Quels
que soient sa taille, son fonctionnement, son état, la mare appelle
une attention élargie, qui permet de la relier à une emprise
foncière dépassant ses berges, et à un réseau
d’espaces publics communaux et/ou de chemins de randonnées.
Elle la replace au sein d’un réseau de zones humides, l’intègre
dans le fonctionnement écologique du site où elle se trouve
et dans la gestion cohérente de ses eaux pluviales.
Elle anticipe et favorise l’appropriation de ce lieu vivant. Petit
paysage ordinaire qui tend à s’effacer de lui-même
quand il ne subit pas
de destruction anthropique plus rapide, la mare offre un écosystème
chaque fois singulier à intégrer dans le projet,
lui aussi singulier, de développement de votre commune. On ne trouvera
donc aucune recette toute faite,
mais des indications pour lire dans la mare un milieu et un espace public.
Sécurité,
salubrité, santé… Cinq questions courantes
sur les mares
|
À
qui appartient une mare ?
Une
mare appartient au propriétaire du terrain sur lequel
elle se situe. Lorsqu’elle est propriété
collective (plusieurs propriétaires pour une parcelle),
la mare est considérée comme un bien commun et
sa gestion nécessite l’accord de tous les copropriétaires.
Lorsqu’elle est mitoyenne (sur deux terrains contigus),
elle constitue un bien commun partagé, nécessitant
l’accord des deux parties pour toute intervention. Pour
s’en assurer, le cadastre est consultable en mairie ou
en ligne.
Les
riverains s’inquiètent des risques d’accident.
Comment assurer la sécurité des usagers ? Qui
en est responsable ?
Inquiétude récurrente et légitime, la question
de la sécurité ne doit pas être négligée.
Toutefois, une mare totalement grillagée n’invite
pas à la contemplation. Des moyens permettent de répondre
au souci sécuritaire tout en préservant la qualité
paysagère du lieu.
Des berges en pente douce, associées à une végétation
dense, formeront une protection naturelle. Une haie d’essences
locales ou une barrière basse en bois bloqueront l’accès
aux jeunes enfants. La pose de clôtures hautes peut ainsi
se limiter aux zones à risque : berges raides, en bordure
de voirie...
Dans
ce cas, le dispositif de protection doit faire l’objet
d’une conception particulière, intégrée
au projet global. L’installation d’un panneau d’information
permettra de sensibiliser les usagers au risque de chute, et
de rappeler que, si ces mesures permettent de minimiser les
risques d’accidents, rien ne remplace la surveillance
parentale.
En cas d’accident, la responsabilité revient au
propriétaire de la mare, donc au maire sur un terrain
communal. Il lui appartient de prendre les mesures nécessaires
pour avertir le public des risques constitués par le
caractère du lieu, ou d’en réglementer les
conditions d’utilisation. Lors d’une visite encadrée,
la responsabilité de l’animateur peut également
être engagée.
La réglementation associée aux piscines - notamment
l’obligation de clôturer - n’est pas applicable
aux mares.
Quelles
sont les obligations du maire en matière de salubrité
publique ?
Le maire, responsable de la salubrité publique dans sa
commune, assure la surveillance des points d’eau (Art
L.2213-29 du CGCT). En cas de problème sanitaire lié
aux mares, il prescrit aux propriétaires d’exécuter
les travaux ou de prendre les mesures nécessaires pour
faire cesser les causes d’insalubrité (Art L.2213-31
du CGCT). Il n’a toutefois pas le pouvoir d’ordonner
leur suppression depuis la loi Biodiversité (Art 158
de la loi n°2016-1087 du 8 aout 2016). Le règlement
sanitaire départemental type précise par ailleurs
que le rejet d’eaux usées dans une mare n’est
pas autorisé.
Comment
éviter la prolifération des moustiques ?
Les
moustiques pondent leurs oeufs à la surface des eaux
calmes. La mare constitue un lieu propice, tout comme les récipients
abandonnés au fond du jardin ! De nombreux organismes
aquatiques se nourrissent des larves de moustiques, tandis que
certains prédateurs terrestres (chauves-souris, oiseaux,
etc.) consomment les adultes. Dans une mare en bonne santé,
la régulation des moustiques se fait donc naturellement.
Dans le cas d’une mare nouvellement créée,
un équilibre s’installera progressivement et les
prédateurs des moustiques ne tarderont pas à arriver.
L’utilisation de produits chimiques est à proscrire.
Leur toxicité pour les milieux naturels et pour l’homme
est reconnue. De la même façon, l’introduction
de poissons ne doit pas être généralisée.
S’ils consomment les larves de moustiques, ils dévorent
également les larves d’autres espèces (amphibiens,
invertébrés), influençant négativement
la diversité biologique de la mare. Cet usage sera réservé
à une étendue d’eau.
Si
la mare dégage une mauvaise odeur, que faire ?
Tout
d’abord, il s’agit de vérifier qu’aucune
substance polluante ne se déverse dans la mare, pouvant
expliquer la mauvaise odeur. Celle-ci peut aussi provenir d’un
déséquilibre écologique, un problème
temporaire qui se réglera de lui-même, avec un
peu de patience.
La
décomposition de la matière organique en milieu
anaérobie (sans oxygène) est responsable des mauvaises
odeurs. Le processus de décomposition consomme l’oxygène.
Lorsqu’il vient à manquer, une fermentation anaérobie
se développe et génère des dégagements
de méthane et de composés sulfureux à l’odeur
désagréable. Ce phénomène se produit
lorsque l’équilibre écologique du milieu
est perturbé ou qu’il n’est pas encore atteint
(mare jeune). Les plantes contribuent à l’oxygénation
de l’eau. Une mare bien ensoleillée et des pentes
douces seront propices au développement de la végétation.
Dans certains cas, en milieu urbain dense par exemple, la plantation
d’espèces locales permettra de donner un coup de
pouce à la mare.
|
Exemple
d’aménagement conciliant sécurité et
qualité paysagère
(d’après une photo de M. Vergnol / CD77) C.
Briandet / CAUE 91
Le
dytique bordé (Dytiscus marginalis), un redoutable
carnassier s’alimentant d’insectes
et de leurs larves aquatiques, de têtards et même
de petits poissons François
Carrez
La
larve de libellule, une redoutable prédatrice consommant
crustacés, petits mollusques aquatiques, larves de moustiques
et autres insectes aquatiques
François Carrez
|
La
mare dans la construction d’un projet de territoire
Connaître
le territoire : un pré-requis indispensable
|
La mare
est un site de reproduction indispensable aux odonates,
dont les larves sont aquatiques M. Melin / SNPN |
La
première étape consiste à recenser les mares,
qu’elles soient publiques ou privées, ainsi que l’ensemble
des éléments du paysage contribuant à la
TVB : linéaires de haies, bosquets, fossés, prairies
ou encore massifs forestiers participent, tout comme les mares,
aux continuités écologiques. La mare sera ainsi
étudiée sous un angle plus large, intégrée
à un ensemble de mares et au site qui l’entoure.
Les espèces animales et végétales pourront
également être inventoriées. La flore, les
amphibiens ou encore les odonates (libellules et demoiselles)
constituent de bons indicateurs de l’état de santé
des mares.
Cet
état des lieux de la biodiversité du territoire
permettra d’identifier les enjeux et les opportunités
d’action, comme une composante d’un projet plurithématique
(écologique, paysager, social, économique, etc.).
Les communes peuvent être accompagnées pour la réalisation
de ce travail (par un bureau d’étude, une association,
un établissement public, etc.). Les Conseils d’Architecture,
d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) proposent
leur expertise en matière d’aménagement et
de gestion des espaces ruraux et urbains. De même, la consultation
des acteurs du territoire (associations locales, parcs naturels
régionaux, conseils départementaux, etc.) et des
bases de données régionales sur la nature et les
paysages viendra compléter ces informations. Certains inventaires,
sans avoir une valeur réglementaire, permettent d’identifier
les atouts et les potentialités du territoire : ZNIEFF,
Espaces Naturels Sensibles (ENS), etc. |
Les
Granges-le-Roi (Essonne) : un réseau de mares comme
élément structurant des lisières
du village
|
Les
mares comme accroches de la recomposition
des lisières du village Mairie des
Granges-le-Roi - CAUE 91 |
Adossé
à la lisière sud du massif forestier de
Rambouillet, le territoire communal est riche de quatre
mares privées et de deux mares publiques. Ces dernières
font l’objet d’une large appropriation par
les habitants. La Mare des Champs sur la plaine agricole
est une mare familiale, un lieu de rencontre et de séjour
intergénérationnel lors des weekends ensoleillés.
Sa proximité avec les espaces sportifs et récréatifs
fait de la mare un espace public quasi plus fréquenté
que la place du village. La Mare Grimoire, située
entre les derniers quartiers construits et la lisière
forestière, est d’un aspect plus «
sauvage », fréquentée par la faune
(notamment aviaire) et colonisée par une végétation
spontanée. Elle recueille les eaux du plateau agricole
et son trop-plein se déverse dans un ruisseau,
puis dans l’Orge.
La commune entame aujourd’hui la révision
de son document d’urbanisme et prévoit un
développement modéré de son urbanisation.
Le PLU permettra ainsi de définir dans ses Orientations
d’Aménagement et de Programmation (OAP) des
secteurs de projets plus précis, où les
mares seront les accroches de la recomposition des équipements
communaux de la lisière du village. La mise en
réseau de ces deux mares va permettre de penser
une frange de maraîchage, de vergers, de nouveaux
équipements et de circulations mixtes… pour
constituer une lisière caractérisée
et intangible dont les mares seront les armatures et le
lien.
Un zonage particulier, N (naturel) ou A (agricole), pourrait
être assorti de la mention TVB pour conforter cette
trame faite de nouveaux liens de circulations mixtes et
d’usages entre les espaces naturels et les espaces
publics et récréatifs de la lisière
du village.
D’après un entretien avec Jeannick Mounoury,
maire des Granges-le-Roi |
|
Le
triton ponctué (Lissotriton vulgaris) fréquente
les eaux calmes et ensoleillées, exemptes de poissons
François Carrez
Les
mares, des micro-zones humides mal prises en compte par la réglementation
Marie-Christine Dumoutier / ATENA78
Informer
et sensibiliser la population
Informer les habitants avant le début des aménagements
favorisera l’acceptation du projet. Les moyens de communication
sont multiples :
site internet et bulletin municipal, affichage en mairie,
panneau d’information, etc. Des réunions
publiques et des visites du site seront l’occasion
d’échanger sur le projet et de répondre
aux éventuelles inquiétudes. Il pourra même
être envisagé d’associer directement
les habitants, à travers l’organisation d’un
chantier participatif ou d’une activité pédagogique
avec les écoles. La mare est ainsi vectrice de
lien social, un lieu de rencontres, de partage et de dialogue. |
Réunion
publique d’information et d’échanges
Stephan Goix |
Place
à la pratique, avec une visite guidée : ici à
l’occasion
de la Journée mondiale des zones humides M.
Melin / SNPN
|
Mobiliser les bons leviers pour protéger durablement les
mares
S’il
n’existe pas de définition juridique propre aux mares,
celles-ci sont identifiées en tant que zones humides au
regard de la loi sur l’eau de 1992. Elles peuvent également
être considérées comme des plans d’eau
selon leur dimension et leur profondeur. Leur préservation
est déclarée d’intérêt général
par le Code de l’environnement (articles L. 211-1 et L.
211-1-1). Cependant, en raison de leur superficie souvent réduite,
les mares sont mal prises en compte par la réglementation
(législation sur l’eau en particulier). Des outils
(réglementaires, fonciers et contractuels) peuvent être
mobilisés pour combler ce vide juridique.
Espèces
protégées
Certaines espèces animales et végétales sont
protégées, de même que leurs milieux de vie.
Les listes des espèces protégées et les modalités
de leur protection sont définies par des arrêtés
ministériels et disponibles auprès de la DRIEE en
Ile-de-France, la DREAL dans les autres régions (1) ou
consultables sur le site internet de l’INPN : http://inpn.mnhn.fr.
Par exemple, toutes les espèces d’amphibiens, même
à l’état d’oeufs ou de
larves, sont protégées en France.
(1) DRIEE : Direction régionale et interdépartementale
de l’environnement et de l’énergie. DREAL :
Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement
et du logement.
Zonages
de protection
Les mares incluses dans certains zonages bénéficient
de la protection des habitats et des espèces qu’elles
abritent : Arrêté Préfectoral de Protection
de Biotope (APPB), réserve naturelle, site Natura 2000,
etc. Elles peuvent également être protégées
en tant qu’éléments du patrimoine dans le
cadre des sites classés ou inscrits.
Acquisition
foncière
Elle permet à l’acquéreur de jouir de tous
les droits liés à la qualité de propriétaire
et, si nécessaire, de déléguer la gestion.
La maitrise foncière publique permet donc de protéger
durablement ces espaces. Les communes peuvent bénéficier
d’aides financières pour l’acquisition de zones
humides (cf. page 23). Si la mare est localisée dans une
zone de préemption départementale, le Département
peut déléguer son droit de préemption à
la commune, sous réserve de délibération.
Planification
territoriale
La préservation des mares est un objectif fixé par
certains Schémas d’Aménagement et de Gestion
des Eaux (SAGE), documents de planification des usages de l’eau.
Les orientations données par les SAGE sont opposables aux
documents d’urbanisme (ScoT, PLUi et PLU) selon un rapport
de compatibilité (le document d’urbanisme ne doit
pas être contraire ou faire obstacle aux principes fixés
par le SAGE). Pour connaître le SAGE en vigueur sur une
commune : www.gesteau.eaufrance.fr.
Protéger
les mares dans les documents d’urbanisme
Les documents d’urbanisme locaux (PLU et PLUi) constituent
pour les communes un outil privilégié pour assurer
la protection des mares situées sur leur territoire - qu’elles
soient publiques ou privées - et favoriser leur requalification
et leur mise en valeur, en respectant la démarche suivante
:
- 1)
Présenter les caractéristiques et les fonctions
environnementales et écologiques de la ou des mares
concernées dans l’état initial de l’environnement
du rapport de présentation (Art L.151-4 et R.151-1
du Code de l’Urbanisme) ;
- 2)
Intégrer les enjeux environnementaux et écologiques
d’une protection de la ou des mares concernées
dans les orientations générales des politiques
de protection des espaces naturels et de préservation
ou de remise en bon état des continuités écologiques
du Projet d’Aménagement et de Développement
Durable (PADD) (Art L.151-5 1° du CU) ;
- 3)
Définir les actions et opérations nécessaires
pour la gestion, la requalification et/ou la mise en valeur
de la ou des mares concernées dans le cadre d’une
ou plusieurs Orientations d’Aménagement et de
Programmation (OAP) (Art L.151-7 1° du CU) ;
- 4)
Identifier et localiser la ou les mares concernées
dans le règlement graphique et écrit en tant
que secteurs à protéger pour des motifs d’ordre
écologique et définir, le cas échéant,
des prescriptions de nature à assurer leur préservation
(Art L.151-23 du CU). Les espaces et les éléments
naturels situés aux abords de ces mares (espaces enherbés,
boisements, bosquets et arbres isolés, haies, fossés,
etc.) peuvent être identifiés et protégés
de la même façon tant pour leur intérêt
écologique que paysager. Les travaux ayant pour effet
de modifier ou de supprimer un élément identifié
en application de l’article L. 151-23 doivent être
précédés d’une déclaration
préalable (Art R.421-23.h du CU).
Des
échanges avec les propriétaires des terrains concernés
facilitent leur sensibilisation aux enjeux associés à
ces milieux et aux méthodes de gestion écologique.
De même, désormais obligatoire dans le cadre de l’élaboration
ou la révision du PLU, la concertation publique est l’occasion
de sensibiliser les riverains.
|
Des
bénévoles au secours de la mare des Chantereines
(dite des Grenouilles) à Epiais-Rhus (Val d’Oise) |
Restauration
du pavage de la mare Mairie d’Épiais
La
mare restaurée CAUE 95
|
Ancien
abreuvoir à bestiaux d’une superficie d’environ
100 m2 situé au coeur du village, cet ouvrage
pavé, cerné de murs en pierres, est restauré
durant l’été 2011 à l’initiative
de la commune et avec le soutien financier du PNR du
Vexin français. La restauration de la mare s’est
déroulée dans le cadre d’un chantier
de jeunes bénévoles internationaux, l’équipe
Concordia, à laquelle se sont joints certains
habitants du village. Les agents communaux ont également
participé au chantier, ainsi qu’une association
d’insertion vexinoise (Vie Vert) et des entreprises
locales, mandatées par la commune. L’objectif
du chantier est de restaurer l’étanchéité
de la mare, en reprenant intégralement les joints
du mur d’enceinte et le pavage.
Les cinq semaines de chantier, riches d’échanges
et de rencontres, ont permis de créer des liens
entre l’équipe de jeunes bénévoles
venus des quatre coins du monde et les habitants et
enfants du village. Au total, une cinquantaine de personnes
se sont impliquées dans ce projet.
D’après
un entretien avec Marie Bruyant, maire-adjoint en charge
de l’environnement de la ville d’Épiais-Rhus.
|
|
Le
réaménagement de la mare du Bel-Air,
un projet multifonctionnel au coeur d’un quartier
en mutation
(Montreuil, Seine-Saint-Denis) |
En
2003, la municipalité amorce la réhabilitation
complète du quartier Bel-Air, un chantier d’envergure
toujours en cours, avec une volonté forte de redonner
une place à l’eau en ville. La gestion des
eaux pluviales est par ailleurs une préoccupation
majeure, au regard des problèmes d’inondation
dans les parties basses de la ville. La mare du quartier
est aménagée en 2015.
A l’origine dissimulée derrière une
palissade, inaccessible aux riverains, la mare (d’une
superficie d’environ 1 300 m2) fait l’objet
d’une véritable transformation paysagère.
Utilisée au siècle dernier dans l’industrie
comme bassin de refroidissement, elle voit une redéfinition
totale de ses fonctions.
Elle est le dernier maillon d’un système
de collecte et ’assainissement alternatif des eaux
pluviales à la parcelle. Avant d’arriver
à la mare, les eaux s’écoulent par
gravité à travers une succession de massifs
drainants, aux propriétés épuratrices.
La création de banquettes végétalisées
à son pourtour permet de pallier les contraintes
structurelles de la mare, peu favorable à l’installation
de la biodiversité (forme rectangulaire, berges
maçonnées). Maintenues en eau toute l’année,
elles sont aménagées pour en faciliter l’accès
à la petite faune (amphibiens notamment).
Outre ses fonctions esthétique et paysagère,
ayant contribué à améliorer la qualité
du cadre de vie des riverains, la mare est un lieu de
rencontres et d’échanges, un élément
du patrimoine historique devenu l’espace public
central du quartier. |
La
mare du quartier Bel-Air à Montreuil
V. Guittet / SNPN
Banquette
végétalisée à l’aide de
plantes spécifiques des milieux humides, accessible
à la petite faune
V. Guittet / SNPN |
D’après
un entretien avec Marie Puijalon, chef du service ménagement
et mobilité durable de la ville de Montreuil.
|
Aménagement
et gestion : les clés d’un projet réussi
|
La
mare est un milieu dynamique, qui tend naturellement à
se combler (cf. page 4). La mise en oeuvre d’une gestion
adaptée permettra de conserver la mare, de favoriser
les espèces qui y vivent et de maintenir les fonctions
qu’elle assure. Mais avant le premier coup de pelle, il
est indispensable de définir les objectifs et les priorités
d’actions à l’échelle du territoire.
En effet, il ne s’agit pas d’intervenir de manière
systématique, d’une part en raison des couts liés
aux travaux, d’autre part pour éviter l’uniformisation
des milieux. La gestion d’un réseau de mares doit
plutôt viser le maintien d’une multiplicité
des stades d’évolution (du stade pionnier à
la mare plus ancienne) dans l’objectif de répondre
aux besoins biologiques du plus grand nombre d’espèces.
Le choix des secteurs d’intervention pourra également
tenir compte du caractère remarquable de certaines mares
(espèces protégées, patrimoine culturel
ou historique, etc.).
La mise en place d’un suivi est souhaitable afin de conserver
l’historique du chantier (calendrier des travaux, cartographie
de la mare et des zones d’intervention, matériel
utilisé, etc.) et d’évaluer la réussite
de l’opération (suivi photographique, inventaire
des espèces et des associations végétales).
En
pratique…
Une
fois le projet élaboré, en concertation avec les
acteurs et les usagers, sa mise en oeuvre peut être entreprise,
de manière autonome ou en étant accompagné
par une structure compétente.Toute intervention engendre
une perturbation du milieu. Quelques règles simples permettront
de réduire cet impact et de préserver l’équilibre
écologique de la mare.
Privilégier
les interventions « douces » et prévoir
des « zones refuges » pour la faune
: en n’intervenant que sur une partie de la mare ou en
plusieurs fois ; en limitant la circulation des engins autour
de la mare, pour éviter de dégrader les berges.
Intervenir à la bonne période : celle
de la reproduction est à proscrire, au risque d’engendrer
une mortalité (des pontes, larves, etc.) et un dérangement
importants de la faune pendant cette période cruciale.
Par exemple, les
amphibiens les plus précoces rejoignent la mare dès
le mois de février alors que certains odonates y restent
jusqu’à la fin de l’été. L’automne
et le début de l’hiver (de septembre à janvier)
sont ainsi plus propices pour intervenir.
Eviter
l’introduction d’espèces : les poissons
par exemple, en se nourrissant des herbiers aquatiques, mais
aussi des oeufs et des larves d’autres espèces
(amphibiens, invertébrés), influencent souvent
négativement la diversité biologique de la mare.
De même, les espèces exotiques peuvent avoir un
impact potentiellement important sur les espèces locales.
Patience donc ! La faune et la flore s’installeront d’elles-mêmes
dans un environnement accueillant. Si la colonisation de la
mare est très lente (zone urbaine par exemple) ou dans
le cadre d’un projet pédagogique, la végétalisation
de la mare pourra être envisagée à l’aide
de plantes locales, en s’assurant qu’elles ne sont
pas protégées.
Éviter
de recourir aux produits chimiques à proximité
ou dans la mare (désherbants, insecticides, etc.).
Exporter
les déchets végétaux hors de la mare
: en se dégradant, ils participent à son enrichissement
excessif et à son comblement. Les produits de fauche
seront évacués, tandis que les branches pourront
être disposées en tas aux abords (à quelques
mètres ou dizaines de mètres). Elles serviront
de refuge aux amphibiens, reptiles et petits mammifères
qui occupent toutes sortes de caches en milieu terrestre, et
seront également utiles à de nombreux insectes,
champignons, etc. liés au bois mort. Les pierres mises
à jour lors des travaux, disposées en tas, peuvent
également fournir des abris temporaires et des sites
d’hivernage.
La
création de mares : un levier d’action supplémentaire
Aménager
une mare de substitution pour anticiper le comblement progressif
de mares plus anciennes, densifier le réseau existant,
lutter contre la banalisation des paysages en renforçant
la mosaïque de milieux, etc. : la création de mares
est un outil de gestion à part entière, complémentaire
des actions d’entretien et de restauration. Elle peut
être réalisée du début du printemps
jusqu’au début de l’automne, quand le sol
n’est pas gelé et que le terrain reste praticable
(la meilleure période étant la fin d’été
- début d’automne, souvent suivie de fortes pluies
qui rempliront la mare). Une attention particulière devra
être apportée à :
• son emplacement et son rôle dans l’espace
public (topographie, contexte paysager, économique, social,
intégration aux équipements existants, etc.) ;
• sa structure (forme, profondeur, déclivité
des berges) et son ensoleillement, qui influenceront sa capacité
d’accueil pour la biodiversité (notamment le développement
d’une végétation diversifiée, formant
un habitat essentiel pour la faune et participant à l’oxygénation
de l’eau) ;
• son étanchéité et son alimentation
en eau. Certaines mares (d’abreuvement ou de lutte contre
les incendies par exemple) doivent contenir une quantité
d’eau minimale en été pour être efficaces.
Enfin, avant de se lancer, il conviendra de vérifier
que l’on dispose des moyens nécessaires à
sa création, mais aussi à sa gestion (entretien,
suivi écologique).
|
Une
mare, avant...
|
et
après intervention, réalisée en début
d’hiver : ouverture du milieu par bucheronnage et fauchage
partiels |
Matérialisation
de la zone non concernée par les interventions
Marie-Pierre Joubert / ATENA78
Tortue
de Floride (Trachemys scripta elegans),
un reptile exotique particulièrement vorace !
Olivier Hépiègne |
Un
refuge potentiel pour la petite faune des mares AEV |
Cadre
réglementaire et démarches administratives
Avant de créer, étendre ou restaurer une mare, il
est obligatoire de vérifier la compatibilité du
projet avec les documents d’urbanisme, les possibles classements
en site inscrit, site classé, APPB, réserve naturelle,
parc national, site Natura 2000 et les périmètres
de protection des captages d’eau potable. Les orientations
des SDAGE peuvent également limiter plus ou moins fortement
la création de plans d’eau.
En outre, le règlement sanitaire départemental type
n’autorise la création de mares qu’à
une certaine distance des habitations ou des infrastructures d’eau
potable. Enfin, un arrêté ministériel du 27
août 1999, pris en application de la législation
sur l’eau, interdit les mares à moins d’une
certaine distance du lit mineur des cours d’eau (variable
en fonction de la largeur du lit mineur) et interdit à
celles-ci de faire obstacle à l’écoulement
des eaux en lit majeur.
S’ils existent sur le territoire considéré,
il est conseillé de se référer au SAGE et
au Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI).
Ils peuvent imposer des prescriptions dans le cadre de projet
de création et de restauration de mares. Par ailleurs,
les procédures d’autorisation ou de déclaration
de mare au titre de la loi sur l’eau, éventuellement
applicables, sont consultables auprès des services de police
de l’eau (cf. page 23). |
Création
et gestion associative d’une mare à Condé-sur-Vesgre
(Yvelines)
|
Chantier
associatif pour la création de la mare du verger
C.
Briandet / CAUE 91
D’après
un entretien avec Claudette Petitjean, Présidente
d’AME |
La
création de cette mare s’intègre dans
un projet plus global de création d’un verger
communal et associatif, dont l’objectif principal
est de restaurer et protéger la biodiversité.
Le site est le support pédagogique de nombreuses
animations pour les écoles et les habitants des environs.
C’est surtout un projet de gestion par les habitants
d’un espace communal en friche, entre lisière
de village et espaces cultivés.
Ce projet est initié par l’Association Mémoire
et Environnement (AME : ame-conde.over-blog.fr) avec le
soutien technique (et physique !) de l’Association
Terroir et Nature en Yvelines (ATENA78 : www.terroir-nature78.org).
L’apport de chacun, leur savoir-faire et leur disponibilité
rendent possible son avancée, pas à pas et
avec peu de moyens. La création de cette mare agrandit
le réseau de mares existant, contribuant à
renforcer la Trame verte et bleue et offrant un lieu de
vie pour les espèces aquatiques.
Étapes
de la création de la mare :
-
Octobre 2015 : creusement de la mare
(surface : 100 m2 ; profondeur : 80 cm).
-
Novembre 2015 : remodelage manuel pour améliorer
l’étanchéité de la mare et
pour aménager des terrasses favorisant l’ancrage
des plantes aquatiques. Construction d’abris pour
la faune aux abords.
-
Avril 2016 : installation d’un poteau gradué
pour contrôler le niveau d’eau, qui servira
aussi de perchoir.
-
Observations régulières de la hauteur
du niveau d’eau et de l’évolution
de la faune et de la flore, qui s’installeront
spontanément.
|
|
La Société nationale de protection de la nature |
Les Conseils d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement |
La
SNPN est une association reconnue d’utilité publique,
a pour missions la protection de la faune, de la flore et des
milieux naturels, la sensibilisation et l’éducation
à la nature, la participation aux débats scientifiques
et l’expertise auprès des pouvoirs publics. Elle
est gestionnaire de deux Réserves naturelles nationales
en zones humides (les RNN de Camargue et du lac de Grand-Lieu).
Elle édite trois publications, à destination du
grand public (Le Courrier de la Nature), des professionnels (Zones
Humides Infos) et des scientifiques (Revue d’Ecologie -
La Terre et la Vie). Elle oeuvre depuis 2007 pour la préservation
des zones humides franciliennes à travers différents
programmes et notamment, depuis 2010, par le lancement et l’animation
de l’inventaire des mares d’Ile-de-France.
snpn.com |
Les
CAUE d’Ile-de-France sont des organismes départementaux,
créés par la loi sur l’architecture de 1977
et réunis en union régionale depuis 2000. Ils sont
investis d’une mission de service public pour la promotion
et le développement de la qualité architecturale,
urbaine et environnementale du territoire. Ils assurent des missions
d’information, de sensibilisation, de conseil et de formation,
qui prennent appui sur des compétences à la fois
techniques et culturelles. Ils interviennent auprès de
publics aussi variés que les particuliers, les élus,
les collectivités territoriales, les professionnels, les
acteurs de l’aménagement du cadre de vie : tous ceux
qui recherchent une information, une aide, dans les domaines de
l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement.
Et parce qu’au bord de la mare on rencontre les habitants,
la biodiversité, le paysage, l’espace public, le
patrimoine, les CAUE lui portent un regard particulièrement
attentif.
caue-idf.fr |
À
vos mares !
Prendre en compte les mares
dans les projets d’aménagement communaux
Guide à l’usage des collectivités
territoriales
SNPN & CAUE-IDF, Écriture collective, 2016
Remerciements
:
Les auteurs tiennent à remercier
Olivier Cizel (juriste en droit de l’environnement),
Marie Melin (SNPN) et Jean-Marie Plantard (animateur de
réseau, CNVVF)
pour leurs conseils et leur relecture attentive. Merci
également à Marie Bruyant (ville d’Epiais-Rhus),
Joël Chauvin (ville de Hautefeuille), Patrick Douet
(ville de Bonneuil-sur-Marne),
Jeannick Mounoury (ville des Granges-le-Roi), Claudette
Petitjean (Association Mémoire et Environnement),
Marie Puijalon (ville de Montreuil), Laurent Senftleben
(ville de Colombes)
et Chantal Villalard (ville de l’Isle-Adam) pour
leur écoute et leur disponibilité.
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À vos mares !
Prendre en compte
les mares dans les projets d’aménagement communaux
Guide
à l’usage
des collectivités territoriales |
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Cet ouvrage est le fruit d’un travail collectif, coordonné
par la SNPN.
Ont contribué à son élaboration :
Chantal Ausseur-Dolléans, Odile Drouilly, Christiane
Walter (CAUE 95),
Clément Briandet (CAUE 91),
Anne Demerlé-Got (CAUE 78),
Anne Gaillard (CAUE 94),
Valérie Guittet, Élodie Seguin (SNPN).
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