Évaluation de l'état de conservation de l’habitat d’intérêt communautaire
3260 Rivières à renoncules
Application à deux sites Natura 2000 d’Île-de-France : le Loing et l’Epte


En 2014, il a été décidé en concertation avec la DRIEE et les animateurs des sites Natura 2000 concernés de tester une méthode
d'inventaire exhaustif des végétations aquatiques sur deux rivières franciliennes en Natura 2000 et aux caractéristiques assez différentes :
le Loing et l'Epte, toutes deux affluentes de la Seine.

En Île-de-France, le réseau Natura 2000 est constitué de 35 sites dont 25 au titre de la directive Habitats-Faune-Flore (DHFF)

Parmi ceux-ci, onze sites sont concernés par des thématiques liées aux cours d'eau, principalement localisés dans la moitié sud de la région (fig. 1), ce qui en fait l'une des composantes principales du réseau Natura 2000 régional. Cinq sites sont même strictement dédiés aux cours d'eau tant du point de vue des habitats que de la faune : poissons surtout ; ils concernent les rivières du Petit Morin, de l'Yerres, du Vannetin, du Dragon, et de l'ensemble Loing/Lunain (fig. 1). Les six autres sites intègrent la thématique cours d'eau au sein d'un ensemble plus large composé d'une mosaïque de milieux et d'habitats de la vallée. Ils concernent l'Epte, la Bassée, la haute vallée de l'Essonne, l'ensemble des basses vallées de la Juine et de l'Essonne et les petits cours d'eau des forêts de Rambouillet et d'Yveline.
Ces milieux sont une composante importante du réseau Natura 2000 francilien. Or, ils étaient jusqu'ici essentiellement abordés sous l'angle de la faune aquatique au détriment de la végétation, voire de la flore non directement concernée : aucune espèce de la DHFF en rivière en Île-de-France. Devant ce constat, il apparaît donc essentiel de s'intéresser à ces milieux sur les aspects habitats pour en avoir une connaissance plus fine. L'habitat d'intérêt communautaire 3260 Rivières des étages planitiaire à montagnard avec végétation du Ranunculion fluitantis et du Callitricho-Batrachion - généralement abrégé en Rivières à renoncules - est le principal habitat concerné en cours d'eau. Considéré d'enjeu modéré par la hiérarchisation régionale sur les habitats de la DHFF, cet habitat, bien que souvent dégradé et en régression, est encore présent sur de nombreuses rivières franciliennes, notamment hors du réseau Natura 2000. De plus, la région ne présente pas de responsabilité spécifique dans la conservation de cet habitat largement réparti au niveau national.
Ces raisons ont conduit la DRIEE et le CBNBP à se lancer dans une réflexion sur cet habitat au niveau régional. Cela a consisté dans un premier temps à la validation de la présence de l'habitat sur certains sites, puis à la mise en place d’un protocole de suivi de son état de conservation basé sur deux sites pilotes en 2014, les zones spéciales de conservation FR 1102005 Rivières du Loing et du Lunain et FR 1102014 Vallée de l'Epte francilienne et ses affluents.

Figure 2 - Exemples de végétations indicatrices de l'habitat 3260 en vallée de du Loing (77) : Potametum pectinato - nodosi (à gauche)
et Sparganio simplicis - Ranunculetum fluitantis (à droite)
TF © CBNBP/MNHN


Figure 1 - Localisation des sites Natura 2000 concernés par des thématiques cours d'eau en Île-de-France (cercles rouges) source : DRIEE, 2015

L’habitat est abordé ici selon une logique biotope et intègre de nombreuses végétations, celles indicatrices mais également les communautés végétales lentiques associées : Lemnetea minoris, Charetea fragilis, Nymphaeion albae, Potamion pectinati, Ranunculion aquatilis (fig. 3). Il est par contre limité aux végétations aquatiques, les végétations amphibies des berges n'étant pas concernées.

Figure 3 - Exemples de végétations associées de l'habitat 3260 : annexe connectée en vallée du Loing (77) du Nymphaeetum albo - luteae (à gauche) et berge abritée en vallée de l'Epte (95) avec groupement à Callitriche obtusangula et Callitriche platycarpa (à droite)
TF © CBNBP/MNHN

Le Loing est un cours d'eau de 166 km de long traversant trois départements, l'Yonne, le Loiret et la Seine-et-Marne, pour se jeter dans la Seine en amont de Paris à l'est du massif de Fontainebleau. Il s'agit d'un cours d'eau de 30 à 70 m de largeur suivant les tronçons en Île-de-France, au cours encore méandré avec de nombreuses îles. Son débit important - 18,5 m3/s à Episy peu avant la confluence avec la Seine - et son régime hydrologique marqué - entre 3 et 300 m3/s suivant les saisons - en font une des principales rivières de la région. La période d’étiage s’étend des mois de juin à août, et les périodes de crue vont généralement de décembre à mars. Les eaux sont basiques et méso-eutrophes à eutrophes, principalement altérées sur les paramètres nutriments et matière organique. Les principales sources de pollution sont à la fois d'origine agricole - production intensive et élevage - et domestique : eaux usées. Le Loing est longé par le canal du Loing qui ne forme qu'une seule entité avec la rivière en deux endroits, où il est dit canalisé : de Nemours à Moncourt-Fromonville et de Moret-sur-Loing jusqu’à la confluence. Dans sa partie francilienne, ce cours d'eau fait partie du site Natura 2000 Rivières du Loing et du Lunain (FR 1102005). Ce site comprend les 38 derniers kilomètres du Loing, pour environ 160 ha, de son entrée en Île-de-France jusqu'à sa confluence avec la Seine et les 19 km du Lunain, affluent direct du Loing. Un inventaire des habitats réalisé en 2010 en canoë avec une cartographie par tronçon avait permis de cartographier la présence de l'habitat 3260 sur 23,06 ha sur le Loing et 1,13 ha sur le Lunain.

Figure 5 - Le Loing à Moret-sur-Loing Alexh © GFDL


Figure 6 - L'Epte au moulin de Fourges
Spedona © GFDL


Résultats floristiques

L'Epte est une petite rivière de 113 km de long traversant cinq départements, la Seine-Maritime, l'Oise, l'Eure, le Val-d'Oise et les Yvelines, pour se jeter dans la Seine en aval de Paris peu après Mantes-la-Jolie. Située au nord-ouest de la région, elle fait une quinzaine de mètres de largeur en moyenne et constitue la frontière avec la région Haute-Normandie sur l'ensemble de son cours francilien. Elle présente un débit de 9,3 m3/s vers la fin de son cours - Fourges - pour un régime régulier oscillant entre 3 et 50 m3/s au cours de la saison, car rejointe dans sa partie aval par des affluents puissamment alimentés par la nappe des plateaux crayeux du Vexin. Suite à l'aménagement de la rivière dans les années 1980, le débit est plus rapide et les crues moins intenses et fréquentes qu'auparavant. La qualité des eaux, principalement basiques et eutrophes, est considérée comme bonne sur le plan physico-chimique sur cette partie de la rivière. Elle intègre partiellement deux sites Natura 2000 : vallée de l’Epte francilienne et ses affluents (FR 1102014) en Île-de-France et vallée de l’Epte (FR 2300152), côté Haute-Normandie, dont les deux DOCOB ont été approuvés en 2010. Ces deux sites comprennent également une partie des coteaux et des affluents de la vallée mais ne sont pas jointifs et complémentaires. Il en résulte que certains tronçons de la rivière ne sont intégrés dans aucun des deux sites Natura 2000. L'ensemble, depuis l'entrée de la rivière en Île-de-France jusqu'à la confluence avec la Seine, représente un linéaire cumulé - bras secondaires compris - d'une quarantaine de kilomètres pour une surface d'une cinquantaine d'hectares. Sur le site francilien, l'habitat 3260 est donné comme couvrant 12,89 ha par le DOCOB, affluents compris, tandis qu'elle est de 25,2 ha sur le site normand, surface obtenue par des prospections en canoë en 2004.

Hormis les espèces les plus patrimoniales qui ont été précisément localisées, des inventaires globaux des espèces aquatiques ont été réalisés par secteurs communaux. Comme toute barrière naturelle, les rivières constituent le plus souvent des limites communales, voire départementales ou régionales, comme dans le cas de l'Epte entre la Haute-Normandie et l'Île-de-France. Au total, les inventaires sur le Loing ont été divisés en dix secteurs d'inventaire floristique et en huit secteurs sur l'Epte, le plus souvent à cheval sur deux communes, parfois trois.
Le tableau récapitulatif (ci-contre) présente l'ensemble des espèces recensées par rivière avec leur statut d'indigénat, de rareté, de protection et de menace en Île-de-France. Au total, 40 espèces végétales aquatiques ou accommodats aquatiques - formes submergées d'espèces terrestres - ont pu être inventoriées sur le Loing et 30 sur l'Epte ce qui les situe parmi les rivières les plus diversifiées de la région et constitue globalement un bon niveau de niveau de diversité floristique pour ces types de milieu. De nombreuses nouvelles stations d'espèces rares ont pu être découvertes dont une redécouverte régionale sur le Loing, l’œnanthe des rivières (Oenanthe fluviatilis), non revue depuis 1931 sur cette rivière. Une néophyte en expansion, la Lentille d'eau à turions (Lemna turionifera), a également été découverte pour la région sur les deux rivières. Celle-ci est certainement plus fréquente dans la région et déjà installée depuis quelques années mais passe facilement inaperçue car de détermination délicate. Au total, sept espèces inscrites à la liste rouge régionale ont été recensées au cours de ces inventaires : une en danger critique d'extinction (CR), deux en danger d'extinction (EN), quatre vulnérables (VU), auxquelles on peut ajouter deux espèces quasi menacées (NT). Une espèce protégée au niveau régional mais non menacée, Zannichellia palustris subsp. palustris, a également été recensée. Une espèce localement subspontanée ou plantée (Nymphaea alba) et six espèces naturalisées ont également été recensées sur ces rivières dont la plupart présentent un potentiel envahissant : l'Azolla fausse fougère (Azolla filiculoides), les élodées (Elodea nuttalii et E. canadensis) et certaines lentilles d'eau (Lemna minuta et L. turionifera). Tous ces résultats montrent l'importance de prospecter ces milieux d'accès difficile, souvent sous-prospectés et recelant une flore particulièrement originale et souvent rare. Les principales espèces emblématiques recensées lors de ces inventaires sont ici brièvement présentées et des cartes de répartition en annexes 4 et 5 donnent les localisations de l'ensemble des stations inventoriées des espèces les plus rares et menacées (CR, EN et VU).

Résultats phytosociologiques

La diversité des végétations aquatiques rencontrés est importante avec quatorze végétations différentes inventoriées dont 11 pour le Loing et 7 pour l'Epte entre les faciès lotiques et lentiques.

Végétations enracinées des eaux courantes (Batrachion fluitantis)
Ces végétations se développent uniquement au niveau des faciès lotiques des cours d'eau. Leur développement est optimal en pleine lumière, au centre du cours d'eau et dans des eaux peu profondes (radier). Elles forment souvent des herbiers submergés, plus rarement flottants, en draperie ondulant dans le sens du courant. Quatre associations ont pu être identifiées sur le Loing et l'Epte dont une seule, de convergence trophique et écologique, est présente sur les deux cours d'eau. Elles se répartissent en fonction de la taille du cours d'eau, du type de substrat, de la qualité physico-chimique des eaux et de la vitesse du courant.

Végétations enracinées des eaux stagnantes
(Nymphaeion albae, Potamion pectinati et Ranunculion aquatilis)
Ces végétations se développent au niveau des faciès lentiques des cours d'eau et dans les annexes connectées. Leur développement est optimal à l'abri du courant au niveau des anses, bras calmes, berges abritées et amonts d'ouvrages. Elles forment des herbiers flottants ou immergés souvent linéaires, supportant un ombrage plus ou moins important. Sept associations ont pu être identifiées sur les deux rivières ; certaines ne sont pas spécifiques des cours d'eau et se retrouvent également dans les systèmes de mares, d'étangs ou de lacs. Elles se répartissent en fonction du type de substrat, de la qualité physico-chimique des eaux et de la variation des niveaux d'eau.

Végétations flottantes libres des eaux stagnantes (Lemnetea minoris)
Ces végétations se développent principalement au niveau d'obstacles, les embâcles, qui obstruent le courant du cours d'eau. Ils sont constitués par des troncs, des branchages ou divers détritus emportés par les eaux lors d’une crue puis bloqués dans le lit de la rivière. Ils entravent très rarement entièrement le lit mineur des deux cours d'eau, uniquement sur quelques bras de l'Epte, et se situent le plus souvent sur les marges ombragées. On retrouve également ces végétations en amont des ouvrages, qui ont le même effet que les embâcles, et sur les canaux liés à ces cours d'eau. Mobiles, elles se déplacent en fonction des crues et ont donc un développement très fluctuant. Elles forment des herbiers flottants, non enracinés et très recouvrant, vert brillant, auxquelles se mêlent beaucoup d'espèces déracinées arrachées par le courant. Deux associations ont pu être identifiées propre à chacune des deux rivières.



Annexe 1 : Carte de localisation des prospections sur le Loing


Annexe 2 : Carte de localisation des prospections sur l'Epte

Habitats présents

Selon les typologies européennes d'habitat, les deux rivières prospectées relèvent des Cours d’eau permanents non soumis aux marées, à débit régulier selon la typologie EUNIS, et Lit des rivières et Végétation immergée des rivières, pour la typologie CORINE biotopes. Les végétations rhéophiles du Batrachion fluitantis peuvent être rattachées aux déclinaisons plus précises de l'habitat Végétations eutrophes des cours d’eau à débit lent et de l'habitat Végétation des rivières eutrophes. La présence de l’habitat de la directive Habitats-Faune-Flore 3260 Rivières à renoncules est avérée sur l'ensemble des cours du Loing et de l'Epte prospectés. Sur chaque cours d'eau, au moins un des polygones de tronçon connectés entre deux ouvrages présente une végétation rhéophile du Batrachion fluitantis indicateur de l'habitat. De ce fait, tout l'hydrosystème connecté est considéré comme fonctionnel et relevant de l'habitat 3260. Au niveau des déclinaisons françaises de l'habitat présentes sur chaque rivière selon le tome 3 sur les habitats humides des cahiers d'habitats Natura 2000 :

  • le Loing peut être rattaché à l’habitat élémentaire 3260-5 rivières eutrophes (d’aval), neutres à basiques, dominées par des Renoncules et des Potamots des cours d'eau basiques assez larges et marqués par la présence du Sparganio simplicis - Ranunculetum fluitantis, du Potametum pectinato - nodosi et l'abondance d'espèces comme Myriophyllum spicatum, Ceratophyllum demersum et Potamogeton nodosus dans les cortèges ;
  • l'Epte se rattache par contre à l’habitat élémentaire 3260-6 Ruisseaux et petites rivières eutrophes neutres à basiques par la présence du Callitrichetum obtusangulae et l'abondance d'espèces comme Zannichellia palustris, Callitriche obtusangula, C. platycarpa et Berula erecta dans les cortèges.

Cet habitat se développe sur le Loing et l'Epte de manière particulièrement remarquable, ces deux rivières constituant certainement l’une des meilleures expressions, avec les noues de la Bassée, des végétations rhéophiles de cours d'eau en Île-de-France. Les végétations du Batrachion fluitantis couvrent respectivement 9,54 ha sur le Loing, soit 6 % de la surface de la rivière, et 5,06 ha sur l'Epte, soit 9,8 % de la surface de la rivière. Ces chiffres sont difficilement comparables aux résultats obtenus par les DOCOB sur ces deux rivières en 2010, à savoir 23,06 ha sur le Loing et 38,09 ha sur l'Epte. En effet, même si on peut considérer que les cartographies d'habitat de l'époque correspondent globalement aux végétations du Batrachion fluitantis, de nombreux biais empêchent une réelle comparaison. Sur le Loing, la cartographie de présence des habitats issue du DOCOB a été effectuée par tronçon, c'est-à-dire que si la végétation indicatrice était présente, alors tout le tronçon inventorié était considéré comme relevant de l'habitat. Sur l'Epte, l'habitat a été cartographié par grands polygones homogènes et a également inventorié sur des secteurs d'affluents non prospectés en 2014. Au contraire, de grandes portions de la rivière n'ont pas été prospectées pour les DOCOB ou ne faisaient pas partie de l'un des deux sites Natura 2000. Cette nouvelle cartographie beaucoup plus fine conduit donc à minimiser les surfaces par rapport aux résultats obtenus par les DOCOB.


Figure 32 - État de conservation de l’habitat 3260 sur le Loing et l'Epte en proportion surfacique

État de conservation par rivière

Les végétations aquatiques sont globalement jugées dans un état de conservation moyen dominant sur les deux rivières, 49 % pour le Loing et 61 % pour l'Epte. Toutefois, avec près de 39 % de végétations en bon état, les communautés du Loing semblent mieux structurées et les cortèges floristiques plus saturés que sur l'Epte, avec 24 % de végétations en bon état de conservation. Les deux rivières présentent une faible proportion, entre 10 et 15 %, de végétations en mauvais état de conservation. Le nombre de végétations différentes rencontrées est plus important sur le Loing - 11 végétations - que sur l'Epte : 7 végétations. Au contraire, le recouvrement des végétations aquatiques est plus important sur l'Epte avec 14,3 % de la rivière couverte contre 10,1 % pour le Loing. Toutefois, ces deux derniers paramètres semblent autant liés aux caractéristiques écologiques propres à chaque cours d'eau - largeur, éclairement, profondeur, substrat... - qu'à son état de conservation : trophie, connectivité, envasement...

Le Loing, en tant que grand cours d'eau, présente plus de niches écologiques favorisant la richesse en végétations et en espèces mais les parties trop profondes du cours d’eau n’abritent que peu d’herbiers. L'Epte offre au contraire moins de niches écologiques mais permet grâce à ses plus faibles profondeurs le développement des végétations sur des surfaces plus importantes. Il faut enfin tenir compte du développement spatial très variable de ces végétations en fonction de la saison et des années, les relevés sur l'Epte ayant été réalisés un mois plus tard que sur le Loing. Les végétations rhéophiles du Batrachion fluitantis, indicatrices de l'habitat, sont en meilleur état de conservation sur le Loing, avec 41,5 % en bon état, que sur l'Epte, avec seulement 22,4 % en bon état. L'écart entre les végétations stagnophiles associées est moins important entre les deux rivières, 34,5 % sont en bon état sur le Loing contre 27,3 % sur l'Epte. On remarquera la plus forte proportion de végétations stagnophiles en mauvais état que de végétations rhéophiles sur les deux rivières, avec 17,2 % contre 9 % sur le Loing et 20 % contre 12,5 % sur l'Epte.

L'état de conservation de l'habitat 3260 Rivières à renoncules n'est jamais optimal - note supérieure à 90 - sur les deux rivières malgré leur fonctionnalité totale sans perte d'habitat. Ceci s'explique par le paysage fortement anthropisé et modifié de plaine dans lequel elles s'écoulent. Les résultats sur l'Epte (fig. 32) corroborent nos observations de terrain avec une large dominance de surfaces dans un état correct (66 %) avec des secteurs altérés (25 %) et dégradés (9 %) principalement localisés sur le tiers aval du cours d'eau, à partir de Gasny. Cette partie du cours d'eau est la plus aménagée, la plus rectifiée avec des tronçons plus courts qui causent une diversité moins importante de la flore et des végétations. L'état de conservation tronçon par tronçon de cet habitat sur l'Epte est présenté en annexe 9. Il était jusqu'ici considéré comme excellent sur le site de l'Epte francilien et moyen sur le site haut-normand selon trois modalités inscrites au formulaire standard de données : excellent, bon, moyen. Les résultats étaient donc opposés entre deux sites qui se juxtaposent pourtant à peu près, en prenant chacun une des berges de la rivière (annexe 1).

Les résultats pour le Loing (fig. 32) sont plus contrastés avec une importante proportion surfacique de l'habitat en état correct (40 %) mais également en état dégradé (44 %). Les secteurs les plus dégradés se situent au niveau des portions canalisées - Nemours et aval - et rectifiées du Loing. L'alternance de tronçons très longs et très courts causée par la densité des ouvrages par endroits créé également une hétérogénéité avec des tronçons dans des états de conservation opposés qui se juxtaposent. L'état de conservation tronçon par tronçon de cet habitat sur le Loing est présenté en annexe 8. Il était jusqu'ici considéré comme bon sur l'ensemble des rivières du Loing et du Lunain avec une typicité moyenne et un intégrité de structure bonne par le document d'objectif.


source : DRIEE, 2015


Localisation du sites Natura 2000
Vallée de l'Epte francilienne et ses affluents
(cercle rouge)


Localisation du sites Natura 2000
Rivières du Loing et du Lunain (cercle rouge)


Exemples d'hydrosystèmes : non fonctionnel (à gauche) en vallée de l'Yerres (77)
et fonctionnel (à droite) en vallée de l'Epte (95)

Les deux rivières étudiées sont complètement fonctionnelles, présentent une diversité végétale importante et des états de conservation plutôt favorables par rapport au reste du réseau hydrologique francilien. Malgré cela, de nombreuses atteintes et menaces pèsent actuellement sur ces cours d'eau. La rectification
de leurs cours, la canalisation et la présence de nombreux ouvrages ont fortement limité la dynamique fluviale avec une disparition progressive des annexes hydrauliques - méandres, anses, bras secondaires, mortes... - conduisant à l'envasement des rivières et à l'érosion des berges, comme sur la partie aval
de l'Epte. Le contexte d'agriculture intensive et d'urbanisation, notamment pour le Loing, où ces rivières s'écoulent provoque également leur pollution
et leur eutrophisation. Enfin, la boisement de plus en plus important des berges sur l'ensemble de l'Epte et sur une partie du Loing limite les
possibilités d'expression des végétations aquatiques. Comme le disaient Muller & Haury, s’il s’avère que l’hydrologie gouverne assez largement
le développement et la dynamique de ces phytocénoses [aquatiques], des erreurs manifestes, à la fois de gestion physique de l’habitat - curages importants, implantation de barrages, boisement excessif des berges des ruisseaux - et d’altération de la qualité de l’eau, sont encore à déplorer dans de nombreux sites
.
Tous ces facteurs conduisent vers une convergence trophique et écologique, une homogénéisation et une perte de biodiversité. La conservation de
l'habitat 3260 rivières à Renoncules sur ces deux cours d'eau doit donc passer par des mesures fortes d'amélioration de leur qualité écologique
par l'effacement d'ouvrages, la limitation des intrants voire le reméandrement ou la remise en lumière des berges par endroits.


Évaluation de l'état de conservation de l’habitat d’intérêt communautaire
3260 Rivières à renoncules
Application à deux sites Natura 2000 d’Île-de-France : le Loing et l’Epte
n

Auteur du rapport : Thierry FERNEZ, CBNBP, délégation Île-de-France
Octobre 2016

Le document téléchargeable ci-dessous a été réalisé par le Conservatoire botanique national du Bassin parisien (CBNBP), délégation Île-de-France, sous la responsabilité de :
Frédéric Hendoux, directeur, Jeanne Vallet, responsable de la délégation Île-de-France,
Conservatoire botanique national du Bassin parisien
Muséum national d’Histoire naturelle.


Le Conservatoire botanique national du Bassin parisien est un service scientifique du Muséum national d’Histoire naturelle.

Ses missions :

  • La connaissance de l'état et de l'évolution de la flore sauvage et des habitats naturels et semi-naturels ;
  • L'identification et la conservation des éléments rares et menacés de la flore et de la végétation in situ et ex situ ;
  • La fourniture aux pouvoirs publics - État, Collectivités territoriales, Établissements publics… -, aux gestionnaires et aux partenaires d'un concours technique et scientifique pouvant prendre la forme de missions d'expertise ;
  • L'information et l'éducation du public à la connaissance et à la préservation de la diversité végétale.

Sa labellisation :

  • un agrément national conféré par le ministère en charge de l’environnement : JO du 07/07/1998, JO du 26/12/2003, JO du 17/05/2010.

Le Conservatoire intervient sur un périmètre constitué de quatre régions - Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Île-de-France -, correspondant au coeur du Bassin parisien.

cbnbp.mnhn.fr

Évaluation de l'état de conservation
de l’habitat d’intérêt communautaire
3260
Rivières à renoncules

Inventaires de terrain :
Thierry Fernez & Julien Mondion, CBNBP ; Alexandre Ferré & Klaire Houeix, FDAAPPMA 77 ; Frédéric Asara & Jérôme Hanol, ANVL ; Céline Przysiecki, Nicolas Fleury, Evéa Mautret, Florie Swoszowski, Nolwenn Quilliec & Alicia Kaci, PNRVF ; Olivier Patrimonio & Sylvie Forteaux, DRIEE-IF ; Yves Chardon, CAPE 27 ; Antoine Verny, CENHN.
Rédaction et mise en page : Thierry Fernez
Relecture et avis : Sophie Auvert, Gaël Causse, Leslie Ferreira, Olivier Patrimonio, Maëlle Rambaud, Jeanne Vallet, Jérôme Wegnez
Cartographie : Leslie Ferreira, Marlène Toulet
Collaborateurs techniques :
Parc naturel régional du Vexin français, Fédération de Seine-et-Marne pour la pêche et la protection du milieu aquatique, Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau, Communauté d'agglomération des portes de l'Eure, Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Normandie