséquilibre écologique, un problème temporaire qui se réglera de lui-même, avec un peu de patience.
La décomposition de la matière organique en milieu anaérobie (sans oxygène) est responsable des mauvaises odeurs. Le processus de décomposition consomme l’oxygène. Lorsqu’il vient à manquer, une fermentation anaérobie se développe et génère des dégagements de méthane et de composés sulfureux à l’odeur désagréable. Ce phénomène se produit lorsque l’équilibre écologique du milieu est perturbé ou qu’il n’est pas encore atteint (mare jeune). Les plantes contribuent à l’oxygénation de l’eau. Une mare bien ensoleillée et des pentes douces seront propices au développement de la végétation. Dans certains cas, en milieu urbain dense par exemple, la plantation d’espèces locales permettra de donner un coup de pouce à la mare.


Exemple d’aménagement conciliant sécurité et qualité paysagère
(d’après une photo de M. Vergnol / CD77)
C. Briandet / CAUE 91


Le dytique bordé (Dytiscus marginalis), un redoutable carnassier s’alimentant d’insectes
et de leurs larves aquatiques, de têtards et même de petits poissons
François Carrez


La larve de libellule, une redoutable prédatrice consommant crustacés, petits mollusques aquatiques, larves de moustiques et autres insectes aquatiques François Carrez

La mare dans la construction d’un projet de territoire

Connaître le territoire : un pré-requis indispensable


La mare est un site de reproduction indispensable aux odonates,
dont les larves sont aquatiques M. Melin / SNPN

La première étape consiste à recenser les mares, qu’elles soient publiques ou privées, ainsi que l’ensemble des éléments du paysage contribuant à la TVB : linéaires de haies, bosquets, fossés, prairies ou encore massifs forestiers participent, tout comme les mares, aux continuités écologiques. La mare sera ainsi étudiée sous un angle plus large, intégrée à un ensemble de mares et au site qui l’entoure. Les espèces animales et végétales pourront également être inventoriées. La flore, les amphibiens ou encore les odonates (libellules et demoiselles) constituent de bons indicateurs de l’état de santé des mares.

Cet état des lieux de la biodiversité du territoire permettra d’identifier les enjeux et les opportunités d’action, comme une composante d’un projet plurithématique (écologique, paysager, social, économique, etc.).
Les communes peuvent être accompagnées pour la réalisation de ce travail (par un bureau d’étude, une association, un établissement public, etc.). Les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) proposent leur expertise en matière d’aménagement et de gestion des espaces ruraux et urbains. De même, la consultation des acteurs du territoire (associations locales, parcs naturels régionaux, conseils départementaux, etc.) et des bases de données régionales sur la nature et les paysages viendra compléter ces informations. Certains inventaires, sans avoir une valeur réglementaire, permettent d’identifier les atouts et les potentialités du territoire : ZNIEFF, Espaces Naturels Sensibles (ENS), etc.

Les Granges-le-Roi (Essonne) : un réseau de mares comme élément structurant des lisières du village


Les mares comme accroches de la recomposition
des lisières du village Mairie des Granges-le-Roi - CAUE 91
Adossé à la lisière sud du massif forestier de Rambouillet, le territoire communal est riche de quatre mares privées et de deux mares publiques. Ces dernières font l’objet d’une large appropriation par les habitants. La Mare des Champs sur la plaine agricole est une mare familiale, un lieu de rencontre et de séjour intergénérationnel lors des weekends ensoleillés. Sa proximité avec les espaces sportifs et récréatifs fait de la mare un espace public quasi plus fréquenté que la place du village. La Mare Grimoire, située entre les derniers quartiers construits et la lisière forestière, est d’un aspect plus « sauvage », fréquentée par la faune (notamment aviaire) et colonisée par une végétation spontanée. Elle recueille les eaux du plateau agricole et son trop-plein se déverse dans un ruisseau, puis dans l’Orge.

La commune entame aujourd’hui la révision de son document d’urbanisme et prévoit un développement modéré de son urbanisation. Le PLU permettra ainsi de définir dans ses Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) des secteurs de projets plus précis, où les mares seront les accroches de la recomposition des équipements communaux de la lisière du village. La mise en réseau de ces deux mares va permettre de penser une frange de maraîchage, de vergers, de nouveaux équipements et de circulations mixtes… pour constituer une lisière caractérisée et intangible dont les mares seront les armatures et le lien.

Un zonage particulier, N (naturel) ou A (agricole), pourrait être assorti de la mention TVB pour conforter cette trame faite de nouveaux liens de circulations mixtes et d’usages entre les espaces naturels et les espaces publics et récréatifs de la lisière du village.

D’après un entretien avec Jeannick Mounoury, maire des Granges-le-Roi



Le triton ponctué (Lissotriton vulgaris) fréquente les eaux calmes et ensoleillées, exemptes de poissons François Carrez


Les mares, des micro-zones humides mal prises en compte par la réglementation
Marie-Christine Dumoutier / ATENA78

Informer et sensibiliser la population
Informer les habitants avant le début des aménagements favorisera l’acceptation du projet. Les moyens de communication sont multiples :

site internet et bulletin municipal, affichage en mairie, panneau d’information, etc. Des réunions publiques et des visites du site seront l’occasion d’échanger sur le projet et de répondre aux éventuelles inquiétudes. Il pourra même être envisagé d’associer directement les habitants, à travers l’organisation d’un chantier participatif ou d’une activité pédagogique avec les écoles. La mare est ainsi vectrice de lien social, un lieu de rencontres, de partage et de dialogue.

Réunion publique d’information et d’échanges Stephan Goix

Place à la pratique, avec une visite guidée : ici à l’occasion
de la Journée mondiale des zones humides M. Melin / SNPN


Mobiliser les bons leviers pour protéger durablement les mares

S’il n’existe pas de définition juridique propre aux mares, celles-ci sont identifiées en tant que zones humides au regard de la loi sur l’eau de 1992. Elles peuvent également être considérées comme des plans d’eau selon leur dimension et leur profondeur. Leur préservation est déclarée d’intérêt général par le Code de l’environnement (articles L. 211-1 et L. 211-1-1). Cependant, en raison de leur superficie souvent réduite, les mares sont mal prises en compte par la réglementation (législation sur l’eau en particulier). Des outils
(réglementaires, fonciers et contractuels) peuvent être mobilisés pour combler ce vide juridique.

Espèces protégées
Certaines espèces animales et végétales sont protégées, de même que leurs milieux de vie. Les listes des espèces protégées et les modalités de leur protection sont définies par des arrêtés ministériels et disponibles auprès de la DRIEE en Ile-de-France, la DREAL dans les autres régions (1) ou consultables sur le site internet de l’INPN : http://inpn.mnhn.fr.
Par exemple, toutes les espèces d’amphibiens, même à l’état d’oeufs ou de
larves, sont protégées en France.
(1) DRIEE : Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie. DREAL : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

Zonages de protection
Les mares incluses dans certains zonages bénéficient de la protection des habitats et des espèces qu’elles abritent : Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB), réserve naturelle, site Natura 2000, etc. Elles peuvent également être protégées en tant qu’éléments du patrimoine dans le cadre des sites classés ou inscrits.

Acquisition foncière
Elle permet à l’acquéreur de jouir de tous les droits liés à la qualité de propriétaire et, si nécessaire, de déléguer la gestion. La maitrise foncière publique permet donc de protéger durablement ces espaces. Les communes peuvent bénéficier d’aides financières pour l’acquisition de zones humides (cf. page 23). Si la mare est localisée dans une zone de préemption départementale, le Département peut déléguer son droit de préemption à la commune, sous réserve de délibération.

Planification territoriale
La préservation des mares est un objectif fixé par certains Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE), documents de planification des usages de l’eau. Les orientations données par les SAGE sont opposables aux documents d’urbanisme (ScoT, PLUi et PLU) selon un rapport de compatibilité (le document d’urbanisme ne doit pas être contraire ou faire obstacle aux principes fixés par le SAGE). Pour connaître le SAGE en vigueur sur une commune : www.gesteau.eaufrance.fr.

Protéger les mares dans les documents d’urbanisme
Les documents d’urbanisme locaux (PLU et PLUi) constituent pour les communes un outil privilégié pour assurer la protection des mares situées sur leur territoire - qu’elles soient publiques ou privées - et favoriser leur requalification et leur mise en valeur, en respectant la démarche suivante :

  • 1) Présenter les caractéristiques et les fonctions environnementales et écologiques de la ou des mares concernées dans l’état initial de l’environnement du rapport de présentation (Art L.151-4 et R.151-1 du Code de l’Urbanisme) ;
  • 2) Intégrer les enjeux environnementaux et écologiques d’une protection de la ou des mares concernées dans les orientations générales des politiques de protection des espaces naturels et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques du Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) (Art L.151-5 1° du CU) ;
  • 3) Définir les actions et opérations nécessaires pour la gestion, la requalification et/ou la mise en valeur de la ou des mares concernées dans le cadre d’une ou plusieurs Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) (Art L.151-7 1° du CU) ;
  • 4) Identifier et localiser la ou les mares concernées dans le règlement graphique et écrit en tant que secteurs à protéger pour des motifs d’ordre écologique et définir, le cas échéant, des prescriptions de nature à assurer leur préservation (Art L.151-23 du CU). Les espaces et les éléments naturels situés aux abords de ces mares (espaces enherbés, boisements, bosquets et arbres isolés, haies, fossés, etc.) peuvent être identifiés et protégés de la même façon tant pour leur intérêt écologique que paysager. Les travaux ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément identifié en application de l’article L. 151-23 doivent être précédés d’une déclaration préalable (Art R.421-23.h du CU).

Des échanges avec les propriétaires des terrains concernés facilitent leur sensibilisation aux enjeux associés à ces milieux et aux méthodes de gestion écologique. De même, désormais obligatoire dans le cadre de l’élaboration ou la révision du PLU, la concertation publique est l’occasion de sensibiliser les riverains.

Des bénévoles au secours de la mare des Chantereines
(dite des Grenouilles) à Epiais-Rhus (Val d’Oise)


Restauration du pavage de la mare Mairie d’Épiais

La mare restaurée CAUE 95

Ancien abreuvoir à bestiaux d’une superficie d’environ 100 m2 situé au coeur du village, cet ouvrage pavé, cerné de murs en pierres, est restauré durant l’été 2011 à l’initiative de la commune et avec le soutien financier du PNR du Vexin français. La restauration de la mare s’est déroulée dans le cadre d’un chantier de jeunes bénévoles internationaux, l’équipe Concordia, à laquelle se sont joints certains habitants du village. Les agents communaux ont également participé au chantier, ainsi qu’une association d’insertion vexinoise (Vie Vert) et des entreprises locales, mandatées par la commune. L’objectif du chantier est de restaurer l’étanchéité de la mare, en reprenant intégralement les joints du mur d’enceinte et le pavage.
Les cinq semaines de chantier, riches d’échanges et de rencontres, ont permis de créer des liens entre l’équipe de jeunes bénévoles venus des quatre coins du monde et les habitants et enfants du village. Au total, une cinquantaine de personnes se sont impliquées dans ce projet.

D’après un entretien avec Marie Bruyant, maire-adjoint en charge de l’environnement de la ville d’Épiais-Rhus.

Le réaménagement de la mare du Bel-Air,
un projet multifonctionnel au coeur d’un quartier en mutation
(Montreuil, Seine-Saint-Denis)

En 2003, la municipalité amorce la réhabilitation complète du quartier Bel-Air, un chantier d’envergure toujours en cours, avec une volonté forte de redonner une place à l’eau en ville. La gestion des eaux pluviales est par ailleurs une préoccupation majeure, au regard des problèmes d’inondation dans les parties basses de la ville. La mare du quartier est aménagée en 2015.
A l’origine dissimulée derrière une palissade, inaccessible aux riverains, la mare (d’une superficie d’environ 1 300 m2) fait l’objet d’une véritable transformation paysagère. Utilisée au siècle dernier dans l’industrie comme bassin de refroidissement, elle voit une redéfinition totale de ses fonctions.
Elle est le dernier maillon d’un système de collecte et ’assainissement alternatif des eaux pluviales à la parcelle. Avant d’arriver à la mare, les eaux s’écoulent par gravité à travers une succession de massifs drainants, aux propriétés épuratrices. La création de banquettes végétalisées à son pourtour permet de pallier les contraintes structurelles de la mare, peu favorable à l’installation de la biodiversité (forme rectangulaire, berges maçonnées). Maintenues en eau toute l’année, elles sont aménagées pour en faciliter l’accès à la petite faune (amphibiens notamment).
Outre ses fonctions esthétique et paysagère, ayant contribué à améliorer la qualité du cadre de vie des riverains, la mare est un lieu de rencontres et d’échanges, un élément du patrimoine historique devenu l’espace public central du quartier.


La mare du quartier Bel-Air à Montreuil V. Guittet / SNPN

Banquette végétalisée à l’aide de plantes spécifiques des milieux humides, accessible à la petite faune
V. Guittet / SNPN
D’après un entretien avec Marie Puijalon, chef du service ménagement et mobilité durable de la ville de Montreuil.

Aménagement et gestion : les clés d’un projet réussi

La mare est un milieu dynamique, qui tend naturellement à se combler (cf. page 4). La mise en oeuvre d’une gestion adaptée permettra de conserver la mare, de favoriser les espèces qui y vivent et de maintenir les fonctions qu’elle assure. Mais avant le premier coup de pelle, il est indispensable de définir les objectifs et les priorités d’actions à l’échelle du territoire.
En effet, il ne s’agit pas d’intervenir de manière systématique, d’une part en raison des couts liés aux travaux, d’autre part pour éviter l’uniformisation des milieux. La gestion d’un réseau de mares doit plutôt viser le maintien d’une multiplicité des stades d’évolution (du stade pionnier à la mare plus ancienne) dans l’objectif de répondre aux besoins biologiques du plus grand nombre d’espèces. Le choix des secteurs d’intervention pourra également tenir compte du caractère remarquable de certaines mares (espèces protégées, patrimoine culturel ou historique, etc.).
La mise en place d’un suivi est souhaitable afin de conserver l’historique du chantier (calendrier des travaux, cartographie de la mare et des zones d’intervention, matériel utilisé, etc.) et d’évaluer la réussite de l’opération (suivi photographique, inventaire des espèces et des associations végétales).

En pratique…

Une fois le projet élaboré, en concertation avec les acteurs et les usagers, sa mise en oeuvre peut être entreprise, de manière autonome ou en étant accompagné par une structure compétente.Toute intervention engendre une perturbation du milieu. Quelques règles simples permettront de réduire cet impact et de préserver l’équilibre écologique de la mare.

Privilégier les interventions « douces » et prévoir des « zones refuges » pour la faune : en n’intervenant que sur une partie de la mare ou en plusieurs fois ; en limitant la circulation des engins autour de la mare, pour éviter de dégrader les berges.
Intervenir à la bonne période : celle de la reproduction est à proscrire, au risque d’engendrer une mortalité (des pontes, larves, etc.) et un dérangement importants de la faune pendant cette période cruciale. Par exemple, les
amphibiens les plus précoces rejoignent la mare dès le mois de février alors que certains odonates y restent jusqu’à la fin de l’été. L’automne et le début de l’hiver (de septembre à janvier) sont ainsi plus propices pour intervenir.

Eviter l’introduction d’espèces : les poissons par exemple, en se nourrissant des herbiers aquatiques, mais aussi des oeufs et des larves d’autres espèces (amphibiens, invertébrés), influencent souvent négativement la diversité biologique de la mare. De même, les espèces exotiques peuvent avoir un impact potentiellement important sur les espèces locales. Patience donc ! La faune et la flore s’installeront d’elles-mêmes dans un environnement accueillant. Si la colonisation de la mare est très lente (zone urbaine par exemple) ou dans le cadre d’un projet pédagogique, la végétalisation de la mare pourra être envisagée à l’aide de plantes locales, en s’assurant qu’elles ne sont pas protégées.

Éviter de recourir aux produits chimiques à proximité ou dans la mare (désherbants, insecticides, etc.).

Exporter les déchets végétaux hors de la mare : en se dégradant, ils participent à son enrichissement excessif et à son comblement. Les produits de fauche seront évacués, tandis que les branches pourront être disposées en tas aux abords (à quelques mètres ou dizaines de mètres). Elles serviront de refuge aux amphibiens, reptiles et petits mammifères qui occupent toutes sortes de caches en milieu terrestre, et seront également utiles à de nombreux insectes, champignons, etc. liés au bois mort. Les pierres mises à jour lors des travaux, disposées en tas, peuvent également fournir des abris temporaires et des sites d’hivernage.

La création de mares : un levier d’action supplémentaire

Aménager une mare de substitution pour anticiper le comblement progressif de mares plus anciennes, densifier le réseau existant, lutter contre la banalisation des paysages en renforçant la mosaïque de milieux, etc. : la création de mares est un outil de gestion à part entière, complémentaire des actions d’entretien et de restauration. Elle peut être réalisée du début du printemps jusqu’au début de l’automne, quand le sol n’est pas gelé et que le terrain reste praticable (la meilleure période étant la fin d’été - début d’automne, souvent suivie de fortes pluies qui rempliront la mare). Une attention particulière devra être apportée à :
• son emplacement et son rôle dans l’espace public (topographie, contexte paysager, économique, social, intégration aux équipements existants, etc.) ;
• sa structure (forme, profondeur, déclivité des berges) et son ensoleillement, qui influenceront sa capacité d’accueil pour la biodiversité (notamment le développement d’une végétation diversifiée, formant un habitat essentiel pour la faune et participant à l’oxygénation de l’eau) ;
• son étanchéité et son alimentation en eau. Certaines mares (d’abreuvement ou de lutte contre les incendies par exemple) doivent contenir une quantité d’eau minimale en été pour être efficaces.
Enfin, avant de se lancer, il conviendra de vérifier que l’on dispose des moyens nécessaires à sa création, mais aussi à sa gestion (entretien, suivi écologique).


Une mare, avant...

et après intervention, réalisée en début d’hiver : ouverture du milieu par bucheronnage et fauchage partiels


Matérialisation de la zone non concernée par les interventions Marie-Pierre Joubert / ATENA78


Tortue de Floride (Trachemys scripta elegans),
un reptile exotique particulièrement vorace !
Olivier Hépiègne

Un refuge potentiel pour la petite faune des mares AEV

Cadre réglementaire et démarches administratives
Avant de créer, étendre ou restaurer une mare, il est obligatoire de vérifier la compatibilité du projet avec les documents d’urbanisme, les possibles classements en site inscrit, site classé, APPB, réserve naturelle, parc national, site Natura 2000 et les périmètres de protection des captages d’eau potable. Les orientations des SDAGE peuvent également limiter plus ou moins fortement la création de plans d’eau.
En outre, le règlement sanitaire départemental type n’autorise la création de mares qu’à une certaine distance des habitations ou des infrastructures d’eau potable. Enfin, un arrêté ministériel du 27 août 1999, pris en application de la législation sur l’eau, interdit les mares à moins d’une certaine distance du lit mineur des cours d’eau (variable en fonction de la largeur du lit mineur) et interdit à celles-ci de faire obstacle à l’écoulement des eaux en lit majeur.
S’ils existent sur le territoire considéré, il est conseillé de se référer au SAGE et au Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI). Ils peuvent imposer des prescriptions dans le cadre de p
rojet de création et de restauration de mares. Par ailleurs, les procédures d’autorisation ou de déclaration de mare au titre de la loi sur l’eau, éventuellement applicables, sont consultables auprès des services de police de l’eau (cf. page 23).

Création et gestion associative d’une mare à Condé-sur-Vesgre (Yvelines)


Chantier associatif pour la création de la mare du verger C. Briandet / CAUE 91

D’après un entretien avec Claudette Petitjean, Présidente d’AME

La création de cette mare s’intègre dans un projet plus global de création d’un verger communal et associatif, dont l’objectif principal est de restaurer et protéger la biodiversité. Le site est le support pédagogique de nombreuses animations pour les écoles et les habitants des environs. C’est surtout un projet de gestion par les habitants d’un espace communal en friche, entre lisière de village et espaces cultivés.
Ce projet est initié par l’Association Mémoire et Environnement (AME : ame-conde.over-blog.fr) avec le soutien technique (et physique !) de l’Association Terroir et Nature en Yvelines (ATENA78 : www.terroir-nature78.org). L’apport de chacun, leur savoir-faire et leur disponibilité rendent possible son avancée, pas à pas et avec peu de moyens. La création de cette mare agrandit le réseau de mares existant, contribuant à renforcer la Trame verte et bleue et offrant un lieu de vie pour les espèces aquatiques.

Étapes de la création de la mare :

  • Octobre 2015 : creusement de la mare (surface : 100 m2 ; profondeur : 80 cm).
  • Novembre 2015 : remodelage manuel pour améliorer l’étanchéité de la mare et pour aménager des terrasses favorisant l’ancrage des plantes aquatiques. Construction d’abris pour la faune aux abords.
  • Avril 2016 : installation d’un poteau gradué pour contrôler le niveau d’eau, qui servira aussi de perchoir.
  • Observations régulières de la hauteur du niveau d’eau et de l’évolution de la faune et de la flore, qui s’installeront spontanément.

La Société nationale de protection de la nature

Les Conseils d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement

La SNPN est une association reconnue d’utilité publique, a pour missions la protection de la faune, de la flore et des milieux naturels, la sensibilisation et l’éducation à la nature, la participation aux débats scientifiques et l’expertise auprès des pouvoirs publics. Elle est gestionnaire de deux Réserves naturelles nationales en zones humides (les RNN de Camargue et du lac de Grand-Lieu). Elle édite trois publications, à destination du grand public (Le Courrier de la Nature), des professionnels (Zones Humides Infos) et des scientifiques (Revue d’Ecologie - La Terre et la Vie). Elle oeuvre depuis 2007 pour la préservation des zones humides franciliennes à travers différents programmes et notamment, depuis 2010, par le lancement et l’animation de l’inventaire des mares d’Ile-de-France.

snpn.com

Les CAUE d’Ile-de-France sont des organismes départementaux, créés par la loi sur l’architecture de 1977 et réunis en union régionale depuis 2000. Ils sont investis d’une mission de service public pour la promotion et le développement de la qualité architecturale, urbaine et environnementale du territoire. Ils assurent des missions d’information, de sensibilisation, de conseil et de formation, qui prennent appui sur des compétences à la fois techniques et culturelles. Ils interviennent auprès de publics aussi variés que les particuliers, les élus, les collectivités territoriales, les professionnels, les acteurs de l’aménagement du cadre de vie : tous ceux qui recherchent une information, une aide, dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement. Et parce qu’au bord de la mare on rencontre les habitants, la biodiversité, le paysage, l’espace public, le patrimoine, les CAUE lui portent un regard particulièrement attentif.

caue-idf.fr


À vos mares !
Prendre en compte les mares
dans les projets d’aménagement communaux

Guide à l’usage des collectivités territoriales
SNPN & CAUE-IDF, Écriture collective, 2016

Remerciements :

Les auteurs tiennent à remercier Olivier Cizel (juriste en droit de l’environnement), Marie Melin (SNPN) et Jean-Marie Plantard (animateur de réseau, CNVVF)
pour leurs conseils et leur relecture attentive. Merci également à Marie Bruyant (ville d’Epiais-Rhus), Joël Chauvin (ville de Hautefeuille), Patrick Douet (ville de Bonneuil-sur-Marne),
Jeannick Mounoury (ville des Granges-le-Roi), Claudette Petitjean (Association Mémoire et Environnement), Marie Puijalon (ville de Montreuil), Laurent Senftleben (ville de Colombes)
et Chantal Villalard (ville de l’Isle-Adam) pour leur écoute et leur disponibilité.

 


À vos mares !

Prendre en compte
les mares dans les projets d’aménagement communaux

Guide à l’usage
des collectivités territoriales


Cet ouvrage est le fruit d’un travail collectif, coordonné par la SNPN.
Ont contribué à son élaboration :
Chantal Ausseur-Dolléans, Odile Drouilly, Christiane Walter (CAUE 95),
Clément Briandet (CAUE 91),
Anne Demerlé-Got (CAUE 78),
Anne Gaillard (CAUE 94),
Valérie Guittet, Élodie Seguin (SNPN).

snpn.com